LES RÉSORPTIONS RADICULAIRES DES DENTS PERMANENTES
Endodontie
Bastien LE GROS* Claire EHLINGER** Maryline MINOUX***
*CCU-AH
**MCU-PH
***PU-PH
****Département de Dentisterie restauratrice Endodontie, Faculté de chirurgie dentaire Robert Frank, Pôle de Médecine et de Chirurgie bucco-dentaire, Université et Hôpitaux Universitaires de Strasbourg.
Les résorptions correspondent à la disparition progressive d’un tissu dur (dentine, cément et/ou os) par l’action de cellules clastiques. Contrairement à la rhizalyse, qui correspond à la résorption radiculaire physiologique des dents temporaires, la résorption des dents permanentes est toujours pathologique. En situation physiologique, les dents permanentes ne subissent pas de résorption car elles sont protégées par la présence de deux couches protectrices, interne et...
La complexité de la prise en charge des résorptions dentaires est à mettre en parallèle avec les multiples aspects cliniques que peut prendre la pathologie. Un diagnostic correct et une compréhension affinée des mécanismes étiopathologiques sont primordiaux pour une prise en charge adéquate. Il n’y a pas de consensus quant aux thérapeutiques à employer, mais elles résultent le plus souvent de la transposition des techniques et matériaux utilisés en endodontie. Dans ce contexte, une prise en charge améliorée et facilitée des résorptions a été rendue possible grâce à l’apport de l’imagerie tridimensionnelle, l’utilisation des aides optiques et le développement de nouveaux biomatériaux dont les ciments à base de silicates de calcium. Leur utilisation dans le cadre de la prise en charge des résorptions dentaires présente en effet des résultats prometteurs, notamment en présence de communications endo-parodontales.
Les résorptions correspondent à la disparition progressive d’un tissu dur (dentine, cément et/ou os) par l’action de cellules clastiques. Contrairement à la rhizalyse, qui correspond à la résorption radiculaire physiologique des dents temporaires, la résorption des dents permanentes est toujours pathologique. En situation physiologique, les dents permanentes ne subissent pas de résorption car elles sont protégées par la présence de deux couches protectrices, interne et externe.
La couche de protection interne est composée de la prédentine et de la couche odontoblastique, qui tapissent la surface de l’endodonte, tandis que la couche de protection externe est composée du ligament alvéolodentaire et du cément, qui recouvrent la surface externe de la racine [1, 2].
Il existe deux grands types de résorptions dentaires, les résorptions internes et les résorptions externes, qui diffèrent par leur point de départ [1, 2] :
- les résorptions internes ont pour point de départ la surface du canal ou de la chambre pulpaire et progressent vers la surface externe de la dent. En absence de traitement, leur progression peut entraîner une perforation des tissus dentaires (radiculaires ou coronaires) ;
- les résorptions externes ont pour point de départ la surface radiculaire externe. En absence de traitement, leur progression peut entraîner une atteinte pulpaire.
Certains auteurs reconnaissent deux formes différentes de résorptions internes [2-4], les résorptions inflammatoires et les résorptions de remplacement ; ces dernières étant peu évoquées dans la littérature [2], elles ne seront pas abordées ici.
Les résorptions inflammatoires surviennent si la couche de protection interne a été altérée, entraînant au niveau de la zone lésée et dénudée le recrutement de cellules clastiques qui vont initier un processus de résorption [1].
Elles peuvent être transitoires ou évolutives :
- les résorptions transitoires surviennent lorsque l’activation des cellules clastiques n’est pas maintenue dans le temps. Elles ne sont détectables ni cliniquement ni radiologiquement et ne nécessitent aucun traitement ;
- les résorptions évolutives résultent d’une activation persistante des cellules clastiques, du fait de la présence d’une inflammation pulpaire chronique.
La progression d’une résorption interne inflammatoire implique donc :
- l’altération de la couche de protection interne, nécessaire pour que le processus de résorption soit initié ;
- la présence d’une inflammation pulpaire chronique qui entretient la stimulation des cellules clastiques, permettant la progression du processus résorptif.
D’un point de vue histologique, la lacune est occupée par un tissu de granulation inflammatoire. À sa périphérie se trouvent les cellules clastiques, dont les apports nutritifs sont assurés grâce au maintien de la vitalité pulpaire apicale. Souvent, une zone de pulpe nécrotique colonisée par des bactéries est située coronairement au tissu de granulation présent dans la lacune, laissant suggérer une communication entre ces deux tissus : la zone nécrotique coronaire et sa colonisation bactérienne seraient responsables de l’inflammation chronique de la pulpe sous-jacente [1, 2, 4].
Il est très rare de pouvoir diagnostiquer cliniquement une résorption interne radiculaire, les signes cliniques étant variables selon l’état pulpaire et les stades d’observation. À un stade initial, la dent est le plus souvent asymptomatique mais, avec la progression de la lésion, une perforation radiculaire ou une nécrose pulpaire avec complications péri-apicales peuvent survenir et être à l’origine de symptômes douloureux [2]. Les résorptions internes radiculaires sont le plus souvent découvertes de manière fortuite lors de la réalisation d’un examen radiographique de routine [2]. Sur une radiographie rétro-alvéolaire, elles se présentent sous la forme d’un élargissement radio-clair, rond ou ovalaire, assez uniforme, dont les contours sont en continuité avec ceux du canal pulpaire [5]. Lorsqu’une résorption est suspectée, la réalisation d’un CBCT est indispensable. Son apport est fondamental pour préciser le diagnostic et établir un diagnostic différentiel avec les résorptions cervicales invasives qui sont souvent incorrectement diagnostiquées comme résorptions internes [3, 4]. Une différence majeure permet cependant de les distinguer :
- en cas de résorption interne, les parois de la lacune de résorption sont en continuité avec celles du canal pulpaire ;
- en cas de résorption externe, les parois du canal pulpaire sont dans la plupart des cas préservées.
En plus de son apport dans le diagnostic, le CBCT représente une aide indispensable à la planification thérapeutique car il permet de déterminer précisément la localisation et l’étendue de la résorption, l’épaisseur des parois radiculaires résiduelles et/ou la présence éventuelle de perforations radiculaires ou de lésions péri-apicales associées [5].
Le processus résorptif étant maintenu par une inflammation pulpaire chronique, l’arrêt de ces résorptions implique l’élimination de la pulpe inflammatoire. À noter que, en absence de traitement, une nécrose canalaire totale induit également un arrêt de la résorption, les cellules clastiques n’étant plus alimentées [1].
Dans le cas des résorptions internes non perforantes, le traitement ne diffère pas sensiblement d’un traitement endodontique classique. Du fait des particularités anatomiques liées à la lacune de résorption, le débridement complet du système canalaire à l’aide des instruments endodontiques est quasiment impossible, d’où la nécessité d’une irrigation efficace [3]. En absence de nécrose totale du canal, il est conseillé de réaliser une obturation transitoire avec un hydroxyde de calcium afin d’induire une nécrose du tissu inflammatoire qui n’aurait pas été éliminé lors de la phase de détersion [5]. Lors d’une deuxième séance, après retrait de l’hydroxyde de calcium (qui peut s’avérer difficile), l’obturation endodontique peut être entreprise. Afin d’obtenir une obturation tridimensionnelle de la lacune de résorption, les techniques d’in jection et de compaction de gutta chaude sont en général préconisées [5, 6]. Cependant, l’utilisation d’un ciment à base de silicate de calcium (CBSC) sealer, injecté dans le canal et la lacune de résorption en association avec un cône de gutta, est également envisageable (figure 1).
Dans le cas des résorptions internes ayant entraîné une perforation radiculaire, les CBSC représentent les matériaux de choix pour en obtenir le scellement, à condition bien entendu que la dent ait été jugée restaurable [5, 6]. En fonction de l’étendue de la perforation et de sa localisation, le CBSC sera placé par voie orthograde ou chirurgicale.
• L’approche par voie orthograde est privilégiée pour les perforations de faible étendue. Lorsque la perforation est accessible, un CBSC putty peut être utilisé. Certains auteurs l’utilisent pour obturer la totalité de la lacune de résorption alors que d’autres limitent son application à la zone de perforation. Dans ce cas, le CBSC peut être amené au niveau du site de perforation avec une micro-brosse (selon la technique décrite dans l’article portant sur les perforations radiculaires) ou avec le MAP system [7]. L’utilisation d’un CBSC sealer, injecté dans le système canalaire et utilisé en association avec un cône de gutta représente une alternative en présence de perforations de faible étendue non directement accessibles (figure 2).
• L’approche par voie chirurgicale est envisageable en cas de communications endoparodontales non traitables par voie interne en première intention ou après échec d’un abord interne [7].
Récemment, l’utilisation des procédures d’endodontie régénérative a également été rapportée dans le traitement des résorptions internes, notamment en présence de perforations radiculaires [8, 9].
Deux grandes formes de résorptions externes peuvent être rencontrées [1] :
- les ankyloses et les résorptions externes de remplacement ;
- les résorptions inflammatoires.
L’ankylose alvéolo-dentaire correspond à la fusion entre l’os alvéolaire et la surface radiculaire sans interposition du ligament alvéolodentaire, empêchant ainsi tout déplacement naturel ou forcé de la dent [2]. Faisant suite à l’ankylose, la résorption de remplacement correspond au remplacement progressif des tissus dentaires radiculaires par de l’os d’origine alvéolaire, aboutissant à terme à la fracture de la couronne et à la perte de la dent [2]. Bien que tous les facteurs à l’origine de ces pathologies ne soient pas identifiés, les traumatismes dentaires sont souvent en cause. L’ankylose installée et la résorption de remplacement progressive surviennent après une nécrose importante du système d’attache (plus de 20 %), causée notamment par une luxation intrusive sévère ou dans les cas d’expulsion/réimplantation avec un temps extra-oral trop long et/ou un milieu de conservation non adapté [1].
Bien que les réimplantations tardives soient de mauvais pronostic à cause de la survenue de ces ankyloses et résorptions de remplacement, l’International Association of Dental Traumatology (IADT, 2020) estime que la décision de réimplanter une dent permanente est presque toujours la bonne [10]. L’objectif étant de restaurer, au moins temporairement, l’esthétique et la fonction, la dent pouvant toujours être extraite ultérieurement si nécessaire [10]. Par ailleurs, la réalisation d’une décoronation ou d’autres procédures telles que l’auto-transplantation pourront également être envisagées en fonction de la sévérité de l’ankylose de la dent réimplantée, de la croissance du patient et de la probabilité de perte de la dent [10].
Jusqu’à très récemment, il était cependant admis qu’aucun traitement n’était capable d’arrêter la progression d’une ankylose ou d’une résorption de remplacement [11]. Nous verrons que des études récentes semblent remettre en cause cette affirmation.
Comme les résorptions internes, les résorptions externes inflammatoires peuvent être transitoires ou évolutives.
• Les résorptions transitoires font suite à des lésions peu étendues de la couche de protection externe, causées par exemple par des traumatismes de faible intensité ou par des microtraumatismes occlusaux (para-fonctions) [1]. Elles ne sont détectables ni cliniquement ni radiologiquement et ne nécessitent aucun traitement.
• Les résorptions évolutives ont également pour origine une lésion de la couche de protection externe, mais à laquelle s’ajoute un stimulus responsable de l’évolution de la lésion.
Différents types sont reconnus [1] :
- résorptions associant lésions importantes de la couche de protection externe et infection endodontique (a) ;
- résorptions apicales dues aux complications péri-apicales de la nécrose pulpaire (b) ;
- résorptions cervicales invasives (c) ;
- résorptions dues à une pression appliquée sur le ligament alvéolo-dentaire (d).
Toutes ces résorptions ont pour point de départ la surface radiculaire externe mais le facteur responsable de l’évolution de la lésion est propre à chaque type de résorption ; ce peut être une infection endodontique (a et b), une infection parodontale (c) ou une pression (d). De fait, chacune de ces résorptions a également son traitement propre. Ici ne seront abordées que les résorptions associées à un traumatisme important et à une infection endodontique ainsi que les résorptions cervicales invasives.
Ces résorptions font suite à un traumatisme sévère (notamment les intrusions et les expulsions/ réimplantations) ayant entraîné, d’une part, des dommages sévères au niveau de la couche de protection externe et, d’autre part, une infection endodontique consécutive à la rupture du paquet vasculonerveux [11] (figure 3).
Si une infection endodontique survient sur une dent dont la couche de protection externe a été sévèrement endommagée (avec ouverture des tubulis dentinaires sur le parodonte), les bactéries canalaires et/ou leurs toxines vont diffuser vers la surface radiculaire externe via les tubulis dentinaires et y induire une réaction inflammatoire avec activation de cellules clastiques [1, 11] (figure 3).
Il en résulte une résorption rapide du cément, de la dentine et de l’os alvéolaire adjacent qui seront remplacés par un tissu de granulation [1] (figure 3).
Le processus de résorption se poursuit aussi longtemps que l’infection endodontique est présente [1, 11].
Le principe est le même sur les dents immatures mais la progression de la résorption y est beaucoup plus rapide que sur les dents matures, notamment du fait de la finesse des parois radiculaires [1].
En absence d’infection endodontique, la surface radiculaire sévèrement endommagée subira également une résorption ; il s’agira cependant d’une résorption de remplacement et non pas d’une résorption inflammatoire [11, 12] (figure 3).
Le tableau 1 récapitule les éléments à prendre en considération pour évaluer si une résorption externe inflammatoire évolutive est susceptible de survenir à la suite d’un traumatisme.
L’anamnèse dentaire est fondamentale au diagnostic car elle permettra de révéler la survenue d’un traumatisme susceptible d’avoir lésé la couche de protection externe et d’avoir entraîné une rupture du paquet vasculo-nerveux à l’origine d’une infection endodontique. Au niveau clinique, la détection précoce est souvent difficile. Avec la progression de la résorption, la dent va ensuite présenter tout ou une partie des signes associés à la nécrose pulpaire et à ses complications péri-radiculaires [11]. Au niveau radiologique, ces résorptions sont difficilement détectables dans les stades initiaux, notamment sur une radiographie rétro-alvéolaire. Dans les stades avancés, une dentinolyse et une ostéolyse importantes sont observées dans la région radiculaire et osseuse environnante (les tissus résorbés sont remplacés non pas par de l’os comme dans le cas d’une résorption de remplacement mais par un tissu de granulation, d’où l’observation de zones radio-claires en regard des lacunes de résorption) [11] (figure 3). La réalisation d’un CBCT est recommandée, notamment pour évaluer précisément l’ampleur de la résorption, permettant ainsi de guider l’approche thérapeutique [4].
Une revascularisation pulpaire naturelle n’est pas possible après rupture du paquet vasculo-nerveux ; la survenue d’une nécrose pulpaire suivie d’une infection endodontique est donc inévitable. Après un traumatisme susceptible d’avoir entraîné une rupture du paquet vasculo-nerveux (comme une intrusion, une expulsion ou une luxation sévère latérale/ extrusive), il est donc recommandé d’initier la réalisation d’un traitement endodontique dans les 2 semaines qui suivent le traumatisme [10]. La mise en place d’un hydroxyde de calcium est par ailleurs recommandée comme médication intra-canalaire transitoire [10].
• Une revascularisation pulpaire naturelle est possible dans certaines conditions après rupture du paquet vasculo-nerveux (voir plus bas et tableau 1). D’après les recommandations de l’International Association of Dental Traumatology (IADT, 2020), les chances de revascularisation pulpaire doivent cependant être mises en balance avec le risque de survenue d’une résorption radiculaire inflammatoire (induite par une infection endodontique) [10]. La revascularisation pulpaire naturelle doit ainsi être considérée si l’on estime que sa survenue est un scénario réaliste [12, 13], l’objectif étant la poursuite de l’édification radiculaire [10, 13]. Une surveillance étroite du statut pulpaire doit alors être mise en place, grâce à la réalisation de contrôles cliniques et radiologiques fréquents qui doivent avoir lieu au minimum à 2, 4, 6, 8 semaines, 3, 6 mois, 1 an et tous les ans pendant 5 ans après le traumatisme [12, 13]. Si des signes de nécrose pulpaire ou de résorption externe inflammatoire apparaissent (en général, 3 à 6 semaines après le traumatisme [12, 14]), un traitement endodontique adapté aux dents immatures (voir ci-dessous) devra être réalisé immédiatement [10].
Après une expulsion/réimplantation, une revascularisation naturelle ne peut se produire qu’en absence de bactéries, si le foramen apical est largement ouvert et si le temps extra-oral est court (les chances diminuent après un temps extra-oral de 15 minutes pour être quasi nulles après 45 minutes) [15, 16]. En cas d’intrusion, une revascularisation naturelle peut survenir dans 1 cas sur 3, notamment si le foramen apical est largement ouvert [12, 17].
L’objectif du traitement consiste à contrôler le plus rapidement possible l’infection endodontique pour arrêter le processus de résorption inflammatoire et obtenir une régénération osseuse [11-13].
• En absence de perforation le long du canal, un hydroxyde de calcium est dans un premier temps utilisé comme médication intra-canalaire transitoire, puis on réalise un traitement endodontique [12, 13].
• En présence de perforations (de faibles étendues) le long du canal, il est actuellement conseillé de s’orienter vers l’utilisation d’un CBSC putty ou sealer afin d’obtenir un scellement des perforations (figure 4).
Le traitement consiste également à contrôler le plus rapidement possible l’infection endodontique [11-13]. L’approche thérapeutique doit cependant être adaptée aux dents immatures et inclut l’apexification par apport apical de CBSC avec mise en place préalable d’un hydroxyde de calcium, laissé en place pendant 4 semaines minimum [12, 13] (figure 5). En présence de parois radiculaires fines, si un apport plus important de CBSC est nécessaire (par exemple, pour induire une fermeture de communications endo-parodontales générées par la résorption, figure 5), notre expérience montre qu’il est préférable de s’orienter vers un CBSC ayant un module d’élasticité proche de celui de la dentine (ex. : Biodentine, Septodont, figure 5) plutôt que vers le MTA (ProRoot MTA, Dentsply Sirona) plus rigide, ceci afin d’éviter la survenue de fractures radiculaires.
Plus récemment, il a été proposé que les procédures d’endodontie régénérative puissent également être utilisées pour traiter ces résorptions [18] (figure 6).
À noter que, à l’arrêt du processus de résorption inflammatoire, permis par le contrôle de l’infection endodontique, peut faire suite une résorption de remplacement causée par l’atteinte du système d’attache (figure 4).
Comme mentionné précédemment, il était admis encore très récemment qu’aucun traitement n’était capable d’arrêter la progression d’une ankylose ou d’une résorption de remplacement. Plusieurs articles récents semblent cependant montrer que l’intérêt des procédures d’endodontie régénérative réside non seulement dans leur capacité à stopper les résorptions externes inflammatoires évolutives, mais également les ankyloses et résorptions de remplacement (bien que de manière non systématique) [18]. Il semblerait en effet que les facteurs de croissance contenus dans la matrice dentinaire et libérés lors de la procédure d’endodontie régénérative soient capables d’entraîner une régénération du ligament alvéolo-dentaire [18]. Les études réalisées dans le domaine jusqu’à présent sont cependant récentes et ne portent que sur des rapports ou des séries de cas. D’autres études sont donc nécessaires avant de pouvoir préconiser les procédures d’endodontie régénérative comme l’approche de choix dans le cadre de la prévention et du traitement de ces résorptions externes inflammatoires évolutives associées à un traumatisme important et à une infection endodontique.
Elles correspondent à l’invasion de la dentine par un tissu de granulation d’origine parodontale. Ce dernier pénètre dans la dent par un ou plusieurs points d’entrée et progresse ensuite dans toutes les directions de l’espace mais il est stoppé du côté de la pulpe par la couche de protection interne.
La propagation de la lésion est associée à la création de multiples canaux de résorption qui peuvent se connecter apicalement avec le ligament alvéolo-dentaire, au niveau de points de sortie. À un stade avancé, ces canaux peuvent atteindre le canal radiculaire et entraîner une inflammation ou une nécrose pulpaire.
De plus, une phase de réparation caractérisée par l’apposition d’un tissu de type ostéo-dentinaire peut avoir lieu, remplaçant les structures dentaires résorbées [19].
La cause exacte des résorptions cervicales invasives est encore mal connue [4]. Il a été proposé qu’elles soient initiées par une déficience ou une lésion de la couche de protection externe dans la région cervicale, sous l’attache épithéliale, et qu’elles soient maintenues suite à une communication avec le milieu buccal septique ou en présence de forces mécaniques (orthodontiques ou occlusales) [1, 20]. Plusieurs facteurs potentiels ont été impliqués dans la survenue de résorptions cervicales invasives, dont les traitements orthodontiques, les traumatismes, les para-fonctions, la présence d’une mauvaise hygiène bucco-dentaire ou, encore, la présence d’une maladie systémique [21, 22].
Dans les stades initiaux, il n’y a souvent ni signe clinique visuel ni symptôme [3]. Si la lésion atteint la région supra-gingivale de la couronne, il peut cependant y avoir une cavitation de l’émail associée à une inflammation gingivale (figure 7). Une coloration rose peut également être observée dans la région cervicale de la couronne (pink spot), causée par le tissu de granulation d’origine parodontale qui passe sous l’émail et qui est visible par transparence [3] (figure 7), à ne pas confondre cependant avec le pink spot résultant d’une résorption interne coronaire. Le sondage entraîne un saignement important et révèle que les parois de la cavité de résorption sont dures [3]. Lorsque la résorption a progressé en direction pulpaire, elle peut entraîner des douleurs de type pulpite, avec une réponse exacerbée aux tests de sensibilité pulpaire. Sur une radiographie rétro-alvéolaire, la lésion se présente sous la forme d’une dentinolyse cervicale, le plus souvent au niveau de la crête osseuse, avec des extensions en direction coronaire et apicale [23]. L’aspect radiologique varie cependant en fonction de la nature, de la sévérité et du stade de ces lésions [3]. La réalisation d’un CBCT est recommandée [4] pour confirmer le diagnostic et guider la prise de décision thérapeutique car il permet de déterminer précisément la nature, l’étendue et le stade de la lésion ainsi que la position et la taille de son ou de ses points d’entrée (figures 7 et 8).
De par leur position très sous-gingivale et leur caractère invasif, les résorptions cervicales invasives représentent des situations cliniques complexes. Différentes options thérapeutiques ont été proposées en fonction de la nature et de la sévérité de la lésion, incluant :
- la réalisation d’un traitement conservateur (figures 7 et 8) ;
- la réimplantation intentionnelle (voir figure 2 de l’article Avulsion et réimplantation intentionnelle, procédure clinique) ;
- la réalisation de contrôles périodiques ou l’avulsion pour les dents qu’il n’est plus possible de restaurer.
Lorsqu’un traitement conservateur est envisageable, l’abord de la lésion peut se faire selon 2 grandes approches [24] ;
- l’approche externe, qui consiste à exposer la lacune de résorption grâce à un lambeau chirurgical, suivie du curetage de la lésion et de son comblement avec un matériau adéquat (figure 7) ;
- l’approche interne, qui repose sur le retrait des tissus dentaires résorbés et infiltrés à travers la réalisation d’une cavité d’accès endodontique (figure 8).
L’approche externe est préférable quand le point d’entrée de la résorption est localisé sur une face accessible, avec une lésion en forme de cratère [24]. L’approche interne est quant à elle indiquée lorsque le point d’entrée de la lésion est situé au niveau de faces dentaires non directement accessibles, comme par exemple les faces proximales, ou dès que la lésion s’étend verticalement dans la dentine radiculaire ou de façon circonférentielle à la pulpe. La situation la plus favorable pour l’approche interne correspond à un point d’entrée de petite taille car il pourra être scellé avec un CBSC de type putty ; le contexte inflammatoire oriente par ailleurs vers l’utilisation d’un CBSC à prise rapide [24]. L’intérêt des CBSC dans cette situation clinique réside, d’une part, dans leur tolérance à l’humidité et, d’autre part, dans leur caractère alcalin qui permettra de s’opposer au processus inflammatoire impliqué dans la progression des résorptions.
En dehors des aspects purement techniques, la complexité de la prise en charge des résorptions radiculaires repose sur la nécessité de bien les identifier et les différencier. Les mécanismes étiopathologiques sont en effet différents d’une résorption à l’autre, impliquant une prise en charge spécifique à chaque type de résorption.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.