Clinic n° 10 du 01/10/2023

 

Dossier

Renaud NOHARET  

MCU-PH, Université de Lyon.Exercice libéral à Lyon.

L’intérêt de la navigation implantaire réside dans l’aide chirurgicale à la pose des implants mais aussi dans l’optimisation du temps de protocole de mise en fonction immédiate car le patient peut être réhabilité plus rapidement par ses prothèses provisoires préfabriquées. L’article illustre cet avantage dans une situation clinique d’édentement bi-maxillaire où la patiente est finalement restée moins de 5 heures au cabinet.

La navigation (chirurgie guidée dynamique [1]) est un outil technique facilitant la mise en place des implants en bonne position, et ce sans la contrainte d’un guide physique. Elle facilite aussi certaines indications connexes telles que la pose de mini-vis orthodontistes, greffes sinusiennes, prélèvement osseux, etc. Néanmoins, l’intégration de la navigation implantaire dans un flux de travail global, implanto-prothétique dans le cas présent, est intéressant afin de rendre plus fluide et efficient le traitement des patients édentés. Il est certain que le patient trouve un intérêt dans la mise en place de ce type de protocole en recevant :

- un traitement chirurgical de qualité par un positionnement implantaire optimal ;

- un traitement prothétique de qualité par un bridge provisoire désigné et anticipé ;

- un traitement global efficient grâce à une diminution du temps de présence au cabinet.

L’objectif de cet article est donc d’illustrer la mise en place de la navigation pour ce type d’indications dans un flux simple et sans augmentation d’étapes et/ou de dispositifs induisant de potentielles erreurs complémentaires.

SITUATION CLINIQUE

La patiente, âgée de 53 ans et sans aucune pathologie générale (ni d’antécédents tabagiques), se présente en consultation pré-implantaire avec une doléance esthétique sur l’absence de certaines de ses dents mais aussi sur le déplacement des dents encore présentes. Elle se plaint de problèmes de mastication liées à l’absence des dents mais également à la grande mobilité des dents résiduelles (figures 123 à 4).

Les examens clinique et radiologique confirment ses dires et le diagnostic de parodontite terminale est posé. Après discussion et exposition des solutions thérapeutiques, la patiente opte pour la solution implantaire fixe sur les deux arcades.

FLUX DE TRAVAIL PRÉPARATOIRE

La réalisation du bridge provisoire en amont de la chirurgie nécessite d’importantes étapes de préparation pour finaliser ensuite un projet prothétique précis et usinable après la planification implantaire. Dans l’objectif de réaliser un projet prothétique, nous réalisons un rendez-vous afin de récolter :

- des empreintes optiques pour avoir la situation dentaire initiale mais aussi les tissus supports nécessaires à la réalisation du bridge provisoire (figure 5) ;

- une série de photographies qui permettront de réaliser un smile design nécessaire pour guider le prothésiste dans sa réalisation de simulation prothétique tant dans la dimension des dents que dans leur positionnement. Nous utiliserons ici le protocole du Digital Smile Design [2] (figure 6) ;

- un enregistrement de la relation centrée afin de remettre la patiente dans une situation maxillo-mandibulaire plus physiologique et donc plus confortable. Dans la situation clinique présentée, nous utiliserons l’enregistrement neuro-musculaire ou Tens [3] (figure 7).

Une fois ces éléments transmis au prothésiste, il sera en capacité de réaliser un projet prothétique des deux arcades en occlusion en fonction des critères esthétiques. Ce projet (version numérique sous forme de fichier STL) sera alors positionné dans le logiciel implantaire (DTX Implant) pour planifier les implants en regard des futures dents (planning chirurgical).

Ce planning implantaire est partagé avec le prothésiste afin qu’il puisse ajuster le bridge au positionnement implantaire mais aussi à la muqueuse (DTX Lab) (figures 8 et 9). Il va également ajouter des cylindres complémentaires qui auront un positionnement intra-osseux [4]. Ces tiges en PMMA permettront le bon positionnement (esthétique et fonctionnel) du bridge par un positionnement reproductible dans l’environnement dur et stable qu’est l’os. Nous aurons donc un bridge en PMMA avec 3 à 4 cylindres additionnels pour le positionnement osseux lors de la chirurgie.

Une fois ces designs validés, les bridges sont alors usinés (résine PMMA ; Usineuse ZirkonZahn M5 ; Résine Ivotion Dent Multi, Ivoclar) (figure 10).

Les bridges sont réalisés en fonction du design esthétique et fonctionnel mais aussi en fonction du positionnement prévu des implants et des cylindres temporaires. Ces perforations doivent être réduites afin d’améliorer la cohésion de l’assemblage mais aussi pour ne pas modifier le design du bridge, voire le fragiliser. La chirurgie peut alors commencer.

FLUX DE TRAVAIL CHIURGICAL

La chirurgie est séquencée en 4 étapes.

1. Une fois l’anesthésie réalisée, nous allons procéder à la fixation du tracker du patient indispensable pour son repérage par les caméras du dispositif de navigation (X-Guide, Nobel Biocare). Cette étape passe par la mise en place de 2 vis (EDX) dans la mâchoire de la patiente et ce sans interférence avec les futurs positionnements implantaires. Ensuite, le bras sur lequel le tracker est vissé est choisi et mis en place sur ces vis (figures 11 et 12).

2. Il faut alors réaliser la calibration en tant que telle qui passe par le choix de points remarquables - dentaires (fichier STL) si dents non mobiles ou osseux (fichier DICOM) - d’abord sur l’écran de la machine de navigation, puis en pratiquant un toucher des points choisis avec une sonde spécifique équipée elle aussi d’un tracker. Cette étape en fonction de la situation clinique peut prendre 1 minute (si dents présentes non mobiles et sans artefact) à 15 minutes (dans les situations cliniques de patient édenté complet sans dents et avec très peu de reliefs identifiables) (figure 13).

3. La mise en place des implants (N1, Nobel Biocare) peut alors débuter. L’objectif est de poser les implants un par un en suivant la cible que ce soit pour les forages ou la mise en place des implants (figures 14 et 15).

4. Enfin, nous allons créer les logements intra-osseux pour les cylindres spécifiques du bridge provisoire grâce à l’aide de la navigation. En suivant les cibles, nous pouvons préparer les logements de façon précise et reproductible. C’est le guidage de ces forages qui est capital pour le bon positionnement du bridge préparé. Le bridge doit être bien positionné en fonction des implants déjà en place mais aussi en fonction des critères prothétiques indispensables dans la réhabilitation globale (transmis initialement au prothésiste via le DSD). Le bridge sera bien positionné pour recevoir les cylindres temporaires de connexion aux piliers implantaires mais aussi pour que le plan incisif et la ligne médiane soient bien positionnés dans le cadre facial. Le processus global (étapes de préparation et étapes de chirurgie) assure donc un résultat prédictible à tout point de vue (figures 16 et 17).

FLUX DE TRAVAIL PROTHÉTIQUE

Une fois cette phase chirurgicale passée, la partie prothétique va se révéler finalement assez simple si, et uniquement si, toutes les étapes ont été respectées consciencieusement.

Il s’agit d’abord de mettre les piliers prothétiques en place (Multi Unit Abutment, Nobel Biocare) au torque préconisé par le fabricant puis de visser les cylindres temporaires titane sur ces piliers et de présenter le bridge provisoire perforé : il doit rentrer d’autant plus facilement que les implants sont parallèles.

La liaison entre les cylindres temporaires et le bridge usiné en PMMA se fera en injectant du composite flow dans le faible espace résiduel entre les deux éléments. Ce faible espace renforce la cohésion en comparaison avec de grands espaces. Afin d’optimiser cette solidarisation de la résine composite avec le PMMA, il est recommandé d’appliquer un conditionneur photopolymérisable (SR Connect, Ivoclar Vivadent) servant à lier les matériaux de stratification photopolymérisables aux prothèses en PMMA, en polymères polymérisables à froid ou à chaud ou en résine.

Une fois cette connexion réalisée, il faut retirer le bridge provisoire afin de compléter les potentiels manques mais aussi d’ajuster les cylindres temporaires si besoin et de polir la résine afin de proposer la meilleure surface pour les tissus en voie de cicatrisation. Évidemment, les cylindres en PMMA intra-osseux seront sectionnés. Une fois les finitions réalisées (environ 15 minutes par bridge), ils peuvent être mis en place. La patiente peut alors recevoir ses bridges : l’intervention est terminée (figures 181920 à 21).

CONCLUSION

La navigation est un outil assurant le bon positionnement implantaire, ce qui est un point crucial du point de vue biologique, prothétique et esthétique. Lorsque nous évoquons l’avantage prothétique, il s’agit bien évidemment de la prothèse finale mais aussi de la prothèse provisoire. En effet, la navigation permet d’anticiper le bridge provisoire, d’en assurer son bon positionnement et donc d’offrir une réhabilitation immédiate prothétique de qualité. La navigation, dans l’application d’un protocole strict mais simple, permet l’opportunité d’un traitement de qualité dans un temps restreint.

Liens d’intérêts

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Jung RE, Schneider D, Ganeles J, Wismeijer D, Zwahlen M, Hämmerle CH, Tahmaseb A. Computer technology applications in surgical implant dentistry: A systematic review. Int J Oral Maxillofac Implants 2009;24 (suppl.): 92-109.
  • 2. Coachman C, Calamita M. Digital Smile Design: A tool for treatment planning and communication in esthetic dentistry. Quintessence Dent Technol 2012;35;103-111.
  • 3. Gaillard C, Hue C. Application clinique de la dentisterie neuromusculaire : le bio-mimétisme fonctionnel et esthétique. Fil Dentaire 2012;69:46-50.
  • 4. Pozzi A, Hansson L, Carosi P, Arcuri L. Dynamic navigation guided surgery and prosthetics for immediate loading of complete-arch restoration. J Esthet Restor Dent 2021;33(1):224-236.