Dermatologie
Marion MORCEL* Ambroise JAGDEV** Camille LEROY*** Maxime GUILLEMIN**** Émilie HASCOET***** Pierre KERIBIN****** Mathieu PROVOST******* Alexandra CLOITRE******** Philippe LESCLOUS********* Élisabeth CASSAGNAU**********
*Unité fonctionnelle de Chirurgie orale, service d’Odontologie restauratrice et chirurgicale, CHU Hôtel-Dieu, Nantes.
**Chef du service d’Anatomie et Cytologie pathologiques, CHU Hôtel-Dieu, Nantes.
Une patiente de 42 ans est adressée par son dentiste traitant pour une lésion interdentaire entre 46 et 47 évoluant depuis plusieurs mois.
La patiente ne présente pas d’antécédents médico-chirurgicaux notables. Aucune intoxication éthylo-tabagique n’est retrouvée lors de l’interrogatoire. Elle décrit une sensation de gêne intermittente avec des douleurs modérées (EVA : 40/100) au niveau du secteur 4...
Une patiente de 42 ans est adressée par son dentiste traitant pour une lésion interdentaire entre 46 et 47 évoluant depuis plusieurs mois.
La patiente ne présente pas d’antécédents médico-chirurgicaux notables. Aucune intoxication éthylo-tabagique n’est retrouvée lors de l’interrogatoire. Elle décrit une sensation de gêne intermittente avec des douleurs modérées (EVA : 40/100) au niveau du secteur 4 postérieur apparue depuis plusieurs mois. Elle n’entraîne ni dysphagie ni altération de l’état général. L’hygiène bucco-dentaire est correcte mais plus difficile à maintenir secteur 4 du fait de la douleur.
Aucune adénopathie cervico-faciale n’est retrouvée à l’examen exo-buccal. À l’examen endo-buccal, on remarque la présence d’une lésion ulcéreuse d’environ 2 mm de diamètre au niveau de la papille interdentaire entre 46 et 47. Elle est non bourgeonnante et suppure légèrement lors de la palpation (figure 1). Aucun syndrome du septum n’est retrouvé à ce niveau. Aucune autre ulcération n’est présente dans le reste de la cavité buccale. Une déminéralisation osseuse du septum interdentaire entre 46 et 47 est visible sur le cliché rétro-alvéolaire avec la constitution d’un probable séquestre (figure 2). Le reste de l’imagerie est normal.
Devant ce tableau clinique atypique, une biopsie gingivale et osseuse au niveau de la papille et du septum entre 46 et 47 ainsi qu’une biopsie osseuse sur le sommet du septum interdentaire sont effectuées. Le compte rendu anatomopathologique indique une hyperplasie de l’épithélium malpighien reposant sur un chorion inflammatoire constitué d’éléments mononucléés lymphocytaires et plasmocytaires. La partie osseuse montre un tissu ostéo-cémentifiant fantomatique entouré de colonies nuageuses bactériennes dont le mode d’agencement s’accorde avec une actinomycose (figure 3).
Le diagnostic d’ostéite actinomycosique est donc retenu. Sous anesthésie locale, un curetage appuyé est alors réalisé au niveau du septum interdentaire permettant de retirer un séquestre osseux de 3 mm de grand axe. Une antibiothérapie (amoxicilline, 2 g/j en 2 prises) est mise en place pendant 1 mois. La patiente est revue en contrôle à la fin de ce traitement. L’aspect gingival s’est nettement amélioré (figure 4). Aucune suppuration n’est retrouvée au niveau du site. La patiente n’a plus de symptomatologie douloureuse.
Actinomyces est une bactérie Gram + anaérobie saprophyte de la cavité buccale. L’ostéite actinomycosique est une pathologie rare. Elle est idiopathique ou secondaire (fracture mandibulaire, geste chirurgical, mauvaise hygiène bucco-dentaire, radiothérapie de la sphère buccale, prise d’anti-résorbants osseux). L’entretien avec la patiente et l’examen clinique ont permis d’exclure toutes ces étiologies. La lésion se présente sous la forme d’une inflammation osseuse locale d’évolution lente sans altération de l’état général.
Le diagnostic repose sur l’examen histologique retrouvant des colonies d’actinomycètes en contact avec l’os alvéolaire. Cet examen permet aussi d’écarter l’hypothèse d’un processus tumoral malin. L’analyse bactériologique est peu fiable et donne lieu à de nombreux faux positifs, notamment en cas d’antibiothérapie au préalable.
Sans traitement, l’extension osseuse de la nécrose se poursuit avec une augmentation des risques infectieux et fracturaires osseux.
La prise en charge associe un geste chirurgical local à une prescription médicamenteuse. Un curetage avec exérèse de l’ensemble du tissu nécrosé doit être effectué et une antibiothérapie par amoxicilline (2 g/j en 2 prises) prescrite pour plusieurs semaines, voire plusieurs mois en fonction de l’extension des lésions et de la réponse au traitement. En cas d’allergie à l’amoxicilline, la clindamycine est elle aussi active sur ce type de germes.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts. Rubrique coordonnée par Philippe LESCLOUS.