Gestion chirurgicale des récessions gingivales chez les patients atteints de pemphigus vulgaire gingival
Revue de presse
Internationale
Claire LUTZ* Sébastien JUNGO**
La chirurgie muco-gingivale de recouvrement des récessions gingivales est le plus souvent réalisée chez des patients en pleine santé systémique et parodontale. Cependant, les résultats prévisibles des procédures chirurgicales et les attentes esthétiques de plus en plus élevées des patients imposent une gestion optimale des récessions gingivales, y compris chez les patients souffrant de maladies systémiques affectant la cavité orale. En présence de pemphigus vulgaire, la...
La chirurgie muco-gingivale de recouvrement des récessions gingivales est le plus souvent réalisée chez des patients en pleine santé systémique et parodontale. Cependant, les résultats prévisibles des procédures chirurgicales et les attentes esthétiques de plus en plus élevées des patients imposent une gestion optimale des récessions gingivales, y compris chez les patients souffrant de maladies systémiques affectant la cavité orale. En présence de pemphigus vulgaire, la fragilité des muqueuses et la gestion chirurgicale compliquée des tissus mous constituent des défis majeurs.
À partir de la présentation d’un cas clinique, initier la réflexion sur la faisabilité des chirurgies muco-gingivales puis en déterminer les critères de succès et d’échec chez des patients atteints de maladies bulleuses auto-immunes.
Les récessions gingivales (RG) se caractérisent par un déplacement apical des tissus de soutien de la dent. Leur traitement peut s’avérer difficile, particulièrement au niveau des incisives mandibulaires en raison d’un vestibule peu profond et d’une mince table osseuse. Cependant, il existe un besoin croissant de prédictibilité des résultats ainsi qu’une exigence accrue des patients en termes d’esthétique. Les maladies bulleuses auto-immunes, comme le pemphigus vulgaire, touchent préférentiellement les femmes âgées et peuvent se manifester sous forme d’érosions gingivales. Les muqueuses atteintes, dont la gencive, sont très fragiles et les difficultés d’hygiène orale associées peuvent favoriser l’apparition de RG. Cependant, la gestion de celles-ci ne fait l’objet d’aucune recommandation. Le but de cet article est donc de décrire la gestion chirurgicale de RG chez une patiente atteinte de pemphigus vulgaire.
Une patiente de 36 ans, atteinte d’un pemphigus vulgaire connu de longue date, a été adressée au service de parodontie de l’hôpital de Bologne pour la gestion de RG profondes, en lien avec une activité gingivale persistante de sa pathologie, malgré la bonne gestion des lésions dermatologiques par de multiples traitements systémiques (stéroïdes et rituximab) notamment. La prise en charge parodontale a pu être entreprise après rémission clinique complète et un maintien de la stabilité durant un an. La patiente présentait des récessions de type RT2 de Cairo au niveau du secteur incisif mandibulaire, respectivement de 8, 4 et 6 mm avec une quasi-absence de tissus kératinisé sur 42, 41 et 31. La patiente a bénéficié d’une prophylaxie et d’un détartrage 4 semaines avant l’intervention. Le choix de la technique chirurgicale s’est porté sur un V-CAF remplissant à la fois les objectifs de recouvrement et de renforcement. Cette technique diffère du classique lambeau tracté coronairement par une dissection et une résection musculaires sous-muqueuses apicalement aux récessions. Les surfaces radiculaires ont été préconditionnées avec un gel d’EDTA 2 %. Une greffe de tissu conjonctif enfoui issue d’un greffon palatin épithélio-conjonctif désépithélialisé a été réalisée.
Le contrôle à un an de la chirurgie, chez une patiente au pemphigus vulgaire toujours quiescent, a montré une réduction aussi importante que possible pour des RG de type RT2 avec un gain en hauteur de tissu kératinisé de 3 à 5 mm.
Le pemphigus vulgaire est associé à une rupture de la santé parodontale avec une augmentation des profondeurs de poche, de la perte d’attache et des indices de sévérité des maladies parodontales. Certains auteurs ont aussi émis l’hypothèse d’une synergie entre l’inflammation consécutive à l’accumulation et à la maturation du biofilm bactérien et l’auto-immunité liée au pemphigus vulgaire. De plus, le pemphigus vulgaire, comme les autres maladies bulleuses auto-immunes, induit une fragilité de la muqueuse gingivale. En effet, des traumatismes, même minimes, entraînent la formation de bulles ou d’érosions pouvant entraver le processus cicatriciel.
À ce jour, peu d’articles (hors lichen plan) rapportent des traitements chirurgicaux muco-gingivaux dans le cadre de ce que nous pourrions qualifier de gingivites érosives.
Il paraît donc empiriquement important de prendre en compte un certain nombre de critères afin de maximiser les chances de succès d’une potentielle chirurgie muco-gingivale :
- expérience du praticien en chirurgie muco-gingivale ;
- connaissance de la pathologie du patient ;
- rémission clinique complète de la pathologie avant toute intervention de cette nature.
Ces critères ainsi respectés permettent de maximiser les chances de succès de la chirurgie muco-gingivale et de limiter les séquelles du pemphigus vulgaire. À notre sens, ce rapport de cas ouvre la réflexion sur la possibilité de recourir à des thérapeutiques chirurgicales muco-gingivales de recouvrement ou de renforcement chez des patients souffrant de maladies bulleuses auto-immunes et sur la nécessité d’évaluer de façon plus exhaustive les critères de succès, du choix de la technique opératoire ainsi que les résultats obtenus sur le long terme.