LA MATRICE LINGUALE ACTIVE (MLA) : TRAITEMENT FONCTIONNEL DE LA POSTURE ET DE LA FONCTION LINGUALES
ODF
Spécialiste qualifiée en ODF, Aubenas
[Première parution : L’Orthodontiste 2022;11(2):23-6]
La langue joue un rôle majeur dans la morphogenèse des arcades par ses dysfonctions et anomalies de posture au repos et en fonction. Sa prise en charge est donc au centre des traitements d’orthopédie dentofaciale, quel que soit l’âge du patient concerné.
La langue, par ses appuis au repos et en fonction, a un rôle dans la dimension transversale du maxillaire. Cet os...
Les délais d’attente constatés chez les professionnels - kinésithérapeutes et orthophonistes - pour la rééducation linguale des patients ont conduit au développement d’un outil, la Matrice Linguale Active (MLA). Il s’agit d’un dispositif amovible à port intermittent : uniquement pour réaliser trois types d’exercices, avec un patient concentré pendant une minute, cinq fois par jour, devant un miroir.
[Première parution : L’Orthodontiste 2022;11(2):23-6]
La langue joue un rôle majeur dans la morphogenèse des arcades par ses dysfonctions et anomalies de posture au repos et en fonction. Sa prise en charge est donc au centre des traitements d’orthopédie dentofaciale, quel que soit l’âge du patient concerné.
La langue, par ses appuis au repos et en fonction, a un rôle dans la dimension transversale du maxillaire. Cet os voit son activité de croissance suturale cesser après l’âge de 7 ans en laissant place à une activité de remodelage majeure. Sans appui lingual, cette croissance transversale est limitée et induit des défauts de croissance chez certains patients (figure 1).
La langue a également un rôle dans la croissance mandibulaire : en effet, en cas de posture palatine haute, ses insertions sur la mandibule vont entraîner une position antérieure de la mandibule et une décompression des articulations temporo-mandibulaires (ATM) en stimulant la croissance condylienne. Sans cet appui, et avec une posture linguale basse, la mandibule recule avec, au contraire, une compression des ATM.
La langue a également un rôle dans le schéma de croissance vertical, au niveau basal et dento-alvéolaire, avec par exemple la présence de béances antérieures ou latérales.
La langue peut donc être responsable d’anomalies verticales (béances antérieures ou latérales, supraclusion dans les classes II.2), sagittales (impact de la posture linguale sur la position mandibulaire) et transversales (endognathies et endoalvéolies).
Sa prise en charge est importante dans la réalisation des traitements et leur stabilité dans le temps. Or, les moyens de traitement à la disposition du soignant comprennent souvent une collaboration pluridisciplinaire avec des kinésithérapeutes et des orthophonistes. Quelle est donc l’utilité d’un moyen interne au cabinet d’orthodontie ?
Le délai de prise en charge pour la rééducation linguale des patients nous a conduits à développer la Matrice Linguale Active (MLA) et à la breveter. En effet, les délais d’attente pour les professionnels de santé sont importants et certaines zones ne sont pas dotées en kinésithérapeutes ou orthophonistes formés à l’éducation fonctionnelle. L’orthodontiste a donc souvent la responsabilité de cette prise en charge. Sans celle-ci, comment obtenir des résultats et de la stabilité ? L’utilisation de la MLA n’empêche pas une prise en charge kiné ou orthophonique : elles sont parfois complémentaires.
La MLA est un dispositif amovible à port intermittent : uniquement pour faire les exercices, avec un patient concentré pendant une minute, cinq fois par jour, devant un miroir (figure 2). Trois exercices différents sont demandés et mis en place progressivement, sur quelques semaines chez l’enfant et l’adolescent, sur un temps plus important chez l’adulte. La motivation du patient est essentielle et l’utilisation de la MLA se fait avec une communication adaptée et une information du patient (figure 3a-b).
La fabrication d’une MLA demande une empreinte numérique ou alginate haut et bas, avec un enregistrement 3D de l’occlusion ou une cire de mordu en classe I d’angle. Sa réalisation se fait sur mesure dans un laboratoire formé à la fabrication afin de garantir une bonne efficacité du dispositif. En effet, contrairement à une Enveloppe Linguale Nocturne (ELN) en résine dure, les exercices avec la MLA rendent très importante leur bonne réalisation. Une MLA mal réalisée contraindra le patient dans ses exercices, les rendant difficiles, voire impossibles et parfois en générant des habitudes nocives au traitement.
Le premier exercice développe l’appui au palais et la musculature linguale par la position de la langue dans la matrice linguale qui est plaquée contre son palais par le patient. Comme la MLA est souple, le patient garde la proprioception de cet appui palatin, ce qui renforce son éducation fonctionnelle posturale linguale. Une fois qu’il maîtrise cette posture linguale bouche fermée, on va lui demander de faire des mouvements d’ouverture et de fermeture mandibulaire en gardant l’appui de la langue contre le palais, et la MLA plaquée contre la voûte palatine. Ces mouvements sont réalisés sans fermeture labiale, pour que le patient contrôle dans un miroir la bonne posture linguale. Cela permet également de rendre indépendants les mouvements mandibulaires et linguaux : souvent les patients ne sont pas conscients de leur position linguale. Avec l’utilisation journalière de la MLA, la langue va progressivement se placer en appui contre la voûte palatine au repos, en parallèle d’un développement majeur des 17 muscles linguaux. Ce tonus musculaire va faciliter le passage vers le deuxième exercice.
Le deuxième exercice permet d’apprendre puis d’automatiser une déglutition secondaire. Cet exercice est mis en place au rendez-vous suivant, car il ne doit pas être mis en place par le patient seul. Ce dernier est sur le fauteuil avec sa MLA et un miroir. Il réalise son premier exercice, qu’il doit maîtriser parfaitement à ce stade. Après une dizaine de mouvements mandibulaires d’ouverture et de fermeture, on demande au patient de se mettre en occlusion et d’appuyer sa langue contre le palais. Il doit attendre dans cette position linguale que la déglutition secondaire se mette en place. Une fois l’exercice réalisé, il doit le répéter plusieurs fois pour vérifier la bonne réalisation et l’enchaînement entre les exercices un et deux. Cet exercice doit également se réaliser devant le miroir : le patient doit vérifier l’absence d’occlusion labiale pour ne pas permettre de déglutition primaire.
Le troisième exercice concerne la tonification des muscles transversaux de la langue (fig. 4). Le patient doit placer sa langue dans la MLA en appui palatin, bouche ouverte. Avec ses doigts, il va écraser transversalement la MLA et il doit repousser l’appui des doigts avec la langue pour solliciter les appuis linguaux en largeur. Cet exercice va tonifier l’appui lingual pour le maintien de la dimension transversale. Il est mis en place en dernier et ne pose généralement plus de soucis au patient qui a largement fait évoluer sa posture et sa fonction linguales grâce à ses entraînements quotidiens.
Une fois l’éducation fonctionnelle terminée, la MLA est stoppée (figure 5a-b). Lors des visites au cabinet d’orthodontie, le patient l’apporte pour contrôle de la position. Chez l’adulte, l’automatisation est plus compliquée à obtenir que chez l’enfant. En effet, la moyenne de port chez un enfant est de quinze semaines, alors que chez l’adulte cela peut aller jusqu’à trente semaines sans automatisation de la posture et de la fonction linguales.
La MLA est proposée au patient dès que possible, parfois en première intention si la langue est une gêne au traitement. Elle constitue :
- un test de motivation au traitement pour un patient adulte ;
- une contention du sens transversal en cas d’expansion palatine ;
- une aide à la correction sagittale ;
- un indispensable au traitement des béances antérieures ou latérales.
L’auteur ne déclare aucun lien d’intérêts.