Clinic n° 12 du 01/12/2023

 

Dossier

Fabien SCHEID  

Membre ITI.Exercice libéral exclusif en Chirurgie orale et en Implantologie à Mulhouse.

Lors d’une augmentation osseuse simultanée à la pose de l’implant, plusieurs techniques sont décrites. L’utilisation de greffons osseux autogènes présente un avantage de par leur pouvoir ostéo-inducteur et ostéo-conducteur. L’absence de rejet liée au fait que l’os appartient au patient réduit le risque d’échec. L’avantage des techniques utilisant de l’os autogène est leur moindre coût pour le patient. En revanche, la quantité d’os est limitée et son prélèvement nécessite parfois un second site chirurgical qui entraîne des suites post-opératoires plus compliquées. Au contraire, les greffes osseuses xénogènes se caractérisent par une quantité illimitée de biomatériau et l’absence d’un second site chirurgical mais l’utilisation de ces biomatériaux entraîne un surcoût. Les deux techniques, autogène et xénogène, sont présentées avec leurs indications à travers des cas cliniques.

Le manque de volume osseux est l’un des défis qui se présente au praticien pour la réalisation d’une restauration implantaire. En effet, lorsque le volume osseux ne permet pas de positionner l’implant dans l’axe prothétique, des techniques d’augmentations osseuses sont nécessaires et peuvent être réalisées soit en même temps que la pose de l’implant, soit quelques mois avant la pose de l’implant.

Le choix de la technique de reconstruction osseuse va être guidé par le défaut osseux. Dans le cas de défaut osseux de petite étendue, les conditions sont idéales à la réalisation simultanée de la pose de l’implant et du renforcement osseux.

CAS CLINIQUES

Cas clinique n° 1

La patiente est adressée pour une restauration implantaire de la dent 45 (figure 1).

Le volume osseux vestibulaire étant insuffisant à la pose de l’implant sans renforcement osseux, nous avons décidé d’utiliser la technique de la carotte osseuse.

Cette technique constitue à récupérer une carotte osseuse à l’aide d’un foret trépan au niveau du site implantaire [1]. Cette carotte est ensuite stabilisée en vestibulaire de l’implant à l’aide de vis d’ostéosynthèse. Cette augmentation du volume osseux utilise uniquement l’os du patient et ne nécessite pas de second site chirurgical.

Protocole opératoire

Une anesthésie locale avec de l’articaïne 1/100 000 est effectuée.

Une incision est réalisée au milieu de la crête alvéolaire et un lambeau muco-périosté de pleine épaisseur est levé.

Le premier forage est réalisé avec un foret trépan (Meisinger) au niveau du site implantaire (figure 2).

Une double irrigation (interne et externe) est utilisée pour ne pas risquer d’échauffer l’os alvéolaire.

Deux situations peuvent survenir :

- la carotte reste coincée au niveau du site de forage (figure 3). Dans ce cas, on utilise un élévateur à carotte pour prélever la carotte en limitant le risque de la fracturer ;

- la carotte reste coincée dans le foret trépan. Dans ce cas, on utilise une aiguille que l’on peut insérer dans le foret et qui nous permet d’extraire la carotte du trépan.

La carotte osseuse est ensuite stockée dans une cupule avec du sérum physiologique.

Le protocole de forage implantaire classique est réalisé sans irrigation afin de récupérer un maximum d’os particulaire autogène sur les forets implantaires. Le forage implantaire est réalisé à vitesse faible pour ne pas risquer d’échauffer l’os.

Une fois la séquence de forage terminée, le foret terminal est repassé avec l’irrigation.

L’implant BLT Roxolid SLActive (Straumann) 4,1 × 10 mm est vissé dans le lit implantaire (figure 4).

Une fois l’implant correctement positionné, la carotte va être stabilisée en vestibulaire au niveau du défaut à l’aide de vis d’ostéosynthèse (Meisinger).

Les vis sont insérées parallèlement à l’implant afin de stabiliser la carotte contre l’implant (figure 5).

L’os autogène récupéré lors du forage implantaire est ensuite disposé autour de l’implant et de la carotte pour combler les espaces (figure 6).

Afin d’obtenir une fermeture du lambeau sans tension, il est nécessaire d’effectuer une incision périostée. Des points matelassiers horizontaux et des points simples sont réalisés en alternance afin d’obtenir une fermeture étanche et sans tension du lambeau.

Lors de l’activation de l’implant, 3 mois après sa pose, les vis d’ostéosynthèse sont retirées. On observe la bonne cicatrisation de l’os greffé en vestibulaire et sa revascularisation (figure 7).

Cas clinique n° 2

La patiente est adressée pour restauration implantaire de la dent 11.

Le volume osseux étant insuffisant à la pose de l’implant sans renforcement osseux simultané, nous allons réaliser une ROG avec l’utilisation d’une membrane résorbable et d’un biomatériau afin de pouvoir greffer en surcontour et apporter un volume stable dans le temps en vestibulaire [2].

Protocole opératoire

Une anesthésie locale avec de l’articaïne 1/100 000 est effectuée.

Une incision crestale et une incision de décharge derrière la bosse canine sont effectuées.

Un lambeau muco-périosté est levé (figure 8).

Le protocole implantaire classique est réalisé à nouveau à basse vitesse et sans irrigation afin de récupérer de l’os autogène particulaire. Le forage terminal est réalisé avec irrigation afin d’éviter le risque d’échauffement de l’os.

L’implant BLT Roxolid SLActive (Straumann) 3,3 × 10 mm est mis en place au niveau du lit implantaire (figure 9). Une membrane résorbable Bio-Gide (Geistlich) est ensuite fixée en vestibulaire à l’aide de deux pin’s. L’os autogène est alors disposé contre les spires exposées de l’implant (figure 10) puis le biomatériau xénogène (Bio-Oss S, Geistlich) est appliqué afin de créer un volume en sur-contour (figure 11).

Puis la membrane est rabattue et suturée en palatin (figure 12).

Comme pour toutes les techniques d’augmentation osseuse, la fermeture du lambeau doit être étanche et sans tension. Pour cela, une incision périostée est réalisée. Des points matelassiers horizontaux et des points simples sont réalisés en alternance pour assurer l’étanchéité du lambeau.

Pour augmenter encore ce volume en vestibulaire, une greffe de conjonctif enfoui d’origine tubérositaire est réalisée lors de la mise en condition de l’implant 4 mois plus tard (figure 13).

Cas clinique n° 3

La patiente est adressée pour la pose d’implants secteur 2.

Le volume osseux permettant la pose d’implants si un renforcement osseux est associé, nous n’avons pas besoin de sur-contour pour des raisons esthétiques et nous allons privilégier une greffe osseuse autogène. L’os autogène reste le gold standard pour les greffes osseuses. Dans ce cas, l’utilisation de la technique de carotte osseuse n’est pas suffisante et nous allons devoir réaliser un prélèvement d’os autogène au niveau de la ligne oblique externe.

Nous utilisons la technique de reconstruction décrite par le Pr Khoury qui consiste à fixer une lamelle d’os autogène à distance de la crête osseuse résiduelle. L’espace entre la lamelle d’os et la crête résiduelle est comblé avec de l’os autogène particulaire.

Protocole opératoire

Une anesthésie locale avec de l’articaïne 1/100 000 est effectuée.

La forme de l’incision muco-périostée est trapézoïdale ; elle est réalisée au niveau de la zone rétro-molaire.

Un lambeau de pleine épaisseur de 3 à 4 cm de longueur et de 2 cm de hauteur est ensuite décollé, permettant d’exposer la ligne oblique externe.

Les ostéotomies verticales sont réalisées dans le volume de la ligne oblique externe à l’aide de la MicroSaw pièce à main. L’ostéotomie horizontale réalisée avec la MicroSaw contre-angle rejoint les deux ostéotomies verticales en apical. Les ostéotomies verticales et horizontale doivent se surcroiser afin de permettre la luxation du bloc. En crestal, des perforations sont réalisées avec un foret Drill jusqu’à atteindre l’os spongieux.

Ces perforations sont reliées à l’aide du ciseau à os afin de créer une tension permettant de luxer le bloc. Le bloc osseux est divisé en deux à l’aide de la MicroSaw. Ces deux blocs sont affinés à l’aide du SafeScraper afin de récupérer de l’os autogène particulaire. Les blocs ont une épaisseur d’environ 1 mm.

Au niveau du site receveur une incision crestale est effectuée avec une incision de décharge postérieure.

Le protocole de forage implantaire est réalisé à vitesse lente et sans irrigation afin de récupérer un maximum d’os autogène sur les forets. Le foret terminal est passé avec irrigation pour ne pas risquer d’échauffer l’os.

Les implants BLT Roxolid SLActive (Straumann) 3,3 × 10 mm et 4,1 × 10 mm sont posés dans les lits implantaires préparés (figure 14).

Le bloc osseux est ensuite ajusté et fixé à distance de la crête osseuse à l’aide de vis d’ostéosynthèse Meisinger (figure 15). L’espace entre la crête résiduelle et le bloc osseux est comblé avec l’os autogène particulaire récupéré lors des forages et de la préparation des blocs osseux (figure 16).

Une incision périostée est réalisée afin de permettre la fermeture du lambeau sans tension.

Des points matelassiers horizontaux et des points simples sont réalisés en alternance (figure 17).

Une radiographie panoramique est réalisée en post-opératoire (figure 18).

DISCUSSION

Selon l’étude de Khoury et Doliveux, le gain osseux moyen observé sur 223 sites greffés avec la technique de la carotte osseuse était de 2,4 ± 0,8 mm (post-op) et de 2,1 ± 0,6 mm (à 3 mois) [1].

Les complications per-opératoires possibles avec la technique de la carotte osseuse sont une difficulté à récupérer la carotte ou une fracture de la carotte osseuse [1].

Le taux de complications de cette technique est très faible comme le révèle l’étude de Khoury et Doliveux avec seulement 1,4 % de complications mineures survenues et uniquement chez des patients fumeurs.

Dans cette même étude réalisée sur 5 ans, les taux d’ostéo-intégration et de survie sont de 100 %.

L’avantage de la technique de la carotte osseuse par rapport à la ROG est la diminution des coûts car on s’affranchit de l’utilisation d’une membrane résorbable et de biomatériaux.

Dans le cas où la carotte osseuse est inutilisable, une ROG avec membrane et biomatériau est réalisée.

Lorsqu’une ROG est associée à une implantation simultanée, la technique en 2 couches décrites par Buser et al. est indiquée [2]. La première couche placée contre les spires de l’implant est de l’os autogène. L’intérêt d’utiliser de l’os autogène est d’accélérer la cicatrisation du site implantaire à 8 semaines. La seconde couche est ensuite appliquée. Cette seconde couche est constituée d’os xénogène et permet de protéger l’os autogène et de créer un sur-contour stable dans le temps. La membrane résorbable placée au-dessus permet de stabiliser le volume osseux greffé. Cette technique offre de très bons résultats esthétiques et assure une bonne stabilité à long terme de l’os vestibulaire qui reste intact chez 95 % des patients [2].

L’avantage d’une ROG avec membrane et biomatériau par rapport à la carotte osseuse est la possibilité de greffer en sur-contour.

Contrairement aux biomatériaux, l’os autogène greffé en dehors du contour osseux se résorbe.

Hämmerle et al. affirment que le taux de survie des implants placés dans des régénérations osseuses est quasi similaire à celui des implants placés dans un os non greffé [3].

D’après la revue de la littérature de Jenssen et al., le taux de survie des implants dans une greffe osseuse latérale est de 97 à 100 % [4].

D’après l’article de Aghaloo et al., le taux de survie des implants dans les reconstructions osseuses guidées est de 95,5 % [5].

Selon Chiapasco et al., le taux de succès des greffes osseuses autogènes est compris entre 92 et 100 % [6].

L’alternative à ces techniques est d’utiliser de l’os allogénique. D’après Monje et al., le taux de survie des implants dans les greffes allogéniques est de 96,9 % [7].

CONCLUSION

Ces différentes techniques d’augmentation du volume osseux associée à la pose de l’implant donnent des résultats satisfaisants et prédictibles [8, 9]. Le choix de la technique est guidé par la nécessité de créer ou non du surcontour et par la possibilité d’utiliser la carotte osseuse.

Nous préférons une ROG avec membrane et biomatériaux dans les secteurs antérieurs esthétiques afin de créer un volume vestibulaire plus important. Dans les autres cas, nous privilégions les greffes avec de l’os autogène, que ce soit avec la technique de la carotte osseuse ou avec un prélèvement rétro-molaire.

Le praticien choisit la technique de greffe en fonction du cas clinique, de ses habitudes et de son expérience (figure 19).

Le taux de succès des implants dans les différentes greffes osseuses est élevé et ne présente pas de différence significative par rapport aux implants posés dans l’os natif.

Liens d’intérêts

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Khoury F, Doliveux R. The bone core technique for the augmentation of limited bony defects: Fiveyear prospective study with a new minimally invasive technique. Restorative Dent 2018;38 (2):199-207.
  • 2. Buser D, Chappuis V, Bornstein MM, Wittneben J-G, Frei M, Besler UC. Long-term stability of contour augmentation with early implant placement following single tooth extraction in the esthetic zone: A prospective, cross-sectional study in 41 patients with a 5-to 9-year follow-up. J Periodontol 2013;84 (11):1517-1527.
  • 3. Hämmerle CHF, Jung RE, Feloutzis A. A systematic review of the survival of implants in bone sites augmented with barrier membranes (guided bone regeneration) in partially edentulous patients. J Clin Periodontol 2002;29 (suppl.3):226-233.
  • 4. Jensen SS, Terheyden H. Bone augmentation procedures in localized defects in the alveolar ridge: Clinical results with different bone grafts and bone-substitute materials. Int J Oral Maxillofac Implants 2009;24 (suppl.):218-236.
  • 5. Aghaloo TL, Moy PK. Which hard tissue augmentation techniques are the most successful in furnishing bony support for implant placement? Int J Oral Maxillofac Implants 2007;22 (suppl.):49-70.
  • 6. Chiapasco M, Zaniboni M, Boisco M. Augmentation procedures for the rehabilitation of deficient edentulous ridges with oral implants. Clin Oral Implants Res 2006;17 (S2):136-159. [doi/abs/ 10.1111/j.1600-0501.2006.01357.x]
  • 7. Monje A, Pikos MA, Chan HL, Suarez F, Gargallo-Albiol J, Hernàndez-Alfaro F, et al. On the feasibility of utilizing allogeneic bone blocks for atrophic maxillary augmentation. Biomed Res Int 2014;2014:814578.
  • 8. Antoun H, Karouni M, Sojod B. La régénération osseuse guidée : résultats, limites et perspectives. AOS Journal 2013;261:11-21.
  • 9. Buser D, Belser U. Implantation précoce associée à une augmentation osseuse du contour alvéolaire vestibulaire (technique de ROG). Concept thérapeutique du Pr Daniel Buser et du Pr Urs Belser, Université de Berne, Suisse.

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