Revue de presse
Internationale
L’édentement mandibulaire constitue un problème fréquent dans nos pays européens. De plus, plusieurs études ont montré que des patients présentant de faibles revenus économiques étaient plus à risque de présenter un édentement complet. Ces patients ne sont donc pas à même d’engager des frais trop importants pour des réhabilitations implanto-portées.
La prothèse amovible complète supra-implantaire (PACSI) mandibulaire est usuellement supportée par deux implants...
L’édentement mandibulaire constitue un problème fréquent dans nos pays européens. De plus, plusieurs études ont montré que des patients présentant de faibles revenus économiques étaient plus à risque de présenter un édentement complet. Ces patients ne sont donc pas à même d’engager des frais trop importants pour des réhabilitations implanto-portées.
La prothèse amovible complète supra-implantaire (PACSI) mandibulaire est usuellement supportée par deux implants para-symphysaires. Afin notamment de diminuer les coûts de revient de ces PACSI pour le patient, des études ont été menées pour étudier la fonctionnalité de PACSI supportées par un implant.
Afin de répondre à ces questions, les auteurs ont conduit une étude multicentrique, randomisée, en double aveugle, en testant l’hypothèse suivante : « Les implants médians simples, immédiatement mis en charge, placés pour soutenir des prothèses complètes mandibulaires offriront un taux de survie non inférieur à celui des implants simples mis en charge de manière conventionnelle ».
Cette étude clinique multicentrique prospective allemande s’est déroulée sur 9 centres et les patients ont été suivis pendant 5 ans après l’intervention. Une cohorte de 163 patients a été incluse dans un protocole de pose d’un implant mandibulaire unique (Camlog Biotechnologie - 3,8 × 11 mm) au milieu de la crête résiduelle sans apport osseux préalable ou au cours de l’intervention ; 5 patients ont été exclus de l’étude suite à un manque de stabilité primaire et, au final, 158 patients ont été randomisés dans 2 groupes : le premier quand l’implant était mis en charge immédiatement (n = 81) et le second quand l’implant était mis en charge de manière différée (n = 77).
Tous les patients ont reçu pour la partie prothétique un attachement boule, qui a été intégré dans la base de la prothèse amovible complète existante à l’aide d’une résine, soit le jour de la pose de l’implant (groupe mise en charge immédiate), soit 3 mois plus tard, le jour de la chirurgie de deuxième phase (groupe mise en charge différée).
Les suivis de contrôle ont été effectués 1 mois après la pose de l’implant (uniquement pour le groupe mise en charge différée) puis à 4, 12, 24 et 60 mois après la mise en charge de l’implant.
Différents paramètres ont été enregistrés :
- valeur de l’ISQ (Implant Stability Quotient) mesurant la stabilité primaire de l’implant ;
- sondage et saignements péri-implantaires ;
- complications prothétiques éventuelles et interventions de maintenance.
Les analyses statistiques effectuées sur les 5 ans de suivi ont concerné les taux de survie implantaire, les complications prothétiques ainsi que l’analyse de non-infériorité du taux de survie de l’implant médian au bout de 5 ans.
Les données de 102 patients sur 158 ont été analysées, les autres étant des perdus de vue. Les deux raisons principales des perdus de vue étaient le décès de patients (n = 16) ou la perte de l’implant (n = 11).
Dans le groupe de mise en charge immédiate, 9 implants ont été perdus dans les 3 mois suivant leur pose alors que 2 implants ont été perdus dans le groupe de mise en charge différée (1 au désenfouissement et 1 à 5 ans) ; 16 patients ont été perdus de vue sans raison fournie.
La non-infériorité du taux de survie après 5 ans du groupe à chargement immédiat, par rapport au groupe à chargement différé, n’a pas pu être démontrée (p = 0,79).
Une analyse secondaire a révélé que la différence observée dans la survie des implants entre les 2 groupes de traitement au fil du temps était statistiquement significative (p = 0,011) à la faveur du groupe de mise en charge différée.
Aucune différence statistiquement significative n’a été retrouvée dans la profondeur de sondage entre les 2 groupes.
Dans le groupe de mise en charge conventionnelle, une augmentation statistiquement significative des saignements lors du sondage sur la face linguale des implants a pu être observée.
Concernant les complications prothétiques, la complication la plus fréquente était l’ajustement nécessaire de la rétention lors du suivi. La fracture de la base de la prothèse dans la zone de fixation de la boule s’est produite significativement plus souvent dans le groupe de mise en charge immédiate que dans le groupe de mise en charge différée (p = 0,035).
Une limite de cette étude est le nombre de perdus de vue. Le taux de survie des implants mis en fonction de manière conventionnelle était de 96,2 % à 5 ans. Ces résultats correspondent aux taux de survie estimés pour les implants supportant des prothèses dentaires dans la mandibule, indépendamment du nombre d’implants.
Dans la présente enquête, le taux de survie des implants après 5 ans était de 84,7 % pour le groupe de mise en charge immédiate. Ces données sont en accord avec les données de la littérature. Le niveau de survie des implants dans le groupe mise en charge immédiate est plus bas que ceux retrouvés dans leur revue de la littérature.
Une explication donnée par les auteurs est le fait que cette étude regroupait 9 centres avec des praticiens ayant des niveaux différents (expliquant une différence de dextérité lors de la réalisation prothétique pouvant mener à une fatigue prématurée de l’implant supportant la prothèse), ce qui n’était pas le cas dans les études comparées.
La plupart des cas de perte implantaire ont eu lieu dans les 3 mois suivant la pose de l’implant. Ceci est en accord avec leur revue de la littérature et justifié par le fait que, dans les semaines suivant la pose de l’implant, la stabilité primaire plutôt mécanique est remplacée par l’ostéo-intégration qui, elle, est biologique. C’est pendant cette phase que les implants ont majoritairement été perdus et c’est donc la justification que les auteurs retiennent.
Au niveau prothétique, c’est l’ajustement de la rétention qui a été l’intervention la plus fréquente, ceci est en accord avec les données de leur revue de la littérature.
Enfin, concernant les résultats parodontaux, les saignements au sondage ont été plus nombreux du côté lingual de l’implant dans le groupe de mise en charge classique. La zone linguale de l’attache de la boule semble être le côté le plus difficile à nettoyer, en particulier pour les patients âgés. Les auteurs n’avancent pas d’hypothèse pour expliquer cette différence.
Cette étude est intéressante dans sa réflexion de départ en voulant tester une réhabilitation à moindre coût pour une population fragile et ayant des moyens financiers limités. Néanmoins, elle perd en pertinence clinique en raison du nombre de perdus de vues, de la multiplicité des tests réalisés et du fait d’un résultat non significatif de l’hypothèse principale testée. Ceci diminue son impact.
Enfin, concernant la plus grande fréquence de fracture de prothèse dans le groupe de mise en charge immédiate, les auteurs avancent la raison d’une prothèse non renforcée par un châssis métallique mais cela est le cas dans les deux groupes. En conclusion, la prothèse amovible complète stabilisée par un implant avec mise en charge immédiate ou différée ne peut s’envisager que lors de situations exceptionnelles