Dossier
Jean-Luc VEYRUNE* Pascal AUROY**
*PU-PH, Centre de recherche en Odontologie clinique, UFR d’Odontologie, Unité fonctionnelle d’Implantologie orale, CHU de Clermont-Ferrand.
**PU-PH, Laboratoire de recherche clinique en Prothèse odontologique, UFR d’Odontologie, Unité fonctionnelle d’Implantologie orale, CHU de Clermont-Ferrand.
Lorsque le praticien prothésiste entreprend la réalisation d’une prothèse plurale fixée sur implant, un de ses défis est de mettre en place une armature passive et adaptée. Si la plupart des praticiens impliqués dans les thérapeutiques implantaires sont conscients de cette nécessité, peu ont une vision claire de cette problématique en réalité plus compliquée qu’elle ne paraît. Pourtant, l’inadaptation et le manque de passivité des armatures prothétiques ont de lourdes conséquences sur la pérennité des thérapeutiques implanto-prothétique. Entre passivité et adaptation, quels sont les concepts, les enjeux, et la pratique clinique ?
Il est généralement admis qu’une armature passive est indispensable pour assurer durablement l’équilibre mécanique et biologique de la thérapeutique implantaire en limitant les contraintes permanentes sur les piliers, les vis et l’os entourant les implants. Une armature prothétique est dite passive lorsqu’elle peut être connectée et vissée sans contraindre les implants qu’elle relie [1] (figures 1A et 2A).
Mais une armature parfaitement passive peut néanmoins être inadaptée. En effet, l’adaptation d’une armature est sa capacité à assurer un ajustement intime entre les éléments implantaires et prothétiques des connexions, ce qui leur permet d’étendre la surface des contacts entre eux jusqu’au maximum prévu par l’architecture de la connexion [1]. Ainsi, l’adaptation permet, en optimisant la surface de contact entre l’armature et les piliers ou les implants, d’avoir une transmission des contraintes occlusales de l’armature vers l’implant qui s’exerce dans les conditions mécaniques idéales prévues par le fabriquant. C’est-à-dire, sans jeu et sans concentration ponctuelle des contraintes sur une partie seulement de l’interface entre l’armature et le pilier ou entre l’armature et l’implant. Dans ces conditions, elle permet aussi d’assurer l’étanchéité biologique de la connexion entre l’armature et le pilier ou l’implant (figure 1A).
Ce n’est que sous la pression des sollicitations occluso-fonctionnelles qu’une adaptation déficiente de l’armature sur les implants ou les piliers générera des contraintes anormales sur les différents composants de la prothèse et les tissus péri-implantaires (figure 1C). En effet, une armature inadaptée mais passive ne transmet pas de contrainte permanente aux implants car elle n’est pas en tension (figure 1B). Mais lorsqu’une armature inadaptée et passive est sollicitée par la fonction, la concentration des contraintes, leur dispersion anarchique, les jeux éventuels ainsi que la perte de l’étanchéité biologique des connexions finissent par entraîner la perte de l’os et/ou de la vis, la fracture des composants et, enfin, la perte de l’implant, de la prothèse ou des deux [2, 3] (figure 1C).
Une armature non passive peut néanmoins être adaptée en la contraignant lors de son vissage sur les implants ou les piliers, afin qu’elle s’assoie complètement sur les connexions implantaires, au prix de déformations plastiques et surtout élastiques. Mais les contraintes permanentes qu’exerce alors l’armature en tension sur les implants et/ou les piliers ont des conséquences délétères sur les composants prothétiques et l’os environnant (figure 2D).
S’il est aisé, pour des raisons didactiques, de parler de passivité et de non-passivité de l’adaptation, il n’en est pas de même en clinique où les armatures non passives sont rarement adaptées et où les armatures parfaitement adaptées et passives sont très difficiles à obtenir [2].
Quoi qu’il en soit, la passivité et l’adaptation concourent au même objectif ; la mise en place d’une armature qui ne générera pas par elle-même de contrainte sur les implants (passivité) et qui transmettra les contraintes occlusales aux implants par la totalité de la surface de leur connexion (adaptation), en assurant l’étanchéité des interfaces entre l’armature et le pilier ou l’implant.
Les causes comme les conséquences de la non-passivité ou de l’inadaptation des armatures sont multiples et complexes. Les conséquences des déviations horizontales ou angulaires seront plus importantes que celles d’un défaut vertical seul. En effet, le défaut horizontal sera responsable essentiellement d’infiltration bactérienne avec des conséquences principalement biologiques [3].
Cependant, il est très fréquent que, sur une même armature, en fonction de la qualité des empreintes et de la compétence du laboratoire de prothèse, les erreurs se soustraient plus qu’elles ne s’ajoutent pour aboutir à une armature plus ou moins passive et plus ou moins adaptée. Il conviendrait donc de s’accorder sur un niveau de tolérance cliniquement acceptable mais aucune valeur consensuelle n’a pu être trouvée dans la littérature scientifique, nous le verrons plus loin.
Une armature avec des défauts d’adaptation peut être passive si on applique un jeu suffisant entre l’armature et le pilier ou l’implant pour annihiler ces inadaptations (figure 1B). C’est ce qui se produit avec les armatures scellées où l’espace dévolu au ciment crée un jeu qui permet de rendre passive une armature inadaptée [4].
Il est difficile d’estimer la part respective des facteurs qui peuvent conduire à l’échec implantaire. La passivité et l’inadaptation de l’armature peuvent être mises en cause au même titre que l’occlusion ou les conditions dans lesquelles s’est déroulée la chirurgie, sans oublier le terrain que constitue le patient.
Il existe peu d’étude pertinentes chez l’homme analysant l’impact d’une armature prothétique fixée non passive. Katsoulis, et al., dans une revue de littérature publiée en 2017, ne peuvent inclure que 5 études chez l’homme [3]. Parmi celles-ci, 2 seulement évaluent la réponse biologique et les complications techniques de façon prospective sur une période de 6 à 12 mois. En effet, il est très difficile d’évaluer la passivité des armatures in vivo, essentiellement en raison des moyens techniques mis en œuvre dans les études in vitro faisant appel à des technologies qui ne peuvent être utilisées cliniquement [1].
Pour tendre vers la passivité et l’adaptation et faciliter le travail du prothésiste au laboratoire, les implants devront être positionnés le plus parallèlement possible et émerger à l’aplomb du volume des futures dents placées dans le couloir prothétique. Cela peut sembler une évidence mais, en fonction des difficultés anatomiques, de l’habileté ou de la conscience prothétique du chirurgien, des compromis chirurgico-prothétiques peuvent s’imposer. Cependant, afin qu’ils ne compromettent pas le traitement, ils doivent être validés et respectés par tous les praticiens qui mettent en œuvre la thérapeutique. Il semble donc actuellement indispensable, grâce aux moyens informatiques mis à notre disposition, de passer par une étape de planification de la chirurgie impliquant le praticien qui mettra en œuvre la thérapeutique prothétique en incluant un montage directeur virtuel afin de répartir et d’orienter au mieux les implants en fonction de la prothèse envisagée. Cette planification devra être validée par tous les praticiens impliqués dans le traitement. Elle permettra d’anticiper la nécessité, par exemple, d’anguler un implant et de prévoir le pilier adapté pour retrouver le parallélisme perdu sous les contraintes anatomiques. Suite à cette planification, la confection d’un guide de forage ou une « navigation guidée » matérialisera le projet chirurgical et constituera une garantie supplémentaire au positionnement idéal des implants les uns par rapport aux autres dans le respect des objectifs prothétiques. La chirurgie ne doit plus être subie mais doit être anticipée.
Pour réaliser une prothèse plurale sur implants, 3 possibilités existent :
- « directe implant », c’est-à-dire que la connexion implant/prothèse sera solidaire de l’armature et s’engagera directement dans l’implant. Elle sera généralement maintenue par une vis ;
- en utilisant un pilier pour prothèse vissée ;
- en utilisant un pilier pour prothèse scellée. Cette structure intermédiaire entre l’implant et la prothèse constitue un étage supplémentaire sur lequel sera vissée ou scellée la prothèse.
Elle sera beaucoup plus exigeante en termes de parallélisme des implants. En effet, l’emmanchement précis des connexions qui vont fixer l’armature aux implants impose un axe d’insertion unique, donc des implants très peu divergents et une armature prothétique fidèle sans quoi l’adaptation sera incomplète sur certains implants et la passivité perdue, ceci indépendamment de la qualité de l’empreinte.
Dans l’absolu, une armature « directe implant » ne peut être passive que lorsque les implants sont strictement parallèles ou après une mise en charge immédiate lorsque la cicatrisation avant la phase de reconstruction osseuse permettra la relaxation des contraintes imposées aux implants par l’armature non passive grâce au micro-déplacements des implants dans le tissu osseux en reconstruction.
De nos jours, nombre de prothèses plurales étant directement connectées aux implants sans pilier, des contraintes importantes sont parfois transmises aux implants. Ces contraintes sont d’autant plus fortes que les couples de serrage exigés sont plus importants pour connecter l’armature directement aux implants que ceux recommandés pour visser la prothèse sur les piliers.
Les conséquences seront un très haut niveau de contrainte exercé sur les tissus de soutien des implants pour des espacements comparables, autrement dit moins de passivité pour une adaptation identique [5]. De plus, l’utilisation de matériaux métalliques ou céramiques très rigides, comme les aciers au cobalt-chrome ou l’oxyde de zirconium, maintient un haut niveau de contrainte comparativement aux armatures en or utilisées au début de l’implantologie dentaire dont la ductilité permettait la relaxation des contraintes et la passivité à terme des armatures.
Les prothèses fabriquées en « directe implant » vont donc exiger une attention particulière à toutes les étapes de la réalisation. Depuis la chirurgie, pour mettre en place des implants rigoureusement parallèles, à la clinique prothétique, pour réaliser des empreintes précises et fiables, en passant par le laboratoire de prothèse dont la qualité des travaux doit être irréprochable.
Contrairement au « directe implant », l’utilisation de piliers présente plusieurs avantages. Les piliers sont vissés individuellement et bloqués au couple recommandé par le fabriquant. Ils seront nécessairement passifs et adaptés aux implants, si tant est qu’ils soient rigoureusement fabriqués et vissés au couple prescrit. Ainsi, ils vont assurer l’étanchéité de la connexion par la couverture hermétique des implants et empêcher l’infiltration bactérienne entre le pilier et l’implant.
Avec une armature « direct implant », au contraire, tout défaut d’adaptation, en plus de la perte de passivité, créera un espace de prolifération bactérienne potentiel qui, sous les contraintes occlusales cycliques, propulsera dans le péri-implant sa soupe pro-inflammatoire (figure 1B). De plus, les piliers pour prothèse vissée présentent sur leur interface avec la prothèse une connexion généralement conique et cette conicité importante facilite l’insertion de l’armature et promeut la passivité. Au-delà, dans les cas qui nécessitent pour des impératifs anatomiques des compromis quant à l’angulation de certains implants, la possibilité d’utiliser des piliers angulés permet de résoudre la plupart des problèmes de parallélisme et contribue ainsi à la passivité et à l’adaptation de l’armature [6].
Elle est reconnue comme étant celle qui offre le plus de garantie de passivité. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de piliers sur mesure qui ont été parallélisés au laboratoire de prothèse. L’espace aménagé dans l’intrados de l’armature pour laisser la place au ciment assure un espacement également promoteur de la passivité de l’armature. L’adaptation et l’étanchéité sont alors dévolues au ciment qui comble l’espacement.
Cependant, deux reproches peuvent être relevées à l’encontre de la prothèse scellée sur implant : la difficulté de réintervention pour tout ce qui concerne la maintenance et les fusées du ciment dans l’espace péri-implantaire responsables de mucosites qui peuvent évoluer en péri-implantites si elles ne sont pas éliminées.
L’usage de piliers anatomiques sur mesures plutôt que de piliers standards permet de minimiser les risques liés au ciment. En effet, le congé large situé à proximité du niveau juxta-gingival qui est usiné dans le pilier anatomique sur mesure facilite le contrôle et l’élimination des excès de ciment.
Une armature passive ne peut être issue que d’une empreinte précise. Cependant, aucune technique d’empreinte ne peut garantir l’obtention d’une armature absolument passive [7].
L’empreinte en implantologie ne consiste pas en un enregistrement précis des limites du col implantaire. Celui-ci est fourni par le vissage sur l’implant du transfert, pièce usinée aux cotes de l’implant, qui sera emporté ou replacé dans l’empreinte après dévissage. En fait, il s’agit uniquement d’une empreinte de positionnement dans laquelle c’est l’enregistrement de la position spatiale de chaque implant qui doit être exacte. Il a bien été démontré que, pour les empreintes pick-up physico-chimiques, le matériau de choix est le polyéther de type Impregum utilisé avec un porte-empreinte individuel rigide [8]. Une fois complètement polymérisé, il offre des qualités mécaniques parfaitement adaptées aux exigences de ce type d’empreinte.
Mais actuellement, en ce qui concerne les empreintes de positionnement d’implant unitaire, la référence est sans conteste l’empreinte optique intra-orale. En effet, cette technologie, qui a fait ses preuves par la clinique, permet de transférer au laboratoire la position de l’implant sans intervention humaine susceptible de déformer la réalité, sans déformation du matériau d’empreinte, sans altération de la position du transfert lors de son vissage sur la réplique et sans les aléas de la coulée du modèle en plâtre. De plus, l’empreinte optique constitue un gain de temps pour le praticien comme pour le laboratoire.
Hélas, la fiabilité de l’empreinte optique orale se perd au-delà de 3 implants alignés et, pour ces cas, l’empreinte pick-up physico-chimique reste, encore pour quelque temps, celle qui donne les résultats les plus fiables [9-11].
En 2004, Heckmann, et al., dans une étude in vitro évaluant les contraintes exercées sur deux implants reliés par une armature, montrent qu’aucun des bridges qu’ils ont réalisés ne présente une réelle passivité [12]. Pour eux, 50 % des déformations et des contraintes engendrées peuvent être attribuées à l’empreinte et 50 % aux imprécisions du laboratoire de prothèse. Cette étude évalue également les différents systèmes de fixation de la prothèse sur les implants. Il apparaît ainsi que les prothèses sur piliers vissées et scellées présentent des niveaux de contrainte équivalents. Pour les armatures « directe implant », seul le collage en bouche de l’armature usiné sur les piliers en place sur les implants réduit significativement le niveau de contrainte [12].
Dans une étude in vitro, d’autres auteurs mettent en évidence que les armatures réalisées en acier au cobalt-chrome par procédé de conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) (figure 3) présentent une meilleure passivité que celles réalisées par un procédé de coulée à cire perdue, l’usinage de bloc d’oxyde de zirconium donnant des résultats intermédiaire [1, 5]. Ils attribuent cette plus grande précision de la CFAO dans la fabrication des armatures à l’élimination des étapes manuelles, c’est-à-dire de sculpture de la cire, de mise en revêtement, de coulée et de polissage. Ces auteurs observent que les surfaces usinées présentent une meilleure adaptation avec un plus grand nombre de contacts avec le col de l’implant que les surfaces issues de la coulée, ce qui permet un meilleur ajustement et la fermeture du micro-hiatus entre les composants de l’ensemble implant/prothèse.
Préalablement à la réalisation de l’armature, il a été recommandé de valider l’exactitude du modèle issu de l’empreinte afin de travailler sur une base précise [13, 14]. Une clé solidarisant des transferts positionnés sur le modèle, à l’aide de plâtre ou de résine acrylique, sera ensuite mise en place sur les implants dans la cavité buccale ; l’adaptation et la passivité intra-orale de la clé valideront le modèle issu de l’empreinte [15] (figure 4).
Ce contrôle est inopérant pour les empreintes optiques réalisés en bouche car les modèles de travail qui en sont issus sont toujours imprécis et les armatures sont heureusement usinées sans le truchement d’un modèle physique.
Pour le reste, ce contrôle est loin d’être efficient car le matériau solidarisant les transferts est susceptible d’induire des déformations de la clé qui rendent illusoire la validation du modèle en bouche. De ce point de vue, la résine doit être rejetée et seul le plâtre, sous réserve qu’il soit parfaitement dosé et sans expansion, peut être considéré (figure 4).
Ainsi, si la clé en plâtre se positionne parfaitement sur les implants et si les transferts peuvent être serrés au couple prévu pour les vis d’implant sans que le plâtre ne se fissure, le modèle sera validé. En cas de fissure ou de fracture, une empreinte pick-up sera réalisée par-dessus la clé en place sur les implants. La nouvelle empreinte permettra de proposer un second modèle dont on devra considérer qu’il est exact ou, idéalement, dont on devra à nouveau vérifier la validité par une seconde clé en plâtre. Une autre procédure consiste à repositionner l’empreinte pick-up réalisée avec la clé en plâtre sur le modèle issu de la première empreinte en ayant pris soin d’éliminer les analogues d’implants mal positionnés et de dégager le plâtre à leur périphérie. De nouveaux analogues seront vissés sur les transferts et solidarisés au modèle de travail par un ajout de plâtre [16].
Devant les difficultés techniques, l’instabilité de certains des matériaux utilisés et la complexité des opérations, de nombreux auteurs concluent qu’il est impossible de vérifier que le modèle de travail est l’exacte reproduction de la réalité buccale par cette technique [13-15, 17].
Nous partageons ce point de vue et pensons que la meilleure stratégie consiste à améliorer la qualité des empreintes et des procédures de laboratoire plutôt que de vérifier a posteriori la validité du modèle de travail. C’est donc l’essayage de l’armature qui validera le modèle pour les étapes suivantes de la construction prothétique. Ainsi, lors de la mise en place d’une prothèse plurale, pour s’assurer que l’adaptation de l’armature sur les piliers ou les implants est valide, plusieurs techniques ont été proposées.
Une radiographie panoramique seule permet d’avoir une idée de l’adaptation d’une armature mais non de sa passivité. En effet, une fois toutes les vis serrées au couple préconisé par le fabriquant, l’armature peut paraître parfaitement adaptée. Mais cela ne dit rien sur la passivité de l’armature et sur les tensions qu’elle fait subir à tous les niveaux de l’ensemble prothèse/implants et tissus de soutien. Une technique simple permettant d’apprécier cliniquement la passivité d’une armature est la mise en œuvre du test de Sheffield (figures 2A et 2C). L’armature étant maintenue en place par une seule vis, tous les implants ou piliers doivent être parfaitement connectés à celle-ci. La vérification selon le type d’implant pourra se faire à la sonde ou par le moyen d’une radio rétro-alvéolaire prise avec un angulateur. L’évaluation de la passivité peut également faire appel au ressenti clinique du praticien. En effet, une sensation de résistance au vissage est souvent due à une divergence entre l’axe de vissage de la partie prothétique et l’axe de vissage de l’implant ou du pilier. Cela se traduit par une mise en tension précoce de la vis signant un défaut de passivité [18].
De nombreuses études s’accordent pour dire qu’une armature parfaitement passive et adaptée est impossible à obtenir et considèrent qu’un défaut, variant suivant les auteurs de 10 à 150 µm, peux être cliniquement acceptable [1-2, 8]. La marge est grande entre ces deux valeurs extrêmes qui ne sont malheureusement pas mesurables cliniquement. Le clinicien doit donc rechercher la meilleure adaptation et la meilleure passivité, sans jamais pouvoir les mesurer.
Dans leur revue de littérature, Katsoulis, et al. [3] concluent que les défauts d’ajustage et les contraintes dues au vissage de la prothèse sur les implants ou les piliers ne semblent pas avoir de conséquences biologiques négatives sur l’ostéo-intégration ni sur la stabilité de l’os péri-implantaire dans le temps. Mais le risque de complications mécaniques des vis est beaucoup plus élevé avec, par conséquent, une maintenance lourde à assumer pour le praticien.
La fracture des vis qui fixent la prothèse aux piliers est la plus fréquente mais aussi la plus facile à traiter soit en retirant le reste de la vis, ce qui est la plupart du temps assez facile, soit en changeant le pilier. En revanche, les fractures de vis de pilier sont plus contraignantes. En effet, ces vis qui sont plus profondément enfouies dans l’implant sont moins accessibles. De plus, elles sont vissées à des couples plus importants et leur fracture conduira souvent à ne plus pouvoir utiliser l’implant.
Indépendamment de l’impact réel ou supposé de la passivité et de l’adaptation des armatures sur les tissus de soutien implantaires qui fait encore débat dans la littérature scientifique, il existe un consensus pour dire que la passivité et l’adaptation des armatures prothétiques des bridges implantaires sont le prérequis incontournable à leur pérennité. Mais les mesures chiffrées qui se dégagent de la littérature comme étant le seuil à ne pas dépasser ne font pas consensus et la passivité et l’adaptation absolue soient difficiles à obtenir. Il ne reste au clinicien qu’une attitude : mettre en œuvre tous les moyens pour se rapprocher au plus près de cet objectif théoriquement inatteignable. En particulier, la chirurgie ne doit plus s’envisager sans une planification et un guide, au moins de premier forage. Ainsi, l’usinage des armatures doit être préférée au procédé de coulée à cire perdue, de même que l’usage de pilier préféré au détriment d’une connexion directe de l’armature avec l’implant.
Pascal Auroy déclare des liens d’intérêts avec Dentsply Sirona et Zimmer Biomet en tant qu’expert et déclare que le contenu de cet article ne présente aucun conflit d’intérêts. Jean-Luc Veyrune déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.