LES ÉROSIONS/INFILTRATIONS : APPRENDRE DE NOS ÉCHECS
Dentisterie
Esthétique
Ancien AHU et chargé d’enseignement, Faculté de Chirurgie dentaire de Toulouse.Fondateur de Stu’Dent Formation.Exercice libéral à Portet-sur-Garonne.
« Je ne perds jamais, soit je gagne soit j’apprends ». Dans la vie de tous les jours, on apprend de nos erreurs. C’est ce qui nous fait progresser et avancer. Cette citation de Nelson Mandela prend tout son sens en dentisterie. Il n’est pas rare que la réalité clinique nous confronte à des échecs à plus ou moins long terme.
Dans ce cas, le praticien peut réagir de plusieurs façons : fermer les yeux et se lamenter ou étudier l’origine des erreurs afin de...
L’érosion/infiltration est une technique récente. Les cliniciens ont été confrontés à un certain nombre d’échecs. Ces derniers ont permis de mieux comprendre le comportement des matériaux sur les lésions d’hypominéralisation de l’émail. Au fil du temps, le protocole clinique a été affiné et amélioré permettant de rendre la technique fiable et reproductible.
« Je ne perds jamais, soit je gagne soit j’apprends ». Dans la vie de tous les jours, on apprend de nos erreurs. C’est ce qui nous fait progresser et avancer. Cette citation de Nelson Mandela prend tout son sens en dentisterie. Il n’est pas rare que la réalité clinique nous confronte à des échecs à plus ou moins long terme.
Dans ce cas, le praticien peut réagir de plusieurs façons : fermer les yeux et se lamenter ou étudier l’origine des erreurs afin de progresser. Dans le cadre de traitements récents, les échecs permettent aussi de cadrer les limites des indications, d’établir un pronostic de réussite et d’améliorer le protocole.
C’est le cas des érosions/infiltrations qui permet une approche non invasive de prise en charge des hypominéralisations de l’émail. Au départ préconisé pour le traitement des lésions pré-carieuses de l’émail, le traitement par érosion/infiltration a vu son champ d’indication étendu à l’ensemble des hypominéralisations de l’émail (fluoroses, lésions d’origine traumatique et MIH) [1]. Ces améliorations sont apportées par une meilleure connaissance des matériaux et de leurs comportements sur l’émail.
L’objectif de cet article n’est pas de faire un catalogue d’échecs des érosions/infiltrations mais de comprendre ces échecs (souvent relatifs) pour ne pas les reproduire et pour améliorer les protocoles.
L’aspect blanc opaque d’une hypominéralisation s’explique par la multiplication des interactions de la lumière qui se retrouve réfractée [2] dans un émail poreux moins minéralisé et plus riche en substance protéique [3, 4].
Il en existe 4 types : les MIH, les fluoroses, les lésions d’origine traumatique (lésions innées pré-éruptives) et les white-spots (lésions acquisse post-éruptives).
La technique d’érosion/infiltration consiste à injecter une résine d’indice de réfraction proche de l’émail sain dans les porosités d’une lésion d’hypominéralisation. Le flux lumineux étant moins dévié et réfléchi, la tache disparaît optiquement, améliorant aussi les propriétés mécaniques [5, 6] de cet émail. Cette technique apporte un effet protecteur face aux attaques acides [7, 8] permettant de diminuer le risque carieux.
Cette approche est considérée comme un acte ultra-conservateur, s’inscrivant dans le gradient thérapeutique [9] comme un des actes les moins invasifs face à une hypominéralisation. Pour être correctement infiltrée, la lésion doit être préalablement déminéralisée par un acide chlorhydrique à 15 % (Icon-Etch, DMG) avant d’être séchée par un alcool (Icon-Dry, DMG).
En amont du traitement d’érosion/infiltration, un accès total à la surface de la lésion est indispensable. L’émail sain recouvrant cette dernière doit être éliminé [3, 4, 10] (figure 1).
L’isolation par un champ opératoire étanche est indispensable pour se placer dans des conditions optimales de réussite des traitements.
Les étapes de sablage ou de etching peuvent entraîner des saignements des muqueuses (figures 2 à 4), rendant difficiles les étapes d’infiltration et de stratification qui suivent. De plus, l’Icon-Infiltrant (DMG) est plus sensible à l’oxygène que les autres résines adhésives [11].
L’apport d’un composite permet de compenser une potentielle perte de volume.
L’Icon-Infiltrant est un adhésif. Son application doit se réaliser dans un milieu le moins humide possible (à l’abri de la salive, du fluide gingival et du couloir respiratoire) [12].
La résine TEGMA qu’il contient peut entraîner des altérations des cellules pulmonaires [13].
Pour être totalement étanche, le champ opératoire doit s’invaginer dans le sulcus gingival (figure 5). L’utilisation d’une ligature est souvent nécessaire. Face à une lésion cervicale, une astuce consiste à placer le cadran de la digue à l’envers pour tracter les ligatures (figure 6). Quand cela est possible, il est préférable de privilégier une digue plurale à une digue unitaire. En effet, lors des étapes de sablage, le champ peut être lésé entraînant des pertes d’étanchéité et des fuites d’infiltrant (figure 7). Le champ opératoire entraîne une déshydratation des dents. Or, l’indice de réfraction de ffl’eau est plus important que celui de l’air. Après une session longue sous digue dentaire, le résultat peut être non optimal, voire décevant (figures 8 et 9). Certaines lésions blanches inexistantes peuvent apparaître.
Ceci ne constitue pas un échec car, après quelques heures, la dent se réhydratera. Il faudra prévenir le patient et juger le résultat final lors d’un rendez-vous ultérieur (figure 10).
L’acide chlorhydrique n’est pas sans effets sur l’émail. Chaque passage peut éliminer 40 à 50 microns [14] (figures 11 à 13).
Il est donc intéressant de protéger l’émail non lésé à l’aide d’un bourrelet de digue liquide (figure 14), de même que les points de contacts exposés avec des matrices.
L’échec le plus fréquemment rencontré lors des érosions/infiltrations est la non-disparition de la tache. Il s’agit souvent d’un échec relatif. La tache étant atténuée, le patient est souvent satisfait.
Mais, dans un processus d’amélioration, le praticien peut s’interroger sur les raisons de la non-disparition de la tâche.
La première cause est le non-accès à la lésion. C’est le cas par exemple de l’apparition de l’effet de halo (figures 15 et 16), où la partie périphérique de la tache n’a pas été infiltrée. Il est dû à une non-élimination ou une élimination seulement partielle de l’émail sain recouvrant la lésion. En effet, les white-spots sont les seules taches blanches superficielles. Les autres hypominéralisations sont plus ou moins recouvertes par un émail. Pour être parfaitement infiltrée, la lésion doit être mise à nu, et cet émail en superficie de la lésion doit être éliminé par sablage ou fraisage. Pour valider l’exposition de la lésion sur toute sa surface, deux tests sont conseillés. Le premier, visuel, consiste à trans-illuminer la dent pour valider la netteté de la lésion [4, 10]. Le second, tactile, consiste à apprécier une accroche au bistouri [15] (figure 17).
Si l’accès à la lésion a bien été validé (par l’accroche au bistouri ou la trans-illumination), l’origine est une infiltration incomplète de l’hypominéralisation.
Un mauvais etching ou un défaut d’érosion sont les causes les plus fréquentes (figures 18 à 21). Le mordançage à l’acide chlorhydrique génère une perméabilité de l’émail et une pression capillaire à l’origine d’une force d’aspiration de l’infiltrant.
Lors de l’etching, le remplacement de l’Icon-Etch par un acide orthophosphorique peut être incriminé [16]. De plus l’Icon-Etch doit être activé en frottant pendant 2 minutes.
L’autre cause possible est la taille de la lésion trop importante pour être infiltrée.
En effet, en fonction du degré de minéralisation, la résine infiltrante ne peut diffuser plus de 500 à 700 microns d’une lésion d’hypominéralisation [10, -19]. Pour apprécier la taille de la lésion, nous disposons de deux outils : la transillumination [20] et l’étape d’Icon-Dry [10].
Enfin, la résine infiltrante étant pauvre en solvant [21], l’habitude de sécher comme un adhésif traditionnel est à proscrire. Le spray doit être appliqué en douceur pour éliminer les résidus superficiels uniquement [10]. Trop sécher risque d’éliminer de l’infiltrant et donc de faire réapparaître la tache.
La seconde couche d’Icon-Infiltrant permet de compenser la rétraction de prise de la première. Outre l’amélioration des propriétés mécaniques, elle permet une amélioration optique de l’atténuation de la tache d’hypominéralisation (figures 22 à 25).
Ainsi, lors d’un traitement par érosion/infiltration, la première étape consiste en l’accès de la lésion (figures 26 à 28).
Elle est validée par le test de bistouri ou transillumination. Le test à l’alcool permet de valider si l’épaisseur de la lésion n’est pas trop importante pour être correctement infiltrée en respectant le protocole du fabriquant.
Face à une lésion trop épaisse, deux stratégies sont à la portée du praticien : soit réduire la lésion par des cycles d’Icon-Etch, soit augmenter le temps de la première infiltration [22] (figures 29 à 32).
La lésion doit être blanche avant son infiltration. Des colorations persistantes seront figées dans la résine (figures 333435 à 36).
La plupart des colorations sont organiques et facilement éliminables par un éclaircissement (figures 37 et 42) et/ou une application d’hypochlorite de sodium [23] (figures 38 à 41).
Toutes les colorations ne sont pas organiques et les agents oxydants n’auront pas d’effets sur celles-ci [23]. Face à des pigments inorganiques toujours présents après infiltration, un masquage à l’aide de résine bloquant le flux lumineux est nécessaire.
Un traitement d’érosion/infiltration ne permet pas de compenser les pertes de volume dentaire (figures 43 et 44).
Une erreur de choix de teinte peut être à l’origine d’un échec. L’enregistrement de ce dernier doit être réalisé en début de séance.
Par ailleurs, une astuce décrite par Attal et Tirlet [1] permet d’atténuer une opacité toujours présente de la lésion après infiltration. Les auteurs conseillent d’utiliser un composite de teinte dentine et de sur-caractériser la micro et la macro-géographie de surface.
Exposées à des pigments toutes les résines se colorent. L’Icon-Infiltrant présente une rugosité de surface plus importante [3], le rendant plus sensible aux colorants et à l’accumulation de plaque [24]. Le recouvrement par un adhésif universel photopolymérisé et un polissage rigoureux permettrait aussi de réduire cette rugosité de surface [25].
L’Icon-Infiltrant est une résine adhésive. Si les propriétés mécaniques de la résine infiltrante sont optimales pour les infiltrations d’hypominéralisation, elles sont insuffisantes pour une adhésion de composite.
Un échec fréquemment rencontré est le décollement du composite (figures 45 à 47).
Ainsi, face à une perte de volume et avant l’apposition d’une résine composite, il est conseillé d’appliquer une couche d’adhésif chargé [1, 10].
De plus, les lésions d’hypominéralisation sont riches en protéines [26]. Un contenu organique réduit l’énergie de surface et donc freine la diffusion dans la lésion.
Une déprotéinisasion par application d’hypochlorite après mordançage (figure 48) permet d’améliorer les valeurs d’adhésion.
Exposées à des pigments toutes les résines se colorent. L’Icon-Infiltrant présente une rugosité de surface plus importante [3], le rendant plus sensible aux colorants et à l’accumulation de plaque [24].
Ainsi, pour éviter une coloration prématurée de la restauration, il est conseillé d’appliquer à la surface un adhésif universel photopolymérisé et de réaliser un polissage rigoureux (diminuant la rugosité de surface) [25].
Nos échecs d’aujourd’hui sont nos réussites de demain. La stratégie d’érosion/infiltration est relativement récente. Même devant un échec relatif, où le patient est satisfait, une démarche systématique de recherche de son origine permettra de faire évoluer le protocole.
Cet article permet de cibler les erreurs à éviter et les astuces à maîtriser pour améliorer les résultats esthétiques et les valeurs d’adhésion pour la prise en charge des hypominéralisations de l’émail.
Cependant, un défaut d’accès à la lésion est la cause la plus fréquente de persistance de l’opacité.
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.