PRÉPARATIONS VERTICALES ET ESPACE BIOLOGIQUE À QUOI PEUT-ON S’ATTENDRE ?
Dossier
Exercice libéral à Soumoulou.
Dans certaines situations cliniques, lorsque notre choix se tournera vers la réalisation de coiffes périphériques, nous privilégierons la réalisation de préparations verticales qui présentent un certain nombre d’avantages techniques et biologiques. Cet article, après avoir défini les différents types de préparations verticales et leurs spécificités, permet de faire un état des lieux de ce qui existe dans la littérature au sujet de la relation entre espace biologique, cicatrisation des tissus mous et préparations verticales. Il présente également la mise en œuvre de quelques étapes cliniques associées à ces techniques.
La dentisterie actuelle se veut économe des tissus dentaires et les techniques adhésives permettent de répondre à cet enjeu. Cependant, la dentisterie conventionnelle ne doit pas être laissée pour compte car certaines thérapeutiques de prothèse conventionnelle trouveront largement leur place dans notre arsenal thérapeutique. En effet, les choix cliniques sont très « opérateur-dépendants » dans certains cas mais il est nécessaire de s’efforcer de trouver des lignes directrices à notre pratique quotidienne pour le bien de nos patients. Les critères de choix en dentisterie restauratrice et prothétique seront liés à plusieurs facteurs dont :
- la perte tissulaire directement corrélée à celle de l’émail résiduel qui pourra ou non indiquer la supériorité d’une thérapeutique adhésive ;
- la gestion des marges profondes, intra-sulculaires, voire juxta-osseuses parfois, ceci étant corrélé à l’adaptation marginale de la restauration : si une dent peut être isolée et que la reconstitution coronaire peut être réalisée correctement, alors elle pourra être conservée et restaurée. Cependant, dans ces situations cliniques difficiles de marges profondes souvent associées à une perte tissulaire importante, une coiffe scellée sera souvent plus simple à réaliser que des techniques restauratrices indirectes faisant intervenir un collage ;
- l’analyse du risque individuel pour la prise de décision : dans le cas d’un risque carieux élevé, il faut éviter le collage et privilégier des limites intra-sulculaires. Dans le cas d’un risque parodontal important, il convient de favoriser des limites juxta, voire supra-gingivales.
Suite à cette réflexion clinique quotidienne, nos choix thérapeutiques s’orienteront dans certaines situations vers de la prothèse conventionnelle corono-périphérique. Dans ces cas, notre préférence se tourne vers des préparations verticales qui trouveront tout leur sens dans les situations cliniques suivantes : réfection d’anciennes couronnes, dents fortement délabrées, dents traitées endodontiquement, fractures infra-gingivales, nivellement du zénith de l’ordre de ± 1 mm avec la technique BOPT (Biologically Oriented Preparation Technique), dents dyschromiées, patients à haut risque carieux [1]…
Les informations disponibles pour guider les praticiens pour la mise en œuvre de ces techniques sont relativement récentes et encore trop méconnues. Cet article a pour but de poser les bases des concepts de préparations verticales et de faire découvrir les notions et les raisonnements existant au sujet de la biologie autour de ce type de préparations.
Un des phénomènes majeurs observés autour des limites des restaurations prothétiques est l’instabilité des tissus mous (récessions) dont la finalité à la fois clinique, esthétique et biologique correspond à un allongement coronaire non maîtrisé par déplacement apical. Plusieurs raisons pourraient expliquer ces phénomènes mais seulement 2 causes principales sont rapportées dans la littérature :
- la position de la limite intra-sulculaire dans des zones à risque de l’espace biologique ;
- l’écart marginal au niveau de cette limite (gap et mauvaise adaptation prothétique). En effet, plus cet écart au niveau marginal est important, plus le processus inflammatoire et la perte osseuse augmentent [2].
Il semblerait que ce phénomène soit prépondérant sur les préparations horizontales et moins présent sur celles verticales. Cliniquement, certaines études rapportent un taux de complications biologiques (récessions) plus faible autour de restaurations avec des limites verticales [2]. Une méta-analyse évaluant l’état parodontal autour de prothèses fixes avec des préparations horizontales [3] a montré que 40,7 % des dents préparées souffraient de récessions. Ce pourcentage est significativement plus élevé qu’avec des techniques de préparations verticales comme la technique BOPT (2,9 % de récession à 6 ans) [4].
Les préparations verticales sont une famille de limites cervicales, connues depuis les années 60. Elles correspondent à des préparations coronaires sans limites cervicales vraiment définies. Plusieurs écoles de préparations verticales se sont succédées [5] avant qu’elles ne soient délaissées au profit de préparations horizontales avec épaulement qui offrent plus de place pour loger les matériaux prothétiques, notamment la céramique cosmétique.
Lorsqu’on parle de limites verticales de préparation, il est important de distinguer deux grandes approches développées au cours des dernières décennies. Ces deux concepts sont l’approche edgeless et l’approche shoulderless.
L’approche shoulderless est une préparation sans épaulement. Elle est également nommée vertiprep et a été remise au gout du jour par Magallanes et al. [6]. Selon ces auteurs, la préparation est limitée au sulcus ou à l’épithélium de jonction et réalisée avec une fraise spéciale à bout mousse (initialement fraise à usage endodontique pour la réalisation de cavité d’accès). On a ainsi un « traumatisme contrôlé » des tissus mous et le bout mousse agit comme un « stop » en butée contre la dent ; on obtient ainsi des préparations conservatrices et ceci surtout dans la zone cervicale. Suite à la préparation, une limite est observable (limite dite « en lame de couteau ») et la future restauration pourrait ainsi s’ajuster au niveau de cette dernière (supra, juxta, voire intra-sulculaire). Le fait d’utiliser cette fraise à bout mousse permet d’obtenir un saignement limité, ce qui autorise l’empreinte dans la même séance que la préparation. La provisoire devra être réalisée à distance de la limite afin d’obtenir une cicatrisation des tissus mous la plus rapide possible (cicatrisation épithéliale) ; c’est la restauration définitive qui repositionnera les tissus mous cicatrisés (figure 1).
L’approche edgeless en revanche est une approche sans limite définie. Le but est d’obtenir une paroi parfaitement verticale, il n’y a donc pas de la limite discernable. Connue sous le nom de gingitage, elle est née avec les travaux de Ingraham et al. dans les années 80 [7]. Des variantes ont été proposées par la suite par Di Febo et Carnevalle et plus récemment sous l’appellation BOPT par Loi et Di Felice [8] ou Scutella et al. [9].
Dans cette approche, la préparation sera plus profonde, au moins au niveau de l’épithélium de jonction en respectant l’attache conjonctive comme initialement décrit par Loi dans son approche (BOPT) [8] ou encore dans le protocole Simplified Prosthetic Protocol (SPP) de Scutella [9]. Cependant, le bout de la fraise étant actif, il est pratiquement impossible que la préparation soit limitée à l’épithélium jonctionnel et elle peut facilement atteindre l’attache conjonctive. Certains auteurs ont donc extrapolé la technique et proposent même des préparations juxta-osseuses dans le but d’initier une nouvelle attache épithélio-conjonctive [10].
Ainsi, l’approche edgeless ou BOPT est caractérisée par l’élimination de la jonction émail cément (JEC) et de l’émail cervical et la préparation de la face interne du parodonte marginal afin de provoquer un traumatisme, un saignement et d’induire un processus de cicatrisation qui dure plusieurs semaines : c’est le gingitage. Il faudra respecter ce temps de cicatrisation avant de réaliser l’empreinte pour la prothèse d’usage. La couronne provisoire a ici un rôle essentiel : elle va permettre de créer une nouvelle JEC prothétique et de guider la cicatrisation des tissus mous pendant une durée de 4 à 6 semaines minimum.
Dans cette approche, une portion de la racine est donc préparée et n’est pas recouverte par la restauration. C’est dans cette zone préparée non restaurée que l’on souhaite obtenir une adhésion des tissus mous (figure 2).
La notion d’espace biologique est décrite depuis les années 70. Une nouvelle appellation, « attache tissulaire supra-crestale », a été proposée en 2017 pour remplacer le terme « espace biologique » [11] et comprend toujours l’épithélium de jonction et l’attache conjonctive supra-crestale (figure 3).
La dimension apico-coronaire de cette attache tissulaire est variable. Cliniquement, il est admis que le placement de limites de restauration au niveau de l’attache conjonctive est associé à un processus inflammatoire et à la perte de tissus de soutiens parodontaux. Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires afin de clarifier l’effet du placement de marges de restauration au niveau de l’épithélium de jonction [11]. Depuis ce consensus de 2017, l’épithélium de jonction ne serait pas ou plus une zone critique. Les limites de nos restaurations peuvent donc être positionnées au niveau sulculaire ou au niveau de l’épithélium.
Dans l’approche shoulderless (vertiprep), lorsque la préparation respecte l’attache et qu’elle est située au niveau du sulcus, voire de l’épithélium de jonction, un léger curetage rotatif des tissus mous sera réalisé dans cette zone pendant la préparation des tissus dentaires, également appelé gingitage, faisant intervenir la formation d’un caillot sanguin et un processus de cicatrisation de l’épithélium.
Dans l’ensemble, les preuves histologiques disponibles indiquent que la cicatrisation après un traumatisme léger de la paroi interne du sulcus est caractérisée par une prolifération épithéliale qui semble complète après une période de 7 à 14 jours [12].
Cliniquement, ceci se traduit par la possibilité de réaliser l’empreinte le jour de la préparation et la mise en place de la prothèse d’usage à 7 ou 14 jours. La prothèse provisoire sera de préférence réalisée à distance des tissus ou juxta-gingivale pour ne pas interférer avec le processus cicatriciel. La prothèse d’usage viendra « mourir » en intra-sulculaire et positionner les tissus (une légère ischémie pourra être observée) ou finir en juxta, voire supra-gingivale au niveau d’une limite pouvant être définie (figure 4).
Dans l’approche edgeless (ou BOPT), la préparation est plus profonde et peut facilement dépasser l’épithélium de jonction, voire léser l’attache conjonctive. Ceci peut être assimilé à la réalisation d’un lambeau (figure 5).
Plusieurs études ont évalué la guérison après des lambeaux d’épaisseur complète et d’épaisseur partielle. Dans l’ensemble, la cicatrisation est caractérisée par la formation d’un caillot sanguin entre les tissus mous et durs puis différents stades de prolifération et de maturation se succèdent pendant 5 à 6 semaines avant que les tissus ne soient régénérés [12].
Lors de la réalisation de cette approche, les tissus parodontaux vont donc subir un processus cicatriciel dont les grands principes sont connus et, cliniquement, ceci se traduit par 3 étapes essentielles :
- la préparation de la dent : elle permet la création d’un espace entre tissus durs dentaires et tissus mous ;
- la mise en place du caillot sanguin au niveau de cet espace : il permet la réorganisation de l’espace biologique en 4 semaines minimum ;
- la réalisation d’une provisoire de qualité le jour de la préparation, cette dernière permettant de stabiliser et maintenir le caillot sanguin.
Dans l’approche edgeless, la préparation est plus profonde et la plaie générée devra passer par les différentes phases de la cicatrisation, à savoir : hémostase, phase inflammatoire, phase proliférative et remodelage.
En 2019, une équipe espagnole a proposé un modèle de cicatrisation suite à la préparation d’une dent selon l’approche edgeless ou BOPT [13]. Le but de cette étude était de caractériser du point de vue histologique la nouvelle attache conjonctive formée au niveau de la zone préparée par BOPT et de proposer un rationnel biologique à ce type de cicatrisation.
Les résultats histologiques montrent que, dans la zone coronaire préparée et exposée mais non recouverte par la prothèse, on observe la présence d’un nouveau ligament parodontal et de fibres du tissu conjonctif qui s’insèrent dans un cément néoformé. L’épithélium de jonction et le sillon gingival qui en résultent sont plats et peu profonds [14].
Cliniquement, ils observent les phénomènes suivants [14] :
- un sondage pratiquement nul, en comparaison au sondage pré-opératoire. On pourrait en déduire que le sillon a diminué en profondeur. On peut donc penser qu’il y a non seulement un épaississement du tissus conjonctif (avec une horizontalisation de l’espace biologique) mais également un niveau plus coronaire de l’attache comparé à la situation pré-opératoire ;
- l’absence de migration apicale de l’épithélium, ce que l’on appelle un long épithélium de jonction ;
- un aspect non inflammatoire avec les vaisseaux du conjonctif apparents (figure 6).
La temporisation grâce à une prothèse provisoire correctement réalisée a ici un rôle essentiel. Elle permet de maintenir le caillot en place à la suite de la préparation.
On obtient un processus cicatriciel avec absence de la migration apicale de l’épithélium. Elle serait ainsi inhibée par la présence des fibres du tissus conjonctif insérées perpendiculairement à la surface du cément néoformé.
Sur la base des résultats de leur étude et après analyse de la littérature, les mêmes auteurs proposent un raisonnement biologique afin d’expliquer leurs résultats [13]. La plaie chirurgicale initiée par la préparation marque le début de la régénération des tissus parodontaux qui vont alors suivre les 4 phases classiques de la cicatrisation (figure 7).
Elle a lieu durant la première heure qui suit la préparation et la mise en place de la provisoire.
Elle fait suite à la préparation chirurgicale des tissus mous avec la fraise, suite à laquelle on obtient une désépithélialisation du sillon gingival (c’est le principe du gingitage) et la désinsertion des fibres de collagène ; on laisse ainsi une surface de dentine exposée, ce qui faciliterait un meilleur apport sanguin et favoriserait la régénération des tissus.
On a également la création d’une forme conique lors de la préparation, ce qui ménagerait plus d’espace pour le caillot sanguin entre tissus durs et tissus mous et donc plus d’épaisseur de tissu conjonctif après la cicatrisation [14].
On procède ensuite à la mise en place d’une couronne provisoire. Dans la technique BOPT, cette dernière a la même forme que la couronne originale dans les 2/3 incisifs et présente un léger surcontour dans le 1/3 cervical. Elle permet d’exercer une pression contrôlée sur la plaie et de stabiliser le caillot sanguin et les tissus. Elle permet également d’ouvrir la marge gingivale désépithélialisée et d’augmenter l’espace disponible pour abriter le caillot, de protéger la plaie et d’éviter d’exposer le tissu néoformé afin de permettre sa maturation. On espère ainsi obtenir une cicatrisation de deuxième intention et la formation de nouveaux tissus, la provisoire assurant la fermeture et l’isolation de la plaie.
Des conseils post-opératoires sont donnés au patient afin de protéger le caillot sanguin. Il doit éviter le brossage de la zone pendant 3 jours et appliquer un gel à la chlorhexidine. Il pourra ensuite reprendre un brossage avec une brosse 7/100 après le 3e jour puis un brossage normal après la première semaine [14].
La cicatrisation se poursuit avec cette phase qui dure entre 2 et 3 jours. Elle intervient dès la réalisation d’un acte chirurgical, à savoir dans ce cas la préparation. Son objectif est d’éliminer les débris nécrotiques et de préparer le début de la phase proliférative.
Cette phase dure approximativement 2 mois.
Pendant la première semaine, les fibroblastes, qui sont des cellules mobiles, migrent sur la trame de fibrine et remplissent tout l’espace laissé par la préparation et maintenu par la provisoire.
Les fibres de collagène générées par les fibroblastes entourent la dent de façon circonférentielles au contact de la surface dentinaire. La néo-angiogeneÌse suivra la même direction.
Après la deuxième semaine, 3/4 des fibroblastes deviennent des myofibroblastes qui, en contractant le cytosquelette, tireraient les tissus vers la zone de la préparation de plus petit diamètre, car c’est celle qui offre la moindre résistance. C’est la fameuse migration coronaire des tissus qui caractérise cette technique.
Après 4 semaines, les myofibroblastes meurent par apoptose et laissent un tissu conjonctif stable, prêt à être recouvert par les cémentoblastes qui migreraient du ligament parodontal et enchâsseraient les fibres circulaires du tissu conjonctif dans le nouveau cément [14].
Le résultat est un tissu conjonctif qui va gagner en stabilité dans la zone cervicale. Il va être responsable de la génération d’un sillon gingival court et plat garant d’une bonne santé parodontale [12].
Cet effet de contraction tissulaire est neutralisé par la pression positive exercée par la couronne provisoire sur la plaie qui inhibe les myofibroblastes.
On retrouve donc la notion de 4 semaines minimum de cicatrisation des tissus mous à l’aide de la provisoire avant l’empreinte.
En disposant de plus d’espace au niveau cervicale, le tissu conjonctif deviendra ainsi plus épais que celui d’origine au fil des semaines.
Elle intervient à partir de 2 mois de cicatrisation et se poursuit tout au long de la vie. Cette phase permettrait la croissance et la maturation des tissus et l’augmentation de la résistance par alignement des fibres de collagène de façon parallèle.
Un autre article de 2020 d’une autre équipe espagnole va dans le même sens [15]. Il souligne également l’importance de la provisoire et de la cicatrisation minimum de 4 semaines.Les résultats de l’étude histologique montrent une normalité des tissus du parodonte néoformé.
La différence entre les approches se situe essentiellement dans le type de fraise utilisée et la phase de temporisation. Dans l’approche shoulderless, les fraises avec un bout mousse vont limiter la préparation au sulcus ou à l’épithélium de jonction et diminuent le risque de dommages du tissu conjonctif.
Au niveau de la temporisation, il est conseillé de conserver la marge de la provisoire à distance des tissus afin d’obtenir la cicatrisation la plus rapide. En effet, seule la cicatrisation épithéliale intervient lors de cette approche et, comme vu précédemment, elle est complète entre 7 à 14 jours.
Dans l’approche edgeless, les fraises flammes avec une extrémité active sont plus difficiles à contrôler ; la préparation aura tendance à être plus profonde au niveau de l’attache, même si certains auteurs préconisent l’utilisation de fraises flammes avec un marquage laser pour l’insertion contrôlée de la fraise dans le sulcus [9], ce qui semble cliniquement difficile à respecter.
Dans cette approche, la temporisation devra être rigoureuse et permettre la création d’une nouvelle JEC « prothétique » afin de guider la cicatrisation des tissus mous pendant 6 semaines (l’étape de l’empreinte pouvant être réalisée à 4 semaines).
Pour la réalisation de la ou des couronnes provisoires, plusieurs techniques peuvent être utilisées.
Dans la majorité des cas, il faudra prendre soins de positionner un cordonnet de polytétrafluoroéthylène (PTFE) dans le fond du sulcus « ouvert » par l’instrumentation rotative, ceci pour permettre de maintenir l’espace et afin d’éviter l’affaissement des tissus mous pendant les étapes de rebasage. Il agit également comme un stop pour protéger les zones plus profondes juxta-osseuses pour que le matériau de rebasage de fuse pas trop profondément.
Des coques en polymétacrylate de méthyl acrylique (PMMA) pourront être commandées au labo et seront rebasées à la résine PMMA ou bis-acrylique le jour des préparations.
Il faudra veiller à ce que le prothésiste réalise des coques dont la limite se situe 1 mm au-delà de la gencive marginale, en direction apicale, afin de permettre un rebasage correct de ces dernières et la réalisation d’un profil d’émergence adéquat pour la technique BOPT. Les logiciels de CAO n’étant pas développés pour ce type de limites verticales (mais plutôt pour des préparations horizontales), la finition de l’intrados devra être réalisée à la main au laboratoire afin d’évider et d’affiner la coque dans sa partie cervicale (figure 8).
De façon plus simple, un iso-moulage au silicone pourra être réalisé en début de séance à partir de la situation pré-opératoire. Le silicone sera retouché au niveau cervical avec une fraises multi-lames sur pièce à main afin d’élargir la zone cervicale, là aussi pour permettre au matériau provisoire la mise en place d’un futur profil d’émergence correct dans cette zone. Deux situations sont alors possibles :
- l’iso-moulage peut être rempli directement de bis-acryl et positionné en bouche (figure 9) ;
- une coque en composite flow pourra être réalisée dans l’empreinte d’iso-moulage afin de retomber sur la situation d’une coque à rebaser directement en bouche (figures 10 et 11).
Autre solution, une couronne provisoire préformée en résine polycarbonate pourra être rebasée directement en bouche.
À la suite des étapes de rebasage, on obtient une concavité délimitée par deux marges distinctes : une fine correspondant au fond du sulcus et une plus épaisse suivant la portion externe de la gencive marginale. Cette concavité, qui est en réalité une image négative de la gencive, devra être comblée avec du composite flow ou avec une technique poudre et liquide de résine PMMA au pinceau afin d’épaissir cette portion et de permettre la création du contour coronaire [8]. L’excès de matériau est ensuite retiré afin de relier ces 2 marges pour créer un nouveau profil avec une certaine angulation, formant ainsi une nouvelle JEC prothétique positionnée dans le sulcus pas plus loin que 0,5 à 1 mm, respectant ainsi l’espace biologique (principe d’invasion contrôlée du sulcus) (figures 12 à 14).
Ces étapes de mise en forme et de finition permettront ainsi d’obtenir une couronne provisoire qui joue son rôle de fermeture et de protection de la plaie.
Dans la technique edgeless (ou BOPT), l’étape de la provisoire joue un rôle primordial en conditionnant la réponse des tissus mous et le profil d’émergence. Cette réponse pourra être reproduite au niveau de la restauration finale et rester stable dans le temps. De cette manière, la provisoire réalisée en per-opératoire après la préparation doit avoir un angle d’environ 45° et devra rester en place pendant 4 à 6 semaines minimum. Certains auteurs parlent même de 8 semaines afin de respecter la phase de prolifération et la maturation complète des tissus [15]. En effet comme vu précédemment, c’est au cours de cette phase qu’il y a une contraction des myofibroblastes autour de la dent et que l’on observe une migration des tissus mous autour de la préparation dentaire conique, de la zone de plus grand diamètre (apicale) à la zone de plus petit diamètre (coronale) [15] (figure 15).
À la suite de cette phase importante de cicatrisation, un épaississement des tissus sera observé et il sera possible de déplacer le zénith d’une dent dans le sens distal ou mésial et même en direction coronale ou apicale ; pour ce faire il faudra également modifier l’angle du profil d’émergence de la couronne provisoire ou de la couronne définitive.
Par exemple, si nous avons une dent antérieure et que nous souhaitons déplacer le zénith en direction distale avec la couronne d’usage, il faudra créer un angle d’émergence de la couronne de 60° dans la partie distale ; en mésial, l’angulation devra être inférieure à 30°. Par conséquent, la gencive dans la partie mésiale migrera en direction coronaire mais s’affinera tandis que, en distal, la gencive sera déplacée en direction apicale et épaissie.
Dans le cas d’une récession où nous avons besoin que la gencive descende en direction coronaire, après la préparation edgeless ou BOPT et après cicatrisation, il faudra réduire l’émergence de l’angle prothétique en cervical en lui donnant une angulation de moins de 45°, permettant ainsi à la gencive de migrer en direction coronaire.
Précisons que ces mouvements sont permis dans la mesure où le déplacement de gencive n’excèdera pas plus ou moins 1 mm.
Le succès du traitement prothétique étant conditionné entre autres par une bonne santé parodontale, les préparations verticales présentent de nombreux avantages de ce point de vue.
Parmi les avantages de ces types de préparations, citons [5] :
- la possibilité de positionner la limite prothétique au niveau souhaité, en supra et juxta-gingival mais également en intra-sulculaire (entre 0,5 et 1 mm) en fonction des différents besoins cliniques [1] ;
- la possibilité de modifier l’angle d’émergence prothétique et ainsi modeler l’architecture gingivale en faisant descendre, monter ou en maintenant la gencive marginale [16] ;
- une bonne rétention prothétique et une meilleure étanchéité marginale (ajustage cervical) et donc une plus grande stabilité des tissus mous autour de ces restaurations prothétiques [18] ;
- une augmentation de l’épaisseur tissulaire en cervical avec la technique BOPT [17] ;
- la possibilité de reprendre un traitement prothétique iatrogénique qui aurait entraîné l’invasion de l’espace biologique [8].
Selon les preuves scientifiques actuelles, le comportement des tissus parodontaux des dents traitées avec des préparations verticales serait favorable, ceci sur une période de suivi à moyen terme. D’autres études cliniques sont nécessaires pour mettre en évidence le comportement de cette technique à long terme [5].
Outre les données de la littérature, selon l’expérience clinique de l’auteur, ce type de techniques prothétiques donne de très bons résultats depuis 2017. Nous avons pu faire, tout au long de cet article, un état des lieux des concepts associés aux préparations verticales ainsi que des notions et raisonnements existant au sujet de la biologie autour de ce type de préparations.
Pour synthétiser :
- l’approche shoulderless (vertiprep) est la plus conservatrice : une limite en lame de couteau peut être identifiée et la cicatrisation des tissus sera rapide car la préparation n’intéresse que le sulcus, voire l’épithélium ;
- l’approche edgeless (BOPT) est plus mutilante, avec une préparation plus profonde pouvant intéresser l’attache conjonctive. Elle permet l’établissement d’une nouvelle JEC prothétique et va permettre de guider la cicatrisation des tissus mous en 6 semaines grâce à la provisoire.
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.