AVULSION ET RÉIMPLANTATION INTENTIONNELLE, PROCÉDURE CLINIQUE
Endodontie
Bastien LE GROS* Davide MANCINO** Maryline MINOUX***
*CCU-AH
**PU-PH
***PU-PH
****Département de Dentisterie restauratrice Endodontie, Faculté de chirurgie dentaire Robert Frank, Pôle de Médecine et de Chirurgie bucco-dentaire, Université et Hôpitaux Universitaires de Strasbourg.
La réimplantation intentionnelle se définit comme l’avulsion délibérée d’une dent, suivie de sa réinsertion dans l’alvéole, ceci après avoir évalué ses surfaces radiculaires et réalisé une réparation radiculaire et/ou une prise en charge sur le plan endodontique [1-3]. Elle se destine aux dents ne pouvant pas être traitées de manière...
Auparavant considérées comme des solutions de la dernière chance, les techniques d’avulsion et de réimplantation immédiates (également appelées réimplantation intentionnelle) ont connu un récent regain d’intérêt. L’emploi d’une instrumentation et de procédures modernes ainsi que l’utilisation de la microscopie en endodontie ont amené à une réévaluation à la hausse du pronostic des dents faisant l’objet de ce type de traitement. Bien plus qu’une solution de repli, la réimplantation intentionnelle combinée à la réalisation d’une manipulation endodontique extra-orale est désormais une alternative viable à la solution implantaire et permet le maintien sur arcade de dents autrefois compromises.
La réimplantation intentionnelle se définit comme l’avulsion délibérée d’une dent, suivie de sa réinsertion dans l’alvéole, ceci après avoir évalué ses surfaces radiculaires et réalisé une réparation radiculaire et/ou une prise en charge sur le plan endodontique [1-3]. Elle se destine aux dents ne pouvant pas être traitées de manière conventionnelle sur le plan de la dentisterie restauratrice, de l’endodontie ou de la parodontologie [1], notamment en cas d’inaccessibilité au site opératoire.
L’essor des techniques modernes en endodontie, allant de pair avec l’apparition de nouveaux biomatériaux innovants tels que les ciments à base de silicates de calcium (CBSC), permettent de considérer cette approche comme une alternative à la solution implantaire, afin de préserver les dents sur l’arcade.
La réimplantation intentionnelle trouve son indication dans les situations suivantes :
- échec d’un traitement endodontique réalisé par voie chirurgicale [3] ;
- échec d’un traitement endodontique réalisé par voie orthograde, par exemple dû à une anatomie endodontique complexe (delta apicaux, canaux en C [4]…) ou à la présence d’un obstacle intra-canalaire naturel (calcifications intra-canalaires) ou iatrogène (fracture instrumentale) et contre-indication à la réalisation d’un traitement endodontique par voie chirurgicale, du fait notamment de la proximité avec des éléments anatomiques nobles ou d’une inaccessibilité au site opératoire [1, 4, 5] ;
- extrusion péri-apicale de matériau d’obturation ou d’un fragment d’instrument endodontique, et contre-indication à la réalisation d’un traitement endodontique par voie chirurgicale [1, 5] ;
- anatomies radiculaires complexes, tels que les sillons embryologiques [5-7] (figure 1) ;
- lésions radiculaires telles que les résorptions cervicales externes, non accessibles ou non réparables par voie intra-orale [1, 8] (figure 2) ;
- perforations radiculaires d’origine endodontique (iatrogènes ou provoquées par une résorption radiculaire interne) et ne pouvant être restaurées par voie endodontique orthograde ou par un abord chirurgical direct [1, 5].
Hormis la contre-indication absolue du patient à haut risque d’endocardite infectieuse [9] ou les terrains à risque d’ostéonécrose des maxillaires (radiothérapie, traitements anti-résorptifs osseux) [10], la réimplantation intentionnelle peut être réalisée dans un grand nombre de situations cliniques.
D’un point de vue technique, la réimplanta tion intentionnelle ne peut être envisagée que pour les dents permanentes présentant une anatomie radiculaire permettant une avulsion atraumatique [1, 2, 11], les dents monoradiculées étant les meilleures candidates [1, 3]. Les autres limites techniques à la réimplantation intentionnelle sont résumées dans le tableau 1.
Avant les recommandations émises par la Société européenne d’endodontie (SEE, 2021) [2], plusieurs protocoles de réimplantation intentionnelle avaient été proposés, sans qu’un consensus ne puisse émerger [11]. Les recommandations émises par la SEE, issues d’un consensus d’experts, proposent un ensemble de règles à suivre, que nous allons décrire étape par étape [2] (tableau 2).
L’anamnèse médicale s’intéressera aux antécédents médicaux du patient à la recherche d’une ou de plusieurs contre-indications. L’explication de la procédure et l’obtention du consentement libre et éclairé du patient sont une obligation médico-légale. Ce dernier
doit être informé des bénéfices escomptés et des risques inhérents au traitement ainsi que des alternatives envisageables [2]. Le patient sera par ailleurs informé qu’en cas de complications la dent sera avulsée dans la séance, sans être réimplantée.
Une radiographie intrabuccale rétro-alvéolaire fournit en général les informations suffisantes pour poser l’indication de réimplantation intentionnelle [2]. Néanmoins, le recours à la tomodensitométrie à faisceau conique (CBCT) peut s’avérer nécessaire pour évaluer avec précision l’anatomie tridimensionnelle de la dent à traiter ainsi que celle des structures environnantes [1, 2]. Sa prescription fait l’objet de certaines règles qui doivent être connues par le praticien [12, 13].
Selon les recommandations de la SEE, une antibioprophylaxie est préconisée uniquement si les antécédents médicaux du patient le nécessitent [2].
Lorsqu’une antibioprophylaxie s’avère nécessaire, les modalités d’administration doivent respecter les recommandations en vigueur [9].
Un débridement parodontal local et une désinfection du site chirurgical sont des prérequis indispensables [1, 2]. Pour la désinfection du site chirurgical, Becker et al. recommandent l’utilisation d’une solution de chlorhexidine (0,12-2 %) [11].
Les techniques conventionnelles d’anesthésie et les produits standards sont à employer, sauf en cas de contre-indications liées au patient [2].
Après incision de l’attache gingivale en prenant garde à ne pas léser la surface radiculaire, la dent doit être mobilisée en douceur afin d’éviter tout dommage de la surface radiculaire et du système d’attache [2]. L’emploi de daviers avec un appui uniquement coronaire est conseillé. S’il est possible de saisir la partie cervicale de la dent avec le davier, des mouvements de rotation sont à privilégier, avec mise en place d’une compresse de gaze stérile sous les mords du davier [1, 3, 11]. Dans les cas où les tissus dentaires coronaires sont réduits, un dispositif d’extraction verticale peut être recommandé pour une extraction atraumatique de la racine [1, 3, 11].
Dans leur étude, Jang et al. ont inséré pendant 3 à 4 jours des élastiques orthodontiques au niveau des contacts proximaux entre la dent cible et les dents adjacentes afin de faciliter l’avulsion. Dans la plupart des cas, ils ont pu obtenir une légère mobilité dentaire (1-2 mm de mouvement horizontal) le jour de la chirurgie [4].
Afin d’éviter d’endommager les cellules cémentaires et desmodontales, la manipulation extra-orale de la dent doit se faire en évitant les contacts avec la surface radiculaire. La dent peut être maintenue par la couronne avec le davier utilisé pour l’avulsion ou en utilisant une compresse stérile [1-3, 11]. Une hydratation constante des surfaces radiculaires doit également être assurée, grâce à l’utilisation de sérum physiologique ou de la solution saline équilibrée de Hank’s [3, 4]. Une compresse stérile est mise en place au niveau du site d’avulsion pour le protéger des débris et de la salive [2, 11].
L’avantage de la réimplantation intentionnelle est de permettre un examen direct des surfaces radiculaires à la recherche d’atypies anatomiques, de foramens accessoires et/ou de fêlures/fractures. Il convient de réaliser cette analyse minutieuse en employant des dispositifs d’aide optique, notamment un microscope opératoire [1, 3] (figure 1).
Plusieurs auteurs recommandent la présence de 2 opérateurs pour réaliser la procédure de réimplantation intentionnelle, afin de diminuer le temps extra-oral [11].
Les manipulations chirurgicales radiculaires et/ou endodontiques réalisées en extra-oral peuvent prendre différentes formes selon le diagnostic posé :
- fermeture des communications endo-parodontales iatrogènes ou pathologiques ;
- nettoyage et réparation de lacunes de résorption, avec fermeture des communications endo-parodontales éventuellement associées [1, 2, 8] (figure 2) ;
- nettoyage et fermeture de sillons embryologiques et des communications endo-parodontales éventuellement associées [6, 7] (figure 1).
Si nécessaire, une résection apicale de 2-3 mm est réalisée à l’aide d’instruments rotatifs diamantés [11] (figure 1). Une rétro-préparation canalaire de 3 mm, réalisée à l’aide d’instruments ultrasoniques [11], permet la mise en place du matériau d’obturation par voie rétrograde [2] (figure 1).
Toutes ces étrapes doivent être réalisées sous microscope opératoire.
Un changement majeur a eu lieu concernant les matériaux employés en endodontie chirurgicale. Auparavant, l’amalgame, les ciments oxyde de zinc-eugénol ou la gutta percha étaient employés mais les préceptes de l’endodontie chirurgicale moderne ont amené à reconsidérer leur utilisation [1, 3]. En effet, ces derniers ont une biocompatibilité insuffisante [14], des capacités de scellement moindre et donc un risque accru de percolation [15, 16].
Les ciments hydrauliques à base de silicates de calcium sont aujourd’hui à privilégier dans les procédures de réimplantation intentionnelle [1, 3] (figure 1) grâce à leur biocompatibilité et à leur bioactivité qui se manifestent par :
- une activité antibactérienne [17] ;
- la formation d’une couche d’infiltration minérale à l’interface directe avec les tissus dentaires, assurant une étanchéité et des capacités de scellement importantes [18] ;
- la libération de médiateurs pro-cicatrisants [19, 20] ayant un effet sur la migration, la prolifération et la différenciation des précurseurs en cellules sécrétrices : odontoblastes [21], cémentoblastes [15] et ostéoblastes [22, 23].
Lors du choix du CBSC à utiliser, le temps de prise du matériau est un facteur important à considérer [1, 3]. Un des inconvénients majeurs des CBSC de première génération (tel que le ProRoot MTA, Dentsply Sirona) réside dans leur temps de prise long qui augmente leur sensibilité au phénomène de wash-out s’ils sont placés dans un environnement acide (par exemple, au niveau d’un site inflammé et infecté) ou s’ils sont en contact persistant avec des fluides biologiques tels que du sang humain, ceci avant qu’ils ne durcissent complètement [24]. Le phénomène de wash-out résulte d’une altération des propriétés du matériau entraînant un échec de son durcissement ; il subit en conséquence un « lessivage » qui peut aller jusqu’à sa dissolution complète, entraînant de fait une perte d’étanchéité [24]. Cette problématique est surtout observée pour les CBSC conventionnels qui ont un temps de prise long ; ils sont moindres pour les CBSC de nouvelle génération à prise rapide comme par exemple la Biodentine (Septodont) ou le TotallFill BC RRM Fast Set Putty (FKG) [25, 26]. Par ailleurs, bien que les CBSC soient les matériaux de choix dans les procédures de réimplantation intentionnelle [1], si la surface de matériau exposé à la cavité buccale après réimplantation est importante (par exemple dans le cas d’une lacune de résorption supra-osseuse), l’utilisation d’un ciment verreionomère ou d’un composite est plus appropriée (figure 2).
Afin de préserver les cellules desmodontales résiduelles, la réalisation d’un curetage alvéolaire ne doit être réalisée que s’il est nécessaire d’éliminer un granulome péri-apical ou une extrusion de matériau d’obturation [2, 3] ; le curetage devra alors être réalisé avec la plus grande prudence [2, 5, 11].
Lors de la réimplantation, la dent doit être repositionnée en douceur dans son alvéole, par pression digitale, et l’occlusion doit être contrôlée [2].
Le temps extra-oral alloué à l’examen sous microscope opératoire et aux manipulations chirurgicales radiculaires et/ou endodontiques doit se limiter à 15 minutes, afin de préserver la vitalité des cellules desmodontales et d’améliorer le pronostic à long terme du traitement [2]. Au-delà de cette limite, les taux de survie à long terme diminuent significativement [4]. Ceci justifie l’intervention de deux opérateurs.
La dent réimplantée est maintenue par une contention passive et souple, permettant une bonne hygiène bucco-dentaire. Une légère mise en sous occlusion de la dent réimplantée est par ailleurs recommandée afin de favoriser la cicatrisation desmodontale [2, 11]. La durée de la contention dépend de la stabilité de la dent après la réimplantation. Une durée de 2 semaines est recommandée pour la plupart des cas de réimplantation intentionnelle, pouvant être prolongée jusqu’à 6 semaines en présence d’une mobilité postopératoire importante [2]. La contention peut prendre différentes formes. Le plus souvent un fil fin (ne dépassant pas 0,3-0,4 mm) est collé sur la face vestibulaire de la dent réimplantée et des dents adjacentes. Dans certaines situations spécifiques, notamment au niveau des dents postérieures, une suture en croix peut être réalisée sur la face occlusale [2, 3].
L’administration postopératoire d’une antibiothérapie réduit les risques de surinfection et améliore le pronostic [2]. Elle doit respecter les recommandations de prescription en vigueur [9]. L’application de glace limite l’œdème et réduit les douleurs postopératoires. Une prescription d’antalgiques de palier I est également conseillée. L’adjonction d’un bain de bouche antiseptique à la chlorhexidine et la prescription d’une brosse à dents chirurgicale doivent permettre le maintien d’une bonne hygiène bucco-dentaire.
Sur une dent mature (avec un apex fermé), si le traitement endodontique n’a pas été réalisé avant la procédure de réimplantation intentionnelle, il doit être débuté sous 15 jours après la réimplantation pour éviter la survenue d’une résorption inflammatoire et/ou d’une lésion péri-apicale [2]. Par exemple, si la réimplantation intentionnelle est réalisée dans l’objectif de traiter une résorption cervicale invasive, même en absence de communication endo-parodontale, un traitement endodontique devra être entrepris. S’il n’a pas pu être réalisé en pré ou en peropératoire, il devra être effectué dans les 15 jours. Sur la figure 2, portant sur la réimplantation intentionnelle réalisée en présence d’une résorption cervicale invasive avec communication endo-parodontale, le traitement endodontique a été initié avant l’avulsion pour être terminé après la réimplantation.
Aucune donnée n’est communiquée dans la littérature quant au suivi. Nous conseillons de planifier des rendez-vous de contrôle à 2 semaines, 3 mois, 6 mois, 1 an et tous les ans.
Malgré les progrès de la technique de réimplantation intentionnelle, cette procédure est encore souvent négligée au profit des implants parce qu’elle est considérée à tort comme une procédure peu fiable. Les études réalisées récemment, incluant des revues systématiques de la littérature et des méta-analyses, rapportent pourtant des taux de survie relativement élevés.
Ainsi, une revue systématique avec métaanalyse réalisée par Torabinejad et al. a rapporté un taux de survie des dents réimplantées de 88 % avec un suivi moyen de 2 ans et plus. Sur les 8 études incluses, 2 présentaient un suivi moyen d’environ 5 ans, 1 de 6 ans et 1 autre de 4 ans. Certains cas ont été suivis jusqu’à 22 ans [27].
Des résultats similaires ont été rapportés dans la méta-analyse réalisée par Mainkar et al. avec un taux de survie de 89,1 % sur une période de suivi allant de 2 à 12 ans [28]. Cette méta-analyse rapporte par ailleurs un meilleur rapport coût/efficacité pour la réimplantation intentionnelle que pour la pose d’un implant. Les auteurs recommandent donc d’envisager la réimplantation intentionnelle comme une alternative à la pose d’un implant, d’autant que le taux d’échec implantaire sur le long terme n’est pas négligeable et que la gestion esthétique des implants est souvent difficile dans le secteur maxillaire antérieur [29]. Dans la mesure du possible, il est donc préférable de préserver les dents naturelles. Un implant pourra par ailleurs toujours être placé en cas d’échec de la réimplantation intentionnelle [28].
Très récemment, 2 revues systématiques avec méta-analyses [30, 31] ont étudié les résultats de la réimplantation intentionnelle sur des dents traitées sur le plan endodontique présentant une lésion péri-apicale et ont rapporté des taux de guérison de 80,2 % [30] et de 77,2 % [31]. En parallèle, dans leur revue systématique de la littérature, Plotino et al. ont analysé l’efficacité de la réimplantation intentionnelle par rapport aux traitements/retraitements endodontiques réalisés par voie ortho ou rétrograde, dans la prise en charge des dents présentant une parodontite apicale [29]. Ils n’ont cependant trouvé aucune étude randomisée comparant les 2 approches. Ainsi, bien que la réimplantation intentionnelle soit associée à de bons résultats à court et moyen termes, il ne convient pas, en absence de preuves scientifiques, de l’indiquer comme traitement de première intention. La décision clinique doit donc être prise au cas par cas, en fonction de l’expérience du praticien et en concertation avec le patient [29].
Selon la revue systématique de la littérature réalisée par Pisano et al., les taux de survie de la réimplantation intentionnelle sont similaires sur les dents monoradiculées et pluriradiculées [32]. Par ailleurs, bien que la présence d’une atteinte endo-parodontale ait initialement été considérée comme une contreindication à la réalisation d’une réimplantation intentionnelle, certaines études récentes sont moins catégoriques ; des résultats prometteurs ayant été rapportés [33, 34]. Selon Cho et al., le nombre de poches parodontales préopératoires supérieures ou égales à 6 mm est cependant un facteur important à considérer. Ils ont ainsi montré que les dents présentant une seule poche parodontale supérieure ou égale à 6 mm ont une probabilité d’échec 2,5 fois plus faible que les dents présentant deux poches parodontales [33]. De bons résultats ont également été rapportés lorsque la réimplantation intentionnelle est réalisée sur des dents présentant une atteinte endo-parodontale due à un sillon embryologique [7]. Les résultats sont en revanche plus mitigés pour les dents présentant un abcès apical aigu ou chronique (avec fistule) en préopératoire, pour lesquelles le risque d’échec est 2,7 fois plus élevé selon Wu et al. [35]. Il en est de même concernant les fractures radiculaires verticales. Deux analyses de séries de cas ont en effet présenté des données prometteuses à court terme mais défavorables à long terme [36-38].
En ce qui concerne les complications dues à un échec de la réimplantation intentionnelle, les études indiquent qu’elles surviennent préférentiellement au cours de la première année [27, 28, 39]. Dans leur étude prospective, Cho et al. ont traité 196 dents par réimplantation intentionnelle, avec un taux de guérison de 91 % à 6 mois et de 77 % à 3 ans et plus ; 21 des 27 complications totales se sont produites au cours de la première année, avec un taux de rappel de 67,3 % [39]. On peut donc supposer qu’une dent ayant bénéficiée d’une réimplantation intentionnelle qui survit aux premières années est susceptible d’avoir une survie élevée à long terme [28]. Parmi les 27 complications rapportées, la survenue d’une ankylose alvéolo-dentaire était la plus fréquente (n = 11), suivie de la persistance des lésions radiologiques péri-apicales (n = 8), de la survenue de résorptions radiculaires de remplacement (n = 5), de la persistance de symptomatologies (n = 2) et enfin de la présence d’un sondage parodontal supérieur à 6 mm (n = 1) [39]. Les mêmes auteurs ont noté que la guérison était 1,7 fois plus fréquente lorsque les dents étaient replacées dans les 15 minutes suivant leur extraction. L’incidence de survenue d’une ankylose était ainsi de 3 % pour les dents dont le temps extraoral était inférieur à 15 minutes et de 29 % pour les dents dont le temps extraoral était supérieur à 15 minutes [39]. On peut donc conclure que le risque d’ankylose ou de résorption radiculaire externe de remplacement est faible, en particulier lorsque le temps extraoral est réduit au minimum. À noter par ailleurs que, bien que non souhaitée, l’ankylose peut cependant être considérée comme acceptable chez les patients qui ont atteint la maturité physique car elle n’entraînera pas d’infraclusion significative ni d’arrêt de la croissance de l’os alvéolaire, comme c’est le cas chez les patients jeunes, en phase active de croissance [3]. L’ankylose n’est par ailleurs pas systématiquement suivie d’une résorption de remplacement [39], et si une résorption de remplacement survient, sa progression est lente chez les patients adultes [3]. Cependant, dans les cas où une résorption de remplacement aurait progressé au point de ne plus permettre la conservation de la dent sur l’arcade, une alternative envisageable repose sur la mise en place d’un implant trans-corono-radiculaire avec maintien des racines partiellement résorbées [28].
En plus d’un temps extraoral supérieur à 15 minutes, les autres facteurs opératoires influençant négativement le pronostic de la réimplantation intentionnelle incluent l’endommagement de la surface radiculaire externe ainsi que l’utilisation d’un milieu de conservation extraoral non approprié [30, 31]. En dehors de ces facteurs, l’absence d’utilisation d’un CBSC pour réaliser l’obturation par voie rétrograde ou l’utilisation d’un CBSC à temps de prise long tel que le ProRoot MTA (Dentsply Sirona) affectent également négativement les taux de survie [30], comme indiqué par Jang et al. dans leur étude portant sur la réimplantation intentionnelle de dents présentant un canal en C [4]. Comme mentionné précédemment, les propriétés du ProRoot MTA peuvent être altérées s’il est en contact persistant avec du sang humain avant qu’il ne durcisse complètement, le risque étant une augmentation de sa solubilité associée au phénomène de wash-out [24]. Or, après réimplantation de la dent dans l’alvéole, les matériaux utilisés pour l’obturation par voie rétrograde sont confrontés à une importante contamination sanguine, ceci en raison de la difficulté à contrôler correctement le saignement du fait de l’intervention chirurgicale [4]. Dans le cas des canaux en C, les rétro-cavités préparées sont par ailleurs souvent étendues, afin d’y inclure tous les isthmes entre les canaux ; la surface de matériau étant en contact avec les fluides tissulaires est ainsi plus importante qu’en présence de canaux normaux [4]. Jang et al. ont ainsi identifié un cas dans lequel le ProRoot MTA avait été partiellement lessivé de la rétro-cavité, avec un échec observé 5 mois après l’intervention [4]. Le recours à des CBSC dont le temps de prise est rapide est ainsi indiqué.
Les procédures de réimplantation intentionnelle adaptées aux pratiques endodontiques modernes constituent une solution thérapeutique tout à fait valable pour des situations cliniques non traitables par les approches conventionnelles. Les apports de l’imagerie tridimensionnelle, l’utilisation d’aides optiques et l’essor de nouveaux biomatériaux innovants améliorent le pronostic de cette thérapeutique autrefois considérée comme thérapeutique de la dernière chance. Le strict respect de protocoles faisant consensus est un prérequis indispensable afin d’obtenir des résultats plus prédictibles mais n’exempte pas un suivi clinique et radiologique rapproché du patient afin d’intercepter toute complication. Si les résultats semblent prometteurs, les preuves scientifiques manquent cependant pour indiquer l’avulsion/réimplantation intentionnelle comme traitement de première intention.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.