ÉCHEC À 1 AN ET DEMI APRÈS RECONSTRUCTION OSSEUSE.
À PROPOS D’UN CAS
Chirurgie
Pré-implantaire
Jordan QUERTAINMONT* Gilbert NAFASH** Olivier LECLERCQ***
*PH, chargé d’enseignement en Implantologie, Faculté de Chirurgie dentaire, Lille.
**Ancien interne en Médecine bucco-dentaire.
***Ancien CCU-AH. Membre ITI.
****Exercice libéral exclusif en Chirurgie orale et Implantologie à Arras.
*****Ancien interne, Hôpitaux de Lille et ancien PH, CHU de Lille.
******Ancien chargé d’enseignement en Implantologie, faculté de Chirurgie dentaire, Lille.
*******Speaker ITI, Fellow ITI, co-directeur Study Club ITI Hauts de France.
********Exercice libéral exclusif en Implantologie et Chirurgie orale à Arras.
*********Chargé d’enseignement en Implantologie, Faculté de Chirurgie dentaire, Lille.
**********Speaker ITI, Fellow ITI, co-directeur Study Club ITI Hauts de France.
***********PA, CHU de Lille.
************Exercice libéral exclusif en Implantologie et Chirurgie orale à Arras.
Dans de nombreuses situations de réhabilitation implantaire, une reconstruction osseuse est nécessaire en amont ou en concomitance à la pose implantaire, cela en fonction du défaut osseux initial. Les échecs, bien que rares, peuvent tout de même être présents de façon précoce (dans les semaines qui suivent la reconstruction osseuse) ou de façon tardive (lors de la mise en charge prothétique ou des années après). Autour d’un cas clinique, nous allons discuter des...
Les reconstructions osseuses horizontales chez les patients partiellement édentés constituent un défi majeur de par les limitations anatomiques dans le secteur antérieur et les difficultés techniques. Elles sont fréquemment rencontrées dans le secteur antérieur à cause de la résorption importante de la corticale osseuse vestibulaire qui peut être observée durant les mois postextractionnels. Différentes approches thérapeutiques ont été décrites mais la reconstruction osseuse horizontale présente moins de risques d’échecs implantaires et de complications par rapport aux reconstructions osseuses verticales. Parmi elles, la régénération osseuse guidée est une technique de reconstruction osseuse horizontale de choix et prédictible. L’échec de la reconstruction osseuse n’en reste pas moins présent de façon précoce ou tardive et nous verrons, à travers un cas clinique, un cas d’échec de reconstruction osseuse suite à la réalisation de cette technique.
Dans de nombreuses situations de réhabilitation implantaire, une reconstruction osseuse est nécessaire en amont ou en concomitance à la pose implantaire, cela en fonction du défaut osseux initial. Les échecs, bien que rares, peuvent tout de même être présents de façon précoce (dans les semaines qui suivent la reconstruction osseuse) ou de façon tardive (lors de la mise en charge prothétique ou des années après). Autour d’un cas clinique, nous allons discuter des différentes complications qui peuvent être observées.
Une patiente de 58 ans n’ayant ni antécédent médico-chirurgical ni intoxication alcoolotabagique ou allergie s’est présentée au sein du service d’odontologie du CHU de Lille pour des épisodes de péri-implantite sur 12 et 22. Ces épisodes se manifestaient par un saignement spontané et un exsudat purulent, une alvéolyse verticale angulaire mais sans mobilité des implants (figure 1). Le préalable indispensable a été de revoir avec la patiente la motivation à l’hygiène bucco-dentaire par la reprise de l’enseignement de la méthode de brossage et du passage des brossettes interdentaires. En effet, les facteurs de risque majeurs de péri-implantite sont un antécédent de parodontite sévère (écarté ici), un mauvais contrôle de plaque, une absence de suivi péri-implantaire et une mise en place des implants dans des conditions à risque (écartée également).
Plusieurs solutions thérapeutiques ont alors été proposées mais le choix s’est porté sur la dépose des implants avec gestion de l’édentement provisoire par la pose d’une prothèse amovible transitoire. Un CBCT a été réalisé 3 à 4 mois après la dépose des implants et a mis en évidence un défaut osseux horizontal sur chaque site implantaire mais plus marqué sur le site implantaire 12. La planification implantaire s’est alors portée sur des implants Nobel Active (Nobel Biocare) de diamètre 3,5 mm et de longueur 11,5 mm. Le défaut osseux a été géré par la réalisation d’une reconstruction osseuse en onlay sur 12 et, pour la 22, par un mélange os autogène/biomatériau d’origine xénogénique et pose de membrane résorbable. Le CBCT montrait une possibilité de prélèvement de l’os autogène en zone rétro-molaire (figure 2). Une ordonnance pré-opératoire a été fournie à la patiente comprenant de l’amoxicilline (en comprimés, 1 g matin et 1 g soir à débuter la veille de l’intervention), de la prednisolone (en comprimés, 60 mg le matin de l’intervention) ainsi que des antalgiques palier I (paracétamol 1 g), du bain de bouche (chlorhexidine 0,2 %), des poches de glaces et une brosse à dents 7/100.
L’intervention a débuté par une anesthésie para-apicale canine haute en 13 et 23 ainsi qu’au niveau de l’épine nasale antérieure avec un complément en palatin au niveau de la papille rétro-incisive et sur la muqueuse palatine en regard de 14 et 24. Cinq cartouches de type articaïne 1/100 000 et 1/200 000 adrénalinée ont été utilisées. Une incision a été réalisée en intra-sulculaire, en crestal et avec une décharge en distal de l’éminence radiculaire de la dent 23 et de la dent 13. L’incision s’est faite d’abord en épaisseur totale puis en épaisseur partielle au-delà de la ligne muco-gingivale. Un lambeau de pleine épaisseur a ensuite été levé (figure 3). La préparation des sites implantaires s’est faite par le passage successif de forêts Nobel Active jusqu’au diamètre implantaire voulu. Les implants ont ensuite été posés à un torque de 42 N.cm-1 à une vitesse de 50 t.min-1. Le col implantaire a été positionné à 3 mm en apical du collet des dents adjacentes. Comme l’avait montré la planification implantaire, le défaut osseux sur le site implantaire 12 était plus important que celui sur le site implantaire 22 et il a été constaté une fenestration au niveau de la partie apicale de l’implant 12. Une visibilité de l’implant 22 par transparence a montré la finesse de la corticale vestibulaire à ce niveau (figure 4).
Pour le prélèvement ramique, une anesthésie tronculaire avec une cartouche 1/200 000 adrénalinée a été effectuée avec un rappel vestibulaire et un complément en lingual. Une incision de pleine épaisseur de 46 a été réalisée en mésial jusqu’à la face distale de 48 suivie d’une incision oblique vers la ligne oblique externe. Le décollement était de pleine épaisseur après avoir décollé les papilles. À l’aide d’un piezotome, une trame de corticale osseuse de 15 mm sur 10 mm a été prélevée (figure 5). Le bloc de corticale a alors été « scrapé » à l’aide d’un Bone Scraper (figure 6). L’os autogène obtenu a alors été mélangé au sang de la patiente prélevé sur site et à du biomatériau d’origine xénogénique de type Bio-Oss (Geistich) 0,5 g dans un rapport de 1:1 (figure 7). Le bloc de corticale affinée a été adapté au site receveur de l’implant 12, arrondi et transfixé à l’aide d’une vis d’ostéosynthèse pour le maintenir en place (figure 8).
Au-dessus et en-dessous de cet onlay osseux a été appliqué le mélange autogène-xénogène (figure 9). Une membrane a ensuite été « pinsée » en apical de l’implant puis en palatin de manière étanche afin de minimiser les fuites de biomatériau (figure 10). Excepté l’onlay de corticale osseuse, une même régénération osseuse guidée a été réalisée sur l’implant 22 (figures 11 et 12). Une libération du lambeau a enfin été réalisée à l’aide d’une incision périostée et de ciseaux de Metzenbaum afin de réaliser des sutures les plus étanches et hermétiques possibles. Les sutures ont été réalisées avec du fil non résorbable 5.0 et du fil à résorbabilité rapide 5.0 au niveau de la muqueuse alvéolaire (figure 13).
En contrôle post-opératoire direct, une radiographie panoramique a été réalisée (figure 14). Une dépose des fils a été faite 14 jours après l’intervention et les sites ont montré une cicatrisation en cours sans signe d’inflammation ou d’infection (figure 15).
À 4 mois, le CBCT de contrôle des reconstructions osseuses a montré des poses implantaires similaires aux planifications réalisées en pré-opératoire ainsi qu’une reconstruction osseuse visible en vestibulaire (figure 16). Suite à cette vérification, la réalisation de 2 couronnes unitaires sur 12 et 22 a été possible. Une empreinte physique à l’aide d’un polyéther monophase a été réalisée (figure 17). Un essayage des couronnes a été effectué 2 semaines plus tard, avec conservation des diastèmes selon le souhait de la patiente ; la livraison des couronnes s’est faite la semaine suivante (figure 18). Durant la phase de livraison, une nouvelle explication sur la nécessité d’une hygiène orale rigoureuse a été donnée et de nouvelles brossettes interdentaires adaptées à l’espace interdentaire ont été prescrites.
Un contrôle à 1 mois a été programmé et n’a montré aucun signe d’inflammation et un bon contrôle de plaque. Le contrôle à 6 mois nous a donné les mêmes constatations.
La patiente a ensuite été revue 1 an après : elle présentait un saignement spontané au niveau de l’implant 12 avec une inflammation gingivale perceptible cliniquement et une profondeur de sondage de 12 mm (figure 19). L’implant 22 ne présentait aucun signe d’inflammation ou de profondeur de sondage accrue. Une alvéolyse verticale était visible à la radiographie rétro-alvéolaire. Au CBCT, la partie vestibulaire de l’implant 12 s’est retrouvée sans corticale osseuse vestibulaire sur environ un tiers ou la moitié de l’implant. Une résorption de la corticale vestibulaire s’était réalisée durant l’année qui avait suivi la mise en charge implantaire (figure 20). Une prise en charge de la maladie péri-implantaire a été effectuée par aéro-polissage et débridement ultra-sonore avec inserts adaptés, supra et infra-gingival. Les séances successives ont permis de réduire les risques d’inflammation mais avec une persistance de la profondeur de sondage accrue. Actuellement, les maintenances implantaires sont rapprochées tous les 3 mois afin de minimiser au maximum les signes d’inflammation et nous n’observons pour le moment aucune exposition de spires implantaires. L’esthétique convient toujours à la patiente.
La pose implantaire impose des conditions cliniques afin d’assurer la pérennité de l’implant au sein de son environnement. Ces conditions de placement imposent que l’implant soit situé idéalement à 3 mm de la jonction amélocémentaire des dents adjacentes, à 1,5 mm des dents adjacentes et à 3 mm d’un implant adjacent ; enfin, un minimum de 2 mm d’os cortical vestibulaire garantit la pérennité du volume osseux.
Cependant, le remodelage osseux se fait de manière importante durant les premiers mois post-extractionnels : 2,54 mm en moyenne en horizontal, 1,65 mm en vertical et 0,87 mm en palatin. Des études sur la résorption dans le sens vertical montrent que cette résorption peut aller de 1 mm pour les patients ayant une épaisseur de corticale vestibulaire de plus de 1 mm à 7 mm pour ceux ayant une épaisseur de corticale vestibulaire inférieure à 1 mm [1, 2]. Face à cela, il est alors nécessaire de réaliser une reconstruction osseuse dont la régénération osseuse guidée fait partie. Les régénération osseuses guidées font l’objet de nombreuses publications et de ces publications découle le fait que plusieurs techniques semblent possibles pour les réaliser. Parmi elles, on peut citer par exemple l’apposition d’un mélange os autogène prélevé/biomatériau osseux d’origine xénogénique, recouvert par une membrane résorbable ou non, ou encore la pose d’un bloc osseux autogène en onlay associée ou non à une pose de biomatériau osseux d’origine xénogénique recouverte d’une membrane résorbable ou non [3, 4].
En effet, les études montrent un gain osseux allant de 1,85 mm à 5,56-5,68 mm de gain osseux horizontal pour la technique utilisant une régénération osseuse guidée par mélange os autogène/biomatériau osseux d’origine xénogénique recouvert par une membrane résorbable [5-7]. Un gain osseux de 3,93-4,6 mm à 5,02 mm peut être observé pour une greffe en onlay utilisant des blocs osseux autogènes avec ou sans particules osseuses d’origine xénogénique [8, 9]. Les résultats montrent donc des gains osseux satisfaisants d’autant plus si ces techniques sont utilisées dans le traitement de l’apparition d’une déhiscence lors d’une pose implantaire.
Cependant, des études de Chiapasco révèlent que la résorption osseuse est plus importante durant la première année après la réalisation de la reconstruction et également durant l’année après mise en charge de l’implant. Cette résorption dépend également du site donneur et les données sont insuffisantes concernant le prélèvement intra-buccal. L’étude préconise une reconstruction surévaluée par rapport au défaut osseux à reconstruire [10, 11].
Bien que les techniques de régénération osseuse guidée soient aujourd’hui bien documentées et montrent des gains osseux satisfaisants, certaines complications peuvent survenir. Au stade précoce, il peut s’agir d’une exposition de la reconstruction osseuse pouvant conduire à une surinfection du site. De façon plus retardée, il peut survenir une résorption importante des blocs autogènes apposés sur le site à reconstruire d’autant plus si le bloc autogène apposé n’a pas été surévalué par rapport au défaut osseux [11].
Dans notre cas, c’est cette situation qui s’est produite. La reconstruction osseuse sur l’implant 12 a été bien entreprise et, au rendez-vous de contrôle à 4 mois, un volume osseux était encore parfaitement visible. Ce n’est que lors de l’année qui a suivi la mise en charge implantaire qu’une résorption du bloc autogène s’est produite et a causé un défaut non visible cliniquement mais suffisant pour entraîner une poche péri-implantaire et des signes de péri-implantite.
Si l’intervention chirurgicale était à réaliser de nouveau, il faudrait soit procéder à une surévaluation du bloc osseux autogène pour que le phénomène de résorption n’entraîne pas de défaut osseux, soit réaliser une régénération osseuse guidée avec un mélange particules osseuses autogène/particules osseuses d’origine xénogénique recouvert par une membrane résorbable.
De plus, il est toujours préférable, voire recommandé de procéder à une augmentation des tissus mous péri-implantaires 3 mois après la mise en place des implants. Cet apport peut se réaliser via un prélèvement de conjonctif au niveau de la région tubérositaire ou au niveau de la région palatine. Cette augmentation des tissus mous a pour but de renforcer grandement l’environnement péri-implantaire tout en améliorant l’esthétique.
Face au consensus établi en 2018, cette chirurgie d’apport aurait également permis, dans notre situation clinique, d’établir un environnement permettant une meilleure protection face à l’apparition d’une maladie périimplantaire [12].
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.