PRÉVENTION ET GESTION DES ÉCHECS DES RESTAURATIONS ADHÉSIVES POSTÉRIEURES
Dentisterie
Adhésive
Hugues DE BELENET* Gauthier WEISROCK**
*Ancien AHU, Aix-Marseille Université.
**Exercice libéral à Marseille.
***Membre du groupe Bioémulation.
****Président de Bioteam Marseille.
*****Ancien AHU, Aix-Marseille Université.
******Co-Rédacteur en chef de CLINIC.
*******Exercice libéral à Marseille.
« Le succès est l’échec de l’échec… » (Delphine Lamotte). Les restaurations postérieures (directes et indirectes) occupent une place importante de l’activité des omnipraticiens. Compte tenu de la quantité et du fait qu’aucune restauration n’est éternelle, il est normal d’être confronté à un certain nombre d’échecs. Les réinterventions sur dents déjà traitées sont d’ailleurs plus fréquentes que les interventions de première intention.
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Les échecs de restauration des dents postérieures peuvent être mécaniques, biologiques et fonctionnels. Ils sont le plus souvent récupérables. Toutefois, chaque nouvelle restauration engendre une agression pulpaire et un coût tissulaire supplémentaire. Le nombre de réinterventions possibles n’est donc pas illimité. Afin de pérenniser la présence des dents sur l’arcade, il est indispensable d’analyser et d’anticiper les potentiels échecs afin d’en limiter leur fréquence et/ou leur gravité. Cet article a pour objectif de décrire les échecs possibles, d’en identifier leurs facteurs de risque, de donner les points clefs cliniques pour prévenir leur survenue et d’en guider les traitements.
« Le succès est l’échec de l’échec… » (Delphine Lamotte). Les restaurations postérieures (directes et indirectes) occupent une place importante de l’activité des omnipraticiens. Compte tenu de la quantité et du fait qu’aucune restauration n’est éternelle, il est normal d’être confronté à un certain nombre d’échecs. Les réinterventions sur dents déjà traitées sont d’ailleurs plus fréquentes que les interventions de première intention.
Les échecs en dentisterie restauratrice sont « attendus » par le patient et le praticien au bout d’un certain nombre d’années d’usage mais déplaisants lorsqu’ils surviennent à court ou moyen terme. Ils peuvent souvent être rattrapés. Toutefois, chaque intervention engendrant une nouvelle agression pulpaire et un coût tissulaire supplémentaire, le nombre de réinterventions possibles sur une dent n’est pas illimité. Le praticien devra en être conscient au moment de ses choix thérapeutiques.
L’objet de cet article est d’analyser les échecs de restauration postérieure afin d’aider à la prévention et au traitement de ces échecs. Quels sont-ils ? Quels facteurs de risque leurs sont associés ? Comment les éviter/limiter/retarder ? Comment les traiter lorsqu’ils surviennent ?
La notion d’échec tient une place stratégique dans la réflexion thérapeutique contemporaine. En cariologie, elle est appréhendée au sein du concept de Intervention Minimal (FDI, 2017) [1] qui s’articule autour de 4 notions majeures :
- retarder au maximum l’entrée de la dent dans la « spirale mortelle de re-restauration » ;
- prévenir les causes de la maladie carieuse ;
- reminéraliser les lésions carieuses non cavitaires ;
- intervenir uniquement quand cela est nécessaire, de façon minimalement invasive et en préférant la réparation au remplacement.
Aucun soin n’étant définitif, toute restauration risque un jour d’aboutir à un échec… Échec qui nécessitera une deuxième restauration, puis une troisième, puis peut-être un traitement endodontique, etc.
Chaque intervention étant toujours plus coûteuse en tissu sain que la précédente, la dent sera de plus en plus fragilisée et les possibilités futures de réinterventions deviendront de plus en plus limitées, rapprochant la dent d’une issue fatale : l’extraction.
À l’échelle de la vie entière de l’individu, les efforts doivent être accentués sur la prévention de la maladie carieuse. Cela évite l’entrée de la dent dans la spirale mortelle de re-restauration [2] et, si tel est le cas, d’en limiter la progression en évitant/limitant/retardant les récidives.
La pérennité de la dent du patient à très long terme sur l’arcade est la priorité absolue. Elle est au cœur du « gradient thérapeutique » [3] qui consiste, à résultat clinique égal, à utiliser la thérapeutique la moins mutilante dans le but de :
- faciliter et permettre les réinterventions futures ;
- limiter les risques iatrogènes ;
- préserver les structures dentaires stratégiques d’un point de vue mécanique (jonction amélodentinaire, férule cervicale, crêtes marginales) et biologique (pulpe).
Les thérapeutiques adhésives sont à privilégier pour intervenir a minima. Elles peuvent, grâce au collage, s’affranchir de la recherche de rétention mécanique qui guide les approches traditionnelles (amalgames, inlay-cores, couronnes) et ainsi éviter les préparations standardisées mutilantes pour les tissus sains.
Pour conserver les dents sur l’arcade, il est donc nécessaire :
- d’éviter l’entrée de la dent dans la spirale de re-restauration (prévention) ;
- de réaliser des restaurations de qualité (pour intervenir le moins souvent possible) et a minima (pour pouvoir réintervenir) ;
- de ne réintervenir qu’en cas de réelle nécessité et de préférer la réparation à la réfection.
Les échecs des restaurations postérieures sont mécaniques, biologiques et fonctionnels [4-6].
• Les échecs mécaniques sont les fractures de la dent et/ou de la restauration. Une distinction sera faite entre des fractures réparables et des fractures « catastrophiques » corono-radiculaires qui aboutissent à l’extraction de la dent.
• Les échecs biologiques sont les caries secondaires, le décollement de la restauration et les atteintes pulpaires (hypersensibilité postopératoire et/ou nécessité de traitement endodontique).
• Les échecs fonctionnels sont liés à des tassements alimentaires (points de contact inadéquats, insuffisants ou disparus) ou à des défauts de réglages occlusaux (interférences, prématurités, sur ou sous-occlusions).
Les échecs esthétiques ne sont pas cités dans la littérature pour les dents postérieures alors qu’ils constituent l’indication principale de réintervention sur les dents antérieures.
Les échecs les plus fréquemment décrits sont les caries secondaires et les fractures de la dent et/ ou de la restauration mais leur fréquence reste rare. Des revues systématiques ont montré que les composites directs postérieurs avait des taux d’échec annuels variant de 1 à 4 % [7]. Pour les restaurations indirectes, un taux d’échec annuel de 1,6 % est rapporté par une étude sur 20 ans portant sur 5 791 onlays céramiques collés par 167 praticiens libéraux [8].
Enfin, 4 méta-analyses récentes concluent, contrairement à notre intuition, qu’il n’y a pas de différence significative de longévité entre les restaurations directes et indirectes postérieures en composite [9-12].
Les facteurs prédisposants aux échecs des restaurations postérieures sont classés en 4 catégories : ils sont liés à la dent, au patient, au praticien et au matériau (figure 1).
Il existe un lien étroit entre perte de substance et résistance mécanique de la dent [13]. Certains éléments anatomiques tels que le pont d’émail et les crêtes marginales sont essentiels au maintien de la résistance mécanique d’une dent [14] (figure 2).
Le risque d’échec est directement corrélé au volume de la cavité, à sa topographie et au nombre de surfaces restaurées. Les composites occluso-proximaux ont un risque d’échec multiplié par 2,8 par rapport aux composites occlusaux. Les restaurations directes de 3 surfaces ou plus ont un risque d’échec 3,3 fois plus important que les restaurations d’une seule surface. Chaque surface supplémentaire augmente le risque d’échec de 30 à 40 % [5, 6, 15].
La présence d’un traitement endodontique multiplie par plus de 2 le risque d’échec mécanique. Cela s’explique par l’importante perte de substance généralement existante sur les dents dépulpées, mais aussi par la perte d’élasticité liée (déshydratation et dégradation du collagène) [16-18].
Les restaurations molaires sont soumises à des contraintes masticatoires plus importantes que celles sur prémolaires. Le risque d’échec mécanique y est plus important [5].
La présence de contacts proximaux est un facteur de protection pour la survie des restaurations. Les dents avec une seule ou aucune dent adjacente ont 2 fois plus de risque de fracture que celles avec 2 points de contacts proximaux [19].
La position de la limite cervicale est stratégique sur l’étanchéité de l’interface dent/restauration. Les échecs (caries secondaires) sont plus fréquents avec une limite cervicale dentinaire qu’avec une limite amélaire [20].
Enfin, le saignement au sondage a une influence négative sur la survie des restaurations [21], ce qui est logique puisqu’il signe une hygiène bucco-dentaire insuffisante.
Les facteurs de risque liés au patient sont le statut socio-économique, le risque carieux, l’âge, les habitudes para-fonctionnelles et le risque érosif.
Un faible niveau socio-économique peut se traduire par un accès restreint aux services de santé, une moindre sensibilisation à la santé, une moins bonne hygiène de vie et de mauvaises habitudes alimentaires. Le statut socio-économique des patients affecte la longévité des restaurations : les personnes qui ont toujours vécu dans la couche la plus pauvre de la population ont plus d’échecs de restaurations que celles qui vivent dans la couche la plus riche [22-24].
Cela s’explique notamment par l’influence des déterminants socio-économiques sur le risque carieux qui influence lui-même significativement la longévité des restaurations. Un risque carieux élevé augmente de 2,4 à 4,4 fois le risque d’échec des restaurations postérieures (caries secondaires) par rapport à un risque carieux faible [5, 13].
Les patients âgés courent un risque plus élevé de voir leurs restaurations en échec (caries secondaires) en raison d’une hygiène buccodentaire qui diminue, de la réalisation plus délicate des soins, d’un terrain d’hyposialie et de la plus forte exposition buccale des zones radiculaires [15, 25, 26].
La présence d’habitudes para-fonctionnelles, comme le bruxisme, engendre une augmentation des contraintes occlusales dont l’impact est négatif sur la survie des restaurations postérieures directes et indirectes [23, 27].
Enfin, les patients souffrant d’érosion dentaire présentent un risque plus élevé d’échec mécanique (fracture) et biologique (carie secondaire) des restaurations postérieures [28, 29].
Si la dentisterie adhésive est attrayante par son caractère esthétique et minimalement invasif, elle est en contrepartie techniquement exigeante. À l’image d’un château de carte, chaque étape clinique doit être menée à bien avant d’entamer la suivante, et une erreur de procédure sur l’une des étapes peut conduire à l’échec de l’ensemble de la restauration. L’expérience clinique, la formation technique et la rigueur opératoire du praticien influencent significativement le processus de longévité.
Au-delà de ces aspects « techniques », le processus de prise de décision est un facteur sousestimé. Plusieurs études aboutissent à deux surprenantes conclusions :
- le changement de dentiste est un facteur de risque. Les dentistes ayant tendance à évaluer leur propre travail comme meilleur que celui des autres, les patients qui changent de dentiste ont plus de chances de voir leurs restaurations remplacées [15, 30, 31] ;
- les restaurations des patients qui vont souvent chez le dentiste sont moins performantes que celles réalisées sur des patients moins assidus. En d’autres termes, un nombre plus élevé de contrôles dentaires entraîne un risque plus élevé de réinterventions [26, 32].
Cela indique qu’il existe des « faux positifs » lors de l’évaluation des restaurations postérieures. Certaines lacunes doivent être pointées du doigt quant à l’enseignement de la façon dont une restauration se modifie avec le temps au sein de la cavité buccale (processus de vieillissement « normal ») [33].
Influencés par les réseaux sociaux, les étudiants et jeunes praticiens ont souvent l’impression qu’une bonne restauration doit toujours être parfaite et paraître neuve. Les petits signes de dégradation ou de coloration marginale sont alors souvent confondus avec des lésions carieuses secondaires (figure 3). Or, les véritables caries secondaires nécessitant une intervention sont les nouvelles lésions carieuses adjacentes aux restaurations, avec des signes clairs de cavitation et d’activité.
De plus, lorsqu’une réintervention est jugée nécessaire, la réparation doit être privilégiée au remplacement. Un document de consensus récent a d’ailleurs attiré l’attention sur ce point et conseillé de passer de « dans le doute, retirez-la » à « en dernier recours, retirez-la » après avoir considéré le suivi, la remise en état et la réparation comme les meilleures options thérapeutiques pour la survie de la dent sur l’arcade [34] (figure 4).
Les études in vitro sur les propriétés mécaniques des matériaux de restauration des dents postérieures sont nombreuses. Il semble donc logique que le choix des matériaux soit un facteur essentiel pour assurer la longévité des restaurations.
Pourtant, les études cliniques à long terme sont suffisantes pour affirmer que le choix du composite n’est pas un facteur influençant significativement la longévité des restaurations directes [5-7, 35, 36]. Le choix du matériau (au sein d’une même famille) a aujourd’hui moins d’influence que la manipulation qui en est faite.
Les cliniciens sont libres de choisir leurs composites sur la base d’aspects techniques, tels que les préférences de manipulation, la disponibilité des teintes ou la facilité de polissage.
La photopolymérisation constitue un facteur déterminant. Sa qualité est influencée par le type de lampe, la distance par rapport à la surface de la restauration, l’épaisseur du matériau, l’angle de la lampe, sa puissance et la cinétique d’irradiation. La lampe à photopolymériser est donc un achat stratégique sur lequel aucun compromis ne doit être réalisé [37, 38].
Enfin, concernant le choix des matériaux, notons que la présence d’un fond de cavité en CVI (ciment verre ionomère) a une influence négative sur la survie des restaurations postérieures [5].
« Un kilogramme de matériau d’obturation ne vaut pas un gramme de dentisterie préventive » (Dr Roberto Magallanes Ramos).
Un service considérable serait rendu aux patients si les pouvoirs publics et les praticiens accentuaient leurs efforts sur les moyens d’éviter d’avoir recours aux soins dentaires qui sont tous des sources d’échecs et de complications potentiels.
En France, la prévention est malheureusement délaissée au profit du curatif et de l’obsession de l’acte, seule source de rémunération. Or, la dentisterie qui ne traite que les conséquences et non pas les causes de la maladie n’est pas viable sur le long terme [1]. Ne serait-ce que parce qu’elle s’expose à la récidive.
Une éducation du patient est donc indispensable pour corriger l’exposition aux facteurs de risque : conseils alimentaires (sucres, grignotages, sodas…), recommandations d’hygiène buccodentaires (brosse électrique, 3 brossages par jour, brossettes, fil dentaire, dentifrice fluoré) et action de reminéralisation (sealents, fluor, CPP-ACP…).
Le meilleur moyen d’éviter les échecs est de ne pas intervenir lorsqu’aucune intervention n’est pas nécessaire.
Avant de remplacer une restauration défectueuse, le praticien devra s’assurer qu’il ne s’agit pas du vieillissement « normal » d’une restauration et qu’une remise en état ou réparation n’est pas envisageable [39] (figures 5 et 6).
Les lésions carieuses sont dynamiques, elles alternent phases de déminéralisation et de reminéralisation. Les déminéralisations non cavitaires ne nécessitent pas d’intervention invasive car elles peuvent se reminéraliser. Un « fraisage » n’est à réaliser que sur des lésions cavitaires. Le sondage des surfaces occlusales doit être prudent et délicat car il peut créer une cavitation iatrogène là où le sillon n’était « que » déminéralisé. L’examen occlusal est donc principalement visuel (surfaces sèches et propres).
« Dans le doute, il vaut mieux sceller que fraiser » (Pr Julian Leprince).
En proximal, l’examen visuel est limité, la radiographie rétro-coronaire permet d’évaluer la profondeur de l’atteinte carieuse. Les lésions limitées à l’émail ne nécessitent pas d’intervention car elles ne sont presque jamais cavitaires. Les lésions intéressant au moins le deuxième tiers dentinaire seront systématiquement traitées car cavitaires et à risque pulpaire.
En revanche, les lésions du premier tiers dentinaire ne sont cavitaires que dans 30 % des cas…
La décision de monitoring peut être la plus judicieuse mais ne sera efficace que si une action de prévention lui est associée [40, 41].
La recherche d’étanchéité est la clef du succès pour s’affranchir des échecs biologiques. Les sensibilités pulpaires sont liées à la nature perméable de la dentine. Le risque sera différent selon les situations cliniques. Plus la lésion est proche de la pulpe, plus la surface occupée par les tubulis dentinaires est importante (forme conique des tubulis) et donc le risque biologique majoré.
En cas d’agression extérieure (ex. : toxines bactériennes), la pulpe est capable de diminuer la perméabilité dentinaire par apposition intratubulaire de dentine sclérotique et/ou apposition intra-pulpaire de dentine tertiaire (réactionnelle ou réparatrice). Ces réactions de défense prenant du temps, le risque pulpaire est majoré chez le patient jeune et dans les cas de caries à progression rapide (couleur claire et aspect humide) [42].
Pour s’affranchir des échecs biologiques, le praticien devra se concentrer sur 5 points cliniques [43].
• Établir un diagnostic pulpo-dentinaire le plus correct possible : bon nombre d’échecs biologiques sont attribués à des échecs de procédure alors qu’ils proviennent d’un échec de diagnostic pulpaire initial. Pour établir son diagnostic, le praticien s’appuiera sur les tests cliniques, l’anamnèse de la douleur et la radiographie.
• Éviter l’échauffement au fraisage : une température supérieure à 42,5 °C peut entraîner des lésions irréversibles du complexe pulpodentinaire. Le fraisage doit être intermittent, à grande vitesse et sous un spray refroidissant.
• Éviter les erreurs d’adhésion : l’adhésif est la clef de voûte d’une bonne étanchéité car le composite n’adhère pas spontanément à la dentine et à l’émail. Parmi les points clefs, l’émail sera toujours mordancé quel que soit l’adhésif. Le mordançage de la dentine (adhésif M&R) n’excédera jamais 15 secondes. Les adhésifs ne nécessitant pas de mordançage de la dentine (SAM et universels) seraient d’ailleurs moins à risque de sensibilités que ceux avec mordançage préalable [44]. Aussi, le flacon d’adhésif sera secoué avant application, il sera frotté longtemps et vigoureusement sur la dentine puis polymérisé au-delà des recommandations du fabricant [45].
• Éviter une mauvaise adaptation du composite. La contraction de polymérisation des composites (1 à 5 %) représente leur talon d’Achille. Les contraintes à la polymérisation peuvent, entre autres, engendrer l’arrachement du joint de collage et donc l’apparition de hiatus. Or, une mauvaise adaptation du composite en regard de la pulpe sera à l’origine de problèmes pulpaires. Une attention toute particulière doit être donnée à la première couche de composite sur l’adhésif : elle doit être fine, réalisée avec un composite fluide et parfaitement polymérisé. Cette procédure est systématisée lors des préparations d’une restauration indirecte : on parle du « scellement dentinaire immédiat ». Il permet notamment de protéger la dentine en inter-séance, d’éviter les sensibilités post-opératoires et d’augmenter les valeurs d’adhésion finale [46].
• Obtenir la meilleure polymérisation possible afin de limiter le taux de monomères libres non polymérisés (responsables d’un vieillissement précoce et d’échecs biologiques). Elle se fera au plus proche de la résine, avec une lampe de qualité et une irradiation moyenne de 20 secondes à 1 000 mW/cm2 pour chaque couche de 2 mm de composite [47].
Notons enfin qu’en présence de lésions carieuses profondes (dernier 1/4 dentinaire) sur une dent vivante sans atteinte pulpaire irréversible, le curetage complet de la lésion n’est aujourd’hui plus indiqué (risque d’effraction pulpaire de l’ordre de 40 %). Il doit être remplacé par un curetage sélectif qui limite le risque d’échecs biologiques [48-50].
Pour éviter les fractures, le praticien doit prévoir une épaisseur occlusale suffisante pour les restaurations indirectes (1,5 mm pour le disilicate de lithium) et éviter les angles vifs (concentration des contraintes) au sein des préparations [51] (figure 7).
Il devra aussi et surtout réaliser une analyse biomécanique des parois résiduelles après débridement afin de rechercher la présence de fêlures, d’éliminer les structures « fragiles » et de ne conserver que des structures « fiables » mécaniquement [52]. La perte des crêtes marginales engendre une déflexion cuspidienne à l’origine de fêlures puis de fractures parfois non récupérables.
Le recouvrement cuspidien permet de les éviter en transformant les contraintes en flexion (danger) en contraintes en compression (sécurité). Il est indiqué en présence de fêlures dentinaires, de parois résiduelles plus hautes que larges et/ou d’épaisseur inférieure à 2 mm. Cela doit être pondéré en fonction de l’occlusion, de l’état dent dépulpée (plus de risque de fractures donc recouvrement plus rapide) ou encore de la topographie des cuspides (risque majoré pour les cuspides palatines des prémolaires maxillaires et linguales des molaires mandibulaires) [53] (figure 8).
Les systèmes de matriçage s’appuyant sur le triptyque matrice sectorielle/coin/anneau séparateur permettent l’obtention reproductible d’un point de contact puissant. Afin d’éviter les tassements alimentaires et/ou les fractures du matériau au niveau de la crête, le profil proximal devra avoir un galbe (bombé) physiologique. Si le profil n’est pas assez galbé (ex. : utilisation de matrices droites), le point de contact sera trop proche de la face occlusale. Il en résulte une embrasure gingivale trop ouverte/large (bourrages alimentaires) et un matériau de restauration en surplomb (non soutenu donc risque de fracture) [54, 55] (figure 9).
Une distinction sera faite entre les sensibilités post-opératoires de plus de 15 jours et de moins de 15 jours.
Ces sensibilités apparaissent fréquemment et sont dues à plusieurs facteurs. Elles prennent la forme de douleur au froid et à la pression le plus souvent. Plus le délabrement de la dent est important plus ces risques de sensibilités augmentent. Cela peut provenir de l’état inflammatoire pulpaire initial mais aussi de l’agression de l’organe pulpo-dentinaire pendant le soin (fraisage, anesthésie, pose du champ opératoire, mordançage, contraction de prise du composite, photopolymérisation…).
Stratégie : en l’absence de pulpite irréversible, il est préférable d’attendre que l’étanchéité apportée par la restauration adhésive permette une cicatrisation pulpo-dentinaire et la disparition de la symptomatologie le plus souvent [56, 57]. Ce temps d’attente permet aussi d’éliminer les douleurs dues à l’acte clinique en lui-même (anesthésie par exemple).
Ces douleurs ne peuvent plus provenir de l’acte clinique lui-même. En l’absence de pulpite irréversible ou de nécrose, ces douleurs proviennent d’une pulpite potentiellement réversible grâce à l’étanchéité apportée par notre restauration [56, 57]. Paradoxalement, elles sont de plus en plus nombreuses aujourd’hui car on ne dépulpe plus pour chercher de l’ancrage dans les racines même sur des dents très délabrées.
Plusieurs stratégies cliniques sont possibles :
- 1re stratégie : le diagnostic pulpo-dentinaire est correct et le protocole de collage parfaitement respecté, on peut attendre jusqu’à 3 mois la cicatrisation pulpaire sans toucher à la restauration (si la gêne occasionnée reste supportable). Le patient doit être informé du but de cette attente et des risques possibles ;
- 2e stratégie : la restauration peut être déposée et refaite entièrement pour essayer de retrouver une étanchéité parfaite garante de la cicatrisation (figure 10). Cette solution dépend essentiellement du matériau utilisé pour la restauration. La résine composite ou les matériaux hybrides sont faciles à déposer (et donc à refaire) alors que c’est très difficile pour de la céramique collée surtout pour les overlays ;
- 3e stratégie : les douleurs ne cessent pas à 12 semaines ou ont augmenté. Une cicatrisation du complexe pulpo-dentinaire est très faible, voire impossible. Un traitement endodontique doit être réalisé. Il peut être effectué à travers la restauration, ce qui facilite les conditions cliniques pour le faire. La restauration peut ensuite être refaite ou la cavité d’accès simplement obturée en fonction du matériau de restauration utilisé comme cité précédemment (figure 11).
Face à un échec mécanique, il faudra d’abord savoir si la dent est récupérable.
Après recherche des causes de la fracture et analyse biomécanique des structures résiduelles, un arbitrage sera réalisé au cas par cas entre le remplacement de la restauration défectueuse et sa réparation (figure 12).
Dès que possible, cette dernière option est à privilégier car elle offre de nombreux avantages : même longévité, plus rapide, plus simple, préservation tissulaire majorée, traumatisme pulpaire minorée, moins de besoin d’anesthésie, moins de douleurs post-opératoires, moins couteux, moins stressant (donc mieux accepté par le patient) [39, 58] (figure 13).
Afin de limiter l’incidence de ses échecs de restaurations postérieures, le praticien devra les anticiper en associant le préventif et le curatif, en intervenant à bon escient, le plus a minima possible et en utilisant le recouvrement cuspidien pour prévenir les échecs mécaniques non récupérables. Lorsqu’un échec survient, une décision sera prise au cas par cas entre le remplacement de la restauration défectueuse et sa réparation. Le maintien à très long terme de la dent du patient sur l’arcade doit rester l’objectif prioritaire.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.