TRAUMATISME DE LA DENT PERMANENTE LE CASSE-TÊTE PULPAIRE
Endodontie
Marion FLORIMOND* Kelly Ly** Tchilalo BOUKPESSI***
*MCAU-PHC, Université Paris Cité, Hôpitaux Universitaires Pitié Salpêtrière-Charles Foix, Laboratoire URP2496 BRIO
**Exercice privé spécialisé en endodontie (Paris) Ancienne interne des hôpitaux de Paris
***PU-PH, Université Paris Cité, Hôpitaux Universitaires Pitié Salpêtrière-Charles Foix, Laboratoire URP2496 BRIO
La prise en charge de la dent traumatisée permanente mature représente une succession de défis pour le chirurgien-dentiste. Dans un contexte par essence impromptu et souvent anxiogène pour le patient et éventuellement sa famille, la consultation d’urgence doit être menée de manière rigoureuse, avec une analyse pulpaire qui se doit d’être très spécifique. Le diagnostic, la décision thérapeutique ainsi que l’établissement du pronostic à long terme sont inéluctablement...
La consultation d’urgence liée à un traumatisme dentaire est souvent une source de stress, aussi bien pour le patient que pour le praticien. Par ailleurs, la survenue brutale d’un stimulus pulpaire considérable, associé à des lésions parodontales, peut être à l’origine d’un tableau clinique complexe et inhabituel. Le diagnostic et la décision thérapeutique représentent donc des défis spécifiques pour le chirurgien-dentiste, alors que l’enjeu de la prise en charge des dommages pulpaires revêt une importance cruciale, déterminant le devenir des dents traumatisées à long terme.
Cet article a pour but d’expliquer les spécificités biologiques et cliniques de la pulpe traumatisée et de proposer des thérapeutiques à mettre en œuvre lors de la prise en charge pour les praticiens.
Une meilleure compréhension des processus pathologiques impliquant la pulpe après un traumatisme dentaire permet d’opter pour une démarche diagnostique et des alternatives thérapeutiques qui seront amenées à évoluer avec le temps. Ainsi la notion de suivi est déterminante pour le pronostic à court moyen et long terme.
La prise en charge de la dent traumatisée permanente mature représente une succession de défis pour le chirurgien-dentiste. Dans un contexte par essence impromptu et souvent anxiogène pour le patient et éventuellement sa famille, la consultation d’urgence doit être menée de manière rigoureuse, avec une analyse pulpaire qui se doit d’être très spécifique. Le diagnostic, la décision thérapeutique ainsi que l’établissement du pronostic à long terme sont inéluctablement incertains du fait de l’impossibilité d’évaluer les dommages et le potentiel de cicatrisation à l’échelle tissulaire. Toutefois, une démarche standardisée reposant sur la compréhension de la biologie de la dent traumatisée, associée à un suivi rigoureux à moyen et long terme, permet au tissu pulpaire de cicatriser lorsque cela est possible.
En fonction des caractéristiques du traumatisme (intensité et direction du choc), les implications pulpaires peuvent être diverses (figure 1). Il a été décrit que les deux facteurs pronostiques étaient la vascularisation de la pulpe et sa contamination bactérienne [1]. L’évaluation de l’implication pulpaire est donc un préalable indispensable à l’établissement du pronostic pulpaire, permettant d’émettre des hypothèses sur une potentielle rupture de la vascularisation et de mettre en évidence les éventuelles portes d’entrée bactériennes.
Dans le cas de fractures amélo-dentinaire simples, la dentine se retrouve exposée au milieu oral. Or, la dentine présente une architecture canaliculaire qui lui confère une perméabilité qui augmente progressivement en se rapprochant de la pulpe. En effet, la densité et le diamètre des canalicules (ou tubuli) augmentent dans la profondeur du tissu : en périphérie, avec un diamètre moyen de 0,5 µm et une densité de 10 à 20 000/mm2, les canalicules représentent 4 % de la surface dentinaire, alors qu’à proximité de la pulpe, avec un diamètre moyen de 3 µm et une densité de 50 000/mm2, ils représentent plus de 25 % de la surface dentinaire [2]. Ainsi, lorsque la dentine est exposée, les bactéries et leurs produits métaboliques peuvent diffuser à travers la dentine, d’autant plus aisément que la fracture est profonde. La réponse pulpaire aux stimuli thermiques et physico-chimiques est également augmentée, en corrélation avec la proximité pulpaire de la fracture.
Les agressions bactériennes et physico-chimiques déclenchent les différents évènements moléculaires, cellulaires et tissulaires de la réponse inflammatoire pulpaire. L’intensité et la durée de la réaction inflammatoire résultante dépendent de la profondeur et de l’étendue de l’exposition dentinaire, des différents stimuli subis par le tissu pulpaire ainsi que du délai de prise en charge. En effet, ce dernier conditionne l’importance de la colonisation tissulaire bactérienne.
Il est à noter que si l’exposition dentinaire est évidente cliniquement dans le cas des fractures, elle peut être plus subtile sous forme de fêlure. Elle peut alors passer inaperçue à l’examen clinique et radiologique.
L’objectif immédiat en cas d’exposition dentinaire est de protéger la pulpe et de prévenir l’inflammation pulpaire chronique et la nécrose pulpaire.
Dans le cas de fractures amélo-dentinaires complexes, la pulpe est exposée au milieu oral septique, avec plusieurs conséquences. Le tissu pulpaire est au contact des bactéries et soumis aux stimuli physico-chimiques de l’écosystème oral, ce qui représente, au niveau moléculaire, une source de signaux d’alerte qui déclenchent la réponse inflammatoire pulpaire. Par ailleurs, la palissade odontoblastique périphérique, première ligne de défense cellulaire de la pulpe et élément clé de la réparation du complexe pulpo-dentinaire, est lésée.
La situation, l’étendue et la durée de l’exposition pulpaire sont des facteurs essentiels du pronostic. L’objectif immédiat est de promouvoir la réparation du complexe pulpo-dentinaire lorsque cela est possible et de diagnostiquer au plus tôt une éventuelle nécrose pulpaire qui pourrait survenir dans les semaines ou les mois qui suivent le traumatisme.
Dans le cas de fractures radiculaires, le fragment coronaire peut être expulsé ou maintenu en place par les tissus parodontaux. Dans les deux cas, le tissu pulpaire est lésé dans sa portion radiculaire. Lorsque le fragment coronaire est conservé, quatre issues possibles ont été décrites dans la littérature [1] :
- la cicatrisation avec l’interposition de dentine tertiaire ;
- la cicatrisation avec l’interposition d’un tissu conjonctif non minéralisé ;
- la cicatrisation avec l’interposition d’un tissu conjonctif et d’un tissu osseux ;
- l’absence de cicatrisation avec l’interposition d’un tissu de granulation.
Il a été décrit que la situation pouvait évoluer vers deux diagnostics pour le tissu pulpaire du fragment coronaire et pour celui du fragment apical, qui reste le plus souvent vital [1].
L’enjeu du suivi est de diagnostiquer précocement l’éventuelle nécrose pulpaire du fragment coronaire qui pourrait survenir dans les semaines ou les mois qui suivent le traumatisme [3, 4].
Dans le cas d’atteintes légères des tissus parodontaux telles que les concussions et les subluxations, on peut observer un œdème et des saignements desmodontaux, ainsi que des déchirures des fibres parodontales, qui peuvent être associées à des lésions minimes du pédicule vasculo-nerveux, souvent à l’origine de réactions pulpaires légères et transitoires [5]. Il existe peu d’études sur ces lésions réversibles, en ce qui concerne leur incidence ainsi que la description de la symptomatologie associée.
L’objectif est de diagnostiquer au plus tôt une éventuelle nécrose pulpaire ou une inflammation chronique dans le cas où le pédicule vasculo-nerveux ne cicatriserait pas [3].
Dans le cas des traumatismes les plus importants (luxation, extrusion et intrusion), le pédicule vasculo-nerveux peut être rompu. Le potentiel de revascularisation naturelle étant très faible pour la dent permanente mature, l’objectif est alors de diagnostiquer au plus tôt la nécrose pulpaire souvent inéluctable, afin de prévenir les complications infectieuses résultantes [3].
Il est à noter qu’aucun doute ne subsistera sur l’état du pédicule vasculo-nerveux en cas de réimplantation d’une dent expulsée et donc que le traitement endodontique devra être réalisé très rapidement.
Le diagnostic pulpaire est un élément essentiel de la prise en charge d’un traumatisme dentaire. Il consiste à évaluer l’état de santé pulpaire et les capacités de réparation du complexe pulpo-dentinaire, afin d’établir le pronostic. Celui-ci guidera la stratégie thérapeutique pour chacune des dents concernées, en association avec l’évaluation des atteintes biomécaniques et parodontales. Les patients n’étant toujours pas vus immédiatement après le traumatisme, ce chapitre s’intéressera à l’évaluation de la santé pulpaire dans les premières semaines qui suivent le traumatisme.
L’évaluation de la vitalité pulpaire, basée sur l’exploration de la vascularisation pulpaire, n’est pas encore accessible en pratique quotidienne, même si elle a été décrite comme une option intéressante en traumatologie [3, 6]. Les technologies existantes reposent sur l’oxymétrie de pouls et sur la débitmétrie Doppler laser ou ultrasonore, pour l’instant principalement limitées à la recherche. Au cabinet, le diagnostic pulpaire repose donc sur l’évaluation des symptômes rapportés par le patient, sur l’exploration de la sensibilité pulpaire et sur la recherche de pathologies péri-apicales qui indiqueraient une pathologie endodontique. Toutefois, en traumatologie, l’interprétation de ces éléments bien connus des praticiens est considérablement modifiée par le caractère brutal du stimulus inflammatoire et nécessite une analyse adaptée au contexte spécifique (figure 2).
Les tests thermiques et électriques de sensibilité pulpaire ne permettent de tester qu’une dimension de la santé pulpaire, à savoir l’activité nerveuse. Le test électrique repose sur la stimulation, par un courant de faible intensité, des fibres nerveuses myélinisées Aδ, situées en périphérie de la pulpe. Le test thermique le plus couramment utilisé, appelé « test au froid », consiste à stimuler la contraction des fluides dentinaires, ce qui provoque un évènement hydrodynamique rapide, stimulant, lui aussi, les fibres nerveuses Aδ [7].
À la suite de traumatismes dentaires, notamment de luxations, la perte de la sensibilité pulpaire est souvent rapportée, cependant, elle peut être transitoire et indépendante d’une nécrose pulpaire [3]. En effet, il a été décrit qu’au niveau des fibres nerveuses pulpaires, l’inflammation brutale générée par le traumatisme pouvait causer un œdème intramyélinique, un gonflement axonal et une perte partielle de la gaine de myéline, qui caractériseraient une dégénérescence neuronale [7]. La paresthésie réversible résultante est décrite comme pouvant durer jusqu’à six, voire neuf mois après le traumatisme [7, 8]. Paradoxalement, l’absence de réponse au test au froid peut être associée à des douleurs rapportées par le patient puisque l’augmentation de la pression intrapulpaire peut à la fois inactiver les fibres nerveuses Aδ, de large diamètre, et stimuler les fibres nerveuses C, de petit diamètre [9].
À la suite d’un traumatisme, une douleur à la percussion peut être observée en l’absence de pathologie endodontique. Elle peut refléter l’inflammation du système d’ancrage de la dent et les dommages tissulaires, et peut donc disparaître avec la résolution du processus inflammatoire et la cicatrisation [7]. De même, une douleur à la palpation des tables osseuses peut être directement liée au traumatisme des structures environnantes. Elle peut également être associée à une fracture alvéolaire ou à une luxation, en l’absence de pathologie péri-apicale d’origine endodontique.
Il avait été proposé en 2012 par l’International Association of Dental Traumatology (IADT), de poser le diagnostic de nécrose pulpaire pour les dents présentant une absence de réponse à un test de sensibilité, en association avec un signe complémentaire tel qu’une dyschromie canalaire ou une image radioclaire péri-apicale. Cependant, il a depuis été établi que ces paramètres pouvaient également être transitoires [8]. En effet, une dyschromie immédiate peut être simplement liée à la rupture de vaisseaux sanguins et à la pénétration de leur contenu dans les tubuli dentinaires. Par ailleurs, des images radioclaires péri-apicales transitoires, appelées transient apical breakdown, pourraient être observées dans 4 % des cas de luxation et pourraient se résoudre spontanément avec la réduction de l’inflammation posttraumatique [8].
Dans le contexte d’une consultation survenant immédiatement après un traumatisme, le praticien fait souvent face à un tableau clinique atypique, avec des réponses aux tests cliniques qui peuvent sembler aberrantes. D’autre part, la peur liée au contexte anxiogène du traumatisme peut également modifier les perceptions du patient et fausser les tests diagnostiques [7].
Il est essentiel de consigner dans le dossier médical les réponses aux différents tests diagnostiques réalisés, afin de les comparer aux réponses qui seront obtenues lors des consultations de suivi. En effet, la cicatrisation nerveuse et osseuse peut se poursuivre au cours des mois qui suivent le traumatisme avec une diminution progressive de la symptomatologie. Toutefois, la nécrose pulpaire, les complications péri-apicales et l’apparition de lacunes de résorption (internes et externes) peuvent également survenir dans les mois ou les années qui suivent le traumatisme, avec une persistance ou une aggravation de la symptomatologie. Le diagnostic ne peut souvent donc pas être posé le jour de la consultation suivant le traumatisme et le patient doit être informé de la nécessité de réévaluer le pronostic au cours des mois qui suivront.
L’inflammation pulpaire aiguë, comme dans tous les autres tissus de l’organisme, joue un rôle protecteur, permettant le déclenchement de l’immunité antibactérienne et du processus de réparation du complexe pulpo-dentinaire. Dans les cas les plus favorables d’expositions dentinaires et de lésions légères du pédicule vasculo-nerveux, après un certain temps, des mécanismes biochimiques permettent le retour à l’homéostasie tissulaire en régulant les différents acteurs de la réponse inflammatoire.
L’inflammation, lorsqu’elle est contrôlée, permet la mise en place du processus de réparation du complexe pulpo-dentinaire. Les odontoblastes et les cellules souches pulpaires ont la capacité de sécréter de la dentine tertiaire, un tissu minéralisé de cicatrisation. C’est l’issue recherchée lors des fractures amélo-dentinaires juxta-pulpaires ou impliquant la pulpe, pour lesquelles les thérapeutiques de préservation pulpaire sont indiquées.
L’oblitération pulpo-canalaire, partielle ou complète, est considérée comme un mécanisme de réparation du complexe pulpo-dentinaire. Toutefois, elle représente une complication lorsqu’elle est associée à une nécrose pulpaire ainsi qu’à des pathologies péri-apicales, puisqu’elle peut compliquer considérablement le traitement endodontique [10]. Elle est caractérisée par une apposition rapide et corono-apicale de dentine tertiaire dans la cavité pulpaire, et peut être observée radiographiquement (figure 3). Il a été suggéré que ce phénomène était consécutif à des lésions sévères du pédicule vasculo-nerveux, dont la cicatrisation se ferait à des chronologies différentes aux niveaux neuronal et vasculaire, perturbant la stimulation nerveuse sympathique de l’activité sécrétoire des odontoblastes [11]. Une fois la cicatrisation vasculo-nerveuse achevée, le contrôle inhibiteur de la sécrétion odontoblastique reprendrait son cours, et la dentinogenèse incontrôlée cesserait. L’incidence de l’oblitération pulpo-canalaire après un traumatisme dentaire a été évaluée entre 3,7 et 40 % [12], mais ces chiffres concernent les dents temporaires, les dents permanentes immatures et les dents permanentes matures, sans distinction. Il est à noter que l’oblitération pulpo-canalaire peut s’accompagner, en l’absence de nécrose pulpaire, d’une diminution de la sensibilité aux tests thermique et électrique, ainsi que d’une dyschromie, toutes deux liées à l’augmentation de l’épaisseur de la dentine [12]. La nécrose pulpaire n’en est pas moins une complication potentielle de l’oblitération pulpo-canalaire, mais dont le diagnostic de certitude ne pourra être posé qu’en présence d’une pathologie péri-apicale. Il a été estimé qu’entre 7 et 27 % des dents présentant une oblitération pulpo-canalaire évoluaient à terme vers le développement de nécroses pulpaires associées à des pathologies péri-apicales [12].
Si l’oblitération pulpo-canalaire est majoritairement décrite dans le contexte de traumatismes de la dent permanente immature, elle peut survenir sur dent permanente mature, mais semble plus probable chez le patient jeune, qui présente un fort potentiel de cicatrisation du pédicule vasculo-nerveux.
Si l’inflammation joue un rôle protecteur dans un premier temps, elle peut devenir pathologique lorsque, du fait de mécanismes biochimiques encore non élucidés, elle persiste sans résolution. La pulpite irréversible chronique est peu décrite dans la littérature, probablement du fait du tableau clinique souvent discret et peu spécifique. Ses conséquences sont en revanche bien décrites, de la nécrose pulpaire aux phénomènes de résorption.
À la suite des traumatismes dentaires, plusieurs types de résorption ont été décrits :
- la résorption cervicale externe ;
- la résorption radiculaire externe (de surface, inflammatoire ou de remplacement) ;
- la résorption radiculaire interne.
L’incidence de la résorption radiculaire interne serait [11] :
- de 1,54 à 1,72 % dans les cas de subluxations ;
- de 0 à 1,45 % dans les cas de luxations latérales ;
- de 0 à 22,2 % dans les cas d’intrusions ;
- de 2,25 à 13,3 % dans les cas d’extrusions.
Plusieurs éléments clés ont été décrits dans la pathogenèse de la résorption radiculaire interne (figure 4) [13] :
- la perte d’intégrité des couches protectrices de la dentine constituant les parois canalaires internes, à savoir la prédentine et la palissade odontoblastique. Il a été décrit qu’un traumatisme pouvait induire la mort cellulaire des odontoblastes et léser la prédentine ;
- une inflammation persistante. Les lésions de résorption sont souvent liées à une nécrose partielle et localisée du tissu pulpaire, résultante d’une infection microbienne ou d’une inflammation aseptique persistante. Cette nécrose partielle serait une source de médiateurs moléculaires capables d’entretenir l’inflammation dans le reste de la pulpe ;
- la présence d’odontoclastes, les cellules à l’origine de la dégradation de la dentine. Ces cellules pourraient dériver de cellules immunitaires immatures telles que les cellules dendritiques, recrutées au cours du processus inflammatoire. En se différenciant sous l’influence du micro-environnement pro-inflammatoire elles acquièrent une capacité de destruction du tissu dentinaire par voie enzymatique que l’on appelle activité « clastique ». En l’absence de la palissade odontoblastique et de la prédentine, alors que cela n’est pas possible à l’état sain, les odontoclastes peuvent se lier à la phase minérale de la dentine ;
- une contamination bactérienne, qui stimule l’activité clastique des odontoclastes et confère à la lésion son caractère évolutif. Il a été montré, grâce à des modèles expérimentaux de résorption interne, que la destruction tissulaire tendait vers la résolution et ne s’étendait pas en l’absence de bactéries ;
- un apport sanguin viable, source de cellules clastiques ainsi que de leurs nutriments. La résorption interne, même si elle peut mener à la nécrose pulpaire, est donc une pathologie de la dent vitale.
La résorption radiculaire interne est une pathologie évolutive qui mène à la nécrose pulpaire et peut évoluer vers les pathologies péri-apicales inflammatoires et infectieuses. Elle est la conséquence d’une inflammation pulpaire chronique irréversible et ne peut être traitée que par le traitement endodontique de la dent concernée.
Il a été décrit que le risque de nécrose augmentait avec l’étendue du traumatisme (concussion < subluxation < extrusion < luxation latérale < intrusion) [1]. l’incidence de la nécrose pulpaire serait estimée :
- à 4 % pour les cas de concussion [14] ;
- à 10 % pour les cas de subluxation [14] ;
- entre 2 et 5 % pour les fractures coronaires simples [15] ;
- entre 17 et 100 % pour les luxations [15].
La nécrose pulpaire peut survenir des mois, voire des années après le traumatisme. En l’absence de diagnostic et de prise en charge, la prolifération bactérienne dans le compartiment canalaire mène aux complications inflammatoires et infectieuses péri-apicales (figure 5). Elle participe également à la pathogenèse des résorptions radiculaires externes.
La contamination microbienne de l’endodonte joue un rôle clé dans la pathogenèse de la résorption radiculaire inflammatoire externe (figure 6). En effet, le traumatisme peut mener à une compression tissulaire au niveau du ligament, à l’origine de lésions vasculaires, d’une hypoxie et d’une perte d’intégrité du cément. Les ostéoclastes, alors recrutés par le micro-environnement pro-inflammatoire, vont avoir la possibilité d’adhérer à la dentine sous-jacente. Sous l’influence des toxines bactériennes endodontiques qui diffusent à travers la dentine, les ostéoclastes vont détruire la dentine et former des lacunes de résorption à la surface de la racine [16, 17]. Il a été décrit que la désinfection de l’endodonte associée à l’utilisation d’hydroxyde de calcium en médication intracanalaire permettait d’arrêter le processus de résorption.
Lors de la consultation initiale, une fois le diagnostic établi et le pronostic pulpaire évalué, vient le temps de la décision thérapeutique (figure 7). Le délai de prise en charge après le traumatisme est un élément clé du pronostic pulpaire. La décision thérapeutique initiale doit en effet être prise le plus tôt possible, découlant d’un examen clinique et radiographique rigoureux, lui-même étayé par une approche adaptée au contexte traumatique. La préservation tissulaire doit toujours être au centre de la stratégie thérapeutique, mais le patient doit en même temps être informé de l’incertitude du pronostic et du risque d’aggravation potentielle du diagnostic. En effet, les lésions et les capacités de cicatrisation du tissu pulpaire ne peuvent être déterminées avec certitude après le traumatisme. Le suivi est donc déterminant dans le pronostic à long terme, et l’apparition de complications doit être recherchée tout au long des années qui suivent le traumatisme.
Le scellement dentinaire à l’aide d’un protocole adhésif est indiqué en tant que prise en charge immédiate pour toute exposition dentinaire avérée. Il a pour but de sceller les canalicules dentinaires afin de protéger la pulpe des agressions bactériennes et physico-chimiques. Le scellement dentinaire peut être corrélé à la restauration de la perte de substance, par une restauration par technique directe ou par le collage du fragment dentaire.
L’éventail des thérapeutiques de préservation de la vitalité pulpaire a pour objectif de promouvoir la réparation du complexe pulpo-dentinaire. Du coiffage pulpaire à la pulpotomie camérale, il s’agit de stimuler à l’aide de biomatériaux bioactifs la synthèse de dentine tertiaire. Le gold standard actuel regroupe les différents ciments à base de silicate tricalcique. L’âge du patient, le délai d’exposition pulpaire, la taille de la plaie pulpaire, la possibilité de travailler sous champ opératoire étanche et les lésions parodontales associées sont autant de facteurs impactant le taux de succès de la thérapeutique.
Immédiatement après le traumatisme, le traitement endodontique a pour but de prévenir le développement de pathologies péri-apicales et de résorptions radiculaires externes. Il s’impose lorsque la certitude de l’impossibilité de cicatrisation est évidente, notamment dans le cas de réimplantations après expulsions ou de plaies pulpaires étendues exposées pendant plusieurs jours dans la cavité orale.
À distance du traumatisme, le traitement endodontique peut être indiqué soit parce qu’une nécrose pulpaire avérée a été diagnostiquée, soit pour traiter une pathologie péri-apicale ou une résorption externe ou interne.
Lorsque le traitement endodontique est indiqué, il doit être réalisé le plus tôt possible.
Le devenir de la dent permanente mature traumatisée dépend de nombreux facteurs, dont l’analyse est souvent complexe et teintée d’incertitude. La surveillance clinique et radiographique permet d’apporter de nombreuses réponses au cours des mois qui suivent le traumatisme. L’objectif est de promouvoir la réparation pulpo-dentinaire lorsque cela est possible, et de savoir diagnostiquer précocement les situations où la réparation n’est plus possible, et où la nécrose devient inéluctable, afin de prévenir les éventuelles complications.
Comme dans le contexte de la carie dentaire, les thérapeutiques évoluent, et les limites de la préservation de la vitalité pulpaire sont progressivement repoussées. Par exemple, les thérapeutiques de revascularisation, qui sont pour l’instant principalement réservées à la dent permanente immature, commencent à être décrites pour les dents permanentes matures dans la littérature.
L’amélioration de la compréhension de la biologie pulpaire permettra très certainement dans les années à venir d’accroître les possibilités diagnostiques et thérapeutiques du praticien concernant la pulpe de la dent permanente mature traumatisée.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt.
Les traumatismes étant fréquents dans l’enfance et dans l’adolescence, l’ensemble des implications pulpaires traitées dans cet article peuvent également concerner la dent permanente immature (DPI). Dans ce contexte, la préservation de la vitalité pulpaire doit d’autant plus être une priorité que la pulpe de la DPI possède des capacités de réparation exceptionnelles [3].
Si la prise en charge d’urgence est sensiblement identique à celle des dents matures, quelques particularités sont tout de même à prendre en compte :
- le stade d’édification radiculaire doit être soigneusement évalué le jour de la consultation d’urgence et la poursuite du développement dentaire devra être surveillée au cours du suivi ;
- la pulpotomie cervicale peut être une option intéressante pour permettre l’apexogenèse dans les cas d’atteintes pulpaires sévères ;
- dans les cas de nécrose pulpaire, des thérapeutiques spécifiques à la DPI s’ajoutent à l’éventail des stratégies, comme l’apexification ou la revascularisation.
- lorsque le traitement endodontique conventionnel est envisagé, la détermination du diamètre apical revêt une importance particulière afin d’éviter toute iatrogénie au cours du traitement.