RÉGÉNÉRATION OSSEUSE GUIDÉE VERTICALE
Dossier
Spécialiste qualifiée en Chirurgie orale.Ancienne AHU en Chirurgie buccale, Université Paris Cité.Exercice libéral à Paris.
La régénération osseuse guidée verticale permet une régénération osseuse assez stable dans le temps. Cette technique permet aussi de régénérer les 8-9 mm d’épaisseur d’os requis afin de pourvoir 2 mm d’os sur toute la circonférence des implants, épaisseur nécessaire pour la stabilité à long terme du niveau osseux péri-implantaire.
Les blocs autogènes ont longtemps été considérés comme la technique de référence pour les défauts verticaux [1]. La littérature montre à présent des résultats comparables pour la régénération osseuse guidée (ROG) qui est aujourd’hui une technique au moins autant utilisée dans cette indication [2].
La ROG utilisée avec des membranes non résorbables permet de créer un espace entre le défaut osseux et le périoste et d’exclure le tissu conjonctif et les cellules épithéliales qui migrent plus rapidement. Cela donne aux cellules ostéo-progénitrices l’espace et le temps nécessaires pour coloniser et remplir cette zone d’os néoformé.
La ROG verticale n’est pas une nouvelle technique : la première étude humaine utilisant des membranes PTFE renforcées en titane pour des augmentations verticales a été publiée en 1994 par Simion et son équipe [3].
Un rapport de consensus [4] recommande aujourd’hui l’utilisation d’une combinaison particulaire 1:1 DBBM (Deproteinized Bovine Bone Mineral)/os autogène ou os autogène/ allogreffe.
L’avantage de la combinaison 1:1 DBBM/os autogène sur la stabilité de l’os régénéré dans le temps (du fait de la faible résorption du DBBM) ainsi que la bonne intégration histologique des particules de DBBM avec l’os néoformé ont été mis en évidence en 2007 et confirmés récemment. Plusieurs équipes retrouvent le même pourcentage d’os néoformé entre les ROG réalisées avec 100 % d’os autogène particulé et les greffes composites 1:1 DBBM/ autogène particulé [5]. Le mélange particulaire DBBM/os autogène permet le maintien du volume greffé dans le temps et est utilisé par de nombreux auteurs [6-9].
Le patient doit être sélectionné pour son implication dans le traitement et sa compliance. Les patients allergiques à la pénicilline sont à considérer comme des patients à risque [10] de même que les patients ayant un risque infectieux augmenté : traitement immunosuppresseurs, prise de corticoïdes au long cours, diabète non équilibré ou difficilement équilibré, etc. [11].
Préalablement à l’intervention, une préparation rigoureuse est nécessaire afin d’éliminer tout risque de contamination bactérienne : stabilisation parodontale, élimination des foyers infectieux et des lésions carieuses avec une attention particulière au niveau des dents bordant l’édentement.
Il est fortement recommandé d’utiliser ce type de technique chez des patients non fumeurs car le risque d’exposition de la membrane chez les fumeurs est plus élevé, bien que cela ne soit pas retrouvé dans toutes les études [8]. En outre, le tabac est associé à une réduction du flux sanguin, à une baisse de l’immunité et à une augmentation du taux d’échec [11, 12]. Enfin le tabac a un effet néfaste sur le niveau osseux péri-implantaire à long terme [13].
Une hygiène impeccable est indispensable et un suivi régulier sera nécessaire pendant toute la durée du traitement.
Le défaut est soit horizontal, soit vertical, soit horizontal et vertical (figures 1 et 2) et éventuellement associé à la nécessité d’un comblement sinusien. Dans le cas où un comblement sinusien est également nécessaire, celui-ci est réalisé en premier. La fenêtre d’accès est dessinée avec un insert piézoélectrique (figure 3) et la membrane sinusienne est soulevée (figure 4). Le comblement est ensuite réalisé et le volet repositionné.
Puis le prélèvement au niveau du site donneur est effectué. Le site donneur est généralement le site rétro-molaire mandibulaire lorsque le défaut est supérieur à 2 dents. Des trépans et un moulin à os sont utilisés pour réduire l’os prélevé à l’état particulaire (figure 5). Il existe des trépans à butée de différentes longueurs et différents diamètres pour s’adapter au mieux à l’anatomie du site.
La membrane est ensuite prédécoupée et fixée en palatin avec des pins ou des micro-vis. Une membrane PTFE armée titane perforée (RPM, épaisseur de 200 microns) est choisie afin de favoriser la maturation et la revascularisation de la greffe [9].
L’os autogène particulaire est mélangé au biomatériau et placé au niveau du site receveur (figure 6). La membrane est rabattue en vestibulaire et fixée avec des pins ou des micro-vis tout en maintenant le mélange bien compacté dessous (figure 7). Une membrane collagénique à résorption rapide peut ensuite être positionnée par-dessus, particulièrement si l’adaptation de la membrane PTFE au site est incomplète.
Les lambeaux sont ensuite déchargés. Au maxillaire, seul le lambeau vestibulaire est déchargé selon la technique périostéo-élastique [14] : le périoste est incisé délicatement puis les fibres élastiques sous-jacentes sont écartées avec un instrument arrondi de type Mini Me (micro décolleur angulé développé par le Dr Istvan Urban) ou décolleur.
Les sutures sont réalisées en deux plans : des matelassiers horizontaux avec du fil PTFE 3.0 ou 4.0 positionnés à 5 mm du trait d’incision et tous les 5 mm. Puis des points en « 0 » avec du mono-filament 6.0 pour fermer complètement les berges. Les sutures sont retirées après 2 à 3 semaines.
La cicatrisation est contrôlée à 6 semaines (étape à partir de laquelle le risque de complications post-opératoires est écarté) puis toutes les 6 à 8 semaines.
Un cone beam est réalisé 9 mois plus tard et l’intégralité de la régénération du défaut vertical de 6 mm est constaté avec la superposition du cone beam initial et de celui après cicatrisation (figures 8 et 9).
Lors de la réouverture et avant le décollement du lambeau palatin, l’épaisseur gingivale est mesurée afin de savoir si une augmentation des tissus mous sera nécessaire (figure 10). Si l’épaisseur des tissus mous est inférieure à l’espace biologique (3,5 mm), une augmentation tissulaire sera nécessaire. Les lambeaux sont ensuite complètement levés : l’adaptation parfaite de la membrane au tissus osseux est constatée, sans invagination de pseudo-périoste (figure 11). Juste après dépose de la membrane, la crête présente de petits cercles osseux : l’os s’est régénéré au contact des perforations de la RPM (figure 12). Les résidus de tissu mou présents par endroits sont retirés et la crête osseuse horizontale totalement reconstituée est mise en évidence (figure 13). Les implants sont mis en place légèrement en sous-crestal (figure 14). On préfère les connexions coniques de moins de 12 degrés permettant la mise en place d’un pilier-base qui ne sera ensuite plus dévissé (figure 15). Ceci permet d’étanchéifier au mieux la connectique en regard du niveau osseux donc de préserver le mieux possible l’os régénéré. Des coiffes de cicatrisation sont vissées sur les piliers (figure 16).
Une mini-sausage [9, 15] est réalisée avec un mélange particulaire DBBM/ autogène (70/30) (figure 17) et une membrane collagénique est tendue par-dessus (figure 18). Les lambeaux sont déchargés et les sutures réalisées en deux plans (figure 19) comme décrit précédemment. Les sutures sont retirées après 15 jours ou 3 semaines (figure 20). À 4 mois de cicatrisation (figure 21), il y a, dans la grande majorité des cas, nécessité d’avoir recours à une greffe gingivale afin de relocaliser la ligne muco gingivale, de réapprofondir le vestibule et d’augmenter la gencive ou le tissu kératinisé. La technique la plus efficace permettant d’atteindre ces 3 objectifs en une seule chirurgie est la strip technique [15]. Un lambeau d’épaisseur partiel est suturé apicalement puis une bandelette fine de tissu kératinisé prélevée en général au palais est suturée dessous. L’espace sous-jacent est recouvert avec une matrice collagénique pour réduire les suites opératoires, améliorer la cicatrisation et si possible augmenter l’épaisseur de tissus mous (figures 22 et 23). Les sutures sont retirées après 15 jours de cicatrisation sauf si des sutures résorbables ont été utilisées (figure 24). Après 3 mois de cicatrisation (figure 25), l’épaisseur de tissus mous est contrôlée (figure 26) et les implants sont mis en fonction (figure 27). La prothèse d’usage est réalisée sur les piliers-bases qui n’ont jamais été dévissés (figures 28 et 29). Le défaut principal de cette technique est sa durée : ce traitement a une durée minimum de 18 mois et requiert 3 chirurgies, ce qui doit être annoncé au patient dès le départ.
En revanche, cette technique présente très peu de résorption et permet de régénérer les 8-9 mm d’épaisseur d’os requis afin de pourvoir 2 mm d’os sur toute la circonférence des implants, épaisseur nécessaire pour la stabilité à long terme du niveau osseux péri-implantaire.
Les principales complications sont les infections et les expositions. Le taux de complications varie selon les études de 7 [2] à 45 % [16].
Pistilli rapporte par exemple un taux d’exposition de 7 % [8]. L’expérience de l’opérateur avec la technique joue bien sûr dans l’incidence des complications. Lorsque la technique chirurgicale est maîtrisée et si les patients sont correctement sélectionnés, les expositions sont rares. La plupart des complications sont donc constituées par les infections post-opératoires.
Dans la grande majorité des cas, un traitement antibiotique seul ne suffira pas à empêcher l’extension de l’infection à l’intégralité de la greffe. C’est pourquoi une intervention chirurgicale est fortement recommandée pour le traitement des infections post-opératoires [11].
On distingue les infections post-opératoires aiguës et les infections de bas grade :
- les infections aiguës se caractérisent par la douleur et/ou une suppuration, un œdème facial. Dans le cas d’une infection aiguë, la greffe doit être déposée immédiatement. On perd souvent la majeure partie de la greffe ;
- les infections de bas grade sont souvent quasiment asymptomatiques, peuvent être associées à un vestibule légèrement infiltré, une fistule, un léger signe du popcorn (évacuation de grains de biomatériaux à travers la fistule ou le trait d’incision).
La conduite à tenir est la surveillance avec maintien d’une hygiène maximale, nettoyage des dents bordant l’édentement, traitement antibiotique systémique jusqu’à 6 semaines post-opératoires [11]. On considère que, après 6 semaines, le caillot est suffisamment mature et organisé pour résister mécaniquement et biologiquement à l’absence de membrane et devenir néanmoins du tissu osseux. Les infections sont traitées par la dépose de la membrane, le curetage de la zone infectée, l’application locale de doxycycline [17, 18] et une antibiothérapie systémique. Nous recommandons également de demander un antibiogramme le jour de la dépose de façon à confirmer la sensibilité bactérienne à l’antibiothérapie probabiliste donnée. Dans cette optique l’antibiothérapie générale n’est débutée (ou reprise) qu’après le geste chirurgical.
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.