Clinic n° 10 du 01/10/2023

 

Pathologie

Michel SIXOU  

PU-PH Santé publique, Université Paul Sabatier, Toulouse.

Depuis 20 ans, nous assistons à une forte médicalisation de notre profession. Elle a été accompagnée par une évolution des pratiques qui s’orientent vers une activité en équipe multidisciplinaire et le recours fréquent à des compétences médicales multiples. Les examens biologiques de laboratoire font partie de ces compétences périphériques indispensables [1, 2].

Le défaut...


Résumé

Les chirurgiens-dentistes prescrivent peu d’examens biologiques. La conséquence directe est qu’ils maîtrisent mal leurs prescriptions et leurs interprétations. Ils sont alors encore moins incités à prescrire. Comment interrompre ce cercle vicieux ?

Les besoins de la population française vieillissante augmentent fortement avec l’explosion des maladies chroniques et de la médecine préventive. Ces différents éléments, associés à la forte médicalisation de notre profession au cours de ces dernières années, doivent nous amener à utiliser davantage la prescription d’examens biologiques dans la prise en charge de nos patients. Cet article a pour objectif d’aider les praticiens à choisir quand, quoi et comment prescrire par l’utilisation d’une série de tableaux synthétiques.

Depuis 20 ans, nous assistons à une forte médicalisation de notre profession. Elle a été accompagnée par une évolution des pratiques qui s’orientent vers une activité en équipe multidisciplinaire et le recours fréquent à des compétences médicales multiples. Les examens biologiques de laboratoire font partie de ces compétences périphériques indispensables [1, 2].

Le défaut d’examens biologiques est de plus en plus impliqué dans un contexte juridique qui valorise les éléments factuels. La formation initiale des chirurgiens-dentistes intègre déjà des enseignements permettant de comprendre, prescrire et interpréter les examens biologiques. Mais leur utilisation peu fréquente n’en permet pas la maîtrise par un grand nombre de praticiens.

Cet article a pour objectif d’apporter une aide aux praticiens dans l’utilisation quotidienne et appropriée des examens de laboratoire. Il définira les situations nécessitant des prescriptions (le quand ?), leur intitulé pour rédiger une ordonnance (le quoi ?), leurs valeurs nominales et leur interprétation par une série de tableaux synthétiques facilitant l’utilisation des tests de laboratoire (le comment ?).

QUAND PRESCRIRE ?

Quelles sont les situations qui doivent inciter les chirurgiens-dentistes à prescrire des examens biologiques (tableau 1) ?

Il existe plusieurs catégories d’indications que nous allons décrire. Voici quelques exemples justifiant un recours aux examens de laboratoires :

- échec d’un premier traitement antibiotique ou antifongique [3] ;

- recherche de foyers infectieux ;

- accident d’exposition au sang ;

- parodontite chez un patient présentant un diabète de type 2 ;

- patient de plus de 65 ans prenant plus de 5 médicaments ;

- lésion de la muqueuse buccale persistante et atypique.

Pathologies infectieuses

Échec de traitement anti-infectieux de première intention

La plupart des pathologies de la cavité buccale sont des maladies infectieuses chroniques associées à un microbiote complexe. Les traitements antibiotiques utilisés en première intention reposent sur une démarche probabiliste. Les échecs de ces traitements de première intention nécessitent le recours en deuxième intention à des traitements mieux ciblés [3, 4]. Les examens bactériologiques associés à des antibiogrammes peuvent apporter des éléments de réponse pour choisir une famille d’antibiotique plus adaptée et résoudre un problème de résistance.

Le recours à un antibiogramme [4] peut être utile dans les situations suivantes : les parodontites agressives réfractaires au traitement de première intention, les candidoses récidivantes, les cellulites chroniques, les lésions apicales avec suppurations chroniques…

Recherche de foyers infectieux chroniques ou silencieux

La cavité buccale est responsable de fréquentes bactériémies transitoires lors de la mastication, du brossage des dents ou tout au long de la journée quand l’intégrité tissulaire n’est pas assurée [5].

Lors de demandes de recherche de foyers infectieux chroniques ou silencieux avant des interventions chirurgicales lourdes à risque infectieux important, la recherche de marqueurs biologiques d’inflammation peut compléter la découverte radiologique de foyer suspect.

Une formule leucocytaire (NFS), une vitesse de sédimentation des hématies (VS) et la mesure de la protéine C-réactive (CRP) sont des tests non spécifiques mais indiquant un processus inflammatoire pouvant être d’origine infectieuse. La CRP réagit davantage aux infections bactériennes que virales. La procalcitonine (PCT) réagit aux infections bactériennes ou fongiques sévères.

Statut sérologique associé à des maladies virales

Il existe de nombreuses situations nécessitant de prescrire des sérologies associées à des maladies virales : accidents d’exposition au sang (AES), dépistage de maladies (sida, hépatites virales, mononucléose infectieuse, Covid-19, grippe, herpès), confirmation ou évolution de sérologies anciennes, évaluation d’une vaccination… [6, 7].

Les AES sont des causes fréquentes de prescription de statut sérologique.

Pathologies inflammatoires ou immuno-inflammatoires

Certaines pathologies générales à composante auto-immune peuvent être aggravées ou déséquilibrées par les bactéries à Gram négatif du microbiote associé aux parodontites. Les lipopolysaccharides (LPS) de ces bactéries peuvent provoquer, par bactériémie, des perturbations à distance. Ce mécanisme est impliqué dans les différentes formes de la maladie athéromateuse, dans le diabète de type 2, dans la polyarthrite rhumatoïde, dans les cas de prééclampsie, dans certaines formes d’obésité et dans les phases d’activité de maladies neurodégénératives… [5].

Le contrôle de l’évolution du taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c) chez un sujet présentant un diabète de type 2 avant et après un traitement parodontal est pertinent. Ce paramètre donne une indication sur la qualité de la réponse tissulaire après des actes chirurgicaux.

Troubles de l’hémostase

Le premier risque à évaluer avant toute intervention invasive est le risque hémorragique [8] (tableaux 1 et 2). Les éléments évocateurs d’un risque hémorragique sont : au cours de l’anamnèse, les antécédents hémorragiques familiaux ou personnels, les maladies génétiques spécifiques (hémophilies, maladie de Willebrand) et les maladies pouvant perturber indirectement l’hémostase (leucémie, lymphome, maladies hépatiques…). De nombreux traitements médicamenteux modifient l’hémostase : antiagrégants plaquettaires et anticoagulants (anticoagulants oraux d’action directe, antivitamines K, héparine). Pour toute intervention présentant un risque hémorragique difficile à évaluer, un bilan d’hémostase pourra être réalisé (tableau 2). Ce bilan devra comprendre [9] : numération plaquettaire (NFS), temps de céphaline et activateur (TCA), temps de Quick (TQ), taux de fibrinogène (FIB) et une numération sanguine complète (NFS). En cas de risque suspecté, il faudra prendre contact avec le médecin traitant du patient.

Des patients sous AVK devant subir une intervention avec risque hémorragique doivent avoir un INR inférieur à 4 [9, 10].

Interactions médicamenteuses et sujet âgé

Les effets indésirables médicamenteux graves (EIM) sont à prendre en compte avec davantage d’acuité à partir de 65 ans en raison d’une diminution progressive des capacités d’élimination rénale (tableau 3), du métabolisme hépatique, de l’augmentation de la consommation des médicaments en relation avec des polypathologies [11]. La balance bénéfice/risque est modifiée en faveur d’une augmentation du risque iatrogène pouvant avoir des conséquences sévères. Parmi la population des plus de 65 ans, 53 % consomment 5 médicaments ou plus et 39 % en consomment de 1 à 4. Selon l’assurance maladie, en 2019, la polymédication chez les plus de 65 ans serait responsable de 7 500 morts, 130 000 hospitalisations, 20 % des admissions aux urgences.

Chez le sujet âgé polymédiqué, l’évaluation de la fonction rénale et un bilan hépatique sont fortement conseillés. Ces deux bilans permettent d’avoir une évaluation de la capacité d’élimination et de biotransformation des médicaments qui utilisent une ou deux de ces voies (tableaux 3 et 4).

Lésions dermatologiques persistantes

Selon une étude Massereau et al. en 2016 [12], 61 % de la population française présentent au moins une lésion de la muqueuse buccale. Les ulcérations, les érosions, les kératoses, les gingivorragies, les érythèmes peuvent présenter un caractère bénin le plus souvent ou constituer des lésions précancéreuses ou, encore, évoluer en lésions malignes.

Une biopsie [12] et un examen anatomopathologique sont donc nécessaires devant toute ulcération persistante ou atypique.

QUOI ?

La mauvaise connaissance des examens de laboratoire associée à la difficulté de rédaction de la prescription elle-même sont les deux raisons principales qui peuvent expliquer le faible recours aux examens de laboratoire par notre profession. Il est important de connaître les différents types d’examens biologiques pour les intégrer dans sa démarche médicale et améliorer la prise en charge des patients [13]. Les examens de laboratoire (tableau 5) représentent une source d’information biologique objective, factuelle, qui peut apporter à nos investigations des données fortement éclairantes.

Les 4 grandes catégories d’examens biologiques à connaître sont :

- la cytologie ;

- l’anatomopathologie ;

- la biochimie et l’enzymologie [1] ;

- la microbiologie [4].

Cytologie

La demande d’une formule et numération des cellules sanguines (NFS) est un acte basique, rapide et peu onéreux (tableaux 5 et 6) qui peut apporter des informations cliniques importantes (leucémie, processus infectieux ou, à l’inverse, déficit de la réponse immunitaire, trouble de la coagulation, anémie, carence vitaminique).

Anatomopathologie

Toutes les tumeurs de la cavité buccale bénignes ou malignes doivent faire l’objet d’une demande d’examen anatomopathologique (épulis, fibrome, granulome, kyste, adénome, lipome ou autres).

Biochimie et enzymologie

Le bilan d’hémostase fait appel à des tests biochimiques : TCA, TP [1].

Le bilan de la fonction rénale [14] : la filtration glomérulaire est évaluée par la mesure de la créatinine endogène également appelée clairance.

Ce test évalue la cinétique de l’élimination de la créatinine sur 24 heures.

Le bilan de la fonction hépatique [11] comprend le dosage des phosphatases alcalines (PA), le dosage de l’activité enzymatique des gamma-glutamyl transpeptidases (gamma-GT ou GGT) et le dosage des transaminases sériques (ALAT, ASAT).

Chez le patient diabétique, le suivi de l’hémoglobine glyquée permet de contrôler l’efficacité du traitement du diabète. L’hémoglobine A1c glyquée (HbA1c) permet d’avoir un reflet de la valeur glycémique cumulée sur les 6 à 8 semaines précédant l’examen alors que la glycémie (GL) donne une valeur instantanée au moment du prélèvement.

Microbiologie

Les examens microbiologiques regroupent la recherche de bactéries, virus ou levures dans la sphère orale et l’évaluation de la sensibilité à différentes molécules antibiotiques, virucides ou fongicides [3, 4].

COMMENT ?

Une prescription d’examens de laboratoires se rédige sur une ordonnance en utilisant les codes (abréviations) des examens demandés (tableau 5).

Bilan sanguin

L’examen biologique le plus prescrit en médecine générale est la numération formule sanguine (NFS) également appelée hémogramme et la numération plaquettaire (NFP). Par habitude, la demande de NFS regroupe NFS et NFP [15] (tableau 6).

Cet examen cytologique de base apporte au clinicien de très nombreux renseignements. Il comprend la numération globulaire qui dénombre tous les éléments figurés du sang, le dosage de l’hémoglobine, la mesure de l’hématocrite, la numération de toutes les lignées de leucocytes, polynucléaires, lymphocytes et la numération plaquettaire.

Le dosage de l’hémoglobine permet de diagnostiquer des anémies quand le taux est trop faible (moins de 12 g/l) ou des polyglobulies quand le taux est trop élevé (syndrome myéloprolifératif, hypoxie tissulaire).

La formule leucocytaire nous permet d’avoir une évaluation des capacités de réponse de l’organisme face à des agressions. Les formes infectieuses nous intéressent particulièrement.

Un individu en bonne santé doit se situer entre 4 000 et 10 000 éléments/mm3. L’augmentation de la formule leucocytaire s’appelle une hyperleucocytose.

Elle peut correspondre à une réponse face à une infection microbiologique ou à une prolifération tumorale.

Ces éléments d’interprétation de la NFS par le chirurgien-dentiste sont importants pour l’aider à apprécier l’état général de certains patients.

Bilan d’hémostase

L’hémostase est divisée en trois temps : l’hémostase primaire, la phase de coagulation plasmatique puis la fibrinolyse [16-18] (tableaux 1, 2 et 5).

Le temps de saignement (TS), qui explore l’hémostase primaire, est un test de moins en moins utilisé. Il peut être remplacé par le temps d’occlusion plaquettaire (TO) qui est mieux standardisé que le TS et permet de détecter la prise d’aspirine. Il ne réagit pas au Clopidogrel ni au Ticlid.

Le temps de coagulation du plasma en présence d’activateur (TCA) ou d’extrait tissulaire (TQ) explore la deuxième phase de la coagulation. Le TQ est souvent exprimé sous la forme du taux de prothrombine en pourcentage (TP) ou en ratio normalisé international (INR). L’INR est un test exclusivement réservé à la surveillance des patients sous traitement anticoagulant de type antivitamine K (AVK). En l’absence de traitement, toute anomalie de ces tests nécessitera des examens complémentaires.

En présence d’anomalie ou de prise de médicaments influençant l’hémostase, l’avis du médecin traitant est impératif.

Bilan inflammatoire

Les principaux marqueurs biologiques de l’inflammation sont la numération des leucocytes (NFS), la vitesse de sédimentation (VS), la protéine C-réactive (CRP) et le dosage du fibrinogène (FIB) [5, 15] (tableaux 1 et 5).

• Une hyperleucocytose (globules blancs > 10 000/mm3) peut indiquer la présence d’une infection ou un syndrome inflammatoire.

• La vitesse de sédimentation (VS) permet de dépister grossièrement des désordres biologiques présentant une part inflammatoire. La VS est un test simple, peu coûteux, peu sensible et peu spécifique. Les résultats normaux sont : pour l’adulte < 20 minutes, enfant et plus de 70 ans < 30 minutes, période menstruelle < 40 minutes Il se prête au dépistage et au suivi des syndromes inflammatoires et des gammapathies. Une vitesse de sédimentation accélérée peut être un marqueur d’inflammation et d’infection. Mais il existe de fortes variations individuelles de ce paramètre. La VS reste peu élevée pour les infections virales. Son augmentation est forte pour les infections bactériennes.

• La protéine C-réactive (CRP) permet d’apprécier l’importance et l’évolution d’une réaction inflammatoire. La CRP est un examen rapide, peu spécifique mais très sensible. Les résultats normaux sont de 5 à 10 mg/ml. Les taux supérieurs à 10 mg/ml signifient le déclenchement d’une réaction inflammatoire. Il présente une bonne corrélation entre le taux et l’évolution des infections bactériennes aiguës, les variations d’activité de la maladie rhumatoïde, la réponse à une antibiothérapie systémique. La CRP est le marqueur de la phase aiguë d’une infection bactérienne ou d’une poussée inflammatoire des maladies rhumatismales.

• Le dosage du fibrinogène présente l’avantage d’être totalement indépendant des éléments figurés du sang et de l’âge. Les indications de ce test sont la recherche d’un syndrome inflammatoire, l’étude de la coagulation lors d’un syndrome hémorragique et la surveillance d’un traitement thrombolytique. Le fibrinogène reste un test onéreux qui ne présente qu’un intérêt marginal. Il est utile dans les troubles de la sédimentation associée à la réaction inflammatoire (anémie, polyglobulie, corticothérapie).

En pratique clinique, dans le cadre d’un bilan clinique et biologique (tableau 1) sans signe d’appel évocateur d’un syndrome infectieux ou inflammatoire, la prescription de NFS, VS et CRP permet d’aider au dépistage d’un syndrome infectieux ou inflammatoire. L’association VS-CRP permet de surveiller, à coût acceptable, des syndromes inflammatoires chroniques et de dépister des poussées aiguës ou des surinfections bactériennes.

Bilan infectieux

Le bilan infectieux reprend de nombreux éléments du bilan inflammatoire en raison de la forte relation entre infection et inflammation (NFS, VS, CRP). Les dosages de la procalcitonine (PCT) et des immunoglobulines A, M et G seront à ajouter de même que des recherches sérologiques spécifiques et des prélèvements de flore si nécessaire (IgA, IgM, IgG) [3, 4, 15] (tableaux 1 et 5).

La numération formule sanguine (NFS) également appelée hémogramme a été décrite dans le paragraphe précédent. L’augmentation des granulocytes, monocytes ou lymphocytes peut être en faveur d’un processus infectieux associé à d’autres éléments (tableau 6).

• La vitesse de sédimentation (VS) et la protéine C-réactive sont également des marqueurs peu spécifiques accompagnant l’inflammation et les infections.

• Le dosage de la procalcitonine (PCT) est un marqueur précoce sensible des infections bactériennes ou fongiques sévères. La PCT réagit très peu aux infections virales. Sa production est stimulée par les endotoxines bactériennes (LPS). La demi-vie plasmatique de la PCT est courte. Elle permet donc un suivi très efficace de l’évolution de l’infection. Elle donne une évaluation de l’efficacité de l’antibiothérapie. Le résultat normal est inférieur à 0,1 ng/ml de sérum. Les infections sévères de type sepsis, choc toxique, méningite provoquent une augmentation entre 20 et 200 ng/ml. En fonction de la gravité de la situation, l’augmentation peut atteindre un facteur 10 000. Dans les infections fongiques, les taux sont supérieurs à 0,5 ng/ml et, dans les syndromes inflammatoires et infections virales, situés entre 0,5 et 1 ng/ml.

Les indications de la PCT sont : déterminer la gravité d’une infection et son origine bactérienne, surveiller l’efficacité d’une antibiothérapie, différencier une infection d’une inflammation.

• Un dosage quantitatif des immunoglobulines (immunoglobuline totales, IgA, IgG, IgM) est réalisé pour quantifier une anomalie de production d’une des trois classes A, G, M dans le sang ou la salive. Ce test peut être demandé quand une personne présente des infections récidivantes des voies aériennes supérieures ou du tractus gastro-intestinal. Il est également demandé en cas de signes inflammatoires chroniques ou d’infection chronique.

• La sérologie infectieuse ou sérodiagnostic [7] a pour objectif d’identifier un agent infectieux par la mise en évidence des anticorps chez le patient.

Bilan métabolique

Le mode de vie sédentaire, pour le plus grand nombre d’entre nous, ainsi qu’une alimentation transformée, riche en graisses, sucre et sel sont à l’origine de nombreuses manifestations de pathologies métaboliques. Une série d’examens biologiques simples, peu coûteux et rapides nous permet d’avoir un reflet de la situation de nos patients [2, 5, 11] (tableaux 1 et 5).

Le diabète (de type 2), qui concerne 5 % de la population française, évolue souvent à bas bruit pendant plusieurs années. Son dépistage ou son suivi repose sur deux tests sanguins : la glycémie à jeun (GL) et l’hémoglobine glyquée (HbA1c).

• La glycémie veineuse mesure le taux du glucose sanguin à partir de la glycémie plasmatique. C’est un paramètre instantané. Le résultat moyen chez l’adulte est de 4,7 à 6,6 mmol/l. On parle de diabète si un taux supérieur à 7,7 mmol/l est mesuré à deux reprises. Une hypoglycémie est définie en dessous de 2,8 mmol/l.

La mesure de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) permet de surveiller l’efficacité du traitement du diabète. À la différence de la glycémie, ce paramètre est considéré comme un index cumulé des valeurs glycémiques des 6 à 8 dernières semaines. Le résultat normal est de 6 à 10 % d’hémoglobine glyquée par rapport à l’hémoglobine totale. Cet examen n’est pas assez sensible pour dépister le diabète. Il est un excellent outil de suivi du traitement.

Évaluation hépatique

Cette évaluation regroupe plusieurs tests : les dosages des transaminases (ALAT, ASAT), de l’albumine (ALB) et de la bilirubine (BT) (tableaux 1 et 5).

• Le dosage des transaminases sériques (ALAT et ASAT) permet de mettre en évidence une cytolyse principalement hépatique mais également cardiaque et musculaire par libération d’aminotransférases. Les résultats normaux sont inférieurs à 55 unités internationales. Les atteintes hépatiques (hépatite, cirrhose) font davantage augmenter les ALAT. Les atteintes musculaires dont cardiaques (infarctus du myocarde) augmentent davantage les ASAT.

Toute cytolyse hépatique doit nous amener à nous interroger sur la responsabilité d’un médicament hépatotoxique comme le paracétamol. En cas de doute, d’autres tests comme les enzymes musculaires (CPK) ou hépatiques (gamma GT) peuvent aider au diagnostic.

• Le dosage des gamma-glutamyl transpeptidases (gamma-GT ou GGT) est utilisé dans le diagnostic des hépatopathies (hépatites aiguë ou chronique, tumeurs du foie et du pancréas) et de l’alcoolisme chronique. Les valeurs normales sont de 0 à 85 UI/l chez l’homme et 0 à 50 chez la femme.

• L’albumine est sécrétée par le foie. Elle représente la protéine la plus représentée dans le sang (70 %). Elle joue un rôle fondamental dans le maintien de la pression oncotique des vaisseaux et le transport de nombreuses molécules dont la bilirubine. Les résultats normaux sont de 35 à 50 g/l. Les valeurs inférieures à 30 g/l traduisent une dénutrition ou une hépatopathie.

• La bilirubine aide au diagnostic des hépatopathies et des hémolyses. Le résultat normal de la bilirubine totale est inférieur à 17 mmol/l. Son augmentation est en relation avec des ictères hépatiques.

Risque cardio-vasculaire

Il peut être évalué par la prescription d’un bilan lipidique comportant l’évaluation du cholestérol total (CT), de la fraction HDL et LDL et des triglycérides (TG). Ces examens sont indiqués dans l’étude des dyslipoprotéinémies, du risque athérogène, du fonctionnement hépatique et du diagnostic des dysthyroïdies (tableaux 1 et 5).

• Le cholestérol circulant a une double origine, exogène (alimentation) à 30 % et endogène (biosynthèse hépatique) à 70 %. Il constitue un facteur de risque cardio-vasculaire important. En cas d’anomalie, il est important d’évaluer les HDL et LDL. Les résultats normaux pour le cholestérol (CT) sont de 4,5 à 6,5 mmol/l pour l’homme et de 5 à 7 mmol/l pour la femme. Pour les HDL, les valeurs sont de 1 à 1,8 mmol/l pour l’homme et de 1,3 à 2,4 mmol/l pour la femme. Pour les LDL, les valeurs pour l’homme et la femme sont de 3,5 à 4,5 mmol/l.

• Les triglycérides sont le résultat de l’association entre le glycérol et les acides gras qui constituent la principale réserve énergétique de l’organisme. Le dosage des triglycérides (TG) est un élément fondamental du bilan lipidique associé au cholestérol total (CT). Ces deux examens permettent de déterminer les variations pathologiques des lipoprotéines.

Bilan rénal

Les reins jouent un rôle fondamental dans l’élimination des produits du catabolisme et des médicaments. Une insuffisance de filtration rénale peut avoir des répercussions dramatiques sur nos prescriptions [11, 14] (tableaux 1 et 3).

• La créatinine (CR) est un métabolite azoté qui provient de la dégradation de la masse musculaire. La concentration de créatine dans le sang est donc directement liée à la valeur de la filtration glomérulaire du rein. Cette filtration est un paramètre très stable chez un même individu. Ce test permet de diagnostiquer et quantifier une insuffisance rénale. Les résultats normaux sont de 65 à 120 mmol/l pour l’homme et de 50 à 100 mmol/l pour la femme. La réduction de la filtration de 50 % double la valeur de créatininémie. Elle permet de suivre l’insuffisance rénale chronique.

• Le débit de filtration glomérulaire (DFG) est le meilleur paramètre d’évaluation de la fonction rénale et de la gravité des insuffisances. Elle correspond au volume de plasma filtré par les reins par unité de temps (ml/min). La DFG normale est de 120 ml/min. Ce paramètre s’obtient par calcul à partir de la créatininémie, de l’âge du patient, du sexe, du poids et de l’ethnie. L’insuffisance rénale est considérée à partir de valeurs situées entre 60 et 90 ml/min.

CONCLUSION

Les examens biologiques permettent d’apporter aux chirurgiens-dentistes des informations factuelles importantes pour les aider dans la prise en charge des patients (risque hémorragique, infectieux, métabolique, tumoral). Ils apportent des éléments de sécurisation de nos traitements (toxicité hépatique, rénale, choix d’antibiotiques). Ils permettent d’avoir des dossiers médicaux opposables dans nos diagnostics et choix de traitement. Ils s’intègrent parfaitement dans le cadre de la médicalisation de notre profession et dans notre rôle de santé publique (détection des pathologies).

Tout examen biologique anormal doit être discuté avec le médecin traitant du patient et doit nous faire moduler nos traitements en fonction de la situation. La prescription d’examens biologiques ne doit pas être systématique mais doit faire l’objet d’une réflexion adaptée à chaque patient.

Liens d’intérêts

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.

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