Clinic n° 01 du 01/01/2025

 

Thérapie

Pulpaire

Marjorie ZANINI*   Franck DECUP**   Marie-Agnès GASQUI***   Cyril VILLAT****  


*MCU-PH Université Paris Cité Laboratoire Santé Orale UMR1333 Service de médecine bucco-dentaire Hôpital Pitié Salpêtrière, APHP
**MCU-PH Université Paris Cité Labratoire Santé orale UMR1333 Hôpital Charles Foix, APHP
***MCU-PH Université Claude Bernard Lyon 1 Laboratoire des Multimatériaux et Interfaces UMR CNRS5615 Pôle d’Activité Médicale Odontologie, Hospices Civils de Lyon
****PU-PH Université Claude Bernard Lyon 1 Laboratoire des Multimatériaux et Interfaces UMR CNRS5615 Pôle d’Activité Médicale Odontologie, Hospices Civils de Lyon

Les thérapeutiques de préservation de la vitalité pulpaire sont des options thérapeutiques de plus en plus décrites dans la littérature internationale ; en effet, le nombre d’articles a doublé depuis 2010 et ce nombre ne cesse d’augmenter chaque année.

Cet engouement exprime la volonté d’une approche plus biologique de l’endodontie. Cependant, il existe encore des critères décisionnels à investiguer comme la corrélation des indications avec le diagnostic pulpaire....


Résumé

Le diagnostic pulpaire est un prérequis indispensable avant une thérapeutique de préservation pulpaire. Il doit être précis et doit pouvoir corroborer ce qui se passe in situ dans la pulpe. Le recours à une nouvelle classification des pathologies pulpaires permet, pour chaque pathologie pulpaire diagnostiquée/identifiée, d’y associer une thérapeutique spécifique. Cette thérapeutique, dite de première intention, n’est pas toujours possible à réaliser, eut égard à des complications pouvant survenir pendant le soin (effraction pulpaire iatrogène ou absence d’hémostase). Ainsi, il est pertinent pour le praticien d’anticiper ces complications potentielles et, lorsqu’elles surviennent, de réorienter immédiatement son choix thérapeutique (thérapeutique alternative). Cet article aura pour objectif de proposer une situation clinique évolutive en fonction de la survenue ou non de complications per-opératoires.

Les thérapeutiques de préservation de la vitalité pulpaire sont des options thérapeutiques de plus en plus décrites dans la littérature internationale ; en effet, le nombre d’articles a doublé depuis 2010 et ce nombre ne cesse d’augmenter chaque année.

Cet engouement exprime la volonté d’une approche plus biologique de l’endodontie. Cependant, il existe encore des critères décisionnels à investiguer comme la corrélation des indications avec le diagnostic pulpaire. Aujourd’hui encore, celui-ci repose sur une analyse de la situation clinique, des critères subjectifs de douleur du patient (caractéristiques de la douleur, son ancienneté, son évolution), et des critères objectifs en lien avec les réponses aux tests de sensibilité pulpaire (thermique et électrique). Si les critères utilisés pour le diagnostic pulpaire restent finalement les mêmes, la classification des pulpopathies a évolué afin de distinguer plusieurs états inflammatoires de la pulpe (ou pulpite) et donc plusieurs alternatives de prise en charge thérapeutique [1] (tableau 1). Contrairement à la vision binaire « pulpite aiguë réversible / irréversible », qui n’induit que deux options thérapeutiques : préservation de la vitalité pulpaire versus traitement endodontique, cette classification propose désormais une gradation du degré d’inflammation pulpaire (la pulpite initiale, la pulpite légère, la pulpite modérée et la pulpite sévère), ce qui permet d’envisager des thérapeutiques différenciées de préservation de la vitalité pulpaire en fonction de cette inflammation (tableau 1). Il en résulte ainsi que pour chaque diagnostic pulpaire, une thérapeutique de première intention lui est associée, ce qui était notamment un écueil de la précédente classification : en cas de diagnostic clinique de « pulpite aiguë réversible », plusieurs thérapeutiques pouvaient être indiquées (coiffage pulpaire indirect, coiffage pulpaire direct, pulpotomie partielle, pulpotomie camérale ou totale) [2-4]. Ainsi, le choix revenait au praticien qui, en fonction des caractéristiques du patient et de l’analyse de la situation clinique, choisissait la thérapeutique lui semblant la plus adaptée. En l’absence de recommandations claires, cette approche favorisait donc la variabilité de prise de décision entre les chirurgiens-dentistes, que ceux-ci soient des omnipraticiens [5, 6] ou avec un exercice limité à l’endodontie [7]. L’utilisation quotidienne de cette nouvelle classification pourrait donc diminuer la variabilité de prises de décision thérapeutique entre les praticiens. Elle offre également la possibilité d’indiquer davantage les thérapeutiques de préservation de la vitalité pulpaire et donc de repousser les indications du traitement endodontique.

En effet, actuellement, ces thérapeutiques pulpaires sont peu réalisées en pratique quotidienne [8].

Plus spécifiquement, en cas d’exposition pulpaire survenant lors d’une excavation carieuse, près de 40 % des praticiens préfèrent entreprendre un traitement endodontique [9]. L’effraction pulpaire peut être accidentelle (à la suite d’une préparation périphérique ou à une excavation carieuse) ou intentionnelle (ici la pathologie a déjà induit une atteinte du tissu pulpaire plus ou moins profonde nécessitant d’intervenir sur celui-ci). Dans le premier cas, l’effraction constitue un aléa thérapeutique. Cependant, même si non voulue/souhaitée, elle ne doit pas constituer une complication per-opératoire inattendue, mais doit être anticipée. En effet, l’analyse préopératoire rigoureuse permet d’indiquer une thérapeutique de première intention qui vise à se préparer/anticiper ce risque, à mettre en œuvre le protocole opératoire pour l’éviter, mais également à prévoir quelle thérapeutique réaliser si elle survient malgré toutes les précautions prises (thérapeutique secondaire ou alternative).

Cet article original a pour objectifs de décrire une situation clinique de la pratique quotidienne où surviennent ou non des complications per-opératoires et de proposer des thérapeutiques selon l’état des connaissances actuelles. Pour cela, nous proposons des situations cliniques « évolutives ». (Cet article a nécessité la modification numérique d’images cliniques et radiographiques).

CAS CLINIQUE

Un patient, en bonne santé générale, se présente à la consultation en raison de douleurs. L’examen clinique montre une lésion carieuse cavitaire ICDAS 5 sur 47 (figure 1).

La radiographie de choix est le cliché rétro-coronaire, permettant de visualiser la proximité de la lésion carieuse avec la pulpe (figure 2a). Selon la classification de l’European Society of Endodontology, la lésion carieuse est profonde (car elle atteint le quart interne dentinaire et une épaisseur de dentine résiduelle est détectable sur la radiographie (supérieure à 1 mm) [10]. Une radiographie rétro-alvéolaire est également pertinente car elle permet d’éliminer une répercussion parodontale (épaississement ligamentaire) ou une pathologie mixte (nécrose pulpaire sur l’un des canaux) (figure 2b).

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A1

Les douleurs rapportées par le patient sont provoquées par la prise d’aliments ou de boissons froides (EVA à 3/10 selon le patient). Le test de sensibilité pulpaire au froid est utilisé pour reproduire la symptomatologie du patient afin d’identifier précisément la dent causale et d’affiner le diagnostic pulpaire. Le diagnostic clinique est donc une pulpite aiguë légère, selon la classification Endolight.

Lorsqu’une couche de dentine résiduelle (entre pulpe et lésion carieuse) est détectable à la radiographie, les bactéries sont généralement confinées à la dentine et aucune n’est retrouvée dans le tissu pulpaire [11]. L’inflammation pulpaire provient donc de la diffusion via les tubules des toxines bactériennes. Elle est considérée comme « réversible » (pas d’atteinte de l’architecture tissulaire, pas d’atteinte des odontoblastes) et ce, uniquement si l’étiologie de cette inflammation disparaît. Ainsi, l’objectif thérapeutique est donc de diminuer cette charge bactérienne afin d’arrêter la diffusion des toxines et de permettre à la pulpe un retour à la normale. Il semble donc évident que ce retour à la normale doit éviter toute effraction de la pulpe, qui aurait pour conséquence une perte localisée de la barrière odontoblastique et qui, de fait, impliquerait des processus de guérison plus complexes. La détection radiographique d’une couche de dentine résiduelle assure bien entendu une protection contre l’exposition pulpaire accidentelle au moment du curetage, mais la thérapeutique choisie doit également œuvrer pour la limiter au maximum.

Afin de diminuer les risques d’effraction pulpaire tout en diminuant la charge bactérienne, la technique d’excavation carieuse de choix est le curetage sélectif [2]. Le terme « sélectif » implique que le praticien opère un choix de technique de curetage en fonction de la topographie de la lésion carieuse et de sa proximité avec la pulpe. Il consiste à réaliser un curetage jusqu’à retrouver des tissus sains (curetage complet) (identifiés par une dentine saine et dure (hard dentin)) sur tout le pourtour de la lésion carieuse (là où les risques d’effractions sont nuls) qui permettra d’assurer l’étanchéité de la restauration coronaire et à réaliser un curetage partiel en regard de la pulpe (sa localisation est facilitée par la radiographie) (ici, seul le tissu carié infecté superficiel (identifié par une dentine molle) (figure 3b) est enlevé pour laisser une dentine affectée (de consistance cuir ou leather dentin) (figure 4). Ici, l’asepsie doit être stricte (pose du champ opératoire (figure 3a) et rinçage de la plaie dentinaire à l’aide d’hypochlorite de sodium (0,5-5 %) ou de chlorhexidine 0,2-2 % pour lutter contre les bactéries résiduelles).

A3

À la fin du curetage sélectif (figure 4), l’absence d’effraction pulpaire iatrogène permet ici de finaliser la procédure du coiffage pulpaire indirect via le choix du matériau. L’étude de Hashem et al. rapporte qu’il n’existe aucune différence sur le succès pulpaire (persistance de la vitalité pulpaire selon des critères cliniques et radiographiques) entre l’apposition d’un ciment verre ionomère (CVI) ou un silicate de calcium comme substitut dentinaire [12]. Le recours à une restauration adhésive à la place d’un matériau de substitut dentinaire pose des questions : s’il existe des preuves d’une efficacité de collage sur la dentine affectée, celles-ci sont issues d’études in vitro et non cliniques [13]. Aucune étude clinique n’a évalué le résultat sur la vitalité pulpaire. Ici, un substitut dentinaire de type CVI est choisi.

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A5

Une restauration transitoire directe collée est réalisée pour assurer une étanchéité immédiate (figure 5).

Le patient est ensuite revu rapidement pour réévaluer l’état pulpaire et réaliser la restauration d’usage (restauration indirecte collée compte tenu de la perte de substance) (figure 6a, b). Les recommandations ne sont pas claires concernant le délai de réalisation de la restauration d’usage. Néanmoins, il semble qu’un délai d’un mois maximum soit intéressant : il est suffisamment long pour diagnostiquer les échecs immédiats potentiels et suffisamment court pour éviter les risques de contamination. L’absence de symptomatologie, la réponse positive au test de sensibilité pulpaire au froid sont des critères montrant un succès à court terme de la thérapeutique. La restauration d’usage est réalisée afin d’éviter toute contamination qui court-circuiterait le processus de cicatrisation (figure 6a, b). Des contrôles réguliers afin de vérifier le statut pulpaire et l’étanchéité coronaire sont organisés à 6 mois, un an puis tous les ans lors des visites annuelles.

A4

Une effraction pulpaire est objectivée au moment du curetage carieux (figure 7). Dans la mesure où l’effraction pulpaire a eu lieu, il n’est plus pertinent de laisser de la dentine affectée. Le curetage carieux est donc complété afin de retrouver une dentine saine, quitte à élargir l’effraction pulpaire. Dans la mesure où l’effraction survient au moment du curetage, des débris dentinaires cariés, voire des bactéries ont pu être propulsés dans la pulpe. En raison de ce doute, il est préférable d’éliminer la partie superficielle de la pulpe.

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A6

Pour la pulpotomie, un changement de fraise est nécessaire pour éviter toute contamination. La pulpe est donc amputée sur une hauteur limitée (2-3 mm). Cette hauteur d’amputation se fait selon la partie travaillante de la fraise (privilégier ici les fraises poires/boule avec partie travaillante d’approximativement 2 mm) montée sur turbine et sous irrigation continue (figure 8a, b).

L’observation de la plaie pulpaire sous aides optiques est nécessaire pour vérifier que le tissu pulpaire résiduel est vascularisé (apparaît rouge). Si celui-ci est rose ou blanc, il conviendra d’amputer plus apicalement pour retrouver un tissu vascularisé, apte à cicatriser.

Ensuite, l’hémostase se fait par compression à l’aide d’une boulette de coton stérile imbibée de sérum physiologique ou d’hypochlorite de sodium 0,5-5 %.

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A7

L’hémostase est obtenue en moins de 5 minutes. La plaie pulpaire est ensuite séchée à l’aide d’une boulette de coton stérile sèche puis coiffée. Ici, les matériaux de choix sont les silicates de calcium en raison de leurs propriétés anti-inflammatoires, hydrophiles, de leur stabilité et de leurs propriétés bioactives. Le matériau de coiffage est appliqué à l’aide d’un porte-amalgame et foulé doucement. Puis le matériau est laissé en place jusqu’à finir sa prise. La restauration d’usage est réalisée dans un délai n’excédant pas un mois

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A2

Les douleurs rapportées par le patient sont provoquées par la prise d’aliments ou de boissons froides : EVA à 5/10 selon le patient. La douleur ressentie par le patient est rémanente sur plusieurs secondes (50 secondes). Le diagnostic clinique est donc une pulpite aiguë modérée selon la classification Endolight. Le diagnostic de pulpite modérée montre que le processus d’inflammation pulpaire a évolué et que des changements irréversibles dans l’architecture tissulaire pulpaire (au moins localisés en regard de la lésion carieuse) sont probables. Ces changements ne sont plus réversibles. Il convient donc d’éliminer cette part de tissu (amputation localisée). En effet, des études histologiques rapportent que ces changements sont d’abord très localisés puis s’étendent progressivement au volume pulpaire caméral. Ici, la thérapeutique de choix sera la pulpotomie partielle. L’effraction pulpaire est donc intentionnelle car la symptomatologie indique que la pulpe ne pourra cicatriser sans qu’il y ait amputation du tissu enflammé. Le curetage carieux doit être complet et réalisé de manière centripète pour minimiser le risque de projection bactérienne dans la pulpe au moment de l’amputation. Un changement de fraise est nécessaire avant l’effraction pulpaire pour éviter toute contamination. À ce stade, la pulpe est souvent visible par transparence pour aider à localiser la zone où fraiser et où amputer la pulpe. L’effraction pulpaire est obtenue.

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A8

Le saignement se poursuit malgré la compression de la pulpe pendant 5 minutes. Ici, l’absence d’hémostase indique une vasodilatation et un processus inflammatoire sévère. Une amputation pulpaire plus basse est donc envisagée afin de poursuivre l’élimination du tissu enflammé : l’éviction de la totalité de la pulpe camérale est réalisée (figure 9a, b, c). Là encore, le tissu pulpaire résiduel doit être observé et l’hémostase, obtenue. Un silicate de calcium est apposé au contact de la pulpe (figure 9c).

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DISCUSSION

La réussite des thérapeutiques de préservation de la vitalité pulpaire sous-entend deux points clés : un diagnostic de l’état pulpaire et un respect des procédures.

Diagnostic pulpaire

Ces différentes situations cliniques ont permis d’illustrer que l’évaluation de l’état pulpaire repose sur le recueil de plusieurs données : 1) la douleur du patient 2) la réponse aux tests de sensibilité pulpaire 3) l’observation de la plaie pulpaire et 4) la qualité d’hémostase avant coiffage. Ces données sont issues de l’anamnèse générale (discussion avec le patient) et de l’examen clinique (préopératoire avec l’inspection des tissus mous, dentaires et l’interprétation des tests cliniques et per-opératoires avec l’inspection de la plaie pulpaire - lorsque celle-ci est présente - et sa capacité d’hémostase en un temps limité).

Le diagnostic adéquat de l’inflammation pulpaire est l’une des clés de voûte de la réussite des thérapeutiques de préservation de la vitalité pulpaire. En effet, ces traitements sont basés sur le processus de cicatrisation pulpo-dentinaire, lui-même dépendant du processus inflammatoire [14]. L’inflammation est un processus biologique normal, répondant à une agression sur un tissu. Elle est initiée car elle fournit tous les éléments nécessaires pour éliminer l’infection, à savoir des cellules de défense (soit activées si déjà présentes dans les tissus : cellules dendritiques, macrophages ; soit recrutées via la circulation sanguine : les polymorphonucléaires ou neutrophiles) et la libération de molécules nécessaires au processus de réparation (telles que des facteurs de croissance). Concernant la pulpe, l’inflammation est donc la première étape nécessaire à la cicatrisation pulpo-dentinaire, qui donnera lieu à l’apposition de dentine tertiaire (réactionnelle ou réparatrice).

Ainsi, si le processus inflammatoire est défectueux (absent ou, au contraire, exacerbé), les processus biologiques en faveur de la cicatrisation pulpo-dentinaire ne seront pas possibles, ce qui entraînera un échec de la thérapeutique.

Il semble donc primordial d’identifier tout élément pouvant altérer le processus inflammatoire : le praticien devra rechercher l’existence d’une immunodépression, d’une pathologie auto-immune (affectant le processus inflammatoire général), mais également de toute autre pathologie systémique, c’est-à-dire affectant un système ou tissu de l’organisme lorsque celle-ci est traitée par des thérapies anti-inflammatoires ou immunosuppressives (tableau 2).

En deuxième lieu, le praticien recherchera toute pathologie ou thérapeutique pouvant affecter le processus d’hémostase pulpaire. L’hémostase est un processus biologique activé en cas de lésion tissulaire. Il est étroitement lié à l’inflammation et fait intervenir plusieurs acteurs incluant les vaisseaux, les plaquettes, le fibrinogène et les facteurs von Willebrand. Dans le cas des thérapeutiques de préservation de la vitalité pulpaire, ce critère d’hémostase intervient pour évaluer le degré d’inflammation de la pulpe exposée : l’hémostase obtenue ou non est corrélée à la sévérité du processus inflammatoire. Si l’hémostase est obtenue dans un délai approprié, l’inflammation du tissu pulpaire est jugée compatible avec la mise en place d’une cicatrisation pulpo-dentinaire. Si l’hémostase ne peut être obtenue, elle est considérée comme le marqueur d’inflammation pulpaire sévère : ici, la cicatrisation pulpo-dentinaire sera impossible [15]. Ce processus d’hémostase peut être perturbé en cas de trouble de l’hémostase primaire (d’origine congénitale - maladie de Willbrandt - ou acquise - prise d’anti-aggrégants plaquettaires) ou en cas de trouble de la coagulation (d’origine congénitale - hémophilie A ou B ou acquise - prise d’anti-coagulants, insuffisance hépatique), de maladie de Willbrandt, de purpura thrombopénique, de thrombopénie, de cirrhose hépatique mais également en cas de thérapeutiques par anti-aggrégants plaquettaires ou anti-coagulants (tableau 2).

Pour ces patients, un saignement persistant peut être attendu, ce qui ne permettrait pas 1) de vérifier l’état inflammatoire de la pulpe et donc de valider l’indication de la thérapeutique 2) de coiffer la pulpe dans des conditions optimales. En effet, d’un point de vue objectif, l’absence d’obtention de l’hémostase empêchera la bonne mise en place du matériau de coiffage sur la plaie pulpaire et son adaptation aux parois dentinaires. Même si les silicates de calcium peuvent effectuer leur prise en présence de sang [16], le saignement persistant pourrait empêcher le bon placement du matériau de coiffage au niveau des parois dentinaires. Il en résulterait un hiatus persistant entre matériau de coiffage et les parois dentinaires, ce qui empêcherait la formation d’un pont dentinaire de qualité et l’ensemble pourrait favoriser une contamination bactérienne. Ici, le recours à des agents hémostatiques (exemple : sulfate ferrique, eau oxygénée, hydroxyde de calcium) n’est pas recommandé car ils pourraient fausser l’évaluation du statut pulpaire.

Il est à noter cependant qu’il n’existe actuellement aucune preuve scientifique démontrant que les thérapeutiques pulpaires ont un moins bon pronostic chez les patients pour lesquels inflammation et hémostase seraient dysfonctionnelles. La majorité des études cliniques n’incluent que des patients en bonne santé générale. Une seule étude (ayant inclus des patients avec pathologies) semble conclure que l’hypertension artérielle, les cardiopathies et d’autres pathologies systémiques (hépatite, diabète, infection au VIH) n’affecteraient pas le pronostic de la pulpotomie totale [17]. Cependant, ce résultat est à considérer avec précaution car l’étude ne mentionne pas l’état de santé exact des patients (citons par exemple le cas des patients diabétiques inclus, il n’est pas clair si le taux d’hémoglobine glyquée est supérieur à 7 % ou non).

Procédure

La contamination bactérienne est un facteur pronostique négatif des thérapeutiques de préservation de la vitalité pulpaire [10]. Elle peut être initiée en per-opératoire et en post-opératoire et serait notamment à l’origine des échecs tardifs de ces thérapeutiques (sous la forme de nécrose pulpaire, voire de pathologies péri-apicales) [18, 19].

Le recours à une asepsie stricte est donc primordial, à la fois en per-opératoire et en postopératoire. La procédure doit viser à éviter toute contamination secondaire et par les bactéries orales. Elle implique donc le recours à un champ opératoire étanche [10], à l’utilisation de fraises stériles en cas d’amputation de la plaie pulpaire, à la désinfection de la plaie pulpaire à l’aide d’une solution type chlorhexidine 0,2-2 % ou d’hypochlorite de sodium 0,5-5 % [10, 20] et l’étanchéification de la plaie pulpaire. Celle-ci est obtenue immédiatement via le recours à des ciments bioactifs hydrophiles et la restauration coronaire immédiate. Elle est « renforcée » ensuite via la formation d’une dentine tertiaire.

Concernant le type de restauration coronaire d’usage à effectuer, les résultats de la littérature semblent contradictoires : la revue systématique d’Alqaderi et al. n’a pas permis de mettre en évidence une supériorité des restaurations coronaires par amalgame ou composite en cas de pulpotomie sur dents matures [21]. Pour d’autres, le type de restauration coronaire d’usage semble influencer le pronostic de la thérapeutique : Kunert et al. rapportent que la pulpotomie totale a un meilleur pronostic si la restauration coronaire est une couronne prothétique, suivie des restaurations directes par amalgame et par résine composite [17]. Tan et al. rapportent que les restaurations coronaires au ciment verre ionomère après pulpotomie (partielle ou totale) ont un moins bon pronostic que les restaurations par couronne, résine composite ou amalgame à 28 mois postopératoires [22].

Ce qu’il est important de noter est que celle-ci doit être effectuée au plus vite. L’étanchéité coronaire doit être assurée si possible après le coiffage de la pulpe [23].

De l’effraction pulpaire accidentelle à l’effraction pulpaire intentionnelle (tableau 3 et figure 10)

Comme évoqué plus haut, l’effraction pulpaire n’est pas souhaitable dans les situations cliniques de pulpite initiale ou légère et en cas de lésion carieuse profonde où le cliché rétro-coronaire révèle l’existence d’un bandeau de dentine entre lésion carieuse et pulpe. Pour ces situations, la lésion carieuse est suffisamment à distance de la pulpe (distance supérieure à 1 mm) pour qu’il n’y ait eu aucun dommage sur la couche odontoblastique via les bactéries cariogènes. Par ailleurs, le diagnostic pulpaire est en faveur d’un état pulpaire enflammé (infiltration de cellules inflammatoires, libération de molécules pro-inflammatoires dans le tissu) sans altération de l’architecture tissulaire (absence de destruction de tissu sous la forme de micro-abcès) [24]. Sans perte de l’architecture tissulaire pulpaire, un retour à un tissu sain ad integrum est possible si la cause de l’inflammation est éliminée (diminution de la charge bactérienne via l’excavation de la lésion carieuse). Ici, l’effraction pulpaire doit donc être évitée car elle causerait une perte de la couche odontoblastique et engagerait des processus biologiques de réparation pulpo-dentinaire plus complexes, qui auraient pu être évités. Ainsi, il est indiqué de réaliser plutôt un curetage sélectif de la lésion carieuse (ou curetage partiel) car, contrairement au curetage complet, il permet de réduire considérablement le risque d’effraction pulpaire [2].

Cependant, dans les cas où le diagnostic pulpaire est une pulpite modérée ou sévère et/ou la lésion carieuse est extrêmement profonde (lésion carieuse para-pulpaire où aucun bandeau dentinaire n’est visible entre lésion carieuse et pulpe), la situation est différente. Lorsqu’une lésion carieuse est aussi proche de la pulpe (0,5 mm), les bactéries cariogènes peuvent causer des dommages directs sur les odontoblastes et sur le tissu pulpaire [11, 25]. Contrairement à la situation précédente, l’architecture tissulaire de la pulpe est compromise localement. Ainsi, la couche odontoblastique et le tissu pulpaire sous-jacent, étant déjà endommagés, il est nécessaire de réaliser volontairement l’effraction pulpaire et d’éliminer le tissu pulpaire trop inflammatoire voire nécrotique pour retrouver un tissu sain capable de cicatriser [26]. C’est pourquoi, ici, la pulpotomie partielle, voire totale est donc privilégiée.

Les thérapeutiques de préservation de la vitalité pulpaire montrent de très bons résultats à condition que l’indication clinique soit pertinente. L’étude de Hashem et al. rapporte à un an un taux de succès de la pulpotomie partielle de 83,3 % et de 72 % à 2 ans.

La revue systématique et méta-analyse de Louzada et al. rapporte un taux de succès de la pulpotomie partielle et totale de 83 % et 90 % (respectivement) à un an sur dents permanentes matures avec symptomatologie de pulpite aiguë réversible [27]. Notons qu’il existe encore peu d’articles utilisant la nouvelle classification diagnostique. Seul un article évalue le taux de succès de la pulpotomie partielle avec Biodentine™ en cas de pulpite modérée [28] : il est de 88 %.

CONCLUSION

Cette nouvelle classification diagnostique des pathologies pulpaires permettra de faciliter les prises de décisions thérapeutiques. Un diagnostic pulpaire précis associé à une analyse rigoureuse permettra d’anticiper les complications per-opératoires potentielles, mais également de les gérer via une thérapeutique alternative.

Notons, malgré tout, que les praticiens doivent garder à l’esprit que les propositions thérapeutiques s’appliquent à des patients en bonne santé et que les pathologies peuvent altérer les réactions tissulaires et donc le succès thérapeutique (l’état de santé générale prime sur les choix thérapeutiques locaux).

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Liens d’intérêts :

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.