STRATÉGIES DE DÉCONTAMINATION DES SURFACES IMPLANTAIRES DANS LE TRAITEMENT DE LA PÉRI-IMPLANTITE
Parodontologie
Implantologie
Brenda MERTENS* Alberto MONJE** Ramon PONS***
*Collaboratrice externe, département de parodontologie, chirurgie orale et implantaire, Université de Liège, Belgique. Exercice privé exclusif en parodontologieet implantologie orale, Montpellier, France.
**Département de parodontologie, Université internationale de Catalogne, Barcelone, Espagne. Département de parodontologie, École de médecine dentaire, Université du Michigan, Ann Arbor, Etats-Unis. Département de parodontologie, École dentaire ZMK, Université de Berne, Berne, Suisse. Exercice privé exclusif en parodontologie et implantologie orale, Badajoz, Espagne.
***Département de parodontologie, Université internationale de Catalogne, Barcelone, Espagne. Exercice privé exclusif en parodontologie et implantologie orale, Badajoz, Espagne.
Les implants dentaires représentent un moyen thérapeutique efficace pour restaurer la fonction orale et l’esthétique chez les patients édentés [1]. Néanmoins, l’apparition de complications biologiques, en particulier la péri-implantite, peut compromettre la stabilité et la survie à long terme des implants, ce qui peut nuire à la satisfaction des patients et avoir un impact négatif sur leurs émotions et l’aspect financier [
La péri-implantite est une pathologie infectieuse qui entraîne une perte osseuse progressive. La thérapie chirurgicale a été préconisée en seconde intention pour stopper la progression de la maladie et rétablir la santé péri-implantaire. L’une des tâches les plus difficiles et les plus décisives dans la prise en charge de la péri-implantite est l’élimination du biofilm dans le but d’obtenir une ré-ostéointégration et de promouvoir la réduction des poches péri-implantaires. Une multitude de stratégies ont été répertoriées pour décontaminer la surface implantaire. Les moyens mécaniques se sont révélés efficaces pour éliminer les dépôts de tartre et les débris résiduels ; cependant, la présence de contre-dépouilles, les rainures et porosités le long de la surface rugueuse de l’implant rendent cette stratégie insuffisante pour obtenir une surface aseptique. Les adjuvants chimiques ont également été préconisés en conjonction avec les mesures mécaniques pour diminuer les concentrations bactériennes, détruire les composants organiques des bactéries et éliminer les endotoxines. En outre, des adjuvants pharmacologiques ont été proposés dans le but de diminuer la charge bactérienne. D’autres stratégies, telles que l’utilisation de lasers, l’implantoplastie et la méthode électrolytique, ont été suggérées pour décontaminer la surface de l’implant et favoriser des résultats cliniques et radiographiques prévisibles.
Les implants dentaires représentent un moyen thérapeutique efficace pour restaurer la fonction orale et l’esthétique chez les patients édentés [1]. Néanmoins, l’apparition de complications biologiques, en particulier la péri-implantite, peut compromettre la stabilité et la survie à long terme des implants, ce qui peut nuire à la satisfaction des patients et avoir un impact négatif sur leurs émotions et l’aspect financier [2].
La péri-implantite est un état inflammatoire induit par un biofilm qui entraîne une perte osseuse progressive. Il s’agit donc d’une maladie infectieuse qui diffère de la parodontite par son hétérogénéité et sa complexité microbiennes [3]. Compte tenu de la nature infectieuse de la maladie, l’objectif thérapeutique ultime est de faire évoluer l’environnement vers un écosystème aérobie afin de promouvoir la santé et la stabilité. Pour atteindre cet objectif, il est essentiel de perturber le biofilm de la surface implantaire contaminée et de traiter tout facteur local prédisposant ou aggravant ayant joué un rôle dans l’initiation et l’évolution de la maladie [4].
C’est pourquoi la réduction de la profondeur de poche péri-implantaire a été définie comme le principal critère d’évaluation clinique dans la prise en charge de la péri-implantite [5]. Par conséquent, les manifestations cliniques de la maladie, telles que le saignement au sondage et la suppuration, doivent être réduites/éliminées, tandis que le niveau de l’os marginal est stabilisé grâce à l’arrêt de l’inflammation.
Des mesures non chirurgicales et chirurgicales, y compris des adjuvants mécaniques, pharmacologiques et chimiques, ont été proposées [6]. Les limites de la thérapie non chirurgicale résident dans le manque d’accès et de visibilité, ce qui peut conduire à une élimination inefficace du biofilm (figure 1).
Il est à noter que le biofilm est une communauté bactérienne hautement structurée, enfermée dans une matrice, qui développe la capacité d’échapper aux cellules hôtes. En ce sens, l’une des tâches les plus difficiles et les plus décisives dans la prise en charge de la péri-implantite est l’élimination du biofilm pour favoriser la résolution de l’inflammation [7].
En 2018, Heitz-Mayfield et al., dans un rapport de consensus de l’ITI, ont souligné que les praticiens devaient être conscients que les caractéristiques de surface de l’implant pouvaient avoir un impact sur le succès du traitement. En effet, ceux-ci pouvaient affecter le succès à moyen et long terme des traitements, avec des résultats moins bons pour les implants rugueux que pour les implants usinés ou minimalement rugueux. De plus, une mauvaise accessibilité peut aussi être compliquée par les microstructures tridimensionnelles des implants, le filetage, une conicité importante du col implantaire, ou encore la présence de platform-switching (figure 2).
Des études in vitro ont également souligné l’impact de la configuration du défaut osseux sur la qualité de la décontamination implantaire. En effet, face à un défaut vertical et étroit, le praticien obtiendra un accès moins facile à l’ensemble de la surface implantaire qu’en présence d’un défaut horizontal large [8].
Une grande variété de stratégies ont été étudiées dans la littérature pour décontaminer la surface implantaire [9]. Les moyens mécaniques se sont avérés efficaces pour éliminer les dépôts de tartre et les débris résiduels ; cependant, la présence de contre-dépouilles, les rainures et porosités le long de la surface rugueuse de l’implant rendent cette stratégie insuffisante pour obtenir un environnement plutôt aseptique. Les adjuvants chimiques ont donc été préconisés en conjonction avec les mesures mécaniques pour diminuer les concentrations bactériennes, détruire les composants organiques des bactéries et éliminer les endotoxines. En outre, des adjuvants pharmacologiques tels que les antibiotiques locaux ont été proposés dans le but de diminuer également la charge bactérienne et, dans le cas des tétracyclines, d’inhiber directement la métalloprotéase matricielle et la collagénase qui sont liées à la dégradation des tissus. D’autres stratégies, telles que l’utilisation de lasers, l’implantoplastie et l’électrolyse, ont été préconisées pour décontaminer la surface de l’implant et favoriser des résultats cliniques et radiographiques prévisibles.
À ce jour, aucun moyen de décontamination mécanique est supérieur à un autre. L’objectif est donc d’identifier le mécanisme d’action et les preuves scientifiques de chacune des méthodes afin de fournir des conclusions susceptibles d’aider le clinicien dans la prise en charge de la péri-implantite.
Le principal facteur étiologique de la péri-implantite étant l’accumulation de biofilm sur la surface de l’implant, les alternatives thérapeutiques actuelles sont basées sur la décontamination de cette surface dans le but de perturber le biofilm qui s’y est fixé. Différentes techniques de décontamination mécanique ont été proposées, telles que l’utilisation de curettes en plastique et en métal, d’instruments à ultrasons et, plus récemment, de brosses en titane [10, 11].
Le protocole de décontamination mécanique idéal doit non seulement éliminer efficacement le biofilm et le tartre attachés, mais aussi éviter toute modification délétère significative de la surface de l’implant [12, 13]. Ces changements peuvent affecter la prolifération ultérieure des cellules des tissus mous et durs, ainsi que la recolonisation par les biofilms bactériens [14]. Différents dispositifs et méthodes de décontamination ont été testés dans le cadre d’études in vitro [15-17]. Les résultats de ces études ont montré que la présence d’un biofilm résiduel après l’instrumentation était fréquente.
Plusieurs facteurs ont été signalés comme influençant la capacité à décontaminer mécaniquement la surface d’un implant in vitro. Parmi eux : 1/ les caractéristiques liées à l’implant, telles que la profondeur, le pas ou la conception du filetage, qui pourraient influencer le résultat des procédures de décontamination [18], 2/ l’angle et la profondeur du défaut [16, 19], 3/ le dispositif de décontamination utilisé [20, 21].
Il faut tenir compte du fait qu’il n’existe pas de décontamination mécanique unique qui réponde à toutes les exigences d’une décontamination idéale des surfaces. Pour cette raison, les praticiens ont souvent recours à une combinaison de stratégies. Il a été démontré que l’utilisation de détartreurs à ultrasons est la méthode qui exerce l’effet le plus délétère sur la surface de l’implant, tandis que les aéropolisseurs se sont révélés être les plus conservateurs [22, 23]. D’autres options comme les instruments avec un revêtement en téflon et en plastique ont montré qu’il restait des résidus sur la surface de l’implant après leur passage [24, 25]. Les aéropolisseurs se sont montrés les plus « doux » pour la surface implantaire [22]. Il a également été suggéré que les aéropolisseurs peuvent avoir des difficultés à éliminer les dépôts bactériens calcifiés ou adhérents [26].
Dans le cas de dépôts calcifiés bien adhérents, les brosses en titane peuvent représenter une option valable. Elles sont constituées d’une tige en acier inoxydable à l’extrémité de laquelle sont fixées des brosses en titane. Elles sont aujourd’hui fréquemment utilisées avec des contre-angles à 800-1 000 oscillations par minute [27]. Malgré l’absence de différence entre les aéropolisseurs et les brosses en titane dans l’élimination des substituts de biofilm dans les études in vitro, en présence de dépôts calcifiés, les brosses en titane peuvent avoir une plus grande efficacité de décontamination. Des études in vitro [18, 28] ont démontré la supériorité des brosses en titane sur les dispositifs à ultrasons dans les défauts circonférentiels infra-osseux. Cela peut s’expliquer par la plus grande zone d’action de ce dispositif et la flexibilité des poils en titane qui peuvent permettre un meilleur accès entre les spires (figures 3 et 4).
La curette métallique et l’embout de détartrage ultrasonique sont les dispositifs de débridement mécanique les plus simples et les plus largement utilisés, bien qu’ils présentent tous deux des limites évidentes en termes d’élimination du biofilm. Les brosses en titane ont l’avantage de pouvoir être utilisées plus facilement dans les défauts infra-osseux étroits, de provoquer des altérations de surface limitées et de donner de bons résultats en chirurgie reconstructive.
Ces appareils ont été introduits pour la première fois en dentisterie en 1945 [29] et sont utilisés pour le nettoyage mécanique des dents depuis les années 1980 [30, 31].
L’aéropolissage (AA) est une méthode de nettoyage mécanique qui consiste à appliquer une poudre abrasive à l’aide d’un jet d’eau comprimé pour nettoyer et polir une surface en ramollissant et en éliminant le biofilm qui y adhère [32]. L’utilisation de poudres peu abrasives de glycine, de phosphosilicate de calcium et de sodium, de carbonate de calcium, de trihydroxyde d’aluminium et d’érythritol en association avec une buse sous-gingivale, est préconisée pour le nettoyage de la surface sous-gingivale de la racine [32] et la décontamination de la surface implantaire [33].
L’utilisation de l’AA dans le traitement non chirurgical des péri-implantites a permis d’améliorer les paramètres cliniques et la résolution de la maladie. Récemment, Hentenaar et al. [34] ont comparé l’AA à l’érythritol avec le détartrage ultrasonique piézoélectrique dans le traitement non chirurgical de la péri-implantite. Après 12 mois de suivi, aucune différence significative n’a été observée entre les groupes en termes de paramètres cliniques et radiographiques et de pathogènes parodontaux. Bien que cela ne soit pas statistiquement significatif, la douleur et l’inconfort du traitement (score VAS) étaient légèrement inférieurs dans le groupe AA. De même, Aloy-Posper et al. [35] ont également démontré que les indices de plaque et de saignement étaient significativement réduits dans le groupe traité avec la combinaison d’AA et de curettes par rapport à ceux traités au moyen d’ultrasons et de curettes. En outre, le taux de satisfaction à l’égard du traitement était plus élevé chez les patients traités à l’aide d’AA et de curettes que chez ceux traités à l’aide d’autres stratégies.
En ce qui concerne le traitement chirurgical de la péri-implantite, Toma et al. [36], compare l’efficacité de trois modalités de détoxification : AA, curettes en plastique et brosses en titane. Une résolution clinique de la maladie (PPD ≤ 5 mm, pas de BOP et pas de perte osseuse moyenne supplémentaire ≥ 0,5 mm) a été observée dans 22 % des implants traités au moyen de curettes en plastique, pour 27 % traités avec de l’AA et 33 % avec des brosses en titane. Bien que le succès du traitement soit généralement faible, la brosse en titane et le dispositif AA à la glycine se sont révélés légèrement plus efficaces que les curettes en plastique.
Les données actuelles plaident en faveur de l’utilisation de dispositifs d’aéropolissage à base de poudre pour décontaminer la surface de l’implant en raison de sa biocompatibilité cellulaire, de sa faible capacité à modifier la morphologie de la surface de l’implant et de son efficacité prouvée en matière de décontamination, en particulier sur les surfaces où l’accès à d’autres instruments mécaniques est limité. Malgré cela, les données actuelles suggèrent que l’utilisation de l’AA comme seule méthode de décontamination dans le traitement de la péri-implantite peut ne pas être suffisante pour résoudre la maladie, et qu’il serait donc bénéfique de l’associer à d’autres méthodes chimiques et mécaniques pour en optimiser l’efficacité. En outre, plusieurs facteurs tels que la texture de la surface du titane, le type et la taille des particules de poudre, la pression de l’air et le temps d’application doivent être pris en compte lors du choix de l’AA comme stratégie de décontamination complémentaire dans le traitement de la péri-implantite.
D’après les données cliniques, l’implantoplastie semble être sûre et efficace pour gérer la péri-implantite en complément d’une thérapie combinée reconstructrice/résectrice (figure 5). Son effet sur la cicatrisation osseuse reste à déterminer. Cette technique est vue plus précisément dans l’article « Traitement chirurgical des lésions péri-implantaires : apport de l’implantoplastie ».
Des modalités chimiques ont été proposées en complément des mesures mécaniques pour éliminer le biofilm et les débris résiduels de la surface de l’implant. Les agents chimiques les plus fréquents sont le sérum physiologique stérile (SS), le peroxyde d’hydrogène (H2O2), l’acide citrique (CA), l’acide éthylènediamine tétra-acétique (EDTA) et l’acide phosphorique (PA). Les plus sûrs sont le sérum physiologique stérile et le peroxyde d’hydrogène.
Un résumé des avantages et inconvénients est présenté dans le tableau 1 [37].
Bien qu’il s’agisse d’une procédure courante, le débridement efficace de la surface de l’implant est difficile à réaliser, notamment en raison de la micro- et de la macro-topographie des implants. Par conséquent, les instruments mécaniques classiques qui sont habituellement utilisés autour des dents naturelles peuvent ne pas atteindre les parties les plus étroites de l’implant [38, 39]. Dans ce contexte, les lasers sont censés jouer un rôle important dans le traitement de la péri-implantite en raison de leur effet bactéricide et de leur effet de biostimulation [40]. Au fil des années, de nombreux lasers et longueurs d’onde ont été mis à la disposition des praticiens, avec des caractéristiques totalement différentes. En outre, une multitude de réglages de puissance différents ont été proposés. Par conséquent, même si de nombreuses études ont été réalisées, nous ne disposons de nos jours que des preuves limitées. En fait, plusieurs aspects doivent être précisément examinés lors de l’utilisation des lasers dans le traitement des surfaces implantaires, tels que la sécurité, l’effet bactéricide et décontaminant, les dommages et la biocompatibilité de la surface traitée et, enfin, les résultats du traitement clinique.
Le laser à grenat d’aluminium et d’yttrium dopé à l’erbium (Er:YAG) et le laser erbium, chrome, yttrium-scandium-gallium-grenat (Er,Cr:YSGG) sont les deux lasers à erbium les plus couramment utilisés en dentisterie et ils émettent tous deux de la lumière dans la région spectrale de l’infrarouge moyen, leurs longueurs d’onde étant respectivement de 2 940 nm et 2 790 nm. Leur caractéristique commune est d’avoir l’absorption la plus élevée dans l’eau et les hydroxyapatites par rapport à d’autres lasers infrarouges et, par conséquent, ils sont capables d’agir à la fois sur les tissus mous et durs. En fait, lorsque ces lasers agissent sur un tissu dur, l’eau qui s’y trouve se transforme en vapeur, provoquant de petites explosions qui, à leur tour, entraînent l’ablation du tissu dur [40]. Comme ces lasers peuvent agir sur le tartre, ils peuvent être utilisés comme alternative au débridement mécanique. Un certain nombre d’articles ont démontré que lorsque les réglages de puissance appropriés sont utilisés, les lasers Er:YAG et Er,Cr:YSGG ne causent pas de dommages à la surface de l’implant [41-43] et que l’augmentation de la température est minime si l’on utilise des pulvérisations d’eau [44-46]. Cependant, d’autres études ont rapporté que l’irradiation au laser Er:YAG causait des dommages considérables aux surfaces oxydées anodiques, entraînant l’exposition du titane rugueux [47, 48].
Il a été démontré que le laser Er:YAG éliminait efficacement la plaque, le tartre et les toxines autour des surfaces d’implant modifiées [47, 49-52] et d’avoir un potentiel bactéricide élevé, même lorsque des réglages de faible puissance sont utilisés [53, 54]. Une étude in vitro récente a démontré que le laser Er:YAG à 100 MJ/impulsion était capable d’éliminer 84 % des bactéries d’une surface SLA [55]. La grande efficacité du laser Er,Cr:YSGG dans l’élimination du biofilm d’une surface sablée et mordancée à l’acide précédemment contaminée a également été documentée [42, 56-58].
En ce qui concerne la compatibilité biologique de la surface de l’implant, même si une étude in vitro [43] a constaté que la viabilité et l’activité des cellules ostéoblastiques à la surface de l’implant étaient compromises, d’autres ont fait état de résultats favorables en termes de prolifération d’ostéoblastes [52, 59, 60] et de fibroblastes [61] à la surface implantaire traitée au laser Er:YAG.
D’autres études précliniques suggèrent que la biocompatibilité de la surface de l’implant n’est pas sévèrement affectée par le traitement au laser, car un pourcentage plus élevé de contact os-implant a été démontré par rapport au traitement mécanique [51, 62, 63]. En ce qui concerne Er,Cr:YSGG, la surface passée au laser semble favoriser l’adhésion des fibroblastes et des ostéoblastes [64, 65]. Récemment, une étude humaine [66] a fourni des preuves histologiques de la formation d’un nouvel os sur la surface de l’implant traité au laser Er,Cr:YSGG avant la thérapie régénérative.
Un résumé des résultats cliniques des ECR utilisant différentes longueurs d’onde laser est présenté dans le tableau 2 [37].
Le laser Er:YAG pourrait être considéré comme une méthode alternative pour décontaminer la surface de l’implant, même si les données actuelles ne suggèrent pas que son utilisation soit associée à de meilleurs résultats cliniques.
L’utilisation complémentaire du laser Er,Cr:YSGG pourrait apporter des avantages supplémentaires, mais d’autres études sont nécessaires pour confirmer ces résultats.
Les lasers à diode les plus couramment utilisés en dentisterie ont des longueurs d’onde comprises entre 810 nm et 980 nm dans la zone du proche infrarouge.
Leur action étant limitée aux tissus mous, ils sont toujours associés à d’autres instruments pour le débridement mécanique de la surface de l’implant.
Avec ces lasers, les bactéries sont principalement éliminées par effet photothermique qui induit leur évaporation, leur destruction et leur inactivation [40]. En ce qui concerne les dommages à la surface de l’implant, le laser à diode peut être considéré comme assez sûr. En fait, aucun dommage à la surface de l’implant n’a été constaté, même lorsque le laser à diode est utilisé à des puissances élevées de 7 W [86] à 15 W [87]. Récemment, une étude in vitro a montré qu’à une puissance de 3 W, les surfaces modérément rugueuses des implants ne subissaient que des dommages mineurs ou nuls. En ce qui concerne la surface TiUnite, Giannelli et al. [88] ont indiqué que cette surface spécifique était plus sensible aux dommages thermiques. Cependant, d’autres travaux [89] ont démontré que la biocompatibilité de cette surface n’était pas affectée par le traitement au laser.
Les données existantes ne suggèrent pas de supériorité clinique de l’utilisation des lasers à diode par rapport à d’autres stratégies.
Outre l’erbium et les diodes, d’autres lasers peuvent être utilisés pour décontaminer la surface de l’implant, tels que les lasers CO2 et les lasers à grenat d’aluminium et d’yttrium dopé au néodyme (Nd:YAG).
Néanmoins, les données existantes ne suggèrent pas de supériorité clinique de l’utilisation des lasers CO2 et Nd:YAG par rapport à d’autres stratégies.
La thérapie photodynamique a été employée dans le domaine médical pour inactiver les cellules, les molécules et les micro-organismes [90]. Fondamentalement, cette approche nécessite la présence de trois ingrédients : une lumière visible inoffensive, un photosensibilisateur non toxique et de l’oxygène.
Le photosensibilisateur se lie à la cible et est activé par la lumière d’une longueur d’onde spécifique. Par la suite, l’activation du photosensibilisateur entraîne la production d’oxygène singulet et d’autres espèces réactives de l’oxygène (superoxyde, radicaux hydroxyles, peroxyde d’hydrogène) qui causent des dommages à la membrane cytoplasmique bactérienne [91]. L’oxygène singulet, qui semble être le principal agent cytotoxique, est capable de tuer les bactéries, les virus, les protozoaires et les champignons proches du photosensibilisateur sans affecter les cellules ou les organes éloignés grâce à sa courte durée de vie et à son rayon d’action [90]. Par conséquent, la thérapie photodynamique peut être facilement employée dans des sites difficiles à atteindre avec des instruments mécaniques en raison de la complexité anatomique et de la topographie de la surface.
Différentes combinaisons de sources lumineuses et d’agents photosensibilisants sont disponibles sur le marché : l’activation du photosensibilisateur peut être réalisée au moyen d’une lumière laser, qui est généralement générée par des lasers dont la longueur d’onde va du visible au proche infrarouge (lasers à diodes, lasers à argon, lasers hélium-néon), ou d’une source lumineuse non laser telle que les diodes électroluminescentes (DEL). En ce qui concerne les agents photosensibilisants, le bleu de toluidine et le bleu de méthylène sont les colorants les plus couramment utilisés dans ce domaine [91]. L’activité antimicrobienne de la thérapie photodynamique autour des implants a été prouvée in vitro [92-94], précliniques [95, 96], et sur l’homme [76, 83, 84, 97]. En outre, des dommages nuls ou négligeables à la surface de l’implant ont été signalés in vitro [92] et des études animales ont fourni des preuves histologiques de la régénération osseuse sur la surface traitée [96, 98].
La thérapie photodynamique peut apporter des avantages cliniques à court terme lorsqu’elle est utilisée dans une approche fermée, alors que sa valeur ajoutée est plutôt réduite lorsque des procédures chirurgicales sont adoptées.
La méthode électrolytique (EM) a été indiquée pour la désintoxication chirurgicale dans la gestion de la péri-implantite [99]. Pour la méthode électrolytique, l’implant doit être chargé négativement avec une tension et un courant maximum de 600 mA. Pour ce faire, un appareil (GS1000, GalvoSurge Dental AG, Widnau, Suisse) fournit la tension et pompe une solution de formiate de sodium à travers une tête de pulvérisation, qui doit être enfoncée dans l’implant par la pression des doigts pour obtenir un contact électrique. Cette technique est vue plus précisément dans l’article « Prise en charge régénérative de la péri-implantite par le nettoyage électrolytique ».
L’utilisation d’antibiotiques/antiseptiques locaux constitue une stratégie supplémentaire pour parvenir à la décontamination de la surface de l’implant. Les antibiotiques/antiseptiques locaux les plus couramment utilisés, tels que le métronidazole, la minocycline, la doxycycline et la tétracycline, ont déjà été appliqués en association avec le traitement de la parodontite et ont donné de bons résultats [100, 101]. Pour être efficace, l’antibiotique/antiseptique administré localement doit maintenir une concentration appropriée pendant une période adéquate.
En ce qui concerne le traitement de la péri-implantite, les ECR disponibles se sont principalement concentrés sur la minocycline dans ses différentes formulations telles que les microsphères [102, 103], et la pommade [104, 105] montrant généralement des résultats favorables à court terme par rapport au débridement mécanique en termes de PD, de BOP et de réussite du traitement. L’utilisation du gel de doxycycline a été rapportée dans un ECR de 4 mois [106], dans lequel des différences significatives de PPD et de BOP ont été signalées entre le groupe test et le groupe témoin, favorisant l’utilisation de l’antibiotique administré localement. Le tableau 3 donne plus de détails sur les caractéristiques des agents médicamenteux délivrés localement ainsi que les avantages et inconvénients.
Des résultats favorables à court terme peuvent justifier l’utilisation d’antibiotiques administrés localement. En raison de leur capacité limitée à décontaminer le biofilm, il est suggéré de les utiliser en complément des stratégies mécaniques et chimiques.
L’importance de la gestion de la surface implantaire est mise en évidence à travers le potentiel d’ostéointégration de la surface. La surface d’un implant en titane développe une fine couche de passivation composée de plus de 95 % de TiO2 rapidement après la fabrication et les traitements de surface [107]. Cette propriété du titane le rend hautement ostéoconductif et empêche les implants en titane de continuer à se corroder in situ [108]. Néanmoins, il a été établi que la contamination par le biofilm réduit la cytocompatibilité de la surface de l’implant et peut conduire à la libération de particules de titane en raison de la biocorrosion [109]. L’efficacité antimicrobienne des différentes méthodes de détoxification n’est pas corrélée à l’ostéoconductivité de la surface vis-à-vis des ostéoblastes [109]. Ces découvertes, associées aux récentes constatations selon lesquelles les interventions de détoxification des surfaces d’implants par abrasion entraînent une dégradation du biomatériau en titane et la libération de particules de titane dans l’environnement péri-implantaire, ont mis en évidence la nécessité de prendre en compte la surface de l’implant dans le processus de détoxification [110], et de considérer l’intégrité de la surface de l’implant comme un facteur décisif dans la restauration de l’homéostasie péri-implantaire [107].
Les approches de détoxification de la surface des implants sont classées en trois catégories : les interventions chimiques, les interventions mécaniques et les interventions combinées [111]. En termes d’efficacité d’élimination du biofilm, les réactifs chimiques ont généralement une efficacité anti-biofilm beaucoup plus élevée que les interventions mécaniques conçues pour être utilisées autour des dents, comme les ultrasons et les curettes [110], ou même les systèmes par abrasion, comme les brosses en titane. Néanmoins, en plus d’avoir une capacité limitée d’élimination du biofilm, l’instrumentation mécanique de la surface entraîne la libération à long terme de produits de dégradation du biomatériau en titane sous forme de particules. Ces particules de titane ont des effets cytotoxiques et ostéolytiques in vitro et dans des modèles précliniques in vivo, ce qui a suscité des inquiétudes quant à l’association possible entre la libération de particules de titane et la récidive après le traitement de la péri-implantite [112, 113]. Cependant, il n’existe pas encore de données d’essais cliniques sur l’homme concernant cette question importante. Une exception à la règle empirique selon laquelle les réactifs chimiques sont plus efficaces contre les biofilms péri-implantaires que les instruments mécaniques est l’utilisation d’interventions mécaniques sans contact, qui peuvent couvrir une grande surface et donner une efficacité supérieure d’élimination du biofilm in vitro. Les exemples cliniques comprennent l’irrigation par jet d’eau sous pression et l’aéropolissage [114]. Il est important de noter que les modalités de nettoyage sans contact minimisent les dommages à la surface du titane et n’accélèrent pas la libération du titane lors de l’utilisation de mécanismes non abrasifs tels que l’eau ou la glycine. Le risque d’emphysème dû à la sortie d’air, qui est un événement indésirable grave, doit être pris en compte dans le cas de l’aéropolissage [115].
L’utilisation d’agents antimicrobiens chimiques comporte des risques pour la cytocompatibilité de la surface de l’implant. Il a été démontré que les agents chimiothérapeutiques s’adsorbent invariablement sur la surface de l’implant et, en fonction de leur composition moléculaire, peuvent empêcher la fixation des cellules sur la surface traitée [110]. La chlorhexidine en est un excellent exemple, car cette macromolécule organique est adsorbée sur la surface de l’implant où elle démontre sa substantivité et sa cytotoxicité prolongée contre les cellules ostéoblastiques [116]. Cet effet de revêtement de la chlorhexidine entrave la cytotoxicité de la surface de l’implant en titane et empêche la prolifération ostéoblastique sur la surface jusqu’à 5 jours, ce qui peut conduire à l’échec de l’attachement tissulaire [109].
Les conclusions suivantes peuvent être tirées [37] :
- les stratégies mécaniques seules sont insuffisantes pour décontaminer efficacement la surface de l’implant, c’est pourquoi des mesures complémentaires sont encouragées ;
- l’implantoplastie a démontré son efficacité clinique dans les thérapies résectives et combinées. Les implants à connexion interne étroite peuvent ne pas représenter des candidats adéquats étant donné le risque supplémentaire de fracture de l’implant ;
- les brosses en titane sont efficaces pour éliminer les dépôts importants de tartre, tandis que les dispositifs d’abrasion à l’air sont efficaces pour éliminer les dépôts mous avec des altérations mineures de la surface ;
- des agents chimiques adjuvants, en particulier le peroxyde d’hydrogène ou l’acide citrique, ont montré qu’ils optimisaient la décontamination en diluant les concentrations bactériennes, en détruisant les composants organiques des bactéries et en éliminant les endotoxines ;
- des agents pharmacologiques complémentaires, en particulier l’hyclate de tétracycline, peuvent contribuer à la décontamination des surfaces en réduisant la charge bactérienne ;
- l’utilisation de lasers et l’application de la méthode électrolytique sont prometteuses, mais les données indépendantes démontrant leur efficacité clinique sont rares.
À ce jour il n’existe donc pas encore de gold standard concernant le traitement des péri-implantites, notamment la décontamination des surfaces implantaires. Cependant, un consensus est largement admis : l’élimination mécanique du biofilm bactérien de la surface implantaire doit être complétée par une décontamination chimique via un accès chirurgical.
L’objectif est d’obtenir une surface propice à la régénération osseuse et une éventuelle ostéointégration. Les cellules osseuses et les bactéries ont une préférence pour les surfaces moyennement rugueuses, alors qu’au contraire, les fibroblastes et les cellules épithéliales semblent mieux se fixer sur les surfaces lisses [38, 117].
L’intervention chirurgicale, en plus de permettre un aperçu direct du défaut, va assurer une meilleure accessibilité instrumentale, facilitant le retrait du tissu de granulation et permettant une décontamination plus aisée de l’implant.
De même, les procédures résectives ou régénératives faisant souvent suite, nécessitent une surface nettoyée efficacement sans modification de la micromorphologie de la surface de l’implant afin de ne pas interférer avec la biocompatibilité.
Par conséquent, le praticien doit utiliser une méthode de décontamination avec la plus grande efficacité de nettoyage, endommageant le moins la surface, et qui peut également maintenir la biocompatibilité de surface ou l’améliorer [118].
Comme décrit précédemment, il existe une diversité de moyens techniques de traitement des péri-implantites à notre disposition ayant tous montré une capacité plus ou moins importante de décontamination. Les données existantes ne favorisent aucune approche de décontamination et ne montrent pas l’influence d’un protocole de décontamination particulier sur la thérapie chirurgicale.
En l’absence de consensus établis à ce jour, de la non-reproductibilité des protocoles, ainsi que de la variabilité des résultats documentés dans la littérature, le choix de la technique sera le plus souvent dépendant des habitudes des praticiens. Cela met en exergue la nécessité de réaliser des études randomisées multicentriques afin de déterminer la supériorité d’une méthode de décontamination si elle existe, et de guider les praticiens de façon plus pertinente et selon une approche basée sur la preuve scientifique.
Ainsi, nous proposons un protocole adapté de Dumay et Mertens 2023 [118], que nous trouvons cohérent au vu de la littérature actuelle, et applicable à l’ensemble des surfaces implantaires.
• Retrait systématique (si possible) de l’infrastructure prothétique pour une meilleure accessibilité au site opératoire, sans aller forcément vers une cicatrisation enfouie. Dans la majorité des cas, la prothèse supra-implantaire devra être renouvelée.
• Levée d’un lambeau de pleine épaisseur, avec un tracé dépendant de la situation clinique et avec une approche la plus esthétique possible.
• Élimination du tissu de granulation présent avec des curettes en titane de préférence ou plastique ou avec des ultrasons.
• Décontamination mécanique de la surface implantaire :
passage de l’aéropolisseur avec projection latérale de la poudre,
- et/ou utilisation d’une brosse en Titane ;
- et/ou utilisation du Laser Er-YAG.
• Décontamination chimique de la surface implantaire :
- passage de boulettes de coton imbibées de peroxyde d’hydrogène/polyvidone iodée et/ ou solution saline en frottant sur la surface implantaire ;
- rinçage abondant avec une solution saline.
• Technique régénérative ou résective (peut inclure une implantoplastie sur la partie implantaire supra-crestale) en fonction de l’anatomie du défaut osseux.
• Suture du site
• Conseils postopératoires fournis au patient
• Suivi et maintenance, à intervalle des rendez-vous suivant le profil de risque du patient.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
• La décontamination bactérienne de la surface implantaire est la clé de la réussite des traitements de la péri-implantite.
• Face aux progrès de développement des surfaces implantaires, des nouveaux défis cliniques restent à relever concernant l’efficacité de décontamination de celles-ci. Aucun consensus n’a pu être encore établi à ce jour pour déterminer un gold standard dans le traitement des péri-implantites.
• L’objectif est de décontaminer les surfaces implantaires en respectant leur architecture complexe et sans interférer avec les processus de cicatrisation des tissus.
• Il faut garder à l’esprit qu’en plus du traitement chirurgical, la réussite de nos traitements passe aussi par l’implication du patient, sa motivation et la gestion des facteurs de risques inhérents à la péri-implantite. La maintenance péri-implantaire, le suivi régulier et des mesures strictes de contrôle de la plaque sont donc aussi des étapes cruciales, et incontournables dans le traitement, nécessaires pour maintenir les résultats à long terme.
• La fédération européenne de parodontologie (EFP) recommande, dans le dernier consensus que les équipes dentaires qui proposent une thérapie implantaire possèdent, l’expertise professionnelle nécessaire pour gérer la péri-implantite. Le traitement chirurgical de la péri-implantite étant complexe, l’EFP recommande qu’il soit assuré par des dentistes ayant reçu une formation spécifique ou par des spécialistes [119].
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.