Clinic n° 02 du 01/02/2024

 

Dentisterie

Parodontale

Jérôme PETIT*   Christopher HUON**   Victoire PIERRAT***   Agathe BALLIEU****  


*Ancien CCU-AH, PH contractuel, CHU Lille, UF Parodontologie.
**Chargé d’enseignement, Faculté d’Odontologie, Université de Lille.
***Exercice libéral exclusif en Parodontologie à Arras.
****CCU-AH, CHU Lille, UF Parodontologie.
*****Chargé d’enseignement, Faculté d’Odontologie, Université de Lille.
******Exercice libéral exclusif en Parodontologie à Arras.
*******Exercice libéral exclusif en Parodontologie à Arras.
********CCU-AH, CHU Lille, UF Parodontologie, Service Odontologie.
*********Chargé d’enseignement, Faculté d’Odontologie, Université de Lille.
**********Exercice libéral exclusif en Parodontologie à Arras.

Les chirurgies plastiques parodontales occupent une place de plus en plus importante dans la prise en charge des patients, tant en exercice spécialisé qu’en omnipratique. Elles ont pour intérêts l’amélioration de l’esthétique du sourire, le renforcement et la modification du phénotype parodontal ainsi que la gestion des hyperesthésies dentinaires.

L’évolution des techniques chirurgicales a permis l’amélioration des résultats en termes d’esthétique et de...


Résumé

L’évolution des techniques et des protocoles en chirurgie plastique parodontale ces vingt dernières années a conduit à une optimisation des résultats et du taux de recouvrement radiculaire. Cette évolution met en avant la rigueur nécessaire pour cette discipline tant sur l’analyse pré-opératoire de la situation clinique que dans la bonne conduite du protocole opératoire.

La maîtrise des différentes techniques chirurgicales devient complexe, une courbe d’apprentissage étant nécessaire dans ce domaine. Ainsi, le praticien peut être confronté à des échecs et complications, situations qu’il va devoir prévenir et prendre en charge.

Cet article présente 2 cas d’échec et de reprise de traitement en chirurgie plastique parodontale (avec une gre e épithélio-conjonctive/avec un lambeau positionné coronairement à rotation papillaire) et se propose d’apporter des éléments de réflexion sur les étiologies potentielles de ces échecs ainsi que sur les choix ayant mené à la réintervention.

Les chirurgies plastiques parodontales occupent une place de plus en plus importante dans la prise en charge des patients, tant en exercice spécialisé qu’en omnipratique. Elles ont pour intérêts l’amélioration de l’esthétique du sourire, le renforcement et la modification du phénotype parodontal ainsi que la gestion des hyperesthésies dentinaires.

L’évolution des techniques chirurgicales a permis l’amélioration des résultats en termes d’esthétique et de recouvrement, de renforcement et de confort du patient. Cependant, comme pour toute chirurgie, un risque de complications et d’échecs existe.

En médecine, une complication est définie par un fait nouveau dans l’évolution d’une maladie, déséquilibrant ou aggravant celle-ci. Ce fait peut parfois être la conséquence d’une intervention réalisée par le praticien, par un geste médical et peut arriver en per-opératoire ou en postopératoire à court, moyen ou long terme.

La complication peut aboutir à l’échec thérapeutique (esthétique ou biologique) qui est perçu différemment par le praticien et le patient.

La mise en place d’une démarche diagnostique complète et le choix rigoureux de la technique opératoire à réaliser permettent de minimiser les complications et échecs en chirurgie plastique parodontale. Malgré cette volonté de prévention, l’objectif thérapeutique initial n’est pas toujours atteint et nécessite de reprendre le traitement après avoir analysé les causes possibles d’échec, la nouvelle situation clinique ainsi que le rapport bénéfice/risque pour le patient.

Cet article propose deux situations cliniques de chirurgie plastique parodontale au cours desquelles des complications ont été observées, induisant à la fois un échec biologique (nécrose) et esthétique, puis montre comment ces échecs ont été gérés afin de répondre au mieux aux objectifs esthétiques et fonctionnels initialement fixés.

CAS No 1

Présentation clinique

Une patiente âgée de 16 ans, adressée par son orthodontiste, consulte pour le traitement d’une récession tissulaire marginale apparue au cours du traitement orthodontique sur son incisive centrale mandibulaire gauche (31), associée à des hypersensibilités au brossage et au froid (EVA = 8/10).

La patiente est en bonne santé générale, non fumeuse et en fin de traitement orthodontique. L’examen clinique permet d’objectiver un phénotype parodontal fin et festonné [1], une récession de classe 1 (RT1) [2] de 8 mm en vestibulaire de la dent 31, associée à un frein labial inférieur traumatique de classe III [3] et une inflammation gingivale généralisée liée à la présence de biofilms bactériens.

L’examen occlusal révèle une béance et l’absence de guidage antérieur fonctionnel.

Une contention mandibulaire, réalisée en fin de traitement orthodontique, par fil métallique tressé et collé par composite est présente en lingual des dents 33 à 43.

La hauteur de tissu kératinisé présent en apical de la récession est inférieure à 1 mm et la profondeur du vestibule est satisfaisante.

Préalablement au traitement chirurgical de cette lésion muco-gingivale, une thérapeutique initiale non chirurgicale est instaurée (figures 1 et 2).

Une fois le facteur étiologique bactérien et l’inflammation gingivale maitrisés, la prise en charge chirurgicale est planifiée.

Compte tenu de l’absence de tissu kératinisé en hauteur et épaisseur satisfaisantes en apical de la dent 31 et des profondeur et largeur de la récession, le choix de la technique chirurgicale s’est porté vers la réalisation d’une greffe gingivale libre (GGL) au niveau des 31 et 41 [4].

L’objectif de l’intervention chirurgicale est d’apporter du tissu kératinisé en épaisseur et hauteur satisfaisantes afin de limiter le risque d’évolution de la récession. De plus, le recouvrement radiculaire devrait permettre de réduire les hypersensibilités. Ici, un recouvrement total est envisageable en raison de l’absence de perte d’attache interproximale [2].

Protocole chirurgical

Après anesthésie locale (articaïne adrénalinée 1/100 000) et débridement radiculaire du site receveur, celui-ci est préparé selon la technique princeps de la greffe gingivale libre [5] (figures 3 et 4).

Les incisions horizontales et intra-sulculaires sont d’abord réalisées au niveau des dents 31 et 41, déportées de 3 mm de part et d’autre de la zone à traiter à l’aide d’une lame 15c. Puis, deux incisions verticales sont réalisées au-delà de la ligne muco-gingivale. La levée du lambeau est réalisée par la dissection en épaisseur partielle de la zone.

Les mesures sont prises à l’aide d’un patron afin de réaliser le prélèvement épithélio-conjonctif au niveau de la muqueuse palatine à l’aide d’une lame 15. L’hémostase du site donneur est obtenue par la mise en place d’une compresse collagénique hémostatique (Pangen) stabilisée par des points en croix avec un fil 4/0 résorbable (Vicryl Rapide, Ethicon). La mise en place d’une plaque palatine en résine thermoformée préalablement réalisée permet de comprimer l’ensemble, de guider la cicatrisation du site donneur et d’améliorer le confort post-opératoire de la patiente [6].

Le greffon est ensuite positionné et fixé sur le site receveur à l’aide de points simples en O avec un fil monofilament de diamètre 6/0 en polypropylène non résorbable (Medilène DSM 13, Stoma). Des points de plaquage suspendus périostés parallèles permettent l’immobilisation du prélèvement (figure 5).

Résultats cliniques

La patiente est revue en contrôle au 7e puis au 14e jour après l’intervention pour la dépose des fils. Des signes de complications biologiques (nécrose) sont observés lors de ces rendez-vous. Le brossage peut être débuté à l’aide d’une brosse à dents post-opératoire 7/100 (Inava, Pierre Fabre Oral Care) lors du 14e jour après l’intervention.

Aucune douleur n’a été signalée par la patiente au cours de ces 2 semaines.

Lors des contrôles à 3 et 6 mois, moins de 10 % de la surface radiculaire a été recouverte. Cependant, le phénotype gingival autour de la récession a été renforcé.

De plus, l’examen clinique réalisé 6 mois après l’intervention révèle la fracture de la contention mandibulaire et la migration des incisives mandibulaires, avec égression de la 31, vestibuloversion de la 32 et apparition de diastèmes. Une inflammation locale est de nouveau observée (figure 6).

Reprise du traitement chirurgical

En raison de la présence de tissu kératinisé en hauteur et épaisseur suffisantes sur les zones adjacentes à la récession, la technique du tunnel fermé latéralement décrite par Sculean et al. a pu être envisagée [7].

Ce protocole est indiqué pour les récessions gingivales mandibulaires isolées et profondes. Une incision intrasulculaire a d’abord été réalisée à l’aide d’une lame de microchirurgie (Viper SB004, MJK). La préparation verticale et latérale du lambeau est réalisée de chaque côté de la récession, au niveau des dents adjacentes, à l’aide de micro-décolleurs à tunnel (Stoma). Le décollement en épaisseur totale des papilles interdentaires situées entre 31 et 41 puis entre 31 et 32 est ensuite réalisé, permettant leur mobilisation complète.

La traction du lambeau est vérifiée à l’aide de précelles atraumatiques et doit permettre un recouvrement sans tension de la récession. L’objectif de recouvrement est ici partiel en raison de la vestibulo-position de la 31.

Le prélèvement conjonctif est réalisé à partir d’une incision unique [8] et permet l’obtention d’un prélèvement plus grand et plus large que le défaut gingival à recouvrir.

Le greffon est maintenu dans du sérum physiologique puis est fixé à l’aide de points matelassiers verticaux en mésial et distal de la 31 à l’aide d’un fil monofilament en polypropylène de diamètre 6/0 (Medilène DSM 13).

La fermeture du tunnel est ensuite réalisée à l’aide de points simples en O, de points en U ainsi que de points suspendus permettant le recouvrement partiel de la récession.

La patiente est revue en contrôle au 7e puis au 14e jour pour la dépose des fils.

Lors du deuxième contrôle, certains points permettant la fermeture latérale du tunnel se sont désolidarisés ; la cicatrisation reste néanmoins satisfaisante permettant d’obtenir un phénotype gingival épaissi ainsi que le recouvrement partiel de la récession sur 31 (près de 50 %) (figures 7 et 8).

Reprise du traitement orthodontique

À 6 mois, l’absence d’inflammation sur le site opératoire autorise la reprise du traitement orthodontique par multi-attaches vestibulaires [9]. Le traitement orthodontique permet le repositionnement de la 31 dans son couloir osseux, la correction des migrations et la fermeture des diastèmes. La thérapeutique parodontale de soutien est réalisée régulièrement toutes les 6 à 8 semaines [10].

Après la dépose des attaches orthodontiques, le recouvrement radiculaire obtenu est presque complet avec la persistance d’une fissure gingivale [11]. Le positionnement de la racine de cette dent ainsi que la présence de cette fissure peuvent indiquer un risque de récidive de la récession. De plus, nous avons un manque de recul clinique sur le long terme sur cette situation. Cependant, 1 an après la seconde intervention, les résultats restent identiques (figures 9 et 10) :

- absence d’hypersensibilité ;

- phénotype parodontal modifié et épaissi ;

- recouvrement radiculaire quasi-complet.

Les suivis parodontal et orthodontique doivent être maintenus.

Discussion

Les critères cliniques ont une influence sur le choix de la technique chirurgicale de renforcement et de recouvrement. La surface radiculaire exposée, le biotype parodontal et la hauteur de tissu kératinisé ainsi que le positionnement des racines sont autant de facteurs déterminants dans la réussite du traitement chirurgical.

Ce cas clinique permet d’illustrer la complexité de la gestion des récessions parodontales unitaires larges et profondes dans un contexte de déhiscence osseuse.

Lors de la première intervention chirurgicale, une GGL a été réalisée. Cette technique, développée et décrite en 1963 par Björn et en 1966 par Nabers, est une des techniques de chirurgie plastique parodontale les plus anciennes [5]. Elle reste néanmoins toujours d’actualité, notamment pour le traitement des récessions gingivales en secteur incisif mandibulaire [12].

Dans cette situation clinique, l’absence de tissu kératinisé en hauteur et épaisseur suffisantes en apical du défaut muco-gingival de la dent 31, le manque de profondeur de vestibule et la présence d’un frein labial inférieur traumatique orientaient vers le choix de la GGL.

Néanmoins, cette technique ne permet pas toujours d’obtenir un recouvrement complet, d’autant plus lorsque la récession initiale est profonde [13]. Dans ce cas, seul un recouvrement de 10 % a pu être observé.

Les différentes incisions (intra-sulculaires, horizontales et verticales) permettant d’obtenir un lit vasculaire receveur satisfaisant doivent s’étendre au moins de 3 mm de part et d’autre du site à traiter dans le sens mésio-distal et de 5 mm au-delà de la récession dans le sens apico-coronaire. Ces tracés d’incisions sont illustrés dans la figure 4. Cependant, lors de l’intervention, la préparation dans le sens mésio-distal du site receveur a été insuffisante tout comme la préparation du prélèvement palatin dans le sens apico-coronaire. En eff et, le greffon épithélio-conjonctif aurait dû s’étendre au minimum 3 mm au-delà du point radiculaire le plus apical de la récession afin d’obtenir un lit vasculaire suffisant, de permettre une bonne vascularisation et ainsi d’éviter la nécrose du greffon.

De plus, la technique princeps recommande que l’épaisseur du prélèvement palatin soit comprise entre 1,5 et 2 mm pour la partie recouvrant la surface radiculaire et entre 0,75 à 1 mm pour la partie reposant sur le périoste. Pourtant, lors de l’intervention, l’épaisseur obtenue était supérieure à 2 mm, réduisant la qualité du tissu conjonctif prélevé et la vascularisation du greffon [14].

Lors de la réalisation d’une GGL, les sutures permettent la fixation et le plaquage du greffon sur le site receveur. Le greffon doit être stable afin de permettre au caillot sanguin d’être le plus fin et adhérent possible et ainsi assurer une bonne cicatrisation des tissus mous. En raison d’un nombre insuffisant de points de fixation (points simples dans les zones mésiale et distale) et de points de plaquage (points suspendus périostés), la stabilisation du greffon a été incomplète et a conduit à sa nécrose partielle. Des points de fixation papillaires supplémentaires auraient permis une meilleure stabilité du caillot et une bonne vascularisation du greffon.

Six mois après l’intervention, la cicatrisation et la présence de 1 mm de tissu kératinisé en apical de la récession ont permis d’envisager la technique par tunnel fermé latéralement.

En effet, cette technique est adaptée dans les cas de récessions unitaires profondes associées à un vestibule peu profond en secteur incisif mandibulaire et permet, en plus d’un approfondissement vestibulaire, un recouvrement radiculaire satisfaisant ainsi que l’obtention d’un phénotype gingival épaissi favorisant la bonne stabilité de la gencive marginale. Les brides cicatricielles apparues suite à la première intervention ont rendu le geste plus difficile mais cela a tout de même permis d’améliorer le recouvrement radiculaire.

Dans cette situation clinique, le recouvrement incomplet du défaut résulte de la position vestibulée de la dent 31, de la désolidarisation de certains points de suture ainsi que de l’égression de la dent après fracture de la contention orthodontique.

De plus, le « syndrome du fil » caractérise des mouvements dentaires inattendus pouvant se produire en présence d’un fil de contention orthodontique intact. Ce phénomène est responsable de nombreuses complications dentaires et parodontales, à la fois fonctionnelles et esthétiques.

La fracture de la contention associée à ces déplacements dentaires involontaires a permis de supposer le caractère actif du fil métallique à l’origine de l’aggravation initiale de la récession sur la dent 31.

La correction orthodontique a permis d’améliorer le recouvrement radiculaire. Par ailleurs, l’étude de Laursen et al. [11] a montré que le repositionnement de la racine dans son couloir osseux permet de réduire la surface de la récession de plus de 60 % et ainsi d’améliorer le pronostic de recouvrement complet après chirurgie plastique parodontale [11].

Dans cette situation, le traitement orthodontique a permis d’obtenir un recouvrement radiculaire quasi complet. Il est à noter qu’une fissure gingivale persiste en vestibulaire et résulte de la désolidarisation de certains points lors de la phase de cicatrisation.

Enfin, lors de la première intervention, la technique de la greffe gingivale libre modifiée, décrite par Carcuac et Derks [15], aurait pu être réalisée. Cette technique permet d’obtenir un meilleur apport vasculaire du site receveur par le lambeau pédiculé conjonctif sous-jacent au greffon épithélio-conjonctif et pourrait permettre d’obtenir un meilleur taux de recouvrement des incisives mandibulaires.

CAS No 2

Présentation clinique

Une patiente âgée de 42 ans est adressée par son dentiste traitant pour bilan parodontal et envisager les possibilités de recouvrement des récessions. La patiente est en bonne santé générale, non fumeuse, ne prend aucun traitement particulier et ne signale aucune allergie notable.

Cliniquement, la patiente présente un bon contrôle de plaque (indice O’Leary < 20 %), un parodonte sain (BoP < 10 %) et réduit. En effet, on note la présence de pertes d’attaches ou récessions gingivales au niveau du secteur 2 de type RT1 sur les dents 23 et 24, respectivement de 4 mm et 3 mm de hauteur [2]. Ces récessions ont par ailleurs été partiellement recouvertes par la mise en place de restaurations par composites radiculaires par son chirurgien-dentiste (figure 11). Une inflammation gingivale localisée en regard de la 23 et des composites iatrogènes sont à remarquer. L’examen occlusal a mis en évidence une protection de groupe en latéralité et aucune interférence occlusale n’a été relevée. La patiente signale par ailleurs des hypersensibilités provoquées par le froid et le brossage sur ce secteur.

La hauteur de tissu kératinisé en regard de ces deux récessions est supérieure à 3 mm. Préalablement au traitement chirurgical de ces récessions, un perfectionnement de l’hygiène buccodentaire ainsi qu’une séance de débridement supra-gingival ont été réalisés. Après vérification de la résolution de l’inflammation sur le site, la chirurgie a pu être planifiée (figure 12). Ici, compte tenu de l’épaisseur et de la largeur des papilles, la technique retenue a été celle du lambeau déplacé coronairement décrite par Zucchelli et De Sanctis.

Ce lambeau positionné coronairement à rotation papillaire [16, 17] a été envisagé pour le traitement de récessions multiples adjacentes, en présence d’une hauteur de tissu kératinisé satisfaisante (≥ 1 mm), apicalement aux récessions présentes.

L’objectif de cette intervention chirurgicale est le recouvrement radiculaire de ces récessions afin de diminuer, voire de supprimer les hypersensibilités associées. En raison de l’absence de perte d’attache interproximale [2], un recouvrement total est envisageable après gestion des lésions cervicales non carieuses et reprise des composites.

Protocole chirurgical

Après anesthésie locale du site opératoire (articaïne adrénalinée 1/100 000) et du site de prélèvement palatin, un débridement radiculaire du site à l’aide d’ultra-sons est réalisé. Les incisions et la dissection du lambeau sont réalisées selon le protocole décrit par Zucchelli (figures 13 et 14). Le centre de rotation est la dent 23 (récession la plus grande). La hauteur de cette récession (4 mm) est reportée de part et d’autre de cette 23, au niveau de la pointe papillaire (en bleu). Puis, des incisions obliques partent de ces points jusqu’au sommet de la récession de la dent adjacente (24) et jusqu’au collet de la dent 22. Ensuite, la hauteur de la récession de la dent 24 est reportée (en jaune) en distal par rapport à la récession de la dent 23 (centre de rotation). Ainsi, les différentes incisions intra-sulculaires sont réalisées pour relier les incisions papillaires.

Les futures papilles (papilles chirurgicales) sont disséquées en épaisseur partielle. Un lambeau est décollé en épaisseur totale jusqu’à la ligne muco-gingivale. Enfin, une dissection en épaisseur partielle sous-muqueuse, très superficielle, permet de libérer le lambeau des différentes tensions. Les papilles anatomiques sont désépithélialisées.

Ensuite, les résines composites ont été déposées, renouvelées et minutieusement polies.

Le greffon conjonctif est prélevé au palais avec la technique de l’incision unique, et le palais est suturé au fil 5/0 résorbable (Vicryl Rapide, Ethicon) [8].

Viennent alors la mise en place et la suture du greffon conjonctif sur le site, avec des points simples en fil résorbable 6/0, puis la traction et la mise en place du lambeau coronairement par des points suspendus autour de chaque dent. Les sutures sont réalisées au fil 6/0 non résorbable (Medilène DSM 13, Stoma) (figure 15).

Résultats cliniques

La patiente est revue en contrôle au 14e jour post-opératoire, pour la dépose des fils de suture. On constate une nécrose quasi totale du greffon sur la récession en regard de 23 (figure 16). La patiente n’a eu ni douleur ni inconfort sur le secteur 2 ou le palais en postopératoire.

Lors du contrôle à 1 mois post-opératoire, une récession de même hauteur mais de largeur légèrement plus faible est mise en évidence sur la 23.

Il n’y a pas eu de recouvrement et l’hypersensibilité n’a, de ce fait, pas été améliorée (figure 17). La réintervention a été planifiée 4 mois plus tard (figure 18).

Reprise du traitement chirurgical

Afin de ne pas avoir à inciser les papilles une seconde fois, une intervention par tunnel a été choisie [19]. Cette technique trouve son indication dans le cas de récessions en secteur esthétique : elle permet leur recouvrement ainsi que l’augmentation de l’épaisseur gingivale sans incision des papilles.

Elle implique un décollement en épaisseur totale jusqu’à la ligne muco-gingivale, puis une dissection partielle dans les plans profonds et, enfin, un décollement en épaisseur totale de la base des papilles interdentaires afin de permettre une translation du lambeau en position plus coronaire.

Une anesthésie du secteur (articaïne adrénalinée 1/100 000) et un débridement de la zone sont pratiqués. Une incision intrasulculaire est réalisée à l’aide d’une lame de microchirurgie (Viper SB004). La préparation verticale et latérale du lambeau est obtenue, des dents 22 à 25 à l’aide de micro-décolleurs atraumatiques pour tunnel (Stoma). Un décollement de la base papillaire des dents 22/23, 23/24, 24/25 a ensuite été réalisé.

Le prélèvement conjonctif est obtenu par une technique en incision unique. Une fois le greffon fixé, le lambeau est tracté et stabilisé par des points suspendus en fil 6/0 non résorbable (figure 19).

La patiente est revue en contrôle au 7e puis au 14e jour pour la dépose des fils sur le site opératoire. À 3 mois, le recouvrement obtenu est à 100 % avec la résolution des hyperesthésies dentinaires (figure 20). Les résultats cliniques semblent satisfaisants.

Discussion

Plusieurs éléments ont été mis en évidence, expliquant l’échec de la thérapeutique chirurgicale. Premièrement, il est nécessaire de sur-corriger le défaut gingival en per-opératoire afin d’espérer les meilleurs résultats possibles, ce qui n’a pas été suffisamment obtenu (figure 21). En effet, deux règles incontournables pour espérer obtenir un recouvrement satisfaisant sont la passivité du lambeau, c’est-à-dire l’absence de tension sur celui-ci, d’une part, et la sur-correction du défaut de 1 à 2 mm, c’est-à-dire un recouvrement « sutures en place » au-delà de la ligne maximale de recouvrement, d’autre part [17]. Ces deux éléments cliniques constituent une étape essentielle à contrôler en per-opératoire [18]. Deuxièmement, la dissection en épaisseur partielle a été réalisée trop superficiellement, ne permettant pas au lambeau de maintenir une vascularisation suffisante et ayant entraîné la nécrose.

Des déchirures du lambeau en mésial et en distal étaient également remarquées et ont probablement participé à la nécrose partielle du lambeau, bien que suturé.

CONCLUSION

Face à l’augmentation de l’exigence des patients en termes d’esthétiques et de confort, d’une part, et au développement d’instruments de microchirurgie de plus en plus précis, d’autre part, la chirurgie plastique parodontale est une discipline en pleine effervescence. Les tableaux cliniques sont aussi variés que l’arsenal thérapeutique disponible pour le chirurgien-dentiste, et il convient donc de bien maîtriser les aspects théoriques des différentes techniques disponibles.

Une fois l’indication posée, la réflexion en amont sur l’abord choisi sera déterminante, avec en ligne de mire l’optimisation en termes de gain de tissu kératinisé et de recouvrement ainsi que le confort du patient, qui doit rester central. Il arrivera tout de même d’être confronté à des échecs, plus ou moins importants et qui ne seront pas perçus de la même manière par le patient et par le praticien. Après discussion avec le patient, qui reste au centre de la réflexion, il conviendra de réagir de façon adaptée, de l’abstention thérapeutique à la réintervention, en ayant pris le temps d’analyser les raisons de l’échec.

Comme disait Henry Ford, « L’échec est simplement l’opportunité de recommencer de manière plus intelligente ».

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.

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