INTÉGRER L’EMPREINTE OPTIQUE AU CABINET D’ORTHODONTIE
Orthodontie
*Ancien AHU à Strasbourg. Chirurgien-dentiste spécialiste qualifié en orthopédie dento-faciale. Exercice libéral à Strasbourg
**Ancien AHU à Marseille. Chirurgien-dentiste spécialiste qualifié en orthopédie dento-faciale. Exercice libéral à Marseille
L’avènement du numérique au sein de la pratique orthodontique est une révolution tant pour le diagnostic que pour la thérapeutique. L’enregistrement d’arcades complètes, maintenant reproductible et fiable, a permis au praticien de se concentrer non plus sur la technique de la prise d’empreinte mais sur les multiples mises en pratique possibles [1].
C’est dans ce contexte innovant que nous allons comprendre l’importance de...
La numérisation de nos cabinets orthodontiques a permis de révolutionner nos pratiques. Cette évolution intellectuelle et technique a apporté une précision dans nos diagnostics et nos traitements. L’empreinte optique est un des premiers maillons de la chaîne numérique. Aujourd’hui cette technique est aboutie et fiable. Il est possible de l’intégrer non pas comme seule empreinte mais comme un outil « premium » dans le seul but d’optimiser nos prises en charge. Cette empreinte optique sert donc en premier lieu d’outil de diagnostic : prises de mesures, de communication et de simulation. Elle est également un outil thérapeutique : construction de plans de traitements digitaux et de dispositifs thérapeutiques, impression 3D, évaluation des mouvements orthodontiques.
L’avènement du numérique au sein de la pratique orthodontique est une révolution tant pour le diagnostic que pour la thérapeutique. L’enregistrement d’arcades complètes, maintenant reproductible et fiable, a permis au praticien de se concentrer non plus sur la technique de la prise d’empreinte mais sur les multiples mises en pratique possibles [1].
C’est dans ce contexte innovant que nous allons comprendre l’importance de l’intégration de cet outil au sein de nos cabinets.
L’empreinte optique a été perçue comme le moyen d’éviter un stockage massif des moulages en plâtre dans nos cabinets. Mais se limiter à cette considération réduirait à néant l’avenir du numérique à court terme [2].
De nombreux laboratoires se sont ainsi lancés dans l’aventure du numérique et ont mis au point des logiciels de plus en plus poussés pour concevoir l’orthodontie de demain. L’orthodontie numérique doit être réfléchie comme une pensée nouvelle et non comme une transposition de l’orthodontie conventionnelle. Il faudra donc penser digital workflow (ou flux de travail numérique).
L’intégration se fera donc dans une automatisation de son utilisation pour tous les actes où l’alginate et le silicone étaient utilisés auparavant mais aussi pour de nouveaux actes, comme la fabrication de bagues 3D entièrement individualisées ou la superposition d’empreintes pour évaluer les mouvements dentaires en cours de traitement.
L’empreinte optique est utilisée aujourd’hui en pratique pour les empreintes d’étude, les empreintes de réévaluation, les empreintes pré-chirurgicales, pour la réalisation d’orthèses, d’aligneurs ou encore pour le collage indirect ou la fabrication de contention.
On note également aujourd’hui une convergence des différents systèmes et outils et l’empreinte optique, au lieu d’être un examen complémentaire isolé parmi d’autres, devient partie intégrante d’un bilan orthodontique qui mêle photos, acquisitions radiologiques (cone beam) et empreintes numériques, et la possibilité de réaliser des enregistrements dynamiques.
Le défi d’intégrer l’empreinte optique au sein d’une pratique quotidienne se trouve dans le désir de précision de nos diagnostics et de nos traitements sans avoir un outil chronophage qui freinerait bon nombre de praticiens.
La pratique de l’orthodontiste était fondée jusqu’à l’arrivée de la numérisation sur l’étude des cas cliniques à partir de modèles en plâtre. Le pied à coulisse, le fil de laiton, la règle, le compas… ont été les outils du quotidien.
La numérisation des empreintes a permis de simplifier et d’affiner toutes ces mesures.
L’utilisation d’un logiciel intégré à la caméra optique permet un protocole numérique précis et rapide.
Pour exemple, Dentsply® avec la Primescan Ortho a développé un logiciel d’« orthodontiste », dont le protocole est le suivant :
• numérotation des dents et individualisation des dents, arcade par arcade (figure 1) ;
• calcul automatique du recouvrement, du surplomb, de la classe d’angle, de l’indice de Nance, de l’encombrement, de l’indice de Bolton et de la symétrie des arcades (figures 2 et 3).
Le déroulement avec une caméra 3Shape Trios et le logiciel OrthoAnalyzer® est sensiblement similaire (figures 4 à 6).
Toutes les caméras avec une « orientation orthodontique » sont actuellement capables de sortir des éléments diagnostiques similaires. Cette analyse permet d’apporter une précision que la main humaine ne peut avoir dans un temps aussi restreint. C’est notamment le cas pour l’analyse du surplomb et du recouvrement, qui nécessiterait de découper les modèles en plâtre pour obtenir une mesure précise qui, ici, peut être faite de manière virtuelle en quelques secondes.
Ce protocole prend 5 minutes au praticien après la reconstruction de l’empreinte par le logiciel.
Il est possible alors d’exporter en PDF toutes les valeurs pour les intégrer au sein du logiciel de travail (figure 7).
L’utilisation de cet outil numérique en pratique quotidienne facilite grandement la tâche du praticien dans sa recherche de diagnostic (étude en statique) et dans l’établissement des documents légaux pour établir le plan de traitement en orthodontie.
Le dialogue patient/praticien facilité
Réaliser une empreinte optique au cabinet d’orthodontie facilite le dialogue avec le patient (figure 8) et participe à l’image et à la dynamique du cabinet [3].
Outre le confort pour le patient, nous observons lors d’une prise d’empreinte optique un intérêt certain du parent accompagnant l’enfant. Le souvenir de la « pâte » a pu laisser des séquelles dans l’imaginaire des parents et cela apparaît alors comme une réelle évolution technologique.
Les enfants ne le perçoivent pas comme cela. Le digital est pour eux la norme, ils le considèrent comme naturel et moins comme une nouveauté, sauf s’ils comparent leurs expériences avec d’autres enfants, par exemple à l’école : dans ce cas, le cabinet numérisé sera considéré de la meilleure des manières.
L’empreinte optique chez le patient adulte est réellement un atout majeur dans la première approche d’un éventuel traitement orthodontique. Passé l’étonnement et la satisfaction de la rapidité de l’empreinte et de l’image numérique, l’orthodontiste pourra tout de suite discuter avec le patient du projet de plan de traitement pour renforcer la motivation de celui-ci, sans attendre la coulée et la taille des modèles en plâtre. Dans certains cabinets, l’organisation permet de pouvoir faire une séance de bilan, suivie immédiatement de l’explication diagnostique avec exposé du plan de traitement, ce qui permet un gain de temps dans la mise en route d’un traitement.
À partir de l’empreinte optique (figure 9), l’orthodontiste peut facilement communiquer avec ses correspondants lors de l’élaboration d’un plan de traitement pluridisciplinaire.
La possibilité de modifier aisément la modélisation et de réaliser plusieurs alternatives représente une grande aide à la précision du futur traitement. Cette communication digitalisée permet une communication plus rapide et plus dynamique inter-praticiens. Une prise en main à distance du logiciel de modélisation par le correspondant permet une explication claire et les captures d’écrans ou le partage du cas facilitent le stockage dans le dossier du patient.
Cette technologie représente donc un réel gain de temps pour tous les acteurs du traitement.
À partir d’une empreinte optique, les logiciels commercialisés permettent pour la plupart de créer une simulation de traitement visible rapidement (quelques minutes). Cette modélisation n’est en rien un plan de traitement définitif et sera présentée au patient comme une première approche pour faciliter son acceptation à débuter les soins.
Pour certaines caméras, notamment la 3Shape Trios, l’outil est intégré directement et peut être utilisé sur l’appareil lui-même (figure 10), immédiatement après une acquisition. Dans d’autres cas, il sera nécessaire de passer par un logiciel tiers sur un ordinateur pour réaliser ces simulations.
Il est possible tout de même de modifier ce premier rendu très facilement pour répondre rapidement aux questions éventuelles.
Cet outil de communication marque une réelle évolution dans la relation patient/praticien. La mise en place d’un dialogue imagé avant traitement renforce la confiance du patient en son praticien.
Cette explication faite de vidéos et d’images superposées aux photographies du patient (figure 11) permet d’éviter une incompréhension du plan de traitement et peut renforcer le désir de prise en charge du patient.
Une fois l’empreinte optique réalisée, elle permet au praticien de concevoir son traitement. Grâce aux analyses digitales et à l’examen clinique, il va pouvoir savoir si les mouvements envisagés sont possibles et dans quelles mesures il va pouvoir les séquencer [4].
C’est ici que réside la véritable révolution : une pensée nouvelle, qui concerne les traitements par multi-attaches comme les traitements par gouttières. La conception pré-traitement permet à l’orthodontiste d’éviter des mouvements parasites et d’adapter l’outil le plus adéquat aux mouvements dentaires souhaités. Une version incisive lors d’un nivellement peut alors être évitée par l’utilisation d’une expansion et/ou d’un stripping mesuré définis par avance numériquement. Cet outil permet le contrôle des différentes séquences de traitement.
On peut donc réaliser des set-up qui montrent l’objectif final à atteindre et la manière séquencée d’y arriver (figures 12 et 13). C’est une partition, une carte de navigation, que l’on suivra pour dérouler de façon contrôlée le traitement.
L’orthodontie hybride est ainsi l’alternative de demain à nos traitements. Elle combinera, après analyse numérique, plusieurs outils orthodontiques utilisés de manière séquencée pour potentialiser les mouvements voulus.
Le praticien doit apprendre à travailler à l’inverse de son habitude. Tel un architecte, il prend plus de temps pour concevoir mais évite ainsi certains mouvements non désirés.
C’est à l’outil de s’adapter au plan de traitement et non l’inverse. L’orthodontiste visualise plus rapidement, et de manière prédictible, les mouvements souhaités. Il peut alors opter pour le meilleur moyen de parvenir à ses fins.
La conception des traitements par gouttières permet de potentialiser l’outil numérique. D’un point de vue quantitatif, l’empreinte optique permet à l’orthodontiste d’évaluer les mouvements comme peuvent le montrer les logiciels d’acquisition et de simulation, que ce soit avec le système Invisalign® (figure 14), le système SureSmile® (figure 15), le système Spark® (figure 16) ou bien encore avec la solution 3Shape OrthoAnalyzer® (figure 17). D’un point de vue qualitatif également, l’analyse des mouvements synergiques et antagonistes des traitements par gouttières permet d’optimiser la biomécanique de cette technique (figure 18). Le praticien pourra alors évaluer la prédictibilité des mouvements et surtout le nombre de gouttières nécessaires.
L’orthodontie digitale se conçoit à l’inverse de l’orthodontie traditionnelle. L’orthodontiste construit un parcours thérapeutique. Celui-ci sera suivi tout au long du traitement. Cette nouvelle biomécanique, si elle est bien comprise, permettra de limiter les effets parasites pouvant compromettre ou ralentir un mouvement dentaire.
Tout au long du traitement, le praticien, grâce au logiciel de set-up thérapeutique, peut contrôler les mouvements préconisés pour son traitement Invisalign, avec l’iTéro®, ou pour tout type de traitement, avec le 3Shape Patient Monitoring® (figure 19).
Il évalue la qualité des mouvements réalisés et progressera alors dans ses prescriptions futures.
L’empreinte optique représente le premier maillon de la chaîne de production de l’orthodontie digitale [5, 6].
À partir de celle-ci, le praticien envoie au laboratoire un travail sans intermédiaire et sans notion de distance et de temps, qui peut être dommageable avec les empreintes physiques.
Mais c’est dans la production interne au cabinet que la digitalisation voit son essor. L’orthodontiste, grâce aux imprimantes 3D, peut alors fabriquer, selon ses besoins, des modèles d’études, des modèles de réévaluation ou des squelettes de collage indirect (figure 20).
Cela nécessite un logiciel facile à utiliser pour ne pas rendre cette impression chronophage (figure 21). Il est donc demandé aux logiciels de permettre une facilité de découpe du modèle ou une prédécoupe pour placer celui-ci verticalement ou horizontalement, avant impression sur le plateau de l’imprimante.
Les résines étant plus onéreuses et moins écologiques que le plâtre, il serait souhaitable qu’il en existe des recyclables et biocompatibles. Nous espérons que cet inconvénient pourra être annihilé via les futures technologies de demain.
À partir de l’empreinte optique, l’orthodontiste a la possibilité de faire, ou de faire réaliser, de multiples dispositifs avec une grande précision.
C’est un très bon exemple de dispositif orthodontique qui bénéficie énormément de l’apport du numérique : le praticien peut positionner ses attaches vestibulaires ou linguales à partir de son empreinte optique de manière intuitive. Ce positionnement permet d’aboutir à une simulation des résultats d’alignement et d’engrainement obtenus via ce collage virtuel. Il ne restera plus ensuite qu’à transposer cette simulation virtuelle dans la réalité clinique, à l’aide de squelettes de collage rigides (figure 22) ou de gouttières imprimées ou thermoformées (figure 23).
À partir du set-up numérique, des fils orthodontiques personnalisés peuvent être réalisés. Ils sont fabriqués à l’aide de robots (figure 24) pour des traitements vestibulaires ou linguaux au début du traitement, mais aussi en cours de traitement, en réalisant de nouveau une empreinte optique. Cette personnalisation aboutit à une précision extrême des traitements multi-attaches [7, 8].
L’orthodontiste peut également travailler avec son laboratoire pour réaliser des bagues orthodontiques sur mesure (figure 25), fabriquées à partir de l’empreinte digitale. Les points de contact sont dans ce cas préservés, les problèmes de descellement et les risques de lésions carieuses et parodontales limités.
L’orthodontiste est en mesure de faire réaliser des contentions sur mesure à partir de l’empreinte digitale. Ces contentions d’une grande précision apportent confort et sécurisent le traitement. Une des plus utilisées actuellement est la contention Memotain® (figure 26), dessinée par ordinateur puis découpée au laser dans une plaque de nickel-titane.
Des robots à plier les fils arrivent également dans nos cabinets afin de permettre la réalisation de nos propres fils de contention individualisés à partir d’une empreinte optique, et ce, en une seule séance et un temps réduit (figure 27).
L’empreinte optique est le premier élément d’une nouvelle organisation du cabinet d’orthodontie. C’est un changement de paradigme qui nécessite une révision de pensée de l’orthodontiste si celui-ci souhaite potentialiser l’outil numérique. Le praticien devra construire une chaîne numérique fluide, et répondant à ses besoins pour un gain de temps intellectuel et temporel.
Gardons à l’esprit que le praticien est le chef d’orchestre de cette chaîne numérique et qu’en aucun cas on ne peut lui substituer « l’intelligence artificielle ». Le numérique dans le cabinet d’orthodontie a pour but de permettre des traitements de meilleure qualité, avec plus d’efficience et de confort pour le praticien et les patients.
L’empreinte optique est un maillon indispensable mais non suffisant à l’orthodontie de demain. Cela nécessite que les praticiens, les assistants, les prothésistes et les industriels travaillent ensemble pour potentialiser la chaîne numérique, pour la rendre plus rapide, encore plus fiable et plus écologique.
Romain de Papé déclare des liens d’intérêts avec Dentsply Sirona en tant que consultant. Serge Dahan déclare des liens d’intérêts avec Ormco en tant que consultant. Les auteurs déclarent que le contenu de cet article ne présente aucun conflit d’intérêts.