ASSISTANT DENTAIRE DE NIVEAU 2, VERS UN ENRICHISSEMENT DE L’ÉQUIPE DENTAIRE
Organisation
Chirurgien-Dentiste Formateur Professionnel d’Adultes.
Après un parcours chahuté, le statut d’assistant(e) dentaire de niveau 2 a été adopté au printemps 2023 (loi n° 2023-379 du 19 mai 2023 portant sur l’amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé).
La première proposition de loi indiquait un statut d’assistant en médecine bucco-dentaire qui aurait permis l’indépendance professionnelle. Son rejet par l’ensemble de la profession a laissé place à une seconde proposition prévoyant le statut d’assistant dentaire de niveau 2 exerçant sous la responsabilité du praticien [1].
Le métier d’assistant dentaire peut être exercé en cabinet, en centre de santé ou en milieu hospitalier. Il appartient au type de métiers d’assistance médico-technique et requiert certains savoirs, savoir-faire et savoir-être très variés comme l’accueil d’un patient, la gestion de l’agenda, la mise en œuvre de procédures de bionettoyage ou la préparation de matériel en amont d’un acte technique [2, 3].
Afin d’acquérir ces compétences, nos assistants dentaires de niveau 1 suivent un parcours de formation initiale sur 18 mois, en alternance, à raison d’une journée par semaine en organisme de formation et le reste du temps en cabinet dentaire, soit 1 878 heures de formation au total.
Cette formation, qui a accueilli un nouveau référentiel effectif au 1er janvier 2024, permet désormais de valider 9 compétences réparties en 4 blocs de compétences :
- bloc 1. Assurer une prise en charge adaptée de la personne au sein des structures de soin dans le champ de la chirurgie dentaire (figure 1a) ;
- bloc 2. Assister le praticien tout au long de la prise en soin des personnes (figure 1b) ;
- bloc 3. Gérer les stocks de produits, de consommables, le matériel, les locaux et le risque infectieux au sein des structures de soins dans le champ de la chirurgie dentaire (figure 1c) ;
- bloc 4. Gérer son activité, les données et informations liées aux personnes soignées et à la structure, dans le cadre d’un travail en équipe pluriprofessionnelle [4] (figure 1d).
L’obtention du titre est également possible par validation des acquis par l’expérience (VAE) si le candidat a exercé certaines fonctions d’assistant dentaire en cabinet pendant au moins un an. La formation initiale est aussi ouverte aux personnes issues de métiers reconnus comme infirmier ou manipulateur radio, qui peuvent être dispensés de certains modules.
Ces dernières années, le taux d’insertion dans le métier à 2 ans avoisinait les 90 % [5].
La loi n° 2023-379 du 19 mai 2023 précise que :
- l’assistant de niveau 2 exercerait, comme celui de niveau 1, sous la responsabilité du chirurgien-dentiste, et sous le contrôle direct de ce dernier ;
- un chirurgien-dentiste ne pourrait employer qu’un seul assistant dentaire de niveau 2 ;
- pour exercer cette dernière profession, un titre professionnel serait obligatoire ;
- les actes pouvant être exécutés seraient clairement listés [6].
Parmi ces actes figureraient les anamnèses et les bilans mais pas les diagnostics. Les praticiens devraient donc voir le patient au fauteuil et déléguer certains actes en fonction du(des) diagnostic(s) posé(s). Des photographies et des radiographies intra et extrabuccales pourraient être réalisées. Les actes de prévention comme les détartrages, les scellements de sillons et la pose de vernis fluorés seraient délégués également. Des actes spécifiques à la chirurgie comme la dépose de fils ou la pose/dépose d’arcs en orthodontie viendraient compléter la liste (figure 2).
Le référentiel de formation pour l’obtention du titre d’assistant dentaire de niveau 2 est en cours d’écriture.
Les prérequis pour l’entrée en formation comporteraient notamment une expérience professionnelle de 2 à 3 ans en tant qu’assistant dentaire qualifié de niveau 1 ainsi que le passage d’un test de positionnement.
Environ 600 à 800 heures d’apprentissage seraient nécessaires sur une durée de 24 mois, dont 30 à 50 heures pourraient se dérouler en milieu universitaire pour la partie préclinique, sous forme de séminaires de quelques jours.
Un tronc commun serait dispensé à tous les apprenants sur les thèmes de la médecine bucco-dentaire, de l’imagerie et de la prophylaxie. Cette base pourrait être complétée par une ou plusieurs certifications en chirurgie/implantologie/parodontologie, orthodontie ou prévention pour publics spécifiques [7] (figure 3).
Les futurs assistants dentaires de niveau 2 en France auraient des points communs avec la profession d’hygiéniste de nos voisins européens.
Les emplois d’auxiliaires dentaires (assistants dentaires et hygiénistes) sont très hétérogènes d’un pays à l’autre en termes de réglementation, de formation et d’exercice du métier.
Les conditions d’accès au métier sont strictes dans les pays scandinaves, germanophones, la France et le Royaume-Uni alors que, dans d’autres pays comme la Belgique, l’Espagne ou le Luxembourg, la formation existe mais n’est pas obligatoire pour accéder à l’emploi.
Dans les pays où certains actes sont délégués aux assistants dentaires, la formation initiale dure de 2 à 3 ans, contre 6 mois à 1 an et demi dans les pays où les assistants ne réalisent pas d’actes. Ainsi, la France se situe dans les pays proposant une formation initiale n’aboutissant pas à de la délégation de soins des plus longues (18 mois) avec le ratio le plus important de formation pratique en cabinet dentaire par rapport à la formation en organisme (80 % du temps en formation au cabinet dentaire et 20 % en centre de formation)
La durée de la formation conduisant au titre d’hygiéniste est quant à elle assez homogène en Europe : entre 2 et 3 ans, alternant théorie en centre de formation et pratique au cabinet dentaire, à l’instar de la formation initiale.
La composition des équipes dentaires diffère d’un pays à l’autre. Il existe deux modèles de composition des équipes avec auxiliaire(s) dentaire(s) :
- l’équipe en binôme : un chirurgien-dentiste et un auxiliaire dentaire. Modèle répandu dans les pays ayant une pratique plutôt curative comme la France, la Belgique ou l’Espagne.
- l’équipe de soins élargie : au moins deux auxiliaires dentaires par chirurgien-dentiste. Modèle concernant les pays mettant l’accent sur une pratique préventive, comme l’Allemagne, la Suisse ou la Suède.
En ce qui concerne l’exercice du métier, des disparités existent.
• En Roumanie, le chirurgien-dentiste ne délègue aucun acte.
• En Italie, Belgique, Royaume-Uni et au Danemark :
- certains actes sont délégués aux hygiénistes, c’est-à-dire qu’ils sont ordonnés par le praticien et réalisés sous son contrôle et sa responsabilité. Les actes concernés sont ceux de prophylaxie, de radiologie, d’orthodontie, mais aussi les soins conservateurs avec anesthésie et les extractions ;
- pour les actes les plus simples comme ceux de prophylaxie, de contrôle ou de radiologie, l’hygiéniste peut se substituer au praticien, c’est-à-dire qu’il peut les réaliser après avoir posé un diagnostic de manière autonome.
Notons qu’au Danemark, au Royaume-Uni et en Italie, l’hygiéniste peut ouvrir son propre cabinet et exercer sous un statut indépendant [8] (tableau 1).
Un sondage, mené auprès de 45 praticiens du nord de la France, en janvier 2024, via l’outil SURVIO, a révélé que la reconnaissance du statut d’assistant dentaire de niveau 2 en France était plutôt très bien accueillie par les chirurgiens-dentistes (figure 4).
Les praticiens qui ont répondu au sondage étaient à peu près autant d’hommes que de femmes et exerçaient :
- pour la quasi-totalité depuis 5 à 15 ans, ou depuis plus de 15 ans ;
- pour environ la moitié en tant qu’omnipraticien, un quart en tant que spécialiste et un quart en combinant les deux ;
- pour 78 % en cabinet de groupe et 13 % en cabinet seul.
La profession d’assistant dentaire de niveau 2 a un bel avenir puisque plus de la moitié des sondés ont la ferme intention de s’entourer d’un nouveau salarié et 22 % probablement.
Ils y voient, à l’heure où, dans certaines régions, les agendas des chirurgiens-dentistes peinent à satisfaire toutes les demandes, la facilitation de l’accès aux soins pour les patients en déléguant des actes simples, ce qui permettra de dégager du temps médical pour l’exercice du praticien.
Des craintes sont toutefois émises concernant la responsabilité du chirurgien-dentiste, la durée de la formation, le salaire et les charges à verser, les besoins en locaux et en matériel, le management ainsi que l’organisation inhérents à l’embauche d’un assistant de niveau 2.
D’une manière générale, les orthodontistes estiment que les taches délégables sont trop restreintes pour que ce statut puisse apporter un bénéfice à leur activité.
L’avis de Claire Furlani, chirurgien-dentiste ayant exercé 10 ans en France, et collaboratrice depuis 3 ans au Québec : « Ici, les hygiénistes effectuent des actes délégués par les praticiens, comme la prophylaxie, la prise de clichés radiologiques, la dépose de fils de suture, la réalisation de surfaçages mais aussi des reconstitutions coronaires. Je réalise le curetage dentinaire et l’hygiéniste peut ensuite réaliser l’obturation. Je tourne ainsi sur 2 à 3 fauteuils, en parfaite coordination avec les hygiénistes. Les soirs, je suis plus fatiguée car je n’ai pas de « temps morts » liés à la prise de RDV, aux règlements ou au bionettoyage, mais je suis plus épanouie, toujours dans l’efficacité et au cœur de mon métier, c’est plus gratifiant. J’aime ce travail en équipe, chacun connaît parfaitement son rôle, nous nous faisons confiance. Les hygiénistes se sentent valorisés quand je leur confie des tâches. ».
Ce nouveau statut apportera sans aucun doute bon nombre de bénéfices en termes de qualité de prise en charge, permettant à la prévention d’occuper une place plus importante dans les cabinets dentaires, mais aussi en termes d’accessibilité aux soins par les patients en déchargeant l’agenda du chirurgien-dentiste des actes les plus simples. Toutefois, un investissement de la part du praticien (formation, salaire, charges, matériel dentaire, etc.) ainsi qu’une réorganisation complète du fonctionnement du cabinet s’avéreront nécessaires. Affaire à suivre…
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.