ET LES RETRAITEMENTS ?
Endodontie
PU-PH, Département d’Odontologie conservatrice Endodontie, Faculté de chirurgie dentaire Robert Frank, Université et Hôpitaux Universitaires de Strasbourg.
Puisque les pathologies endodontiques, y compris celles qui font suite au traitement endodontique initial, sont essentiellement de nature microbienne [1, 2], le succès du retraitement endodontique dépendra du contrôle de l’infection dans l’ensemble du réseau pulpaire. L’objectif de la désobturation pendant le retraitement est de créer, au même titre que la mise en forme dans le...
Les pathologies endodontiques, y compris celles découlant d’un traitement endodontique primaire, sont principalement d’origine microbienne ; par conséquent, la réussite du retraitement endodontique sera conditionnée par le contrôle de l’infection dans l’ensemble du réseau pulpaire. À ce titre la désobturation devrait créer un couloir principal au travers duquel les solutions d’irrigation pourraient atteindre les micro-organismes nichés dans le canal principal, mais aussi dans les canaux latéraux, les ramifications apicales, les tubuli dentinaires. Cependant, aucun instrument ni technique ne permet d’éliminer complètement les matériaux d’obturation du système canalaire lors d’un retraitement, en particulier si le ciment utilisé est un ciment à base de silicates de calcium (CBSC). Le problème est lié à leur nature physico-chimique, qui permet la formation des tag-like structures entre le ciment et la dentine, à la dureté des ciments à base de silicates de calcium, au fait qu’il n’existe pas de solvant spécifique pour cette classe de ciments canalaires. Pour ces raisons, en cas de réintervention, toute tentative d’élimination complète de ces nouveaux ciments canalaires est très compliquée, voire impossible.
Puisque les pathologies endodontiques, y compris celles qui font suite au traitement endodontique initial, sont essentiellement de nature microbienne [1, 2], le succès du retraitement endodontique dépendra du contrôle de l’infection dans l’ensemble du réseau pulpaire. L’objectif de la désobturation pendant le retraitement est de créer, au même titre que la mise en forme dans le traitement initial, un couloir principal à travers lequel les solutions d’irrigation peuvent atteindre les zones instrumentées et non instrumentées du réseau canalaire, y compris les isthmes, les canaux latéraux, les ramifications apicales, les tubuli dentinaires, afin d’en éliminer le tissus pulpaire résiduel, les micro-organismes présents et les matériaux d’obturation.
Cependant, la réalisation de cette tâche est extrêmement compliquée, surtout si l’obturation du traitement initial a été réalisée avec la technique de condensation hydraulique à froid (CHC), qui utilise des ciments biocéramiques dans des quantités avoisinant les 40 % du volume du canal radiculaire alors que, dans les techniques d’obturation canalaire « à chaud », le volume du sealer ne dépasse pas le 10 % [3, 4]. Dans ces cas, bien qu’il soit possible d’obtenir une perméabilité apicale lorsque le maître cône de la précédente obturation est ajusté à la longueur de travail, notamment au niveau des canaux droits, il n’en est pas de même lorsque le maître cône de la précédente obturation est trop court par rapport à la longueur de travail (figure 1), surtout au niveau des canaux courbes. Dans ces cas, les études tendent à montrer qu’il est difficile, voire impossible d’obtenir une perméabilité apicale [5-7].
Plusieurs techniques et instruments ont été proposés afin d’éliminer complètement le sealer et la gutta-percha, tels que l’instrumentation manuelle, les ultrasons, les systèmes rotatifs, le laser [9-11]. Si la gutta-percha peut être retirée assez facilement par l’action mécanique des instruments canalaires conjointement à l’utilisation de solvants organiques [12-14], l’élimination des ciments canalaires peut se révéler difficile, voire impossible. La littérature montre qu’aucune de ces techniques n’est capable d’éliminer complètement les ciments, en particulier s’ils sont à base de silicates de calcium, a fortiori si le canal est ovale, courbe ou en présence d’isthmes obturés ou obstrués par le sealer [15-18]. Le problème est lié à la dureté du matériau et au fait qu’il n’existe pas de solvant spécifique pour les ciments à base de silicate de calcium (CBSC). Par ailleurs, même si la perméabilité apicale a pu être obtenue, la détersion efficace de l’espace canalaire sera difficile puisqu’il sera impossible d’enlever tout le matériau d’obturation. Il va sans dire que l’élimination incomplète des matériaux d’obturation pourra affecter négativement les résultats du retraitement, car ces matériaux peuvent empêcher les solutions d’irrigation d’entrer en contact avec les micro-organismes persistants [19, 20] qui sont protégés, à l’intérieur du ciment ou cachés derrière celui-ci. Ces facteurs rendent le retraitement canalaire d’un canal obturé avec la technique CHC plus difficile (figures 2 à 4). Dans cette optique, de nombreux cliniciens ont envisagé de modifier la technique de CHC en amenant le cône de gutta-percha à la longueur de travail, dénaturant ainsi le concept initial. En effet, la technique CHC devrait être une technique qui utilise un tuteur, le cône de gutta-percha, à 1 mm ou 0,5 mm de la longueur de travail et le CBSC comme matériau d’obturation (même au niveau du foramen) pour en exploiter toutes ses potentialités. En effet, contrairement aux techniques conventionnelles où le ciment joue « simplement » le rôle de joint entre la gutta percha et la dentine, les CBSC sont quant à eux considérés comme des matériaux d’obturation à part entière. La plus grande difficulté à retirer ces ciments de silicate de calcium des canaux radiculaires par rapport à un ciment « conventionnel » réside dans les caractéristiques chimiques et physiques des silicates de calcium. La réaction de prise des ciments CBSC :
2 Ca3SiO5 + 6H2O = Ca3Si2O7*3H2O + 3Ca (OH)2 2 Ca2SiO4 + 4H2O = Ca3Si2O7*3H2O + 3Ca (OH)2 permet la libération de ions Si4+, Ca2+, OH- qui, en présence de phosphates, entraînent la formation d’une couche interfaciale au niveau de la paroi dentinaire, appelée zone d’infiltration minérale, avec la formation de phosphates de calcium précurseurs d’apatite et la précipitation d’hydroxyapatite à la surface du matériau. Cette interaction chimique et micromécanique permet la formation des tag-like structures (figure 5) entre les CBSC et la dentine, rendant très compliquée toute tentative d’élimination complète de ces nouveaux ciments du canal radiculaire en cas de ré-intervention.
Parvenir à trouver un solvant efficace pour cette nouvelle classe de ciments est primordiale, surtout si l’on considère qu’ils font désormais partie des ciments les plus couramment utilisés, comme le confirme une étude récente dans laquelle 51,7 % des chirurgiens-dentistes interrogés ont déclaré utiliser le CBSC comme ciment canalaire [5]. À défaut de ce solvant miracle, s’il est nécessaire de procéder à un retraitement endodontique, il faudra se contenter de l’utilisation d’instruments rotatifs en NiTi couplés à l’utilisation d’ultrasons (de préférence sous contrôle microscopique) qui, répétons-le, ne permettent pas toujours de rétablir la perméabilité canalaire et jamais l’élimination complète du CBSC au niveau des parois canalaires (figure 6). Mais ils peuvent souvent réduire la charge microbienne à des niveaux compatibles avec la suppression des symptômes et permettre la restitutio ad integrum d’une éventuelle lésion péri-apicale. Cependant, surtout dans les cas où la perméabilité canalaire n’est pas retrouvée et où la symptomatologie persiste, la seule solution sera l’endodontie chirurgicale ou l’avulsion. En France, la Haute Autorité de Santé indique que le premier facteur associé à la présence de lésions péri-apicales concerne un traitement endodontique antérieur mal exécuté [21] ; de plus, un canal sur trois, traité endodontiquement, serait associé à la présence d’une parodontite apicale chronique et seulement 19 % des dents traitées présenteraient un traitement endodontique correct [22]. Ce qui, en perspective, laisse encore beaucoup de travail aux chercheurs pour résoudre cette énigme chimico-physique afin de trouver un solvant spécifique pour cette classe de ciments canalaires. Au laboratoire Inserm de Strasbourg, nous nous sommes déjà mis au travail avec une équipe de chimistes, physiciens et cliniciens très aguerris (figure 7), affaire à suivre…
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.