Clinic n° 06 du 01/06/2024

 

Parodontologie

Implantologie

Matthias GAUDARD*   Jean Michel HEURTEBISE**   Clément AMELINE***   SéverineVINCENT-BUGNAS****   Sophie-Myriam DRIDI*****  


*CCA
**Attaché universitaire et hospitalier
***CCA
****PU-PH
*****PU-PH Université Nice Côte d’Azur. Institut de Médecine Bucco-dentaire Riquier, CHU Nice Département, de parodontologie.

La mucosite est une pathologie fréquente dont la prise en charge concerne la plupart des odontologistes. Son traitement nécessite une démarche diagnostique raisonnée, afin de prévenir un passage à la péri-implantite dont la destruction tissulaire est irréversible. Le succès thérapeutique passe, certes, par le débridement non chirurgical conventionnel, mais sa pérennité dépendra surtout de la gestion des facteurs environnementaux locaux et d’une maintenance...


Résumé

Les mucosites sont des pathologies réversibles dont le traitement précoce constitue un acte préventif de l’apparition des péri-implantites. Cette prise en charge nécessite de respecter un parcours thérapeutique raisonné. La première étape consiste en la gestion des facteurs de risque généraux et locaux, sous réserve qu’ils soient modifiables. La seconde étape est incontournable et correspond à l’élimination du microbiote dysbiotique, à l’échelle de la cavité buccale si la mucosite s’inscrit dans un contexte de maladie parodontale induite par la plaque, ou strictement localisé au défaut péri-implantaire le cas contraire. Il s’agira d’un débridement mécanique professionnel non chirurgical, assurant une décontamination des surfaces implantaires, voire dentaires, recouvertes de plaque et/ou de tartre. Enfin, la troisième étape ou suivi implantaire sera personnalisée et visera à maintenir les résultats obtenus tout en prévenant les récidives.

La mucosite est une pathologie fréquente dont la prise en charge concerne la plupart des odontologistes. Son traitement nécessite une démarche diagnostique raisonnée, afin de prévenir un passage à la péri-implantite dont la destruction tissulaire est irréversible. Le succès thérapeutique passe, certes, par le débridement non chirurgical conventionnel, mais sa pérennité dépendra surtout de la gestion des facteurs environnementaux locaux et d’une maintenance rigoureuse.

INTRODUCTION

La mucosite péri-implantaire est la plus fréquente des pathologies affectant les tissus péri-implantaires, avec une prévalence moyenne par patient variant selon les études de 43 à plus de 46 % [1, 2]. Une fois installée, son évolution repose essentiellement sur les caractéristiques individuelles des sujets (facteurs de risque endogènes et/ou exogènes). Ainsi, sans traitement et selon la personne concernée, cette maladie d’origine infectieuse peut soit persister pendant des années, soit évoluer en péri-implantite dont les conséquences tissulaires sont irréversibles [3]. Or, à propos de ce mode d’évolution, aucun expert n’est en mesure de proposer des critères pronostiques fiables. Les seules études épidémiologiques qui permettraient de confirmer les circonstances cliniques à l’origine de la transformation de la mucosite en péri-implantite ne sont pas envisageables chez l’homme pour des raisons éthiques évidentes.

De fait, la prise en charge de la mucosite doit être la plus précoce possible, afin de permettre le retour de la santé de la muqueuse péri-implantaire, d’autant plus qu’à l’instar de la gingivite induite par la plaque, la mucosite est une maladie réversible après la réalisation d’un traitement adapté [4].

En règle générale, ce traitement, qui repose sur une démarche diagnostique raisonnée, ne présente pas de difficultés majeures. Il peut donc être entrepris par tous les odontologistes. Il comprend trois étapes, lesquelles s’inscrivent totalement dans le cadre d’un traitement non chirurgical, dont la pertinence clinique est désormais consensuelle [5-7].

PREMIÈRE ÉTAPE DE LA PRISE EN CHARGE

La première étape du traitement n’a de sens que si le patient présente des facteurs de risque modifiables. Elle consiste à éliminer ou à contrôler ces facteurs, en commençant par les généraux puis les locaux.

Les facteurs de risque généraux influent négativement sur la qualité de la réponse de l’hôte (réponse à l’infection, réponse cicatricielle). Ils sont inhérents à la personne, comme le patrimoine génétique ou l’état de santé générale, ou liés à son comportement. Hormis un état d’immunodéficience ou une maladie qui altère la structure des tissus épithélio-conjonctifs, il s’agit essentiellement du diabète non équilibré et du tabagisme fumé qui concernent plusieurs millions de personnes en France [4].

Les facteurs locaux entravent les manœuvres d’hygiène orale et/ou favorisent la rétention de la plaque dentaire au niveau de la partie prothétique implantaire (couronne/pilier…) et/ ou perpétuent un état inflammatoire au niveau de la muqueuse qui jouxte cette partie. En présence d’une mucosite, ces facteurs sont surtout d’origine iatrogène : profil d’émergence inadapté de la prothèse, embrasure réduite/ inexistante, mauvaise adaptation de la prothèse sur le pilier, couronne descellée qui aspire la muqueuse environnante, persistance d’un résidu de ciment au sein du sillon ou de la poche muqueuse péri-implantaire [8, 9]. Autant que faire se peut, ces facteurs doivent être éliminés ou corrigés, au risque d’une récidive garantie de la mucosite ! À l’extrême, si les structures prothétiques sont délétères, elles doivent être déposées en vue de l’élaboration d’une nouvelle réhabilitation prothétique [10].

Concernant les résidus de ciment, leur présence doit systématiquement être vérifiée pour les prothèses implanto-portées scellées, à l’aide d’une sonde parodontale. En effet, ces résidus ne sont pas compatibles avec le maintien de la santé de la muqueuse péri-implantaire [11, 12]. Ils favorisent non seulement la rétention de la plaque dentaire en raison de leur surface rugueuse, mais ils se comportent également comme des corps étrangers pouvant provoquer une réaction inflammatoire au niveau de la partie muqueuse en regard. Ainsi ils expliqueraient, en partie du moins, pourquoi le taux de mucosite est plus élevé pour ce type de prothèse par rapport aux prothèses implanto-portées vissées [13]. En d’autres termes, le risque de mucosite ne devrait pas être plus élevé entre les deux types de prothèses si les excès de ciment sont correctement éliminés après le scellement des prothèses implantaires. En pratique, une fois détectés, ces résidus peuvent être éliminés à l’aide d’une curette parodontale ou plus aisément avec un insert ultrasonique, en titane, en fibre de carbone ou en plastique. Ces instruments n’endommagent pas la surface du pilier ou du col implantaire, contrairement aux instruments en acier inoxydable dont la dureté est supérieure à celle du titane (figure 1).

Le passage d’une sonde parodontale dans le sillon péri-implantaire permet ensuite de vérifier leur élimination. Mais cet examen reste difficile à réaliser, particulièrement dans les secteurs postérieurs, en présence d’un bridge, d’un bombé prothétique important et/ou d’un joint prothétique profondément situé. Un cliché rétro-alvéolaire de contrôle à l’aide d’un angulateur peut alors être réalisé en cas de doute, à condition que le ciment soit radio-opaque et situé dans les espaces interproximaux.

DEUXIÈME ÉTAPE DE LA PRISE EN CHARGE

Cette deuxième étape est obligatoire et consiste à éliminer le microbiote dysbiotique qui a initié la mucosite. Son déroulement dépend du contexte tissulaire global.

Effectivement, chez un patient partiellement édenté, la mucosite peut très bien s’inscrire dans le cadre d’une maladie parodontale induite par la plaque (gingivite/parodontite). Dans cette situation, soit l’implant et la prothèse implanto-portée ont été réalisés sans stabilisation au préalable de la maladie parodontale, soit les séances de suivi parodontal n’ont pas été respectées. Dès lors, le traitement de la mucosite doit faire partie intégrante de la thérapeutique parodontale non chirurgicale, au risque de ne pas pouvoir obtenir de cicatrisation durable de la muqueuse péri-implantaire étant donné les translocations bactériennes inévitables à partir des sites dentaires non assainis. Cette dernière donnée constitue, d’ailleurs, l’un des arguments qui rend compte de la susceptibilité aux maladies péri-implantaires des sujets atteints de maladies parodontales [14].

En revanche, en l’absence de maladie parodontale associée, le traitement de la mucosite est purement local et le pronostic est généralement meilleur comparé à celui de la situation précédente.

Néanmoins, quel que soit le cas de figure, les moyens thérapeutiques sont comparables et ont pour finalité d’assurer la décontamination des surfaces implantaires recouvertes de plaque dentaire et/ou de tartre.

En effet, les données microbiologiques montrent qu’à l’image de la gingivite induite par la plaque dentaire, la mucosite est directement initiée par la prolifération des biofilms bactériens dysbiotiques qui composent cette plaque [3, 4]. De fait, lorsque le brossage mécanique quotidien est inefficace, ces biofilms vont progressivement s’enrichir en bactéries anaérobies à Gram négatif et s’accumuler au contact des piliers/cols implantaires et de la muqueuse qui borde ces structures. En cas de mucosite, c’est la masse bactérienne supra- et sous-muqueuse qui représente l’entité pathogène, laquelle provoque l’inflammation de la muqueuse péri-implantaire dont l’intensité dépendra de la qualité de la réponse de l’hôte. L’aspect quantitatif bactérien prime sur l’aspect qualitatif [15, 16], expliquant ainsi l’existence d’une corrélation positive entre la quantité de la plaque dentaire et la sévérité de la mucosite [4]. Certes, le passage d’un état sain à un état de mucosite s’accompagne d’un changement du microbiote péri-implantaire en faveur des bactéries anaérobies potentiellement parodontopathogènes (bactéries de type bacilles fusiformes, spirochètes), mais le potentiel pathogène de ces micro-organismes serait encore limité [17]. En conséquence, la déstructuration de la masse bactérienne suffirait à enrayer la dynamique de la dysbiose.

Tout bien considéré, l’élimination des dépôts bactériens supra- et sous-muqueux représente le traitement de base (gold standard) de la mucosite [18], même si des thérapeutiques complémentaires ou alternatives sont régulièrement proposées en vue de potentialiser ou d’accélérer la cicatrisation muqueuse.

La réussite de cette thérapeutique non chirurgicale peut être évaluée, 8 semaines au minimum, après son instauration. La cicatrisation muqueuse est considérée comme satisfaisante lorsqu’au niveau de chaque site implantaire, il ne persiste pas plus d’un site qui saigne au sondage [18].

Élimination des dépôts bactériens par le patient

Une technique d’hygiène bucco-dentaire correctement réalisée au long cours est l’un des gages de réussite du traitement de la mucosite et du maintien de la santé de la muqueuse péri-implantaire après ce traitement [19]. Effectivement, c’est l’unique moyen, dénué de dangerosité, qui assure quotidiennement l’élimination des biofilms bactériens qui se forment sur les implants. Par conséquent, l’efficacité des procédures d’hygiène effectuées par le patient doit systématiquement être vérifiée après la prise en compte des éléments prothétiques, et ces procédures doivent être renforcées si nécessaire.

Concernant les instruments d’hygiène bucco-dentaire, les recommandations professionnelles mettent surtout l’accent sur l’apport bénéfique de l’usage quotidien des instruments interdentaires, dont la forme et le diamètre doivent être adaptés au profil d’émergence des prothèses implanto-portées (figure 2). En revanche, elles ne privilégient pas un type de brosse en particulier [19]. Cependant, chez les patients partiellement édentés, certains auteurs prônent davantage l’usage des brosses à dents oscillo-rotatives qui permettraient, sur une période de 3 mois, de mieux éliminer la plaque dentaire, à la fois au niveau des dents et des implants [20, 21]. Dans notre pratique, l’usage d’une brosse à dents électrique présente également un intérêt pour les patients qui manquent d’aisance, ou lorsque l’accès aux surfaces implantaires est compliqué par la présence d’une prothèse implanto-portée en surcontour ou par une ouverture buccale limitée. Concernant la technique d’hygiène la plus appropriée, aucune donnée épidémiologique probante rend compte de la supériorité d’une technique par rapport à une autre. Dans notre pratique, nous indiquons volontiers les techniques de Stillman et de Charters, complétées par la technique du rouleau, qui semblent satisfaire la double exigence : éliminer efficacement la plaque dentaire sans altérer la muqueuse péri-implantaire. L’accès et le nettoyage efficace de la limite prothétique par le patient, afin de protéger l’espace biologique péri-implantaire, nécessite un apprentissage bien spécifique. Une éducation thérapeutique minutieuse et structurée doit être enseignée en amont de la prise en charge initiale et contrôlée au cours des rendez-vous de suivi parodontal, en particulier pendant la première année de mise en fonction de l’implant. Idéalement, cet enseignement à l’hygiène orale doit faire l’objet de séances spécifiques ou à défaut d’un temps bien dévolu lors d’une séance dédiée pour d’autres soins. Il conviendra de justifier et de montrer directement au fauteuil la manière la plus appropriée d’utiliser le matériel prescrit (brosse à dents ET instruments interdentaires), puis de réévaluer les résultats obtenus avec le patient.

Élimination des dépôts bactériens et tartriques par le débridement mécanique

Le débridement mécanique permet de réduire efficacement la masse bactérienne contenue dans les poches muqueuses, à un niveau compatible avec le rétablissement d’un microbiote symbiotique, une fois la cicatrisation effective du sillon péri-implantaire [22].

Quel que soit le protocole de débridement choisi par le clinicien - curettes versus inserts ultrasoniques versus utilisation combinée des deux types d’instruments - la méta-analyse réalisée par Barootchi et al. [5] et reposant uniquement sur des essais contrôlés randomisés, montre que les résultats cliniques obtenus sont statistiquement satisfaisants, sur une période d’au moins trois mois, en termes de réduction du saignement et de la profondeur de poche au sondage. Toutefois, un léger avantage est observé lorsque les inserts ultrasoniques sont uniquement utilisés [23]. À noter que l’élimination de la plaque sous-muqueuse est relativement aisée en cas de mucosite, car les spires des implants ne sont pas exposées. Toutefois, l’instrumentation peut être délicate en fonction de l’environnement local et de la réhabilitation prothétique : muqueuse kératinisée absente ou réduite (moins de 2 mm de hauteur), traction freinale ou présence d’une bride muqueuse, positionnement tridimensionnel de l’implant, proximité implantaire, angulation marquée… Lorsque la morphologie de la prothèse est défavorable, il est possible d’envisager la dépose de la reconstruction prothétique pour faciliter l’instrumentation.

Moyens thérapeutiques complémentaires ou alternatifs au débridement mécanique

Si l’efficacité du débridement mécanique conventionnel est scientifiquement prouvée dans la prise en charge des mucosites, il arrive parfois que ce protocole n’aboutisse pas forcément à une résolution complète de l’inflammation. Dès lors, pour pallier ce manque, plusieurs auteurs proposent des thérapeutiques associées, afin de mieux éliminer les biofilms bactériens et/ou de renforcer l’effet bénéfique du débridement mécanique en ciblant plus particulièrement les bactéries pathogènes.

L’aéropolissage

En tant que dispositif complémentaire, l’aéropolissage des piliers et des cols implantaires à l’aide d’une poudre de glycine ou d’érythritol, n’améliore pas les résultats cliniques du débridement mécanique conventionnel [5, 6, 24]. Néanmoins, une étude contrôlée et randomisée a montré qu’utilisé seul, l’aéropolissage à l’aide d’une poudre de glycine peut aboutir à des résultats cliniques équivalents au débridement mécanique conventionnel sur une période de 12 mois [25]. Concernant ce résultat, il est important de rappeler qu’il ne peut être obtenu qu’en l’absence de tartre, puisque l’aéropolissage ne provoque que l’élimination des dépôts mous. Toutefois, lorsque la situation clinique s’y prête, l’utilisation de ces poudres présente certains avantages : le risque d’altération de la surface implantaire ou de la surface muqueuse est négligeable en raison de leurs faibles granulométries (14 µm pour la poudre d’érythritol, 25 µm pour celle composée de glycine), le temps d’intervention est court et la plupart des patients disent ressentir moins de sensibilité par rapport au protocole classique de débridement [26] (figures 3 et 4). En revanche, le coût de l’aéropolisseur est élevé. Nonobstant ces données cliniques, des études comparatives supplémentaires sont nécessaires pour statuer définitivement sur l’intérêt de l’aéropolissage en tant que moyen thérapeutique alternatif au débridement mécanique. Dans notre pratique, nous concevons l’aéropolissage des structures implantaires comme un moyen mécanique complémentaire de l’instrumentation manuelle (curettes ou instruments ultrasoniques).

Les solutions antibactériennes

De même, concernant l’utilisation des antiseptiques en complément du débridement mécanique conventionnel, les études contrôlées randomisées sont limitées et leurs résultats ne vont pas toujours dans le même sens. Mais les articles de synthèse indiquent une tendance : les antiseptiques à base de chlorhexidine à 0,12 %, 0,20 % ou 0,5 % apportent peu ou pas d’effet clinique supplémentaire, en termes de diminution du saignement et de la profondeur de poche au sondage, que le produit soit apporté in situ en irrigation locale ou délivré en application topique par le patient plusieurs jours après le débridement (bain de bouche ou gel) [5, 27]. Par ailleurs, un essai interventionnel, en double aveugle, randomisé et contrôlé a montré que l’utilisation d’un bain de bouche contenant 0,20 % de CHX, deux fois par jour pendant 1 mois après un débridement mécanique ultrasonique, modifiait le microbiote sous-muqueux péri-implantaire en cas de mucosite, mais de façon transitoire et sans différence clinique notable par rapport au groupe contrôle ayant utilisé un bain de bouche placebo [28]. En outre, les auteurs de cet essai ont également mis en évidence que le microbiome sous-muqueux était moins diversifié et plus aérobie que le microbiome sous-gingival identifié en cas de gingivite induite par la plaque, bien que le potentiel inflammatoire des deux types de microbiote soit comparable. Dès lors, l’efficacité limitée de la chlorhexidine pourrait s’expliquer par la concentration moins importante des micro-organismes potentiellement parodontopathogènes en cas de mucosite. Cette donnée microbiologique est d’ailleurs cohérente avec les conclusions des études qui confirment l’intérêt majeur du débridement mécanique.

Néanmoins, dans notre pratique, il nous paraît cliniquement pertinent de prescrire, sur une fenêtre thérapeutique courte ne dépassant pas 15 jours, des antiseptiques topiques à base de 0,12 % de CHX, de préférence sous forme de gel, en présence d’une mucosite sévère caractérisée par une sensibilité muqueuse et/ou un saignement abondant ou spontané, une suppuration, une ulcération, afin d’accélérer la cicatrisation muqueuse (figure 5).

De plus, pour les patients en bonne santé générale, ni l’azithromycine administrée par voie orale, ni les tablettes de probiotiques de L. reuteri que le patient laisse fondre dans sa bouche n’améliorent de manière reproductible les résultats du débridement mécanique conventionnel en cas de mucosite [28-32]. Néanmoins, comme précédemment, le nombre restreint des essais cliniques exclut la possibilité de conclure sur le bénéfice clinique, réel ou non, de ces mesures complémentaires.

Les thérapeutiques laser et photodynamique

L’intérêt des thérapeutiques laser Er:Yag/ diode et photodynamique ne peut être envisagé uniquement lorsque celles-ci sont utilisées en complément du traitement mécanique conventionnel, car leur efficacité en tant que monothérapies n’a toujours pas été évaluée scientifiquement en raison du manque d’études interventionnelles, contrôlées et randomisées, comprenant un groupe de patients uniquement traités par ces moyens.

Ainsi, dans le cadre d’une mucosite, les données actuelles de la littérature stipulent que ces thérapeutiques complémentaires améliorent seulement pendant quelques semaines, le score du saignement au sondage [33, 34]. Toutefois, l’équipe de Javed et al. (2017) [35] a indiqué un avantage à utiliser la thérapeutique photodynamique chez les patients fumeurs (en moyenne 16 cigarettes par jour sur 20 ans), car elle permettrait d’obtenir une réduction plus importante des poches muqueuses par rapport au débridement mécanique seul. Mais, l’existence de nombreux biais dans cette étude ne permet pas d’étayer la conclusion des auteurs [36].

TROISIÈME ÉTAPE DE LA PRISE EN CHARGE

La troisième étape de la prise en charge d’une mucosite est incontournable, du moins en ce qui concerne le suivi thérapeutique au long cours. En effet, le microbiote péri-implantaire dysbiotique se formant à partir du microbiote oral symbiotique, ce suivi est essentiel au maintien des résultats acquis, pour prévenir les récidives et finalement assurer la survie des implants [37]. À ce sujet, de nombreux auteurs ont démontré que l’absence de suivi représentait l’un des facteurs qui augmentait de façon significative le risque de perte tardive des implants ; leur perte précoce serait plus en rapport avec une mauvaise qualité de l’os alvéolaire ou des procédures chirurgicales inadaptées [38]. L’étude prospective de Costa et al. [39] témoigne parfaitement de cet état de fait. Ces auteurs ont suivi une cohorte de patients non-fumeurs, édentés partiellement et qui présentaient tous une mucosite au niveau de leurs sites implantaires au début de l’essai. Aucun n’était atteint de péri-implantite. Cinq années plus tard, le taux de péri-implantite était nettement plus élevé dans le groupe de patients qui n’avait pas respecté les séances de maintenance parodontale/implantaire comparé au groupe de patients qui avait été régulièrement contrôlé (43,9 % versus 18,0 %) et ce, quels que soient leur âge, leur genre, leur état de santé et le type d’implants/prothèses implanto-portées. En parallèle, l’analyse prédictive a permis de confirmer que le risque de développer une péri-implantite pour les patients était significativement plus élevé en l’absence de suivi thérapeutique (OR = 5,92, p = 0,03), d’autant plus lorsque la péri-implantite évoluait dans un contexte de parodontite (OR = 11,43, p = 0,04). En 2022, de Tapia et al. [10] ont également pu confirmer l’existence d’une association positive entre une mauvaise observance pour les visites de contrôle et l’inflammation de la muqueuse péri-implantaire (p = 0,006).

En pratique, la planification du suivi implantaire, qui par définition doit être personnalisée, impose de déterminer sa fréquence et sa mise en œuvre. En cas de prise en charge faisant intervenir plusieurs praticiens, cette planification doit être mentionnée lors de l’établissement du plan de traitement initial. Un engagement mutuel, inter-praticiens, et entre le patient et ces derniers, est une condition sine qua non de la réussite à long terme du traitement implantaire.

Détermination de la fréquence

Les intervalles entre les visites de contrôle varient en fonction des patients et pour un même patient au cours du temps.

Un moyen simple de les programmer est d’estimer le risque individuel de progression de la maladie implantaire, en prenant comme référence les critères cliniques établis pour déterminer le risque de progression des maladies parodontales. Effectivement, il n’existe pas encore de recommandations officielles qui soient propres aux implants.

Mise en œuvre

La plupart du temps, le déroulement d’une séance de suivi implantaire comprend trois temps : la réévaluation de la situation clinique, l’acte parodontal et l’éducation thérapeutique. La réévaluation de la situation, par des moyens cliniques et éventuellement radiologiques, est indispensable. Premièrement, elle justifie la nécessité de l’acte parodontal ainsi que les modalités de l’éducation thérapeutique. En effet, c’est grâce à la réévaluation qu’il est possible d’apprécier l’évolution de la réponse tissulaire d’un patient, séance après séance, et de déterminer les caractéristiques anatomiques nouvellement acquises de la muqueuse péri-implantaire. Deuxièmement, la synthèse des données cliniques permet au clinicien de programmer la suite du traitement : poursuivre le suivi implantaire ou programmer une nouvelle séquence thérapeutique.

À titre d’exemple, en présence d’une inflammation persistante malgré des manœuvres d’hygiène efficaces de la part du patent, c’est au moment de la réévaluation que le remplacement de la prothèse ou qu’une chirurgie muco-gingivale de renforcement peut être envisagée.

Le renforcement de la muqueuse pourra consister en une greffe conjonctive enfouie lorsque seul l’épaississement de la muqueuse est souhaitable, ou, en une greffe épithélio-conjonctive de substitution lorsqu’un apport tissulaire est nécessaire pour créer de la muqueuse épaisse au niveau de la structure implantaire (figures 6a, b et 7a, b) [40]. Ces procédures chirurgicales permettent d’améliorer l’environnement tissulaire implantaire, ce qui facilite les manœuvres d’hygiène et la réalisation des débridements professionnels [3].

L’acte parodontal correspond aux débridements supra- et sous-muqueux. Ce temps n’a d’intérêt qu’en présence de dépôts bactériens et tartriques qui se sont reformés entre deux séances de suivi. Dès lors, les moyens mis en œuvre sont les mêmes que ceux utilisés lors de la thérapeutique initiale.

L’éducation thérapeutique, qui représente le troisième temps fort du suivi implantaire, vise à développer chez les patients des compétences médico-psycho-pédagogiques, avec pour objectifs d’encourager une bonne observance médicale ou comportementale et de faciliter le partenariat avec le praticien. En termes cliniques, cela revient à expliquer autant de fois que nécessaire et de manière personnalisée les fondements médicaux d’une procédure d’hygiène efficace, du suivi thérapeutique et de l’autosurveillance. Dans notre pratique, nous adaptons nos recommandations professionnelles après la séance de soin, car celle-ci nous permet de parfaitement faire le point sur la situation clinique et donc d’apporter les réponses nécessaires afin de l’améliorer.

CONCLUSION

La mucosite péri-implantaire est considérée comme l’un des facteurs de risque majeurs de la péri-implantite. Sa prise en charge est donc essentielle afin d’éviter des pertes tissulaires irréversibles mettant en jeu la survie des implants. Cette prise en charge repose sur une démarche diagnostique raisonnée, prenant impérativement en compte les facteurs environnementaux locaux liés aux implants (tableau 1).

Les débridements mécaniques supra- et sous-muqueux, associés à un renforcement des manœuvres d’hygiène, constituent la pierre angulaire du traitement de la mucosite.

Des thérapeutiques complémentaires, antibactériennes ou reposant sur l’utilisation de lasers (Er:Yag ou diode) ou une thérapeutique photodynamique, peuvent être proposées en présence d’un tableau clinique sévère ou lorsque la cicatrisation muqueuse n’est pas complète malgré des séances de débridement mécanique bien menées. Toutefois, la preuve de leur efficacité n’est toujours pas établie à ce jour.

Le suivi thérapeutique représente la condition sine qua non pour garantir le maintien de la santé de la muqueuse péri-implantaire au long cours et donc pour éviter une récidive de la mucosite. Cette condition doit impérativement être mentionnée dans le consentement éclairé.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.

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