Revue de presse
Internationale
Les thérapies de conservation de la vitalité pulpaire font désormais partie intégrante de l’arsenal du chirurgien-dentiste. Cependant, il n’existe à ce jour aucun consensus validé scientifiquement quant à un protocole précis de mise en place de ces traitements.
Au-delà des considérations sur l’acte en lui-même ou la technique employée, les auteurs ont souhaité s’intéresser à la solution utilisée pour nettoyer la plaie pulpaire. En effet, une revue précédente a...
Les thérapies de conservation de la vitalité pulpaire font désormais partie intégrante de l’arsenal du chirurgien-dentiste. Cependant, il n’existe à ce jour aucun consensus validé scientifiquement quant à un protocole précis de mise en place de ces traitements.
Au-delà des considérations sur l’acte en lui-même ou la technique employée, les auteurs ont souhaité s’intéresser à la solution utilisée pour nettoyer la plaie pulpaire. En effet, une revue précédente a retrouvé une certaine constance dans la littérature pour l’utilisation de l’hypochlorite de sodium (NaClO) lors de la réalisation de l’hémostase et du lavage de la plaie pulpaire, avec des taux de succès cliniques avoisinant souvent les 90 %. Cependant, peu d’études portent réellement sur la comparaison de différentes solutions de désinfection lors du soin. Les auteurs proposent donc ici la réalisation d’une étude prospective comparant les résultats de coiffages pulpaires avec un simple lavage au sérum physiologique ou avec du NaClO 2,5 %.
Le recrutement a été effectué sur des patients en bonne santé générale, présentant des caries profondes dont le curetage total mènerait à une effraction pulpaire. Les patients ne devaient pas exprimer de douleur spontanée et les dents incriminées devaient répondre au test au froid sans rémanence. Les dents étaient par ailleurs saines sur le plan parodontal et la radiographie ne montrait pas d’épaississement ligamentaire.
Au total, 96 patients ont été sélectionnés. À la suite du soin, il était prévu que les patients soient suivis sur 1 an mais les résultats à 3 mois ont encouragé les auteurs à sortir ce rapport.
Le protocole opératoire était le suivant.
• L’ensemble du soin était réalisé sous loupes binoculaires. Après une anesthésie (lidocaïne 2 % adrénalinée au 1/80 000), la digue était mise en place autour de la dent à traiter. L’excavation des tissus carieux, non sélective, entraînait systématiquement une effraction pulpaire. Une boulette de coton stérile imbibée de sérum physiologique était pressée pendant 1 minute sur l’exposition pulpaire afin d’obtenir l’hémostase.
• À ce stade, la plaie pulpaire était nettoyée avec l’une des deux solutions, soit le sérum physiologique (SP), soit du NaClO à 2,5 % (choix randomisé). Une boulette de coton, imprégnée de l’une ou l’autre des solutions, était utilisée pour nettoyer la cavité et la plaie pulpaire pendant 30 secondes.
• La cavité était alors rincée puis séchée à l’aide d’une boulette de coton stérile. Un matériau à base de silicate de calcium (MTA) était appliqué au contact de la pulpe et recouvert d’une couche de CVI. Pour finir, la dent était reconstituée au composite.
Les auteurs se sont enquis alors des potentielles douleurs ressenties par les patients après les soins, à 3 et 7 jours. Les éventuels échecs liés à des épisodes douloureux intenses, nécessitant un traitement en urgence par le biais d’une pulpotomie, ont été consignés pendant les 3 mois que relatent cette étude.
Les groupes ont été jugés statistiquement équivalents.
Aux jours 3 et 7, les douleurs post-opératoires ont été globalement et significativement plus fortes dans le groupe SP que dans le groupe NaClO : 31 patients sur 48 ne ressentaient plus aucune douleur à J3 puis 41 sur 48 à J7 pour le groupe NaClO contre 18 et 24 pour le groupe SP respectivement.
Dans le groupe SP, 12 patients ont été traités par pulpotomie en urgence suite à des douleurs intenses contre un seul dans le groupe NaClO (résultat statistiquement significatif).
Certaines étapes de cette étude peuvent paraître discutables. La question suivante peut être posée : pourquoi avoir cherché l’effraction pulpaire sans symptomatologie ? À contre-courant du consensus actuel, les auteurs ont considéré que, même sans symptomatologie, certaines caries étaient trop profondes pour pouvoir envisager un coiffage indirect. On pourrait également se dire qu’il serait bon d’avoir les taux de succès à 3 mois et pas seulement une échelle de la douleur.
Une autre question de protocole serait la suivante : lors d’une effraction pulpaire, il est souvent de bon aloi de réaliser une légère pulpotomie pour enlever le tissu pulpaire hyperhémique. En fait, les études ne s’accordent pas sur ce sujet. En réalité, si l’hémostase est possible à obtenir, on considère généralement que le coiffage est suffisant. Mais les auteurs insistent par ailleurs sur l’intérêt du lavage de la plaie pulpaire.
Ici le rôle du NaClO est à décomposer. D’une part, les auteurs insistent sur le fait qu’il est peut-être plus important d’assurer une bonne désinfection du site opératoire que d’enlever du tissu pulpaire. Le rôle du NaClO se limiterait ici à un rôle d’un agent bactéricide qui augmenterait les chances de succès de l’opération. D’autre part, les auteurs soulignent un autre rôle clé de cette solution : sa capacité à dissoudre les tissus nécrotiques. Ainsi, au lieu d’envisager d’enlever mécaniquement la partie de la pulpe que l’on considère en pulpite irréversible, on pourrait débrider chimiquement la plaie pulpaire et ainsi « laver » la cavité à la fois de ses tissus nécrotiques et des micro-organismes environnants et, ce de manière moins invasive.
Bien sûr, il est possible que le NaClO ait ici agi par un effet cytotoxique sur les récepteurs neuronaux, expliquant la différence dans les ressentis douloureux. Il est possible aussi que le NaClO ait un effet cytotoxique suffisamment fort pour induire localement une nécrose de l’ensemble du tissu pulpaire. Toutefois, les études montrent une cytotoxicité pour une concentration de 6 % après presque 1 heure d’incubation. Avec une concentration moitié moindre et sans activation ni réel renouvellement du produit, on pourrait se demander si l’effet cytotoxique sur le tissu pulpaire sain est réellement si grand.
Finalement, sans apporter de réponse, cet article nous pose au contraire davantage de questions. Est-il nécessaire de débrider chimiquement la plaie pulpaire lors d’une thérapie invasive de conservation de la vitalité pulpaire ? Si oui, quelle solution produirait les meilleurs effets ? Pour quelle concentration ? Les conclusions des auteurs encourageant l’utilisation d’une solution de NaClO à 2,5 % en désinfection de la plaie pulpaire, uniquement fondées sur les symptômes post-opératoires des patients et en l’absence d’évaluation de l’état pulpaire ou péri-apical, semblent surévaluées par rapport aux résultats de cette étude.
On est encore bien loin d’un protocole parfaitement défini en la matière mais quelques gestes supplémentaires, mieux définis, peuvent sans doute assurer davantage encore de taux de succès dans nos thérapeutiques et avec moins de conséquences post-opératoires pour le patient.