ADHÉSION ET SENSIBILITÉS POSTOPÉRATOIRES
Restauration
Adhésive
Ancien interne des Hôpitaux de Paris Ancien AHU Pratique privée
[Première parution : Réalités Cliniques 2023;35(4):63-72]
Tandis qu’un collage efficace aux tissus dentaires apparaît garanti in vitro, une telle fiabilité n’est pas toujours rencontrée en pratique clinique. Cette observation est, dans une certaine mesure, confirmée par une incidence faible mais constante (environ 10 %) de sensibilités dentinaires rapportées après placement de restaurations adhésives [1,
Une incidence faible mais constante de sensibilités dentinaires est rapportée après placement de restaurations adhésives. Cet article passe en revue les principales causes à l’origine des sensibilités postopératoires après réalisation d’une restauration adhésives et décrit les moyens cliniques permettant de prévenir de telles complications.
[Première parution : Réalités Cliniques 2023;35(4):63-72]
Tandis qu’un collage efficace aux tissus dentaires apparaît garanti in vitro, une telle fiabilité n’est pas toujours rencontrée en pratique clinique. Cette observation est, dans une certaine mesure, confirmée par une incidence faible mais constante (environ 10 %) de sensibilités dentinaires rapportées après placement de restaurations adhésives [1, 2, 3]. Heureusement, ces réactions sont, en général, mineures et réversibles [3]. Certaines, cependant, sont plus prononcées et peuvent imposer la dépose de la restauration synonyme d’échec thérapeutique [4]. L’intensité de la réponse pulpaire aux procédures de collage et de restauration est modulée par différents facteurs. Le premier d’entre eux est sans aucun doute en relation avec la physiologie du complexe pulpo-dentinaire. La capacité des résines à mouiller les surfaces dentinaires, à résister aux contraintes dues à la polymérisation et à sceller la restauration est dans tous les cas un facteur additionnel affectant la réponse pulpaire.
Au cours des différentes séquences de réalisation d’une restauration adhésive, le complexe pulpo-dentinaire peut subir des agressions de nature physique, mécanique, chimique ou microbiologique. Le rôle majeur de l’agression bactérienne est aujourd’hui bien établi. L’infection est, en effet, la principale cause des dommages pulpaires sous restaurations [5]. Une étude conduite in vivo a pu confirmer la relation qui lie la micro-infiltration bactérienne survenant sous des restaurations et l’inflammation pulpaire des dents restaurées [6]. L’invasion bactérienne aurait un rôle bien plus déterminant que l’éventuelle toxicité des matériaux sur l’apparition des pulpopathies après la mise en place d’une restauration [7]. Toute exposition de la dent préparée à l’environnement buccal est donc potentiellement une source d’agression pulpaire.
Après un rappel sur les mécanismes physiopathologiques des sensibilités dentaires, cet article se propose de faire le point sur les causes à l’origine des sensibilités postopératoires et les moyens cliniques disponibles pour tenter de diminuer ces complications. Cet article n’abordera que les restaurations adhésives du secteur postérieur car les sensibilités postopératoires sont peu fréquentes dans le secteur antérieur.
Il est évident que, face à des phénomènes de sensibilités, un diagnostic différentiel devra écarter toute autre cause pouvant être à l’origine de sensibilités : fracture, fêlure, fissure dentaire, lésion carieuse, parodontite apicale, récession parodontale, lésion par abfraction, érosion, abrasion.
L’hypothèse hydrodynamique [8, 9] est aujourd’hui largement acceptée pour expliquer la sensibilité dentinaire. Elle repose sur le fait que la plupart des stimuli générateurs de la douleur augmentent le mouvement du fluide dentinaire à l’intérieur des canalicules. Tout mouvement accru du fluide dentinaire provoque un changement de pression au travers de la dentine, ce qui active les fibres nerveuses mécanosensibles Ad situées à l’interface pulpe/dentine ou au sein des tubuli dentinaires [10] (figure 1). Cette stimulation se produit probablement via une réponse mécano-réceptrice stimulant les fibres nerveuses du parenchyme pulpaire [11]. Ainsi, selon cette théorie, toute réduction de la conductance du fluide permet de réduire la sensibilité dentinaire. La stimulation des fibres nerveuses par le fluide dentinaire pourrait également s’accompagner d’une irritation (étirement, compression) de la membrane du prolongement odontoblastique. In vitro, l’étirement de la membrane de l’odontoblaste provoque une libération intracellulaire d’ions potassium [12]. Les ions potassium libérés pourraient activer les fibres nerveuses qui entourent les odontoblastes. L’odontoblaste se comporterait alors comme un récepteur sensoriel, intermédiaire entre le fluide dentinaire et les fibres nerveuses. Enfin, il n’est pas exclu que certains neuropeptides algogènes soient libérés par les fibres nerveuses sensibilisées. Ces neuropeptides provoquent une inflammation neurogène qui accroît l’hypersensibilité dentinaire [13]. Cette inflammation pulpaire peut également être provoquée par les bactéries (et leurs endotoxines) qui cheminent depuis la cavité buccale vers la pulpe dentaire via les tubuli grand ouverts. Sur le plan clinique, il apparaît évident que les mécanismes des sensibilités postopératoires des restaurations adhésives sont en relation avec la perte ou l’absence d’étanchéité marginale des restaurations.
L’agression mécanique de la dentine lors du fraisage affecte directement la pulpe. Il est donc important de vérifier l’état de la pulpe, le passé de la dent et son contexte anatomo-fonctionnel avant d’entreprendre la préparation dentaire. Un examen est donc nécessaire pour connaître l’état de l’organe pulpo-dentinaire, son volume, sa situation. Les nombreux facteurs suivants interviennent dans l’établissement du diagnostic pulpaire préopératoire.
La « dent jeune » comporte une pulpe dont les capacités de défense sont meilleures, mais dont les canalicules, plus largement ouverts, sont perméables et donc plus susceptibles aux phénomènes hydrodynamiques.
La « dent âgée » est favorable : le volume pulpaire est moindre, et il présente bien souvent de la dentine sclérotique.
La présence de lésion carieuse à évolution lente se caractérise par une dentine de couleur brunâtre au niveau profond de la cavité ; la pulpe a eu le temps d’édifier de la dentine réactionnelle, très peu perméable. En revanche, si la lésion carieuse est à évolution rapide, les zones cavitaires correspondantes présentent un tissu clair, ramolli, en épaisseur non négligeable. Il faut alors adopter une attitude prudente car il n’y a en conséquence que peu de dentine réactionnelle, voire pas du tout. La dentine sous-jacente est donc très perméable.
Cette parafonction provoque une rétraction de la chambre pulpaire avec élaboration de dentine réactionnelle [14] a priori favorable contre la survenue de sensibilités postopératoires. Mais il ne faut pas oublier que ce type de pulpe a déjà subi une accumulation d’agressions mécaniques ; son potentiel réparateur s’en trouve limité.
Les clichés radiographiques réalisés avec la technique des rayons parallèles (long cône) sont indispensables car ils permettent de déterminer les limites de la chambre pulpaire. Les radiogrammes rétro-coronaires donnent d’excellents renseignements dans les secteurs cuspides car ils donnent une image en grandeur réelle encore plus exacte.
Ils sont indispensables avant d’envisager toute réhabilitation coronaire. Toutefois, il faut rester prudent quant à l’interprétation des réponses aux tests car une dent peut répondre positivement aux différents tests de vitalité bien qu’elle soit nécrosée [15].
La préparation des dents vivantes nécessite l’utilisation d’anesthésie pour le confort du patient et du praticien. L’absence de sensibilité pulpaire peut entraîner un risque accru de traumatisme au cours du fraisage (fraisage trop appuyé ; échauffement…) si le praticien n’est pas consciencieux car les signaux d’alerte sont temporairement inhibés. Il existe également des phénomènes vaso-moteurs proprement liés à l’anesthésie (vasoconstricteurs). L’adrénaline ou noradrénaline entraîne une ischémie capillaire pouvant potentiellement être à l’origine de thromboses pulpaires, donc de nécroses. Il ne faut cependant pas exagérer les risques pulpaires de l’anesthésie, car les phénomènes microcirculatoires liés aux vasoconstricteurs, et en particulier la baisse de la pression sanguine intrapulpaire, sont plutôt favorables à la résistance aux traumatismes hydrodynamiques [16].
La température engendrée par la vitesse de rotation des instruments, la pression exercée sur la dentine et les vibrations associées à la section des prolongements odontoblastiques peuvent agresser la pulpe [17, 18]. Une température supérieure à 42,5 °C peut entraîner des lésions irréversibles du complexe pulpo-dentinaire [19].
La préparation devra être effectuée à grande vitesse. Le refroidissement est indispensable pour éviter toute élévation de la température au niveau des tissus fraisés. Les impératifs suivants doivent être respectés [20] :
• le refroidissement doit se faire sous spray air-eau ;
• le jet doit venir de trois directions ;
• il doit avoir une puissance suffisante pour ne pas être dévié ;
• il doit être dirigé vers le point d’impact de la fraise ;
• l’eau du spray doit être maintenue à la température la plus basse que la dent puisse supporter.
La technique du fraisage intermittent diminue les risques imposés à l’organe pulpo-dentinaire. Cependant, Stanley et Swerdlow ont constaté qu’en l’absence de refroidissement, le fraisage intermittent ne pouvait supprimer les réactions morbides pour la pulpe, ce qui va dans le sens de l’importance du refroidissement par spray [21].
La réalisation d’une préparation dentaire va ouvrir un grand nombre de tubules (1 à 2 millions en moyenne) [22]. Ces tubules seront alors une voie particulièrement propice à l’invasion bactérienne. Il faudra donc éviter tout contact prolongé avec les fluides buccaux. L’utilisation de la digue durant toute la procédure opératoire (depuis la réalisation de la préparation jusqu’au polissage de la restauration) est nécessaire pour empêcher ce contact.
La profondeur de la cavité joue un rôle primordial dans la survenue de sensibilité postopératoire. Ce fait est étayé par une étude menée par Hayashi et Wilson qui montrent que les restaurations composites du secteur postérieur de grandes dimensions sont plus sujettes à la survenue de sensibilités postopératoires. Ces auteurs concluent que la taille de la cavité semble un facteur de pronostic important pour les restaurations avec sensibilités postopératoires [23]. Ainsi, les restaurations directes en composite sont recommandées pour les cavités intracoronaires de petite et moyenne taille (Site 1, Stade 1 ou 2 ; Site 2, Stade 1 ou 2). Pour les pertes de substance plus importantes Site 1 (Stade 3 ou 4) et Site 2 (Stade 3 ou 4), il semble préférable de favoriser les restaurations indirectes [24, 25] (figures 2-9). Lorsque l’épaisseur des parois résiduelles est nettement amoindrie associée ou non à une perte cuspidienne, le recouvrement cuspidien est indiqué. En effet, l’apparition de fissures dentaires est extrêmement fréquente dans les cavités volumineuses restaurées par une technique adhésive en technique directe, car il est très difficile de maintenir le développement des contraintes de polymérisation au niveau des interfaces d’adhésion sous un seuil acceptable. Celles-ci sont soumises à des contraintes excessives, même avec les techniques d’obturation les plus sophistiquées. Ces contraintes de polymérisation peuvent être à l’origine de craquelures [26], de perte d’étanchéité et de sensibilités postopératoires [4] (figure 10). De ce fait, dans ce type de situation, une restauration indirecte, intracoronaire avec recouvrement cuspidien ou extracoronaire, devra être privilégiée.
On peut également essayer de limiter le stress de polymérisation en jouant sur plusieurs paramètres :
- la méthode de stratification et de polymérisation [27] (voir ci-après) ;
- utilisation de substituts dentinaires : CVI (ciment verre ionomère), CVIMAR (ciment verre ionomère modifié par adjonction de résine) utilisé en technique sandwich conventionnelle ou en « super closed sandwich technique » [28]. L’intérêt de ces matériaux est de réduire le volume de la cavité modérant les stress exercés par la contraction du composite sur les parois dentaires ;
- utilisation de composites bulk fill : leur utilisation permet une diminution du stress à la polymérisation par rapport au composite conventionnel. Deux protocoles d’utilisation des composites bulk fill peuvent être envisagés [28] : le premier consiste à utiliser un bulk fluide par incrément maximum de 4 mm recouvert d’une couche de composite hybride conventionnel sur les deux derniers millimètres ; le second consiste à utiliser un bulk visqueux seul et mis en place par incrément de 4 mm ;
- utilisation de composites renforcés par des fibres de verre courtes (ex. : EverX GC). Utilisé comme substitut dentinaire selon une technique sandwich, ce matériau augmente la tolérance à la propagation des fissures par rapport à d’autres résines composites de restauration [29]. De plus, les fibres réduisent l’intensité du stress à l’extrémité des fêlures dentaires [28].
La situation de la limite cervicale par rapport au parodonte doit être prise en considération. Si la limite cavitaire est très sous-gingivale, une restauration collée n’est pas indiquée. Les conséquences sont inhérentes à la difficulté d’obtention d’un champ opératoire étanche à l’origine de contamination peropératoire, à l’exposition continue du joint au fluide gingival, mais aussi au fait que ces zones sont logiquement plus difficiles d’accès aux techniques d’hygiène. Une limite en situation sous-gingivale nécessite donc idéalement un aménagement parodontal ou la mise en place d’une procédure de remontée de marge cervicale (qui devra être réalisée à l’abri de l’humidité, donc sous champ opératoire étanche) pour parvenir à une situation supra-gingivale [30]. Si une telle procédure n’est pas envisageable, le choix d’une restauration adhésive doit être remis en question.
Il convient également d’apprécier la présence et l’épaisseur du bandeau d’émail cervical qui est le tissu au niveau duquel l’adhésion reste la plus fiable. En présence d’une épaisseur d’émail résiduelle inférieure à 1 mm, il est plus risqué de réaliser une obturation directe en composite [25]. Le recouvrement de la marche cervicale par une fine couche de composite fluide absorbant les contraintes de polymérisation peut permettre d’obtenir l’étanchéité cervicale. Cependant, les techniques indirectes trouvent ici une de leurs indications princeps.
En plus de sa biocompatibilité, on recherche deux propriétés pour un système adhésif : l’adhésion et l’étanchéité. En effet, un adhésif doit avant tout coller. Il doit assurer de manière immédiate un joint adhérent suffisamment fort pour s’opposer aux contraintes de polymérisation du composite qu’on applique à sa surface. Par ailleurs, comme la mise en fonction d’une restauration suit directement le traitement, ce joint doit présenter une résistance précoce suffisante puisque l’essentiel de la tenue est assuré par le collage. Il est habituellement admis qu’il doit être étanche à l’échelle du micromètre qui est celle de la bactérie. En fait, c’est à une dimension bien plus faible (celle du nanomètre) que l’interface adhésif-tissus dentaires doit s’établir pour éviter la pénétration de fluides générateurs de sensibilités postopératoires.
Les qualités d’adhérence et d’étanchéité doivent non seulement être immédiates mais durables pour éviter les colorations marginales, les caries récurrentes, les sensibilités, voire la perte de la restauration qui sont autant de phénomènes de dégradation limitant la longévité des traitements.
Dans l’emploi d’un adhésif, tout praticien devrait idéalement pouvoir espérer des résultats thérapeutiques fiables et reproductibles. Ce n’est pas le cas actuellement car la technique adhésive est très sensible à la manipulation. De petits écarts dans la procédure de mise en œuvre sont susceptibles de compromettre la durabilité du collage [31]. Les systèmes adhésifs plus simplifiés de type SAM ne s’avèrent pas plus tolérants, à ce titre, que les adhésifs en trois séquences du type M&R3, bien au contraire [32]. La pénétration des systèmes M&R2 est très dépendante de l’état plus ou moins humide de la dentine déminéralisée sur laquelle ils sont déposés [33]. Un substrat pas assez ou trop séché peut entraîner des conséquences importantes sur la qualité de l’hybridation [34] et donc sur la survenue de sensibilités postopératoires. D’une manière similaire, un séchage généralement insuffisant ou trop brutal après l’application d’un SAM1 ou SAM2 peut dramatiquement affecter la qualité du joint collé [35, 36].
Par ailleurs l’acide orthophosphorique à l’origine de la force de la stratégie des adhésifs avec mordançage préalable à l’acide phosphorique est aussi à l’origine de sa faiblesse. Il peut être trop agressif. Un mauvais contrôle du temps d’application de l’acide orthophosphorique (mordançage dentinaire supérieur à 15 secondes) peut être à l’origine de sensibilités postopératoires.
Des études ont plusieurs fois avancé qu’on observait moins de sensibilités postopératoires avec les systèmes adhésifs auto-mordançants car l’utilisation d’un acide plus faible que l’acide phosphorique n’éliminant pas la boue dentinaire réduisait le risque de sensibilités postopératoires [37]. D’autres études viennent toutefois contredire ce point. En effet, il semble qu’on n’observe pas plus de sensibilité postopératoire avec un adhésif M&R (ou un Universal utilisé avec prémordançage) par rapport à un SAM (ou un Universal utilisé sans prémordançage) si on respecte scrupuleusement le protocole de l’adhésif [38, 39].
L’utilisation d’adhésif de type M&R3 (Ex : Optidond FL Kerr) peut être intéressant pour prévenir les sensibilités postopératoires car ses trois étapes le rendent peu sensible à la manipulation. De plus, cet adhésif chargé permet un amortissement des contraintes internes et des chocs [40].
Enfin, la réalisation d’un mordançage sélectif à l’acide phosphorique uniquement sur l’émail, puis l’application d’un adhésif universel contenant un monomère fonctionnel sur la dentine et l’émail constitue une alternative pour éviter la survenue de sensibilités postérieures.
L’inconvénient majeur et la principale source d’échec des restaurations en composite reste la rétraction de prise de ce matériau. Durant la polymérisation, la contraction des composites varie de 1,5 à 5 % en volume. La contraction de prise du matériau peut être à l’origine de :
• tensions au niveau des tissus dentaires pouvant entraîner des flexions des cuspides, des fragilisations ou même des ruptures de l’émail ;
• déchirures plus ou moins étendues et profondes au niveau du joint avec création d’un hiatus périphérique favorisant la percolation marginale, des réactions inflammatoires pulpaires, des récidives de lésions carieuses et des sensibilités postopératoires ;
• contraintes internes du matériau favorisant l’apparition de fractures cohésives à l’intérieur du matériau ;
• diminution de la résistance mécanique du composite.
Lors de la réalisation de la restauration composite, la technique opératoire doit viser à réduire les effets néfastes de la rétraction de prise et à minimiser les risques de rupture de l’interface.
Plusieurs procédures ont été proposées :
• l’utilisation d’un adhésif chargé, plus épais (ex. : Optibond FL Kerr) comme évoqué précédemment ;
• l’apport d’incréments successifs peu importants, positionnés de manière oblique [27], qui permet de réduire la contraction de polymérisation en jouant sur le facteur configuration (Facteur C) ;
• l’utilisation d’un composite fluide comme couche initiale. Cette couche de composite permet en effet une diminution du stress de contraction de 20 à 50 % [41].
Afin de simplifier les protocoles et de diminuer les effets du stress de contraction, les industriels ont développé des matériaux spécifiques pour la technique dite bulk, c’est-à-dire des matériaux insérés en un seul apport horizontal et en épaisseur majorée. Plusieurs études in vitro ont montré une diminution du stress de polymérisation par rapport aux composites conventionnels [42]. L’utilisation de composite bulk permet de réduire le risque de sensibilités post-opératoires durant les premières 24 heures après la mise en place de la restauration par rapport à un composite conventionnel. Mais cette différence diminue et devient nulle après des observations faites à une semaine et à un mois postopératoire [43].
Lors de restauration directe en composite ou de l’assemblage de restauration indirecte, de plus en plus de praticiens utilisent un composite chauffé afin de modifier la viscosité du matériau. Le fait de chauffer le composite ne semble pas s’accompagner de sensibilité postopératoire plus importante par rapport à l’utilisation d’un composite à température ambiante [44].
La mise en place d’un protocole de scellement immédiat de la dentine (IDS) dans les procédures de restauration indirecte permet d’éviter les sensibilités en interséances (séance de préparation/séance de collage de la restauration). En outre, une revue systématique de la littérature avec méta-analyse récente n’a pas permis de montrer qu’une telle procédure permettait de réduire les sensibilités postopératoires après collage de la restauration indirecte [45].
Les composites photopolymérisables nécessitent l’emploi d’une source lumineuse pour polymériser. La rétraction de polymérisation se fait en direction de la source lumineuse. Cette phase « d’éclairage » du composite prend du temps, elle est souvent considérée comme une perte de temps. Ainsi, on a vu depuis quelques années la commercialisation de lampes émettant une très grande quantité d’énergie lumineuse. L’avantage annoncé de ces générateurs est la réduction considérable du temps d’insolation. Toutefois, il est aujourd’hui évident qu’il est impossible de « polymériser vite et bien ». En effet, du fait de la complexité de la cinétique de polymérisation, il n’existe pas de relation linéaire entre le temps de polymérisation et l’irradiance. Comme le montre l’étude de Peutzfeldt et Asmussen, pour une densité d’énergie donnée, un temps d’exposition long et une irradiance faible induisent un taux de conversion plus élevé du composite qu’un temps d’exposition court avec une irradiance élevée [46]. De plus, le mode de polymérisation, rapide ou progressif, est un facteur primordial sur la qualité des joints des restaurations. Une polymérisation rapide n’est pas compatible avec une bonne étanchéité. Là encore, la nature du générateur n’est plus le principal paramètre, c’est le temps qui est essentiel.
Afin d’obtenir la meilleure qualité de joint dent/obturation, une polymérisation progressive est préférable à une polymérisation rapide [47-49] pour permettre la dissipation des contraintes générées par la rétraction de prise. Le composite doit être placé par petites couches de 2 mm d’épaisseur pour permettre l’activation des initiateurs photosensibles à une vitesse élevée. Le volume de matériau prenant en une fois est plus faible et génère ainsi moins de rétraction. Pour les obturations de moyenne et grande étendue, chaque couche de composite doit être placée de façon oblique dans la cavité afin de rendre le facteur C plus favorable. Enfin, chaque couche de composite doit être polymérisée de façon à guider les vecteurs de polymérisation [23].
Les composite bulk peuvent être polymérisés sous des épaisseurs plus importantes que les composites conventionnels car ils possèdent une correspondance des indices de réfraction charge/matrice [28] afin de permettre une meilleure transmission de la lumière à travers le matériau. Enfin, ils contiennent une grande quantité de photo-initiateurs [27, 50].
Les sensibilités postopératoires constituent l’un des échecs des restaurations adhésives. Ces sensibilités sont en relation avec la perte ou l’absence d’étanchéité marginale des restaurations en partie liée à la contraction de polymérisation des résines composites. Heureusement, de nombreuses mesures cliniques facilement applicables peuvent prévenir ces sensibilités postopératoires.
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.