LA TECHNIQUE ONE-STEP NO-PREP ASSISTÉE PAR L’ORTHODONTIE UN TRAITEMENT SIMPLE ET NON INVASIF DE L’USURE DENTAIRE LOCALISÉE À L’AIDE DES PICN (CÉRAMIQUES HYBRIDES)
Protéger
Restaurer
Amélie MAINJOT* Carole CHARAVET**
*PU-PH, Spécialiste en Réhabilitation bucco-dentaire. Directrice, Dental Biomaterials Research Unit (d-BRU), Université de Liège, Belgique. Cheffe de Clinique, service de Prothèse fixe, CHU de Liège.
**PU-PH, Spécialiste qualifiée en Orthopédie dento-faciale (ODF). Responsable Département et Unité d’ODF, Université Côte d’Azur et CHU de Nice. Chercheuse associée, Laboratoire MICORALIS, Université Côte d’Azur.
La problématique de l’usure dentaire est en croissance et les recommandations actuelles soulignent l’importance de développer des stratégies de traitement minimalement invasives préservant les tissus dentaires [1], ce qui est désormais possible grâce au développement de la dentisterie adhésive. Cependant, les traitements de l’usure sévère doivent être adaptés à sa localisation et il est nécessaire de distinguer l’usure...
La technique one-step no-prep assistée par orthodontie est présentée au travers de 3 cas cliniques d’usure localisée principalement antérieure, avec un recul de 3,5 à 5 ans. Des restaurations partielles antérieures (facettes palatines avec ou sans retour vestibulaire), sans préparation des tissus dentaires, ont été fabriquées par CFAO en PICN (Céramique hybride, Vita Enamic). Dans les cas avec une usure localisée également postérieure, des restaurations partielles (table-tops) ou des composites directs ont été réalisés. Les restaurations sont collées en occlusion surélevée, créant ainsi une infraclusion postérieure. Un rapide (environ 2 mois) et partiel traitement orthodontique est ensuite réalisé pour égresser les dents postérieures et rétablir les contacts occlusaux. La technique s’avère être simple, efficace, prévisible et non invasive. Elle engendre un taux de satisfaction important des patients et les matériaux PICN y sont particulièrement bien adaptés.
La problématique de l’usure dentaire est en croissance et les recommandations actuelles soulignent l’importance de développer des stratégies de traitement minimalement invasives préservant les tissus dentaires [1], ce qui est désormais possible grâce au développement de la dentisterie adhésive. Cependant, les traitements de l’usure sévère doivent être adaptés à sa localisation et il est nécessaire de distinguer l’usure sévère généralisée, qui affecte toute la bouche, de l’usure sévère localisée, qui se limite aux dents antérieures et à éventuellement quelques dents postérieures.
En ce qui concerne la gestion des cas d’usure sévère généralisée, différentes techniques ont été décrites dans la littérature : elles impliquent toutes la restauration complexe d’une occlusion fonctionnelle et de l’esthétique via une augmentation de la dimension verticale d’occlusion (DVO). Les approches minimalement invasives décrites sont :
- les techniques directes avec des composites photopolymérisables, qui constituent les traitements les plus couramment rapportés ;
- les techniques indirectes avec des restaurations partielles collées en céramique ou en composite ;
- une combinaison de ces deux techniques [2].
Parmi les techniques indirectes, la technique one-step no-prep [3, 4], qui met en œuvre des restaurations en composite CFAO, particulièrement les PICN (Polymer-Infiltrated Ceramic Network ou céramiques hybrides), se caractérise par l’absence de préparation des tissus dentaires (no-prep) et de phase provisoire (one-step), par la réalisation d’une analyse occlusale et par la collaboration avec des kinésithérapeutes pour traiter les symptômes associés au bruxisme, comme les douleurs musculaires.
Dans le cadre de l’usure localisée, la perte tissulaire est compensée par l’éruption dentaire, le dépôt de cément apical et la croissance locale de l’os alvéolaire. Le manque d’espace inter-occlusal qui en résulte constitue un problème important pour la restauration dentaire. Certains auteurs éliminent du tissu dentaire pour réaliser des couronnes. Par exemple, Hansen et al. [5] ont proposé des couronnes monolithiques en zircone chez des patients présentant une usure dentaire sévère dans la zone esthétique. Ils ont décrit certaines complications techniques liées à cette technique fort invasive, et ce malgré les propriétés mécaniques élevées de la zircone. En cas d’usure antérieure, la création d’un espace inter-occlusal en augmentant la DVO avec des facettes occlusales postérieures (également appelées table-tops) peut être une autre option, mais il n’est pas idéal de poser des prothèses sur des dents intactes, prothèses qui engendrent un coût et une nécessité d’entretien et de remplacement avec le temps. En 1975, Dahl et al. [6, 7] ont proposé une approche remarquablement intéressante et conservatrice pour créer un espace inter-occlusal antérieur. Dans le concept original de Dahl [8], qui est une procédure en deux étapes, un appareil amovible métallique est placé en occlusion surélevée antérieure, ce qui était censé induire l’égression naturelle des dents postérieures (figure 1) suite à l’infraclusion (béance) créée. Cette technique permettait de faciliter la mise en place de couronnes céramo-métalliques antérieures en créant un espace inter-occlusal. En raison de la mauvaise observance concernant le port de cet appareil amovible [7, 9], des appareils Dahl fixes ont été mis au point, puis un concept de Dahl en une étape, qui met en œuvre des restaurations directes en composite pour augmenter la DVO, a été proposé [10-13]. Selon l’étude de Milosevic et al. [14] qui a porté sur 1 010 restaurations réalisées chez 164 patients, le composite direct est un matériau de restauration approprié pour restaurer les dents en utilisant l’approche de Dahl. Cependant, le rétablissement complet des contacts occlusaux postérieurs serait un problème [9-12, 15]. En effet, le rétablissement de l’occlusion postérieure nécessiterait en moyenne 6 mois pour certains auteurs [8], 25 mois pour d’autres [16], voire 60 mois dans les cas les plus défavorables [16].
De plus, d’après certaines études, l’imprévisibilité de l’égression des dents postérieures engendre un risque important de n’obtenir que des contacts partiels, voire de ne pas rétablir du tout l’occlusion postérieure [10, 12]. De plus, en cas de présence d’une infraclusion postérieure persistante, une problématique de dysfonction linguale peut s’installer [17]. Enfin, quelques difficultés transitoires ont été constatées au niveau de la mastication et de l’expression orale [7, 10]. Les inconvénients du concept Dahl sont résumés dans le tableau 1.
Cet article présente une technique interdisciplinaire innovante, simple et non invasive, pour le traitement des usures localisées à l’aide des matériaux PICN. Présentée en 2020 [18], elle constitue une évolution du concept de Dahl s’articulant autour d’une seule étape prothétique (one-step), sans préparation des tissus dentaires (no-prep), suivie d’une étape orthodontique simple et rapide pour assurer une égression correcte et prévisible des dents postérieures.
Trois cas cliniques avec un recul de 3,5 (cas n° 3), 4 (cas n° 1) et 5 ans (cas n° 2) ont été sélectionnés pour présenter la technique one-step no-prep ortho (figures 2 à 19). Il s’agit de femmes (21 ans, cas n° 1 ; 33 ans, cas n° 2 ; 30 ans, cas n° 3) qui présentaient une usure mécanique due au bruxisme, toutes les patientes déclarant grincer des dents la nuit ou le jour. Les cas n° 2 et n° 3 présentaient également une usure chimique (érosion due à la consommation de sodas). L’esthétique et la reconstruction des tissus dentaires endommagés étaient leurs principales demandes. Le cas n° 1 présentait une usure sévère uniquement au niveau des dents antérieures maxillaires (score BEWE = 3 dans ce sextant, c’est-à-dire exposition de la dentine de la dent avec perte de tissu dur ≥ 50 % de la surface et perte de la couronne clinique ≥ 50 %) [19], tandis que les incisives mandibulaires présentaient une très légère usure dentaire qui n’a pas nécessité de traitement (figure 2). Le cas n° 2 présentait une usure dentaire sévère localisée sur les dents antérieures maxillaires (score BEWE = 3 dans ce sextant), en plus d’une usure modérée (dentine exposée) sur les dents 45 et 46 (score BEWE = 2 dans ce sextant, c’est-à-dire exposition de la dentine avec perte de tissu dur < 50 % de la surface et perte de la couronne clinique ≥ 1/3). Une légère usure dentaire était également présente sur les incisives mandibulaires mais il a été décidé de ne pas la traiter (figure 12). Le cas n° 3 présentait non seulement une usure sévère localisée sur les dents antérieures maxillaires (score BEWE = 3 dans ce sextant) mais aussi une usure modérée (exposition de la dentine) sur les dents 36 et 46 (figure 16) (score BEWE = 2 dans ces sextants) et sur les incisives et canines mandibulaires.
Tous les cas ont été adressés à un occlusodontiste et aucun trouble de l’articulation temporo-mandibulaire n’a été détecté. Les patients ont été également adressés à un kinésithérapeute maxillo-facial pour le traitement de symptômes associés au bruxisme, tels que des douleurs musculaires.
Des photos, des radiographies, des empreintes optiques (caméra Omnicam et logiciel CEREC 4, Dentsply Sirona) ont été réalisées (pour le cas n° 3, des empreintes double mélange en silicone ont également été faites car il s’agissait d’une période de transition vers l’empreinte optique). Aucune préparation des tissus dentaires n’a été effectuée, à l’exception du polissage des bords aigus d’émail avec une fraise Arkansas, le cas échéant. Dans les cas n° 2 et n° 3, une analyse occlusale a été réalisée à l’aide d’un jig de déprogrammation en résine et d’un arc facial (Quick Facebow, Sintec) (figures 13a et 17a). Le jig, qui comporte un point de contact occlusal situé au milieu de la région antérieure, a été laissé en place pendant 5 minutes pour induire une relaxation musculaire et un repositionnement de l’arcade mandibulaire, puis les relations occlusales ont été enregistrées avec une double couche de cire (Beauty Pink-X-Hard, Miltex, anciennement Moyco Beauty Wax). Cette analyse vise à diagnostiquer et à corriger toute déviation mandibulaire en position d’intercuspidation maximum. De plus, en cas de protrusion mandibulaire, l’espace inter-occlusal antérieur peut être retrouvé en repositionnant correctement la mandibule. Aucune déviation n’a été détectée dans les cas présentés. Enfin, une analyse virtuelle du sourire a été réalisée à l’aide du logiciel Keynote (Apple) et envoyée au laboratoire dentaire (figure 2b).
Ensuite, un set up numérique (Ceramill Motion 2 System, Amann Girrbach) (plus un wax-up pour le cas n° 3) a été conçu en se fondant sur la quantité approximative de tissus dentaires perdus, le prothésiste étant guidé par les tissus résiduels pour reconstituer l’anatomie de la dent. Sur les dents antérieures, la conception de la restauration est également déterminée par l’analyse virtuelle du sourire et la restauration de proportions harmonieuses (figure 2b). Dans cet objectif, au niveau du cas n° 3, une gingivectomie a été réalisée sur les incisives centrales avant de réaliser les restaurations. Sur les dents postérieures, la perte tissulaire observée au niveau de 36 et de 46 étant faible, la simulation a abouti à des restaurations de très fine épaisseur (jusqu’à 0,2 mm d’épaisseur) (figures 16, 17c et 17f). Au niveau du cas n° 2, l’usure très limitée au niveau de 45 et 46 ne justifiait pas des restaurations indirectes. La technique one-step no-prep ortho aboutit à une estimation empirique de la nouvelle DVO et les restaurations sont en occlusion surélevée.
L’analyse numérique du sourire et le wax-up (cas n° 3) ont été montrés aux patientes pour approbation. Pour le cas n° 1, des maquettes des restaurations réalisées en cire par CFAO ont été essayées sur la patiente afin de valider le résultat esthétique, notamment en ce qui concerne l’éventuelle fermeture du diastème (figure 3). En effet, dans la seconde option de maquettes, le diastème a été fermé par l’extension des facettes palatines sur la face vestibulaire sans passer par les faces proximales, conférant à la restauration un design original que les auteurs ont appelé design « enveloppe ». Sur base de cet essayage, la patiente a décidé de fermer le diastème.
Ensuite, les restaurations en PICN (Vita Enamic) ont été fraisées (système Ceramill Motion 2, Amann Girrbach). Pour le cas n° 1, 4 facettes palatines (incisives latérales et canines maxillaires) et 2 restaurations « enveloppe » (incisives centrales maxillaires) ont été fabriquées (figure 4). Pour le cas n° 2, 6 facettes palatines (de la 13 à la 23) ont été réalisées et il a été décidé de réaliser des composites directs sur les dents 45 et 46 (Inspiro, Edelweiss DR) (figure 13). Pour le cas n° 3, 6 restaurations « enveloppe » (de la 13 à la 23) et 2 table-tops (dents 36 et 46) ont été réalisées (figure 17), tandis que le composite direct a été choisi pour restaurer les dents 33 à 43. Pour le cas n° 2, les restaurations ont été simplement polies alors que, pour les cas n° 1 et n° 3, elles ont été maquillées à l’aide d’un composite de maquillage photopolymérisé (Optiglaze, GC). Les restaurations ont été essayées (pour valider le design de la restauration et la nouvelle DVO) puis collées en un seul rendez-vous, qui comprenait également la mise en place des composites directs dans le cas n° 2 (dans le cas n° 3, les composites directs sur les dents antérieures mandibulaires ont été réalisés plus tard). Les restaurations ont été prétraitées selon les recommandations du fabricant, c’est-à-dire mordancées à l’acide fluorhydrique pendant 60 secondes (cf. structure de base en vitrocéramique), puis nettoyées dans de d’éthanol au niveau d’un bain à ultra-sons et, enfin, enduites d’une couche de silane (Monobond S, Ivoclar Vivadent). La digue a été placée (sauf pour les restaurations « enveloppe » dans le cas n° 3), les tissus dentaires ont été nettoyés à l’aide de pierre ponce, puis traités avec un adhésif en 2 étapes (Adhese, Ivoclar Vivadent). L’application de l’adhésif a été précédée d’un prétraitement de la dentine sclérotique, au cours duquel la surface a été dépolie avec une fraise diamantée à faible vitesse pour ouvrir les tubuli dentinaires. Les restaurations ont été collées avec une colle composite (Variolink Esthetic DC, Ivoclar Vivadent), la polymérisation a été effectuée après élimination des excès et la photopolymérisation finale a été réalisée sous un film de glycérine pour éviter la couche d’inhibition de la polymérisation par l’oxygène. L’équilibration des contacts occlusaux des restaurations antéro-supérieures avec les incisives mandibulaires a été effectuée avec une fraise en pierre d’Arkansas et a été suivie d’un polissage avec des gommes en silicone. Des cales postérieures (OptiBand, Ormco) ont été placées sur les premières molaires afin d’offrir aux patients un contact occlusal postérieur et d’améliorer le confort (figures 5 et 14). En effet, le collage des restaurations a entraîné une infraclusion significative dans les régions postérieures.
En pratique, le patient a rendez-vous dans les jours qui suivent chez l’orthodontiste. Dans le cas n° 1 (figure 5), les cales (figures 5a et 5b) ont été retirées et, une fois la procédure de collage effectuée (Transbond Self Etching Primer, 3M), des boutons en composite fluide (Venus Flow, Kulzer) ont été conçus manuellement à l’aide de séparateur de la première prémolaire à la deuxième molaire. Des élastiques intermaxillaires (IntraOral Elastics, Medium Pull, 1,3 N, ø 3,2 mm/1/8 in, Dentaurum) ont été portés entre les boutons 24 heures sur 24, sauf pour manger/boire et se brosser les dents, afin d’égresser les dents postérieures (figure 5c). Les élastiques intermaxillaires ont été changés 2 fois par jour. Le décollement d’un bouton s’est produit 6 jours après la pose et il a été immédiatement refait. Le rétablissement de l’occlusion postérieure s’est fait en 34 jours, tenant compte d’une excellente compliance du patient. Ensuite, en phase de contention, les élastiques intermaxillaires ont été encore portés pendant 30 jours durant 16 h/jour, puis les boutons en composite ont été retirés. Par conséquent, la durée totale du traitement orthodontique a été de 64 jours, avec l’obtention d’une occlusion finale équilibrée (figures 8b et 8c).
Dans le cas n° 2 (figure 14), les cales (figure 14b) ont été retirées et, une fois la procédure de collage effectuée (Transbond Self Etching Primer, 3M), des attaches orthodontiques auto-ligaturantes (In-Ovation C, Dentsply Sirona Orthodontics) ont été placées (attaches transparentes jusqu’aux premières prémolaires maxillaires et attaches métalliques pour les dents mandibulaires et les molaires maxillaires) (figure 14c). Deux arcs nickel-titane 0,014 ont été placés. Des élastiques intermaxillaires (IntraOral Elastics, Medium Pull, 1,3 N, ø 3,2 mm/1/8 in, Dentaurum) ont été portés entre chaque dent (par exemple, de la première prémolaire à la première prémolaire) 24 heures sur 24, sauf pour manger/boire et se brosser les dents. Chaque élastique a été changé 2 fois par jour. Dans ce cas, la combinaison des attaches orthodontiques et des élastiques a amélioré la prévisibilité de l’égression des dents postérieures, tenant compte d’une infraclusion plus importante que dans le cas n° 1. Le rétablissement de l’occlusion a été obtenu en 45 jours, grâce à une excellente compliance du patient. Il a été conseillé au patient de continuer à porter les élastiques intermaxillaires pendant 30 jours (16 h/jour) pour effectuer une phase de contention. Ensuite, les attaches orthodontiques ont été retirées. La durée totale du traitement a été de 75 jours.
Dans le cas n° 3 (figure 18), après avoir effectué la procédure de collage (Transbond Self Etching Primer, 3M), des attaches orthodontiques métalliques auto-ligaturantes (Damon Q, Ormco France) ont été collées des premières prémolaires aux deuxièmes molaires, et des boutons métalliques linguaux ont été placés sur les prémolaires et les molaires maxillaires du côté gauche (figure 18b). Des élastiques intermaxillaires (IntraOral Elastics, Medium Pull, 1,3 N, ø 3,2 mm/1/8 in, Dentaurum) ont été prescrits entre chaque dent du quadrant droit (par exemple, première prémolaire à première prémolaire) et entre les attaches maxillaires et leurs boutons linguaux correspondants au niveau du côté gauche (élastiques criss-cross) 24 heures sur 24, sauf pour manger/boire et se brosser les dents (figure 18a). Les boutons linguaux ont été utilisés dans cette situation clinique en raison d’un shift latéral existant, en plus de la nécessité d’une égression. Après l’obtention de l’occlusion postérieure finale, des élastiques intermaxillaires ont été prescrits 16 h/jour pendant la phase de contention. Le traitement orthodontique global a été réalisé en 168 jours.
Une procédure d’éclaircissement dentaire a été effectuée (ce qui n’était pas possible lorsque la dentine était encore exposée). Un masquage de la limite vestibulaire des facettes palatines est effectué en réalisant un léger chanfrein à cheval sur cette limite. Après sablage (alumine 50 microns), silanisation, mordançage à l’acide phosphorique et application d’un adhésif, le chanfrein est recouvert d’un composite direct lumineux (figure 7). Du composite peut également être ajouté en vue d’optimiser la forme de la dent (cas n° 2, figure 15). De plus, une gouttière en résine acrylique (figure 11) a été posée chez tous les patients afin de protéger les dents et les restaurations du bruxisme nocturne.
Après une période de suivi de 4 (cas n° 1), 5 (cas n° 2) et 3,5 ans (cas n° 3), le taux de succès des facettes palatines et des restaurations « enveloppe » est de 100 %. Au niveau des table-tops, les complications observées concernent une fracture mineure des limites très fines sur 36 et 46 dans le cas n° 3 (figure 20). Ces fractures ont été polies. Les patientes ont été invitées à remplir un questionnaire de satisfaction concernant le traitement et un score moyen de 10 sur 10 a été obtenu concernant les résultats esthétiques et fonctionnels, l’absence de restaurations provisoires, le confort ainsi que l’esthétique du matériau PICN. Toutes les patientes feraient à nouveau le même traitement si nécessaire et le recommanderaient à un ami. Un score moyen de satisfaction de 8,3 sur 10 a été obtenu en ce qui concerne la procédure de collage des restaurations. En ce qui concerne le traitement orthodontique, des scores moyens de satisfaction de 8,5, 8,0 et 8,3 ont été obtenus concernant sa durée, le handicap fonctionnel et le handicap esthétique engendrés. Enfin, l’importance pour les patientes de recevoir un traitement minimalement invasif a obtenu un score de 9,8 sur 10.
Les matériaux PICN sont composés d’un bloc de vitrocéramique infiltré par de la résine polymérisée sous haute température et haute pression (d’où le nom « céramique hybride »), contrairement aux autres composites CFAO qui sont tous constitués de charges de verre classiques mélangées à de la résine. En raison du procédé de fabrication breveté, le seul matériau PICN sur le marché est le Vita Enamic. Les PICN présentent plusieurs avantages par rapport aux céramiques et aux autres matériaux composites indirects ou directs, à savoir :
- la capacité à être fraisé en très fine épaisseur et avec moins de risque de fracture des bords que la céramique [20, 21], ce qui permet une approche no prep et une conception de la restauration correspondant uniquement à la perte tissulaire estimée ;
- la facilité des ajustements en bouche, notamment la gestion des contacts occlusaux qui est plus simple avec les PICN qu’avec les céramiques ;
- les propriétés biomécaniques, avec une capacité à se déformer et à amortir les chocs en occlusal (ce qui est important avec les bruxeurs), ainsi qu’une rigidité intermédiaire entre celles de la dentine et de l’émail, alors que les céramiques sont fragiles et trop rigides par rapport aux tissus dentaires, et les autres matériaux composites trop souples [22] ;
- le haut degré de conversion des monomères (taux de polymérisation), ce qui améliore très significativement la résistance mécanique, la stabilité chimique du matériau et réduit la libération de monomères libres par rapport aux composites photo-polymérisés [22] ;
- les propriétés d’adhésion aux colles, qui se sont révélées significativement supérieures à celles des autres composites CFAO et aussi bonnes que celles de la vitrocéramique lorsque le matériau est mordancé [23, 24].
En outre, l’utilisation de restaurations indirectes CFAO facilite la conception de l’anatomie de la dent avec un temps au fauteuil réduit par rapport aux composites directs. Cependant, en cas d’usure légère et de faible perte tissulaire, les composites directs restent indiqués (cas n° 2 en postérieur et cas n° 3 au niveau des incisives inférieures).
Dans les trois cas présentés, la technique s’est avérée donner d’excellents résultats cliniques à moyen terme. Les restaurations antérieures en PICN n’ont rencontré aucun échec. Aljawad et Rees [16] ont fait état d’un taux de succès de 88,8 % et d’un taux de survie de 95,6 % (suivi de 25 mois) pour les composites directs antérieurs utilisés avec le concept de Dahl. Milosevic et Burnside ont révélé un taux d’échec estimé à 5,4 % au cours de la première année [14]. Gulamali et al. ont également souligné la nécessité d’entretien des composites directs [25].
La satisfaction des patients au niveau du résultat esthétique est excellente, même au niveau des restaurations « enveloppe » qui recouvrent toute la face vestibulaire des incisives. Les résultats obtenus avec le masquage du joint des facettes palatines sont très satisfaisants et cette technique présente l’avantage d’éviter la préparation des dents et le coût lié aux facettes en céramique, qui peuvent toujours être réalisées ultérieurement si nécessaire. Enfin, selon l’expérience de l’auteure, le maquillage des facettes « enveloppe » au laboratoire présente une meilleure stabilité dans le temps s’il est appliqué après mordançage et silanisation du PICN. Cependant, l’utilisation de blocs de PICN avec un dégradé de couleurs (Vita Enamic multiColor, utilisé dans le cas n° 1) ainsi que la réalisation d’un simple polissage avec les gommes commercialisées par la firme Vita (Enamic Polishing kit) évitent les problèmes d’usure du maquillage et donnent un résultat esthétique équivalent, avec un brillant élevé. Les PICN présentent de fait un effet « caméléon » qui leur permet de « prendre la teinte » de la dent via leur translucidité (ce qui permet de réaliser les restaurations avant l’éclaircissement en choisissant un matériau avec un seul degré de luminosité supérieur). Dans le cas n° 1, le maquillage sur les facettes « enveloppe » sur 11 et 21 a présenté des signes d’usure après 3 ans mais une élimination du maquillage suivie d’un polissage avec les gommes spécifiques a permis d’obtenir un résultat équivalent et plus durable (figure 21).
D’un point de vue fonctionnel, l’augmentation empirique et en une seule étape de la DVO n’a entraîné aucune complication. La réalisation d’une analyse occlusale n’est pas absolument nécessaire puisque les relations occlusales ne sont pas prises en compte dans la conception des restaurations postérieures. Seule une déviation éventuelle de la mandibule avant traitement doit être évaluée par une manipulation attentive lors de l’analyse du cas clinique. Ces résultats sont corroborés par les résultats du questionnaire rempli par les patientes qui indiquent un excellent taux de satisfaction (note moyenne de 10 sur 10) pour les résultats fonctionnels et esthétiques du traitement.
L’utilisation d’un système orthodontique semble garantir un rétablissement rapide et prévisible de l’occlusion postérieure, ce qui posait problème dans le concept précédent de Dahl [10, 12]. Le système orthodontique a été placé la même semaine que les restaurations et, lorsqu’une simple égression est nécessaire (cas n° 1 et n° 2), une durée de traitement active d’environ 1 mois est suffisante, la phase de contention n’étant plus pratiquée pour ces cas d’égression simple.
Différents systèmes orthodontiques peuvent être utilisés en fonction de la situation clinique initiale. Une infraclusion mineure (cas n° 1) peut être résolue à l’aide de boutons en composite combinés à des élastiques intermaxillaires alors qu’une infraclusion plus importante nécessitera un système d’attaches pour assurer une meilleure prévisibilité du mouvement d’égression des dents postérieures (cas n° 2). Les boutons en composite peuvent être plus fragiles que ceux en métal, ce qui peut donc être préféré si l’exigence esthétique du patient n’est pas trop élevée. Les boutons palatins ou vestibulaires associés à des attaches vestibulaires permettent la mise en place d’élastiques de criss-cross en présence d’un décalage horizontal supplémentaire (cas n° 3).
Le fait de poser les restaurations avant le traitement orthodontique est beaucoup plus favorable à l’établissement de proportions dentaires idéales car si, ces restaurations sont effectuées après l’ouverture de l’espace antérieur, l’espace nécessaire à la réalisation de ces proportions idéales est difficile à estimer par l’orthodontiste.
Les collaborations pluridisciplinaires associées à la mise en œuvre des technologies et des matériaux modernes, particulièrement les céramiques hybrides (PICN), offrent la possibilité de simplifier le traitement de l’usure sévère localisée et de proposer au patient une restauration tout à fait non invasive, esthétique et durable des tissus dentaires. Les PICN présentent plusieurs avantages par rapport aux céramiques et aux matériaux composites directs dans cette indication ; de plus, les facettes palatines et les restaurations « enveloppe » se comportent remarquablement bien en termes de résistance mécanique, de stabilité dans le temps et de résultat esthétique. Par rapport au concept de Dahl, la technique one-step no-prep ortho est plus rapide et plus prévisible en termes de fermeture de l’infraclusion postérieure. Le traitement orthodontique a minima est facilement accepté par les patients qui font preuve de compliance par rapport au port des élastiques. Enfin, les taux de satisfaction indiquent que le développement de stratégies non invasives est très important du point de vue des patients et que l’approche actuelle leur a donné entière satisfaction en termes d’esthétique et de fonction. Une étude clinique sur ce protocole est en cours afin de valider définitivement ce concept au-travers d’un plus grand nombre de cas.
Les auteurs tiennent à remercier le Dr Jean-Claude Bernard, qui a réalisé le traitement orthodontique du cas n° 3, ainsi que le laboratoire Jean-Michel Paulus à Liège (Belgique), qui a réalisé les restaurations en PICN.
Cet article a été adapté à partir de l’article : Mainjot AKJ, Charavet C. Orthodontic -assisted one step- no prep technique: A straightforward and minimally-invasive approach for localized tooth wear treatment using polymer-infiltrated ceramic network CAD-CAM prostheses. J Esthet Restor Dent 2020;32:645-661.
Avec l’aimable autorisation de l’éditeur John Wiley and Sons.
Amélie Mainjot déclare un lien d’intérêts avec la société MaJEB qui participe au développement des matériaux PICN. Carole Charavet déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.