Clinic n° 06 du 01/06/2024

 

Parodontologie

Implantologie

Pierre-Yves GEGOUT*   Olivier HUCK**  


*CCU-AH
**PU-PH Université de Strasbourg, Faculté de Chirurgie dentaire, Parodontologie, Strasbourg. Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, pôle de médecine et chirurgie bucco-dentaires, Strasbourg.

Les maladies péri-implantaires sont des maladies inflammatoires d’origine infectieuse induites par le biofilm oral. Elles sont sous-catégorisées en deux maladies distinctes : la péri-mucosite et la péri-implantite [1].

La péri-mucosite et la péri-implantite sont considérées comme des maladies particulièrement prévalentes, affectant respectivement 43 % pour la péri-mucosite et 22 % pour la péri-implantite des patients...


Résumé

Les pathologies péri-implantaires, qui englobent la péri-mucosite et la péri-implantite, ont une forte prévalence. La péri-mucosite correspond à une inflammation superficielle des tissus mous péri-implantaires caractérisée par un saignement gingival au sondage et par l’absence de destruction osseuse autour de l’implant, tandis que la péri-implantite se caractérise par une inflammation des tissus péri-implantaires associée à une destruction évolutive de l’os péri-implantaire. Le diagnostic de ces maladies est réalisé grâce à l’examen clinique et radiologique. Un diagnostic précoce est primordial et permettra une prise en charge rapide qui préviendra la progression de ces dernières et diminuera le recours à des approches thérapeutiques complexes.

Les maladies péri-implantaires sont des maladies inflammatoires d’origine infectieuse induites par le biofilm oral. Elles sont sous-catégorisées en deux maladies distinctes : la péri-mucosite et la péri-implantite [1].

La péri-mucosite et la péri-implantite sont considérées comme des maladies particulièrement prévalentes, affectant respectivement 43 % pour la péri-mucosite et 22 % pour la péri-implantite des patients ayant bénéficié d’un traitement implantaire [2].

L’EXAMEN CLINIQUE PÉRI-IMPLANTAIRE

Lors de l’examen clinique, l’évaluation de l’état de santé péri-implantaire se déroule en plusieurs étapes. Dans un premier temps, un examen visuel de la muqueuse péri-implantaire permet de détecter les éventuels signes d’érythème, d’œdème, d’infection, la présence d’une fistule ou bien de biofilm oral autour de la couronne supra-implantaire.

Dans un second temps, un sondage autour de l’implant est réalisé en veillant bien à appliquer une force de sondage modérée (0,25 N maximum) afin de prendre en compte la résistance mécanique plus faible des tissus péri-implantaires. Certaines études mettent en avant un risque d’altérer les caractéristiques physiques de la surface des implants lors du sondage péri-implantaire, notamment lors de l’utilisation de sondes parodontales « classiques » en métal. Cependant, une étude récente a démontré que l’utilisation de ces sondes en métal n’affectait l’état de surface implantaire que de façon très limitée. A contrario, les sondes parodontales en plastique semblent préserver l’intégrité de l’état de surface implantaire. Il n’existe pour l’heure aucune recommandation stricte à ce sujet [3] (figure 1).

À travers l’appréciation de différents paramètres cliniques, le sondage péri-implantaire permettra de mesurer la quantité de plaque ou de tartre accumulée, d’évaluer l’inflammation des tissus environnants et de repérer tout excès éventuel de ciment de scellement. La constatation d’un saignement lors du sondage constitue un indicateur clinique crucial de l’inflammation des tissus péri-implantaires. La profondeur de sondage péri-implantaire est aussi une donnée importante, même si l’établissement d’une valeur seuil, « physiologique », de profondeur de poche est plus compliqué à justifier compte tenu de l’existence d’une grande variété de phénotypes gingivaux et dépend aussi de la position de l’implant par rapport à la crête [4].

LA PÉRI-MUCOSITE

La péri-mucosite est décrite comme une inflammation de la muqueuse péri-implantaire sans destruction évolutive du tissu osseux sous-jacent [5]. Cliniquement, elle se caractérise par une muqueuse péri-implantaire pouvant être érythémateuse ou œdématiée, associée à la présence de saignements observés sur plus d’un site, consécutifs à un sondage atraumatique autour de l’implant. La péri-mucosite peut être associée à une augmentation de la profondeur de sondage, qui est souvent le résultat d’une réduction de la résistance des tissus ou de l’œdème provoqué par l’inflammation. La péri-mucosite est une maladie réversible à certaines conditions.

Selon les dernières recommandations relatives au traitement de la péri-mucosite, son traitement consiste à mettre en place une routine d’hygiène orale adaptée associée à un nettoyage professionnel. Les objectifs du traitement péri-implantaire sont de restaurer une compatibilité tissulaire qui se caractérisera notamment par l’absence de saignement au sondage (≤ 1 point de saignement au sondage et une absence de suppuration). Deux à trois mois après le traitement péri-implantaire, en cas de saignement au sondage sur ≥ 2 sites, ou même en présence d’un site saignant abondamment ou présentant une suppuration, une reprise du traitement péri-implantaire doit être réalisée [1]. En cas de contrôle de plaque insuffisant, la péri-mucosite peut évoluer et aboutir au développement d’une péri-implantite [6] (tableau 1) (figures 2 et 3).

LA PÉRI-IMPLANTITE

La péri-implantite est caractérisée par une inflammation de la muqueuse péri-implantaire associée à une destruction du tissu osseux (figure 3).

À l’examen clinique, un saignement et/ou une suppuration sont retrouvés lors du sondage, tout comme une augmentation de la profondeur de sondage. Radiographiquement, une destruction osseuse est observée, et son évolution peut être objectivée en comparant les différentes radiographies rétro-alvéolaires entre elles. La perte osseuse radiographique prend en compte le remodelage osseux physiologique suivant la mise en charge de l’implant et distingue donc bien la perte osseuse physiologique de la perte osseuse pathologique associée à la péri-implantite [7]. En cas d’absence de données radiographiques antérieures, la péri-implantite peut être diagnostiquée en cas d’une combinaison de :

- saignement > 1 point de sondage et/ou suppuration au sondage ;

- profondeur de sondage ≥ 6 mm ;

- niveau osseux ≥  3 mm apicalement à la portion la plus coronaire de la partie intra-osseuse de l’implant [1, 6] (tableau 1) (figures 4 et 5).

En cas d’absence de traitement, la péri-implantite est considérée comme une pathologie à évolution non linéaire, la destruction ayant tendance à accélérer avec le temps [6]. De plus, la vitesse de progression de la péri-implantite est souvent plus rapide si on la compare à la vitesse de progression des parodontites [8].

PRÉSENTATION D’UN CAS CLINIQUE

Une patiente s’est présentée au service de Parodontologie du Pôle de Médecine et Chirurgie Bucco-Dentaires des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg du fait d’une gêne persistante associée à un écoulement purulent au niveau de l’implant situé en 22 ainsi qu’une perforation de la muqueuse en regard. Cet implant avait été posé plus de dix ans auparavant.

Le sondage met en évidence une profondeur de sondage de 8 mm associée à un saignement et un écoulement purulent validant le diagnostic de péri-implantite. Concomitamment au sondage, une radiographie rétro-alvéolaire est réalisée et permet d’observer une alvéolyse atteignant 80 % de la hauteur implantaire (figure 6).

Étant donné la sévérité de la destruction, il est décidé d’explanter l’implant 22. Un lambeau de pleine épaisseur est levé, permettant d’apprécier la sévérité de l’atteinte. Après explantation et retrait du tissu de granulation, une régénération osseuse est réalisée dans le but de restaurer la crête. Après cicatrisation, une nouvelle prothèse fixée et transvissée sur l’implant 23 avec une extension mésiale est mise en place afin de remplacer la 22 (figure 7).

DISCUSSION

Dans les dernières recommandations relatives à la prévention et au traitement des maladies péri-implantaires, il est recommandé d’avoir un élément implanto-porté qui présente un angle et un profil d’émergence favorable permettant le sondage péri-implantaire ainsi qu’un contrôle de plaque satisfaisant [1]. En effet, dans certains cas, les couronnes supra-implantaires ne permettent pas ou rendent très difficile le sondage péri-implantaire, cela menant à des erreurs d’estimation de la profondeur de poche et rendant le diagnostic plus hasardeux [9] (figure 8). De plus, de nombreuses études remettent en question la relevance des paramètres cliniques utilisés pour le diagnostic des maladies péri-implantaires [10]. En effet, Weber et coll., en 2000, ont démontré que les paramètres cliniques (saignement, profondeur de poche, niveau d’attache, suppuration, indice de plaque, mobilité) étaient faiblement corrélés à la perte osseuse radiographique, limitant leurs valeurs cliniques dans la prédiction de la progression de la perte osseuse péri-implantaire [11].

Dans une étude, les auteurs ont mesuré le taux de saignement au sondage autour d’implants présentant une perte osseuse progressive ainsi qu’autour d’implants ayant un niveau osseux stable. Au niveau de 197 implants atteints d’une perte osseuse progressive, le pourcentage de saignement au sondage était de 93,6 %, contre 90,9 % au niveau de 285 implants ayant un niveau osseux stable [12]. Le résultat de cette étude démontre bien la faible valeur prédictive du saignement au sondage dans l’évolution de la lésion péri-implantaire. Dans ce sens, d’autres études suggèrent que l’environnement muqueux péri-implantaire semble être un milieu fragilisé par rapport aux tissus parodontaux [10, 13] (renforçant le fait que le saignement au sondage seul reste un paramètre peu relevant dans le diagnostic de la péri-implantite).

Lors de l’examen clinique, il est donc nécessaire à la fois de prêter attention aux différents signes cliniques, mais aussi de s’appuyer sur les examens radiologiques afin de confirmer le diagnostic. D’après les dernières recommandations relatives à la prévention et au traitement des péri-implantites, il est recommandé de réaliser une radiographie intra-orale de l’implant juste après le remodelage osseux physiologique afin d’estimer un niveau osseux de référence. Par la suite, en cas de saignement accompagné d’une augmentation de la profondeur de poche autour de l’implant, la réalisation d’une nouvelle radiographie de l’implant permettra de mettre en évidence ou non une progression de la perte osseuse péri-implantaire et contribuera au dia-gnostic de la péri-implantite [1].

CONCLUSION

Les maladies péri-implantaires sont des mala-dies couramment retrouvées dans les cabinets dentaires, nécessitant un diagnostic et une prise en charge précoce afin de réduire le besoin en traitements complexes. Faisant suite à la prise en charge des patients, le recoupement des diffé-rentes informations collectées lors de l’examen clinique et lors de l’interprétation des examens complémentaires va permettre de faire le dis-tinguo entre la santé péri-implantaire, la péri-mucosite et la péri-implantite. Ces dernières feront l’objet de traitements différents, basés sur les recommandations de soins actuelles.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.

BIBLIOGRAPHIE

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