Clinic n° 06 du 01/06/2024

 

Parodontologie

Impantologie

Norbert CIONCA  

Privat Docent, Chargé de cours, Responsable du programme de spécialité en parodontologie, Division de médecine dentaire régénérative et parodontologie, Clinique universitaire de médecine dentaire, Université de Genève, Suisse.

Les maladies péri-implantaires telles que la mucosite et la péri-implantite réunissent les réactions inflammatoires autour des implants ostéointégrés et fonctionnels [5]. La prévalence de la péri-implantite a toujours été difficile d’établir en raison de variations dans le diagnostic, le nombre de patients, le temps d’observation et la qualité des études. Néanmoins, il a été rapporté qu’environ 45 % des patients ayant...


Résumé

Les implants dentaires ont permis d’améliorer grandement le quotidien des patients édentés. Leur utilisation en réhabilitation fixe ou amovible offre des avantages tant sur le plan fonctionnel qu’esthétique. Un récent rapport a fait état d’un marché mondial d’implant dentaire atteignant 4,6 milliards de dollars américains avec une croissance annuelle estimée à 10 % [1]. Le titane, sous forme d’alliage ou pur, représente le matériau de référence en implantologie. De nombreuses études cliniques, histologiques, animales, ont contribué à son évolution dans le contexte d’ostéointégration et d’interface prothétique [2-4]. Cependant, les implants oraux ne sont pas exempts de complications techniques et biologiques.

Les maladies péri-implantaires telles que la mucosite et la péri-implantite réunissent les réactions inflammatoires autour des implants ostéointégrés et fonctionnels [5]. La prévalence de la péri-implantite a toujours été difficile d’établir en raison de variations dans le diagnostic, le nombre de patients, le temps d’observation et la qualité des études. Néanmoins, il a été rapporté qu’environ 45 % des patients ayant des implants présentent une péri-implantite et les formes sévères se retrouvent chez 20 % d’entre eux [6]. La principale cause est d’origine bactérienne, résultant en un saignement/ suppuration au sondage et une perte osseuse cratériforme. Longtemps, un parallèle avec la parodontite a été fait en raison de similarités des signes cliniques d’inflammation. Cependant, des différences histo- et physio-pathologiques fondamentales existent. Les tissus mous péri-implantaires sont considérés comme des tissus cicatriciels plus susceptibles au traumatisme, l’infiltrat inflammatoire est en contact direct avec l’os sans encapsulation de la lésion, on retrouve une concentration plus élevée de neutrophiles, d’ostéoclastes, d’élastase et l’IL-1ß est y est plus prévalente [7, 8]. De plus, il a été relevé que l’apparition de la péri-implantite pourrait survenir dans les trois ans suivant la mise en charge et que sa progression, si non traitée, est non linéaire et accélérante [9].

Outre l’importance du biofilm dans l’initiation et l’évolution de la péri-implantite, d’autres facteurs sont à prendre en considération afin de prévenir et limiter la maladie [10] : facteurs exogènes (excès de ciment de scellement, tabagisme, débris alimentaire), facteurs iatrogéniques (placement de l’implant, profil d’émergence), pathologies extrinsèques (carcinome, foyer péri-apical, alvéole d’extraction infectée), manque de tissu kératinisé et bio-tribocorrosion (figure 1). Parmi les éléments de cette liste non exhaustive, on distingue deux particularités spécifiques à l’implant et non partagés par la dent naturelle ; l’environnement corrosif et l’usure mécanique pourraient compromettre la stabilité des implants en titane [11, 12]. De nombreuses études ont rapporté la présence de particules et d’ions titane dans les tissus péri-implantaires voisins ainsi qu’à distance dans les ganglions lymphatiques ou la rate [13, 14]. Loin d’être bio-inertes, ces particules ont le potentiel d’altérer l’homéostase épithéliale [15] et d’induire une réponse inflammatoire par l’activation de cytokines pro-inflammatoires telles que TNF-α, IL-6, IL-1ß et RANKL/osteoproteogerin [16-18]. D’autres publications ont montré une certaine influence des particules de titane dans l’initiation et la progression de la péri-implantite [19, 20]. Cependant, dans ce contexte de particules, un phénomène est de plus en plus observé ; il s’agit du « détachement aseptique », l’une des complications majeures en chirurgie orthopédique. Le côté bactérien n’a pas de rôle dans cette situation et un processus de métallose serait la cause de la perte de l’implant à la suite d’une ostéolyse linéaire [21]. Les éléments responsables sont les débris d’usure, la fatigue du matériau, la biocorrosion et la géométrie implantaire [22]. En chirurgie implantaire, les origines de ces particules pourraient provenir de l’insertion de l’implant, des micro-mouvements implant/pilier, de la corrosion ou de certaines méthodes de décontamination comme l’utilisation de chlorhexidine ou d’eau oxygénée [23] ou l’implantoplastie [24]. Lors du détachement aseptique, le patient ne présente ni douleurs ni signes d’inflammation. Aucune perte osseuse cratériforme n’est observée. L’implant peut être simplement dévissé (figure 2). Plusieurs autres pistes sont en cours d’investigation telles que la modification de surface de l’implant ou l’occlusion traumatisante [25, 26]. Actuellement, il est difficile d’établir le réel impact de ces particules/ions car leur taille, leur forme, leur distribution sont difficiles à contrôler et à analyser. De plus, la méthode de détection par spectrométrie peut être soumise à certains biais car le dioxyde de titane est utilisé dans l’industrie alimentaire et cosmétique et se retrouve donc dans des prélèvements cytologiques [27].

Les implants en zircone représentent un changement intéressant dans le panorama de l’implantologie que l’on ne peut ignorer. Leurs propriétés physico-chimiques n’ont eu de cesse d’évoluer pour offrir de nos jours des prestations de premier ordre [28].

Même si les études cliniques à long terme sont encore limitées, des résultats excellents ont pu être observés [29-32]. Les implants zircone ont démontré des niveaux d’accumulation de plaque inférieurs aux implants en titane ainsi que des infiltrats inflammatoires moindres [33, 34]. Chez l’animal, la progression de la péri-implantite autour des implants zircone est également plus lente en comparaison avec le titane [35]. Ces éléments associés aux faibles taux de complications biologiques décrits dans les études cliniques permettent d’envisager l’implant zircone comme une solution dans la volonté de prévenir les cas de péri-implantite (figure 3). Cela ne doit toutefois pas faire oublier les autres facteurs pouvant engendrer une perte osseuse tels que le niveau d’hygiène et de compliance du patient, une partie prothétique au profil d’émergence peu harmonieux, une occlusion non contrôlée ou encore un manque de tissu kératinisé. Un patient ayant eu une parodontite chronique généralisée sévère et ne respectant pas les intervalles de maintien s’expose à un risque élevé de péri-implantite même si l’implant est en zircone (figure 4).

Le matériau en lui-même peut aider ou compromettre la survie à long terme de l’implant, mais en aucun cas il ne peut se substituer à une planification et un maintien correct. Il est difficile d’affirmer qu’un implant zircone ne souffrira jamais de péri-implantite attendu que l’origine de cette dernière est multifactorielle. De même, le protocole de traitement d’une péri-implantite autour d’un implant zircone reste inconnu. Enfin, des éléments zircone ont été détectés dans les tissus péri-implantaires sans connaître leur possible action [23, 36].

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.

BIBLIOGRAPHIE

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