CONCEPTION NUMÉRIQUE PAR CFAO ET IMPRESSION 3D D’UNE CLÉ DE POSITIONNEMENT D’UN BRIDGE COLLÉ CANTILEVER
Dentisterie
Restauratrice
Exercice libéral à Foix.Exercice libéral à Genève.
La thérapeutique de bridge collé cantilever présente des taux de survie élevés. Sa mise en œuvre demande un protocole précis incluant l’utilisation d’une clé de positionnement pour s’assurer de la bonne position du bridge qui pourrait être repoussé par le champ opératoire ou par les contacts proximaux. L’absence de rétention de cette thérapeutique adhésive demande une grande précision lors de la phase d’assemblage. Cette clé doit répondre à plusieurs critères : translucide pour contrôler la position des dents adjacentes, rigide et potentiellement réutilisable pour les bridges en zircone. Les excès de matériaux d’assemblage doivent pouvoir être éliminés aisément. Cet article a pour but de proposer une clé imprimée en résine transparente obtenue par CFAO.
Le bridge collé cantilever n’est plus une thérapeutique d’attente réservée à des patients trop jeunes pour recevoir un implant dentaire [1, 2]. Il s’agit d’une réelle thérapeutique d’usage dont les indications sont bien définies [3]. Sa mise en œuvre demande, comme pour tout acte médical, de la rigueur, notamment lors de la phase d’assemblage avec une clé de positionnement [4]. Cet article décrit une conception numérique de cette clé et son impression 3D.
L’assemblage d’un bridge collé cantilever demande de respecter un protocole précis.
Quel que soit le matériau utilisé (disilicate de lithium [1] ou zircone [2]), le positionnement du bridge collé demande une grande précision (figure 1).
Pour cela, la confection d’une clé de positionnement est indispensable pour :
- contrer l’effet rebond du champ opératoire (figure 2) ;
- garantir l’alignement des bords libres ;
- éviter la rotation dans le sens vestibulo-palatin [5] (figure 3).
La difficulté de placement est accentuée par l’épaisseur et la viscosité du matériau d’assemblage (colle complexe, composite de collage, etc.) et l’absence de préparation rétentive de la face palatine de la dent support de l’ailette.
La thérapeutique de bridge collé cantilever intéresse essentiellement le remplacement des incisives, généralement en édentement unitaire encastré, et la littérature scientifique a désormais validé son utilisation avec un recul clinique de 15 ans et un taux de succès de 98,2 % à 10 ans [6-9]. Certains auteurs le considèrent comme la première thérapeutique de choix pour remplacer une dent absente dans le secteur antérieur [10] (figures 45678 à 9).
L’essayage du biscuit n’est pas facilité par la préparation non rétentive.
L’utilisation d’une clé de positionnement, même lors de la phase d’essayage, facilite la mise en place selon la position définie sur l’empreinte et des matériaux d’essayage temporaires photopolymérisables sont indispensables : ciment provisoire temporaire et transparent à prise duale tel que Temp-Bond Clear (Kerr) (figures 1011 à 12).
Les clés de positionnement telles qu’elles ont été décrites [3, 4] sont principalement confectionnées avec de la résine type Ceramill Gel (Dentanor, Girrback) ou avec de la Résine DuraLay (Reliance). Ces matériaux sont simples d’utilisation et leur conception doit permettre [4] :
- une meilleure compression du pontique ovoïde sur le berceau gingival ;
- le contrôle et le dégagement de l’adhésif ou du matériau d’assemblage ;
- le contrôle de l’alignement des bords libres ;
- d’éviter la rotation dans le sens vestibulo-palatin.
Les matériaux utilisés jusqu’à présent ne donnaient pas entière satisfaction.
• La rigidité et le côté « cassant » de la résine n’apportent pas la sérénité nécessaire lors de l’assemblage.
• La couleur du matériau et son opacité gênent la visibilité des dents adjacentes pour aligner au mieux les bords libres incisifs, ce qui est capital et peut également influer sur la qualité de la polymérisation.
• La réalisation de façon artisanale peut être chronophage.
• Sa réutilisation en cas de descellement peut être compromise (perte de la clé, casse du matériau constituant la clé, etc.).
Plusieurs publications ont proposé des conceptions de clés de positionnement, de manière « artisanale » ou bien digitales, usinées ou imprimées, sans pour autant développer les étapes de conception de ces dispositifs, avec des matériaux différents [11-16].
La recherche d’un matériau idoine, translucide et suffisamment rigide, pouvant être éventuellement réutilisé, a abouti à l’utilisation de la CFAO.
La visibilité des bords libres et même des dents grâce à un matériau transparent est une aide précieuse lors de la phase d’assemblage.
Le design d’une clé par informatique grâce à un logiciel nous permet de reproduire assez fidèlement la conception de cette clé, mais aussi de gagner du temps ensuite dans la conception de nouvelles clés pour d’autres cas cliniques.
Les étapes de la conception de cette clé :
- disposer d’un logiciel de design CFAO (par exemple, Exocad) en module « gouttière » ;
- respecter un appui sur les bords libres des 2 dents adjacentes, en vestibulaire et palatin, tout en recouvrant les bords libres de 3 mm et ajourer la clé sur la partie centrale du bord libre ;
- la clé doit être espacée sous les embrasures occlusales, au niveau des contacts proximaux, afin d’accéder au joint de collage avec un pinceau.
Les points importants pour la réalisation de la gouttière :
- gestion de l’angle d’insertion : plus la valeur est importante, moins la gouttière sera rétentive, soit angle = 0° ;
- décalage de 0,03 mm : ceci contrôle l’entretoise numérique qui est superposée sur le modèle ;
- autoriser les contre-dépouilles jusqu’à 0,1 mm : il s’agit de la quantité maximale de rétention ;
- il y a donc une adéquation à trouver entre ces deux paramètres pour obtenir l’insertion et le maintien souhaité ;
- lissage de 16,7 % : plus le nombre est grand, plus ce sera lisse ;
- épaisseur minimale de 0,3 mm.
Si la gouttière est usinée, il faudra indiquer une valeur légèrement supérieure au diamètre du plus petit outil qui est utilisé pour l’usinage de l’intrados.
À l’avenir, nous rechercherons une épaisseur moins importante, qui est actuellement à améliorer dans nos recherches en affinant la clé.
Une fois le fichier STL récupéré, il peut être imprimé par une imprimante 3D avec une résine translucide résistante et biocompatible (figures 1314 à 15).
La résine Dental LT (Formlabs) est une résine orthodontique hautement transparente spécialement conçue pour une utilisation biocompatible et durable (pouvant donc être conservée et réutilisée si besoin, voire réimprimée en quelques minutes).
Une fois le fichier récupéré, il est importé dans le logiciel de l’imprimante 3D, ici PreForm (Formlabs) (figures 161718 à 19). Il est ensuite imprimé en résine Dental LT Clear dans un temps rapide (30 minutes).
La clé est traitée dans un bain d’alcool isopropylique 10 minutes puis polymérisée à 80 °C pendant 20 minutes. L’élément ainsi produit est détaché de son support par élimination des tiges d’impression, puis parfaitement poli.
La clé est ensuite stockée avec le bridge cantilever, prêts à être assemblé en bouche (figures 2021 à 23).
Les avantages d’une clé de positionnement imprimée en résine transparente [17, 18] (figures 2425 à 26) (tableau 1).
• Visibilité parfaite des dents adjacentes afin de garantir un positionnement en respectant l’alignement des bords libres qui est un élément esthétique déterminant.
• Polymérisation améliorée grâce à la transparence du matériau.
• Accéder précisément aux limites afin de pouvoir éliminer dans un premier temps à la sonde puis au pinceau les excès du matériau d’assemblage, notamment au niveau des embrasures et contacts proximaux.
• Pouvoir éventuellement réutiliser la clé dans le cadre d’une complication de descellement d’un bridge cantilever en zircone [19] ou bien réimprimer la clé si besoin en conservant le fichier STL, même plusieurs années plus tard.
• Biocompatibilité de la résine.
Enduire la clé d’isolant de type vaseline permet d’éviter l’adhésion du matériau d’assemblage et le retrait aisé de la clé après polymérisation.
La réalisation d’une clé de positionnement avec les outils numériques est simple, reproductible et rapide. Un design de la clé par logiciel de conception suffit pour produire un fichier numérique qui peut également être imprimé et produit au sein du cabinet dentaire.
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
À Arnaud Cavoret pour m’avoir assisté dans le design CFAO et au Laboratoire Prothesia pour la réalisation des bridges cantilever.