LES FACTEURS ET INDICATEURS DE RISQUE DES MALADIES PÉRI-IMPLANTAIRES
Parodontologie
Implantologie
Solen NOVELLO* Jérôme LASSERRE** Evan BOUCHEZ*** Florian JACQUET**** Hélène RANGÉ***** Selena TOMA******
*MCU-PH parodontologie CHU de Rennes, UFR Odontologie, Université de Rennes.
**MCU-PH
***Chargé d’enseignement, Service d’Orthodontie et de Parodontologie Institut de Médecine Dentaire et de Stomatologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles, Université catholique de Louvain.
****Dentiste assistant candidat spécialiste en parodontologie Service d’Orthodontie et de Parodontologie Institut de Médecine Dentaire et de Stomatologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles, Université catholique de Louvain.
*****Dentiste assistant candidat spécialiste en parodontologie Service d’Orthodontie et de Parodontologie Institut de Médecine Dentaire et de Stomatologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles, Université catholique de Louvain.
******PU-PH parodontologie CHU de Rennes, UFR Odontologie, Université de Rennes.
*******PU-PH Parodontologue exclusif Service d’Orthodontie et de Parodontologie Institut de Médecine Dentaire et de Stomatologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles, Université catholique de Louvain.
Selon la définition du Larousse médical, un facteur de risque est un « facteur qui augmente les risques d’apparition d’une maladie ». Les connaître permet d’améliorer la prévention et de faciliter les décisions thérapeutiques quand elles s’avèrent nécessaires. Dans le contexte des maladies péri-implantaires, maladies inflammatoires induites par un biofilm dysbiotique, de nombreux facteurs de risques généraux liés à la santé et au comportement du patient et des...
Les maladies péri-implantaires comprennent la mucosite et la péri-implantite. Ce sont des maladies inflammatoires multifactorielles liées à la dysbiose du biofilm oral. Plus fréquemment que les maladies parodontales, les maladies péri-implantaires sont site-spécifiques. De nombreuses études cliniques ont identifié des facteurs locaux d’apparition d’une mucosite ou d’une péri-implantite. Ce sont ces facteurs liés à l’implant, au site implanté et à la prothèse qui sont prédisposants, parfois même déclenchants. Toutefois, l’influence de facteurs généraux modifiant la réponse immunitaire de l’hôte et/ou le microbioteoral tels qu’un antécédent de parodontite, un diabète, un tabagisme ou tout simplement une observance insuffisante du suivi et de l’hygiène orale, pèse également dans l’initiation de ces complications biologiques du traitement implantaire. C’est bien un ensemble de facteurs de susceptibilité individuelle qu’il faut savoirrechercher et maîtriser dans un plan de traitement implantaire. Cet article synthétise les dernières donnéesprobantes sur les principaux facteurs et indicateurs de risque des maladies implantaires et leurs mécanismes d’action, afin d’améliorer l’information des patients, de perfectionner les indications et de prévenirles échecs biologiques des traitements implantaires.
Selon la définition du Larousse médical, un facteur de risque est un « facteur qui augmente les risques d’apparition d’une maladie ». Les connaître permet d’améliorer la prévention et de faciliter les décisions thérapeutiques quand elles s’avèrent nécessaires. Dans le contexte des maladies péri-implantaires, maladies inflammatoires induites par un biofilm dysbiotique, de nombreux facteurs de risques généraux liés à la santé et au comportement du patient et des facteurs locaux liés à l’implant lui-même ont été identifiés à travers des études cliniques. Des associations plus récentes avec moins de preuves scientifiques permettent d’élargir le spectre des facteurs classiquement considérés comme à risque implantaire, on parle alors d’indicateurs de risque. À tel point que nous vous proposons ici un condensé des résultats des revues narratives et systématiques les plus récentes sur ce vaste sujet.
Une hygiène orale défaillante est fortement associée au risque de développer une mucosite et une péri-implantite, et apparaît comme l’un des meilleurs prédicteurs [1, 2]. Des modèles de régression logistique ont montré que, à mesure que la plaque s’accumule, les risques de souffrir d’une mucosite péri-implantaire augmentent [3]. Ainsi, les implants des patients avec une hygiène orale insuffisante seraient 3,8 fois plus susceptibles d’être affectés par une péri-implantite que ceux ayant un bon niveau d’hygiène orale [4]. De nombreux facteurs affectent le contrôle de plaque, comme la forme et la position de la prothèse supra-implantaire ou encore l’accessibilité des embrasures. Espérer maintenir dans le temps la santé péri-implantaire est impossible si l’accessibilité à l’hygiène orale n’est pas intégrée dans la conception prothétique [1]. Avant de pouvoir poser un implant, le contrôle de plaque doit être maîtrisé par le patient et vérifié par le praticien via la réalisation d’un indice de plaque mesuré en bouche complète (6 sites par dent) [5]. Cet indice de plaque doit être inférieur à 20 % [6].
Un diagramme d’évaluation du risque des maladies péri-implantaires a été proposé en 2020 par Heitz Mayfield et al. (figure 1) [7]. Celui-ci prend notamment en compte l’état parodontal du patient, reposant sur des preuves documentées d’une association avec la péri-implantite. Le saignement au sondage représente un paramètre inflammatoire objectif. Le pourcentage de sites présentant un saignement au sondage peut également être utilisé comme paramètre d’évaluation individuel représentant la réponse de l’hôte au facteur bactérien. Plus ce pourcentage augmente, plus le patient est à risque de présenter une complication biologique. Il a également été démontré que le saignement au sondage au niveau des sites implantaires était associé à la progression des maladies péri-implantaires. Par ailleurs, le nombre de poches parodontales résiduelles ≥ 5 mm traduit un risque plus ou moins élevé de développer une péri-implantite. Enfin, le rapport perte osseuse sur âge du patient constitue un autre indicateur de risque, traduisant la progression de la parodontite [7].
Les patients ayant des antécédents de parodontite ont un risque accru de perdre des dents. Par conséquent, ils ont davantage besoin de thérapie implantaire en comparaison avec les patients en bonne santé parodontale [8]. De nombreuses études ont étudié l’association entre maladies péri-implantaires et présence ou antécédents de parodontite. Les antécédents de parodontite peuvent être évalués en comparant le niveau osseux sur différentes radiographies ou en essayant de déterminer la cause de la perte des dents [7]. Malgré de grandes variations dans le temps de suivi, l’enregistrement des paramètres parodontaux, la présence de facteurs confondants ou encore les protocoles de maintenance mis en place, les résultats montrent majoritairement un risque augmenté de maladies péri-implantaires lorsqu’un patient présente une parodontite ou un antécédent de parodontite, comparé à un patient au parodonte sain [9-12]. La parodontite est l’un des facteurs majeurs pour prédire le développement d’une péri-implantite [1]. Le stade et le grade de celle-ci pourraient également être déterminants. En effet, d’après une méta-analyse de 2014, le risque de complications est significativement augmenté chez les patients présentant une parodontite agressive par rapport aux formes chroniques selon l’ancienne classification d’Armitage [12]. Daubert et al. ont montré une augmentation de la prévalence des péri-implantites chez les patients présentant une parodontite sévère [13]. Le diagramme du risque de Heitz-Mayfield et al. inclut, de surcroît, le stade et le grade comme vecteurs influençant le développement et la progression des maladies péri-implantaires [7]. La conclusion apportée par le World Workshop de 2017 conforte ces données : il existe des preuves solides pour dire que les antécédents de parodontite constituent un facteur de risque des péri-implantites [2]. L’évaluation de l’état parodontal avec diagnostic et traitement parodontal si indiqué, de tout patient candidat à un traitement implantaire est donc indispensable. Afin d’éviter l’apparition de péri-implantites, l’élimination des poches ≥ 5 mm avec saignement et la réalisation d’une réévaluation clinique sont nécessaires. Les recommandations actuelles de traitement préconisent de commencer la phase implantaire à l’étape 3 du traitement parodontal, soit après les phases de modification des facteurs de risque parodontal et l’instrumentation sous-gingivale (figure 2). L’instauration d’une thérapeutique parodontale de soutien est nécessaire pendant la phase implantaire et sera évidemment poursuivie après la mise en fonction.
Certains auteurs ont montré, à travers des méta-analyses, qu’un diabète non équilibré (hémoglobine glyquée ou HbA1c > 8 %) augmente par 2 le risque de péri-implantite, en particulier à court terme [9, 14]. D’après une méta-analyse récente, le taux de perte implantaire augmente de 7,59 fois par rapport aux patients sains ou aux patients diabétiques équilibrés [15]. Le tableau 1 résume les mécanismes putatifs les plus importants des effets de l’hyperglycémie sur les tissus péri-implantaires.
Le risque de péri-implantite augmente chez les patients avec un diabète de type 2. Le taux de complications (perte osseuse, profondeur de sondage, saignement au sondage) serait également proportionnel à l’augmentation du taux d’HbA1c. En revanche, l’association entre diabète et mucosite n’est pas démontrée [16, 17]. Concernant le prédiabète (HbA1c entre 5,7 % et 6,4 %) comme potentiel facteur de risque, une méta-analyse récente a montré un état de santé péri-implantaire significativement moins favorable chez les patients prédiabétiques comparés aux patients non diabétiques [15].
Lorsque le diabète est bien contrôlé, les thérapeutiques implantaires sont sûres et prévisibles, avec un taux de complications similaire à celui des patients sains [18].
Bien que l’on retrouve quelques études controversées dans la littérature, un diabète non équilibré doit être considéré comme facteur de risque des maladies péri-implantaires. Il est important de connaître le type de diabète, le traitement suivi, le degré de contrôle glycémique et la durée de la maladie. Les patients diabétiques doivent non seulement être informés de l’importance d’atteindre et de maintenir un bon contrôle glycémique pour leur santé générale, mais aussi pour prévenir un éventuel échec implantaire [1, 17-19]. Ceux-ci doivent être encouragés à mener une vie active, à avoir une alimentation saine, à se faire suivre régulièrement par leur médecin et à maintenir une bonne hygiène bucco-dentaire afin de réduire leur vulnérabilité aux maladies péri-implantaires [4]. La pose d’implant n’est donc pas contre-indiquée chez les patients diabétiques, mais l’équilibre glycémique est un prérequis et devra être régulièrement vérifié au cours du suivi thérapeutique.
Facteur de risque majeur des parodontites, le tabac est aussi considéré comme l’un des principaux facteurs de risque d’apparition et de progression des maladies péri-implantaires. Bien que l’association tabac-parodontites ait été largement documentée, peu d’études ont analysé les effets du tabagisme sur la santé péri-implantaire [21]. D’après le World Workshop de 2018, il n’existe aucune preuve concluante que le tabagisme constitue un facteur de risque des péri-implantites [2]. Deux méta-analyses récentes ont cependant démontré une association statistiquement significative entre les deux, les fumeurs ayant 2 fois plus de risques de développer une péri-implantite que les non-fumeurs [9, 22]. Cela peut s’expliquer en partie par les effets néfastes du tabac sur l’ostéogenèse et l’angiogenèse [8]. Le tabac a également été associé à plusieurs reprises au développement de mucosites péri-implantaires. Il pourrait aussi être un facteur modifiant pour d’autres facteurs de risque, par exemple les antécédents de parodontite, expliquant des conclusions contradictoires dans la littérature [1, 2]. Le tableau 2 résume les mécanismes potentiels expliquant l’effet du tabagisme sur le développement et la progression des péri-implantites.
Concernant le sevrage tabagique, il est difficile de déterminer si l’arrêt du tabac ou l’utilisation d’e-cigarettes et d’autres habitudes tabagiques sont associées à une diminution du risque de maladies péri-implantaires par rapport au tabagisme actif. Cependant, plus le temps écoulé depuis l’arrêt du tabac est long, plus l’occurrence des péri-implantites est faible [15]. Une incitation au sevrage tabagique doit être entreprise de façon systématique avant la pose d’un implant.
Les patients bénéficiant d’une maintenance implantaire régulière présentent un taux de survie implantaire supérieur, ainsi qu’une prévalence plus faible des mucosites et des péri-implantites à long terme [15, 23]. Dans le cas contraire, un implant sur deux est atteint de mucosite à 10 ans [24]. L’impact de la fréquence des visites de maintenance sur la perte osseuse marginale autour des implants est non négligeable [25]. Sur 83 implants étudiés chez 65 patients, une perte osseuse marginale moyenne de 1,52 ± 1,33 mm a été observée au cours de la première année suivant le diagnostic de péri-implantite, et de 0,58 ± 0,52 mm la deuxième année. Les résultats ont montré une corrélation négative entre la perte osseuse et la fréquence des visites de maintenance, soulignant l’importance de ces visites pour prévenir la progression de la perte osseuse péri-implantaire.
Une revue systématique a montré la nécessité de deux séances de maintenance annuelles pour réduire le taux de péri-implantites de 36,5 % des patients à 12,5 % [26]. La maintenance doit être considérée comme bénéfique pour améliorer l’hygiène bucco-dentaire, réduire l’accumulation de la plaque dentaire et détecter de façon précoce une éventuelle pathologie [15, 23]. L’incidence des maladies péri-implantaires peut être minimisée grâce à des contrôles réguliers visant à identifier tout facteur étiologique ou contribuant à la péri-implantite et à renouveler les instructions d’hygiène bucco-dentaire appropriées au patient [27]. Bien qu’elle doive être adaptée au profil du patient, une maintenance tous les 5 à 6 mois semble être compatible avec le maintien de la santé péri-implantaire [26].
Historiquement, il était décrit que la quantité de tissus mous n’avait que peu, voire pas d’influence sur la maladie péri-implantaire. Bien plus tard, il a été avancé que « malgré le manque général de preuves scientifiques, il peut être nécessaire de considérer l’augmentation des tissus mous au niveau des sites implantaires » [28]. Récemment, plusieurs méta-analyses ont été publiées, évaluant l’influence d’une absence de tissu kératinisé sur des paramètres cliniques tels que l’indice de plaque, l’indice gingival, la récession et la perte d’attache. En 2013, une équipe s’est penchée sur la question suivante : « Existe-t-il des avantages pour la santé des tissus péri-implantaires en augmentant la largeur minimale de la muqueuse kératinisée autour des implants dentaires ? » Ils ont conclu que « d’après les preuves disponibles à ce jour, il a été constaté que l’absence de muqueuse kératinisée autour des implants dentaires est associée à une augmentation de l’accumulation de plaque, à une inflammation des tissus, à une récession muqueuse et à une perte d’attache péri-implantaire » (figure 3) [29]. Dernièrement, une association a été observée entre la présence de moins de 2 mm de muqueuse kératinisée et la négligence dans la maintenance des implants dentaires, ce qui peut contribuer au développement de maladies péri-implantaires [30]. De plus, une faible hauteur de tissu kératinisé peut être source d’inconfort pour les patients lors du brossage, et donc provoquer une accumulation de plaque dentaire [31]. Jusqu’à ce que des preuves scientifiques solides soient apportées, il est recommandé aux cliniciens de surveiller attentivement l’état des tissus mous péri-implantaires avant, pendant et après la pose de l’implant.
Lors du Workshop de Chicago en 2017, les facteurs prédisposants locaux, y compris ceux liés au positionnement des implants, en tant que contributeurs potentiels à la péri-implantite ont été réétudiés [32]. Il convient de noter que la position inadéquate de l’implant n’est pas un facteur étiologique de la péri-implantite, mais un facteur prédisposant qui entraîne l’exposition de la surface de l’implant au sein du sillon péri-implantaire ou à la cavité buccale, favorisant ainsi l’accumulation de plaque sur la surface le plus souvent rugueuse de l’implant (figure 4). De plus, il est important de prendre en compte que la position de l’implant influe souvent sur le profil d’émergence de la restauration. En effet, une étude transversale a établi une association entre la malposition de l’implant et la survenue d’une péri-implantite (OR = 2,85 ; 95 % CI : 1,17-6,93) [33]. Un implant positionné à une distance égale ou supérieure à 6 mm de la jonction amélo-cémentaire des dents contro-latérales présenterait également un risque accru de complication biologique (OR = 8,5 ; 95 % CI : 6,7-32,6) [34].
Lors de la pose d’implants dans des sites cicatrisés, l’épaisseur de la paroi osseuse vestibulaire après la pose de l’implant devrait être d’au moins 1,5 mm, afin de garantir un traitement implantaire plus sûr et réduire le risque de complications biologiques [35]. L’élévation d’un lambeau mucopériosté entraîne une perte de vascularisation par élimination du périoste, favorisant ainsi l’apparition d’un phénomène appelé « nécrose avasculaire ». Cette nécrose avasculaire aura comme conséquence un remaniement osseux pouvant mener à une exposition de la surface implantaire avec un risque plus élevé d’accumulation de plaque dentaire [36]. Lorsque les sites présentent une table osseuse vestibulaire mince (moins de 1,5 mm) ou un défaut osseux péri-implantaire, il est vivement recommandé de procéder à une augmentation osseuse en utilisant une régénération osseuse guidée (ROG) simultanée ou préalable au traitement implantaire [37].
De plus, une attention particulière doit être portée à la qualité du site osseux ainsi qu’à la force d’insertion exercée (torque d’insertion) lors de la mise en place de l’implant. Bien qu’aucune association directe entre les caractéristiques osseuses et les maladies péri-implantaires n’ait été démontrée, il semblerait que l’os alvéolaire dominé par une structure corticale épaisse soit plus enclin à subir une perte osseuse physiologique excessive à la suite d’un traumatisme pouvant mener à des complications biologiques plus fréquentes.
Il a également été démontré qu’une compression excessive déclenchée par l’obtention d’une stabilité primaire élevée peut entraîner une perte osseuse crestale de 22 à 50 % supérieure à celle d’une implantation conventionnelle, ainsi qu’une réduction de 41 % de la quantité de contact os-implant [38]. La courbe d’apprentissage est donc importante afin que le praticien sache bien planifier et exécuter l’intervention pour ne pas être un réel facteur iatrogène
L’angle d’élévation de la restauration, la forme émergente et le rapport couronne/implant sont trois caractéristiques prothétiques qui ont été examinées pour leur association avec la péri-implantite. Une revue systématique récente a analysé ces différents facteurs. Plusieurs études ont montré que des angles d’émergence supérieurs à 30 degrés sont associés à des taux plus élevés de péri-implantite [25, 39, 40]. De plus, ces corrélations sont spécifiques aux implants de type bone-level et non aux implants transgingivaux dits tissulaires (figure 5).
Yi et al. ont également examiné le profil d’émergence et le ratio couronne/implant [40]. Ils ont montré qu’un profil d’émergence convexe était associé à une prévalence plus élevée de péri-implantite pour les implants de type bone level. Aucune corrélation significative n’a été observée pour les implants de type transgingivaux.
Il a alors été suggéré que des rapports couronne/implant plus élevés (supérieurs à 1) pourraient être associés à des forces occlusales défavorables. La couronne agit comme un bras de levier qui induit un moment de flexion non axiale, causant un stress sur l’os crestal péri-implantaire.
Rungtanakiat et al. ont exploré l’association de l’angle d’émergence muqueuse (MEA) avec la mucosite qui est reconnu comme étant un précurseur de la péri-implantite. Ils ont trouvé une corrélation significative entre MEA et saignement au sondage (BOP). Les sites avec MEA ≥ 30°, 40°, 50°, 60° et 70° avaient un risque plus élevé de saignement. Lorsque les 6 sites d’une restauration implantaire avaient un MEA ≥ 40°, le risque de saignement à chacun des 6 sites était 9,5 fois plus élevé en comparaison avec les autres restaurations [41].
Au-delà de la prothèse, la problématique de l’état de surface implantaire se pose. Stavropoulos et al. ont mené une étude dont l’objectif principal était de déterminer si les caractéristiques de surface et/ou le matériau des implants dentaires influencent l’incidence et la progression de la péri-implantite [42]. Les résultats d’expériences précliniques suggèrent que les implants modifiés en surface peuvent avoir un impact négatif sur la progression de la péri-implantite. Cependant, les études cliniques n’ont pas montré de différences significatives dans l’incidence de la péri-implantite entre les différents types de surfaces d’implant. Les informations sur les effets des matériaux implantables sont limitées.
L’excès de ciment a été identifié comme un indicateur de risque possible pour les maladies péri-implantaires dans plusieurs études (figure 6) [43]. Il a été relevé que l’excès de ciment était présent dans 81 % des cas de péri-implantite. De même, une revue systématique a montré que la prévalence des maladies péri-implantaires variait entre 1,9 % et 75 % des implants avec des restaurations cimentées, dont 33 à 100 % associées à un excès de ciment [44]. Plusieurs causes peuvent contribuer à l’excès de ciment, y compris le type de restauration, la technique de cimentation et le design de l’implant. Staubli et al. ont noté que l’excès de ciment était plus fréquemment observé dans des périodes de cicatrisation des tissus mous inférieures à 4 semaines [44]. Pour réduire le risque de péri-implantite associée aux excès de ciment, il est recommandé de maintenir une distance entre la limite périphérique de la couronne et la muqueuse marginale, permettant un accès suffisant à l’hygiène orale (limite supra-gingivale ou juxta-gingivale). De plus, il est crucial d’assurer une bonne maturation des tissus mous avant la phase de restauration d’usage et de programmer des contrôles réguliers après la mise en place de la restauration d’usage.
La nutrition joue un rôle essentiel dans l’équilibre homéostatique. Il existe un lien étroit entre les maladies inflammatoires et la santé nutritionnelle. Cependant, l’association entre l’équilibre nutritionnel et l’inflammation parodontale est beaucoup moins explorée. Des habitudes alimentaires saines consistant en une consommation réduite de sucre, une consommation suffisante d’aliments anti-inflammatoires (exemples : riches en acides gras oméga-3, vitamine C, vitamine D, fibres, antioxydants, légumes riches en nitrates) et d’eau, peuvent être en mesure de modifier le métabolisme bactérien et réduire l’état inflammatoire [45, 46]. L’obésité est une pathologie nutritionnelle avec des répercussions et complications nombreuses au niveau métabolique (diabète), cardiovasculaire, articulaire ou encore parodontal [47]. Une association entre obésité et maladies péri-implantaires a été avancée, bien que ce processus ne soit pas encore entièrement compris [48]. Dans une étude transversale récente sur 71 patients, la prévalence d’obésité était multipliée par 5 chez les patients avec une péri-implantite [49]. De même, une étude sur 38 patients suivis pendant 5 ans a montré que le saignement au sondage, la profondeur de sondage et le niveau osseux marginal étaient significativement plus élevés chez les sujets obèses par rapport aux sujets non obèses [50]. Les cliniciens sont donc encouragés à promouvoir une alimentation saine et une prise en charge médicale de l’obésité chez les patients candidats à un traitement implantaire afin de limiter le risque de complications biologiques péri-implantaires.
Les troubles de la santé mentale, en particulier la dépression et l’anxiété, affectent une part importante de la population mondiale [51]. En outre, les événements de la vie, les facteurs environnementaux et le mode de vie influencent l’apparition, la progression et la récurrence des troubles mentaux. Les troubles mentaux peuvent entraîner une modification du comportement, comme de mauvaises habitudes d’hygiène bucco-dentaire, le tabagisme et l’abus d’alcool, qui sont également des facteurs de risque pour les maladies péri-implantaires et, par conséquent, peuvent avoir un effet contributif [52].
Le stress et certains troubles mentaux s’accompagnent d’une inflammation chronique de bas grade qui pourrait être impliquée dans leur relation avec les péri-implantites. Plusieurs études démontrent que le stress peut moduler l’activité du système immunitaire [51, 53]. Un retard de cicatrisation pourrait être observé après une chirurgie péri-implantaire en conditions de stress chronique [53].
Ces résultats suggèrent que la gestion du stress et le traitement adéquat des troubles mentaux peuvent constituer un complément précieux dans le plan de traitement implantaire.
L’ostéoporose, un trouble du métabolisme osseux, est également considérée comme un facteur de risque possible des péri-implantites [1]. Cependant, bien que des niveaux légèrement plus élevés de résorption osseuse aient été signalés chez les patients atteints d’ostéoporose, il n’y a pas de preuve évidente de péri-implantite ou de perte d’implant [9, 54]. Une méta-analyse récente a cependant montré un impact de cette pathologie sur le délai d’apparition plus précoce des péri-implantites [55]. Au total, l’ostéoporose per se ne constitue pas un sur-risque de maladies péri-implantaires. En revanche, certains traitements médicamenteux de l’ostéoporose ayant une activité anti-résorptive sur le tissu osseux peuvent, eux, constituer des contre-indications majeures.
Les médicaments peuvent avoir des effets significatifs sur la production salivaire, le système immunitaire, la cicatrisation et la réponse inflammatoire, ainsi que sur les interactions médicamenteuses, tous influençant le risque de complications biologiques autour des implants dentaires [56, 57].
Les antidépresseurs tricycliques comme l’amitriptyline, les antihistaminiques comme la diphenhydramine, et certains médicaments anticholinergiques peuvent causer une xérostomie en réduisant la production de salive.
Cette diminution de la salive favorise l’accumulation de plaque dentaire et de bactéries autour des implants, augmentant le risque de complications biologiques telles que la mucosite et la péri-implantite.
Les corticostéroïdes comme la prednisone, utilisés pour traiter les maladies inflammatoires telles que la polyarthrite rhumatoïde, peuvent supprimer le système immunitaire.
Un système immunitaire affaibli rend les patients plus sujets aux infections, y compris les infections péri-implantaires, accroissant ainsi le risque de complications biologiques.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) comme l’ibuprofène et le naproxène sont fréquemment prescrits pour réduire l’inflammation et soulager la douleur.
Bien que ces AINS puissent aider à gérer l’inflammation péri-implantaire, leur utilisation prolongée peut retarder la cicatrisation des tissus et compromettre la réponse immunitaire locale, augmentant ainsi le risque de complications biologiques.
Certains antibiotiques, tels que les macrolides (par exemple l’érythromycine) et les quinolones (par exemple la ciprofloxacine), peuvent interagir avec les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) utilisés pour traiter les brûlures d’estomac.
Cette interaction peut réduire l’efficacité des antibiotiques dans le traitement des infections péri-implantaires, ce qui peut conduire à une résistance aux antibiotiques et accroître le risque de complications biologiques autour des implants dentaires
Les pathologies immuno-inflammatoires, telles que la polyarthrite rhumatoïde, le lupus érythémateux disséminé et la maladie de Crohn, peuvent considérablement augmenter le risque de complications biologiques autour des implants dentaires. Ces conditions sont caractérisées par une inflammation systémique chronique, qui peut être exacerbée dans la cavité buccale en présence d’implants dentaires, augmentant ainsi le risque de complications telles que la mucosite et la péri-implantite. De plus, les patients atteints de ces pathologies peuvent présenter une cicatrisation altérée des tissus, ce qui peut compromettre l’intégration de l’implant et augmenter le risque d’infections péri-implantaires. La gestion de ces patients nécessite une approche multidisciplinaire, impliquant des dentistes et des spécialistes médicaux, afin de planifier un traitement adapté prenant en compte leur condition médicale sous-jacente et ses implications sur la santé bucco-dentaire [58].
Les traitements de radiothérapie et de chimiothérapie, souvent utilisés dans le traitement du cancer de la tête et du cou, peuvent également influencer le risque de complications biologiques autour des implants dentaires. Ces traitements peuvent entraîner des dommages aux tissus mous et durs de la cavité buccale, y compris la muqueuse et l’os alvéolaire, ce qui peut compromettre la cicatrisation des tissus péri-implantaires et augmenter le risque de complications telles que l’infection et la perte osseuse péri-implantaire. De plus, la radiothérapie et la chimiothérapie peuvent causer une diminution significative de la production de salive, appelée xérostomie, ce qui favorise l’accumulation de plaque dentaire et de bactéries autour des implants, augmentant ainsi le risque de complications biologiques.
Dans la littérature, il existe des preuves de l’impact des traitements de radiothérapie et de chimiothérapie sur la santé bucco-dentaire et les implants dentaires. Plusieurs études ont mis en évidence une augmentation du risque de complications péri-implantaires chez les patients ayant subi une radiothérapie ou une chimiothérapie, en raison des effets néfastes de ces traitements sur les tissus buccaux et la production salivaire. En revanche, le taux de survie des implants placés chez ces patients ne semble pas inférieur et permettrait une réhabilitation prothétique valable. L’apport des implants chez ces patients est à souligner en raison de l’amélioration de leur qualité de vie. Ces études soulèvent l’importance d’une évaluation préalable approfondie de la santé bucco-dentaire avant le traitement oncologique, ainsi qu’une surveillance étroite des patients après la pose d’implants dentaires pour détecter et gérer précocement toute complication. Une coordination efficace entre les professionnels de la santé bucco-dentaire et les oncologues est également cruciale pour assurer des soins optimaux et réduire les risques de complications péri-implantaires chez les patients traités par radiothérapie et chimiothérapie [59].
Des facteurs locaux prédisposants voire déclenchants comme les excès de ciment et des facteurs généraux de santé ou liés au comportement du patient peuvent augmenter le risque de maladies péri-implantaires en modifiant la réponse de l’hôte et/ou en favorisant l’accumulation du biofilm. Par conséquent, une anamnèse médicale, parodontale et dentaire sérieuse est indispensable à toute situation clinique où le traitement implantaire est envisagé (figure 7). La prévention des complications biologiques implantaires passe aussi par l’établissement de programmes de suivi thérapeutique réguliers.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.