PEU, PAS OU TROP DE SALIVE : DANS QUELS CAS ADRESSER ?
Dossier
Marjolaine GOSSET* Rama ALBITAR** Franck DECUP***
*PU-PH, Université Paris Cité. AP-HP, Hôpital Charles-Foix. Laboratoire UR 2496, Montrouge.
**Université Paris Cité. Externe, AP-HP, Hôpital Charles-Foix.
***MCU-PH, Université de Paris Cité. AP-HP, Hôpital Charles-Foix. Laboratoire UR 2496, Montrouge. Exercice libéral à Paris.
Les patients se plaignent souvent de sécheresse buccale mais cette plainte est souvent peu prise en considération. Elle est pourtant essentielle pour la santé orale. Manquer de salive ou en avoir de façon trop abondante… nous devons savoir objectiver ces situations et rebondir quand nous les rencontrons. À quelles conditions médicales devons-nous penser ? Comment les explorer ? Quand adresser à un médecin ?
Le manque ou l’excès de salive peut constituer une gêne dans...
Les patients se plaignent souvent de sécheresse buccale mais cette plainte est souvent peu prise en considération. Elle est pourtant essentielle pour la santé orale. Manquer de salive ou en avoir de façon trop abondante… nous devons savoir objectiver ces situations et rebondir quand nous les rencontrons. À quelles conditions médicales devons-nous penser ? Comment les explorer ? Quand adresser à un médecin ?
Le manque ou l’excès de salive peut constituer une gêne dans le quotidien du patient : difficulté à la déglutition, bouche qui colle, réveils pour boire la nuit ou, à l’inverse, sensation de baver sont autant de plaintes exprimées. Les conséquences sur la santé orale sont également importantes et peuvent aboutir à des perturbations complexes. Si dans certains cas, l’étiologie d’une hyposialie peut être identifiée aisément (ex. : radiothérapie cervico-faciale), le chirurgien-dentiste peut aussi se retrouver en première ligne dans le diagnostic d’une maladie jusqu’alors inconnue. Dans ces situations, savoir dépister les signes caractéristiques d’un déséquilibre salivaire et orienter vers un médecin approprié ou un spécialiste permettra une prise en charge efficace du patient.
La salive tient un rôle très important dans la santé orale (figure 1). Par sa composition et ses fonctions de protection, elle est essentielle dans le maintien de l’équilibre biologique des tissus de la cavité buccale, de la fonction masticatrice, du processus digestif et du confort du patient. La salive est composée en très grande majorité d’eau et d’électrolytes mais également de protéines salivaires antimicrobiennes comme des immunoglobulines ou encore des enzymes antibactériennes (lysozyme, lactoferrine et lactoperoxydase).
Le rôle de la salive est multiple. Elle maintient l’environnement buccal hypotonique, assure la clairance orale et régule les niveaux de pH et les compositions ioniques de la cavité buccale. Elle participe à la reminéralisation de l’émail dentaire et contrôle la composition du microbiote oral avec ses propriétés antibactériennes, antifongiques et antivirales, protégeant l’organisme de facteurs extrinsèques néfastes. On la décrit comme un filtre envers les agressions du milieu extérieur, comme un vecteur efficace de molécules actives et comme un possible biomarqueur de pathologies générales.
Les sécrétions salivaires proviennent de trois paires de glandes principales de la cavité buccale - les glandes parotide, submandibulaire et sublinguale - et de centaines de glandes accessoires mineures dans la langue, le palais et les muqueuses buccales. Le volume salivaire quotidien normal est de 0,5 à 1 litre. Pour un sujet sain, le débit salivaire stimulé moyen est de 1 à 1,5 mL/min [1]. Il existe une salive dite non stimulée, produite majoritairement par les glandes parotides en journée, et une salive stimulée, en réponse notamment à la gustation ou à la mastication.
Discrète par sa quantité et sa transparence, la salive ne se rappelle à nous que lorsqu’elle manque - on parle alors d’hyposialie - ou parfois lorsqu’elle surabonde - c’est alors l’hypersialie.
Hyposialie et hypersialie peuvent être suspectées lors de l’entretien clinique ou de l’examen clinique (figure 2) et être mises en évidence par des tests cliniques simples tels que la sialométrie qui mesure le flux salivaire. Ces perturbations du débit salivaire, plus particulièrement en cas d’hyposialie, ont des conséquences délétères sur les différents tissus de la cavité buccale : les dents, le parodonte et les muqueuses peuvent être affectés. Le diagnostic de l’étiologie de la perturbation salivaire est à rechercher pour notamment adapter les soins et dispenser un suivi spécifique à cette situation.
L’objectif de cet article est de proposer une démarche diagnostique et une prise en charge des patients présentant un déséquilibre salivaire. Il met en avant la collaboration nécessaire avec les équipes médicales spécialisées, en réalisant un focus sur une maladie rare dont nous avons l’expertise, le syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS).
Il faut savoir détecter les signes d’alerte.
Le chirurgien-dentiste doit être vigilant lorsqu’un patient déclare « avoir la bouche sèche » [2] (figure 3). Pour vérifier si cette sécheresse ressentie (qu’on nomme xérostomie) est la manifestation d’une réelle diminution de production de salive (dite hyposialie), le chirurgien-dentiste pourra pousser l’interrogatoire médical en évaluant les conséquences de la sécheresse dans la vie quotidienne du patient. Par exemple, dans une enquête récente menée auprès de 1 697 membres de l’Association française de patients atteints de Gougerot-Sjögren et autres syndromes secs (AFGS), nous avons pu observer que les sujets ressentant une sécheresse buccale déclarent avoir une moins bonne qualité de vie et être plus concernés par la sensation d’inconfort buccal, avant tout pour « déglutir » et « parler », et par des interruptions du sommeil [3]. Il existe donc des questions simples à poser au patient pour évaluer la sécheresse (encadré 1).
De même, le chirurgien-dentiste doit être attentif aux informations médicales et habitudes de vie qui pourraient expliquer la sécheresse buccale ou être à l’origine d’une hyposialie non ressentie. En effet, des antécédents médicaux ou des comportements fréquents en population générale peuvent avoir une influence sur la qualité et la quantité de la sécrétion salivaire [4]. Il s’agit de :
- l’âge avancé : une sénescence des glandes salivaires associée à un défaut d’hydratation de la personne âgée peut expliquer une sécheresse ;
- l’utilisation de certains médicaments dont l’un des effets indésirables est d’être sialoprive : en chef de file les psychotropes, les antidépresseurs tricycliques (IMAO, neuroleptiques et anxiolytiques) ou certains anti-hypertenseurs. En effet, on estime que les médicaments sialoprives sont soit des facteurs responsables, soit des facteurs aggravants dans 80 % des déficits salivaires ;
- le tabagisme ou les stupéfiants entraînent généralement une diminution de la sécrétion salivaire ;
- la radiothérapie cervico-faciale dans un champ d’irradiation impliquant les glandes salivaires ou certaines chimiothérapies pour le traitement d’un cancer sont également connues comme affectant le débit salivaire ;
- des pathologies rares connues du patient, comme les maladies auto-immunes, les maladies inflammatoires ou des désordres métaboliques (tableau 1).
Lors de l’observation orale, chez le patient évoquant une sécheresse mais également chez tout patient, le praticien devra être alerté par un tableau clinique présentant une sévérité des maladies bucco-dentaire disproportionnée par rapport à l’âge ou aux habitudes du patient (figures 4 à 6). La présence d’une ou des lésions suivantes peut être révélatrice d’une hyposialie non diagnostiquée :
- des lésions carieuses multiples atypiques dans des zones habituellement facilement autonettoyées (en particulier cervicales, bords libres ou cuspides), des restaurations très nombreuses et des lésions secondaires malgré une hygiène dentaire régulièrement appliquée sont des signaux d’alarme forts. L’augmentation du risque carieux est caractérisée par la baisse de l’immunité salivaire, l’adhérence du biofilm et la chute du pH qui créent un environnement très favorable à la croissance bactérienne. Ces patients ont souvent un passé de traitements restaurateurs important et la sensation de ne jamais en finir ;
- une forte prévalence de l’usure peut être le résultat du manque de lubrification des surfaces et de la baisse du pH ;
- l’inflammation gingivale accrue et l’observation d’un biofilm très adhérent sont aussi des signes ;
- la salive est visqueuse, filante ou bulleuse ;
- la langue a un aspect spécifique dépapillée ou « rôtie » dû à l’irritation de la muqueuse. Une perlèche ou une candidose est parfois associée [5] (figure 7).
Dans les situations où des signaux d’alerte sont identifiés, sans que l’origine soit déterminée, l’hypothèse d’une hyposialie doit être explorée et le praticien doit appliquer une démarche diagnostique pour investiguer les étiologies plus rares (tableau 1), en se mettant en relation avec le médecin traitant. Il s’agit par exemple de l’existence d’un diabète non équilibré (notamment en hyperglycémie), d’une maladie rare (syndrome de Gougerot-Sjögren, sarcoïdose…) ou de la maladie associée aux IgG4.
Pour le praticien, une démarche systématique permet de ne pas passer à côté d’un diagnostic qui sera précieux pour le patient et sa prise en charge future. Elle s’appuie sur deux actions simples.
Le chirurgien-dentiste pourra objectiver une réduction du flux salivaire par la réalisation de tests de sialométrie : une évaluation approximative par le test du sucre (encadré 2) ou une évaluation objective par des tests de mesure du débit salivaire non stimulé (encadré 3) tels que les tests Saliva-Check qui sont simples, peu onéreux et rapides (< 12 minutes) à effectuer.
Pour investiguer les étiologies plus rares (tableau 1), il faut s’appuyer sur un entretien clinique structuré et l’éventuelle prescription d’examens complémentaires. Par exemple :
- pour investiguer un diabète non équilibré, le praticien pourra rechercher chez le patient l’existence d’antécédents familiaux de diabète dans les apparentés de premier degré (père, mère, frère, sœur), la triade « polyurie, polydipsie et polyphagie », un amaigrissement rapide récent, des antécédents de maladies cardio-vasculaires dont l’hypertension et l’hypercholestérolémie/hypertriglycéridémie, et prescrire le cas échéant une glycémie à jeun. En bouche, l’existence d’une candidose orale ou d’une parodontite avec une inflammation exacerbée en rapport avec la quantité de plaque dentaire est également un signe cohérent avec l’existence d’un diabète non diagnostiqué [6] ;
- l’existence de multiples signes cliniques tels que des antécédents de crise de parotidite (inflammation, voire infection avec gonflement des glandes salivaires) (figure 8), d’affections oculaires, de douleurs articulaires, de signes généraux (fièvre, asthénie) pourra conduire à adresser à un médecin pour investiguer une maladie auto-immune telle que la sarcoïdose.
Si des éléments de l’investigation poussée confirment l’hypothèse de l’hyposialie, nous pourrons adresser le patient à un médecin pour approfondir le diagnostic. Ce sera le cas dans les situations suivantes :
- si une étiologie médicamenteuse est suspectée, pour adapter la dose et ou modifier la molécule dans la mesure du possible ;
- si une maladie associée à une sécheresse buccale est évoquée, pour réaliser une investigation médicale.
En effet, pour de nombreuses maladies (ex. : la maladie du greffon contre l’hôte dans le cas d’une sécheresse buccale ou la maladie de Parkinson dans le cas de la stase salivaire), le chirurgien-dentiste sera rarement un acteur du dépistage de la maladie car les modifications salivaires sont secondaires à d’autres symptômes cliniques. Cependant, il a un rôle à jouer pour dépister d’autres pathologies dont le syndrome de Gougerot-Sjögren. Ce syndrome est une pathologie auto-immune systémique rare (prévalence de 0,02 % pour le SGS primitif selon l’AFGS), chronique, à composante inflammatoire. Il existe une forme secondaire, dite associée, à d’autres pathologies auto-immunes (ex. : polyarthrite rhumatoïde).
L’une de ses caractéristiques majeures est l’infiltration lymphocytaire des glandes exocrines, dont les glandes salivaires et lacrymales. En conséquence, une sécheresse buccale et oculaire est observée mais également une sécheresse cutanée, génitale ou encore respiratoire [7]. Deux autres symptômes sont classiquement retrouvés : une asthénie intense et des douleurs musculo-articulaires [8].
Le dépistage des patients atteints de SGS est extrêmement complexe. Il est posé en moyenne 6 à 7 ans après les premiers symptômes. Or, le premier symptôme à apparaître est l’hyposialie, ce qui donne au chirurgien-dentiste un rôle majeur dans le dépistage précoce de cette pathologie. Ainsi, certains tableaux cliniques doivent mener à l’investigation, avec l’équipe médicale, de l’existence d’un syndrome de Gougerot-Sjögren.
• Profil du patient : les femmes sont plus touchées, avec une proportion de 9 pour 1, et le pic de prévalence se situe entre 40 et 60 ans, au moment de la ménopause.
• Antécédents familiaux ou chez le patient ayant une autre maladie auto-immune comme la polyarthrite rhumatoïde ou l’hypothyroïdie de Hashimoto.
• Altération des fonctions et de la qualité de vie :
- existence d’un syndrome sec dont une sécheresse oculaire invalidante depuis plus de 3 mois, avec une sensation de sable dans les yeux, obligeant le patient à mettre souvent des gouttes lubrifiantes dans les yeux ;
- fatigue intense ;
- douleurs dans les membres et plus précisément dans les articulations et les muscles ;
- histoire récente de parotidite (infection des glandes salivaires favorisée par la migration de bactéries orales dans les canaux excréteurs des glandes salivaires où la chasse salivaire est altérée) (figure 8).
C’est pourquoi, face à l’existence de tout ou partie d’un tableau évocateur d’un syndrome de Gougerot-Sjögren, le patient devra être adressé à un médecin (rhumatologue ou généraliste de ville ; rhumatologue ou médecin interniste hospitalier) ou directement auprès d’un centre de compétence ou de référence de la filière de Santé des maladies auto-immunes rares (FAI2R) [9] pour dépistage de cette maladie selon les critères de l’ACR-EULAR [10]. Le diagnostic médical reposera sur un scoring établi sur les symptômes oculaires et buccaux, les signes objectifs d’atteinte oculaire et salivaire par analyse fonctionnelle, des tests histologiques (biopsie des glandes salivaires) et la recherche d’anticorps spécifiques anti-Ro/SSA et/ou anti-La/SSB.
L’hyposialie est donc un déséquilibre physiologique consécutif à un des états précédemment cités. Elle représente un facteur de risque important de la maladie carieuse, d’usure et parodontale et engendre de nombreuses répercussions sur la sphère orale (douleurs, problèmes fonctionnels et désordres esthétiques).
Parallèlement au diagnostic, ces conséquences doivent faire l’objet d’une attention et d’une prise en charge spécifique par le chirurgien-dentiste pour améliorer les conditions du contrôle de la santé orale et le confort de vie du patient.
Les demandes et les besoins de traitement du patient sont complexes, d’autant que la sécheresse buccale est souvent associée à une augmentation du reflux gastro-œsophagien. Guérison des lésions biologiques, résolution de l’inconfort, amélioration de l’aspect du sourire sont les objectifs à atteindre par une prise en charge généralement multidisciplinaire [11]. Cette stratégie de prise en charge et de traitement a été décrite par des recommandations dans le cadre du syndrome de Gougerot-Sjögren pour améliorer l’efficience du traitement [8, 12]. Globalement, le chirurgien-dentiste doit s’appuyer sur une stratégie de prise en charge globale pour assurer les meilleures chances de succès. Il s’agit de guérir et protéger les tissus dentaires (tissus les plus vulnérables) tout en agissant sur l’équilibre de l’écosystème buccal.
La démarche comporte trois phases :
- l’éducation thérapeutique associant la compréhension et l’implication du patient (encadré 4) ;
- le contrôle symptomatique du manque de salive (tableau 2) et la prophylaxie (encadré 5) ;
- le traitement et son suivi (encadré 6).
Un accompagnement extrêmement régulier, au minimum tous les 6 mois, avec un véritable soutien du patient dans ses efforts est nécessaire sur le long terme.
Il existe des consultations spécialisées dans la prise en charge des patients atteints de syndrome sec buccal, telles que celle du Service d’Odontologie de l’hôpital Charles-Foix (Ivry-sur-Seine) ou celle du Centre hospitalier régional universitaire Morvan (Brest). Tous les centres spécialisés dans la prise en charge des patients atteints de Gougerot-Sjögren sont indiqués dans le PNDS [8].
Des exemples de situations cliniques sont exposés figures 9 à 11.
Le fait d’avoir trop de salive en bouche peut résulter d’une hypersialie - c’est-à-dire une augmentation du flux salivaire dont les causes sont souvent mal connues - ou d’une hypersialorrhée - qui correspond à un écoulement de salive hors de la bouche en raison d’un excès de production et/ou d’une salive qui n’est pas déglutie efficacement.
• Une hypersialie a été décrite :
- lors de la grossesse sous l’effet des hormones : on parle de ptyalisme gravidique qui se résout spontanément après l’accouchement [13] ;
- lors de phases inflammatoires ou infectieuses de la sphère ORL ou systémiques.
• Une hypersialorrhée a été décrite lors de paralysies cérébrales, de maladies neurodégénératives (maladie de Parkinson, maladie de Wilson sous forme hépato-neurologique), en raison de défauts de la déglutition par dyskinésie des muscles faciaux, ou encore de cancers de la sphère ORL (cancer de la langue).
Dans ces maladies, le poids de la stase salivaire au regard des autres éléments symptomatiques de ces maladies n’est pas un critère majeur de diagnostic. Autrement dit, le chirurgien-dentiste devra explorer les antécédents médicaux du patient pour identifier un facteur médical explicatif de l’hypersialorrhée. Celle-ci devra être prise en compte pour le suivi du patient qui évoque le plus souvent un écoulement nocturne, voire diurne, de salive en dehors de la bouche pouvant être associé à une accumulation de tartre importante. Dans le cas des cancers de la sphère ORL, le diagnostic débute souvent par une consultation motivée par une douleur buccale, une lésion de la muqueuse orale qui ne cicatrise pas, l’existence d’une masse anormale, des difficultés d’élocution et/ou de déglutition. La démarche diagnostique et la conduite à tenir sont exposées dans l’article de l’équipe du Dr Taihi de ce numéro de CLINIC. À ce jour, il n’y a pas de traitement reconnu pour contrôler cette hypersalivation dans le cadre de dysfonction de la déglutition [14]. Des traitements tels que la prescription de médicaments anticholinergiques, des injections échoguidées de Botox, des radiothérapies ou des chirurgies des glandes salivaires sont proposées. Enfin, il faut savoir que l’hypersialorrhée est rarement consécutive à un effet secondaire d’un traitement médical.
Mme T., 54 ans, consulte pour un contrôle et se plaint d’avoir continuellement des problèmes carieux malgré de gros effort d’hygiène, de suivi et un bon équilibre alimentaire. Elle se déclare en bonne santé générale.
À l’examen oral, nous constatons la présence de nombreuses restaurations au vieillissement prématuré (figure 9a) ; presque toutes les dents sont traitées. On observe plusieurs lésions actives primaires et secondaires (figure 9b).
Le biofilm bactérien est adhérent au niveau de surfaces facilement auto-nettoyables (figure 9c). La salive est présente en faible quantité et sous forme de petites bulles éparses (figure 9d).
L’état de santé dentaire paraît en effet trop sévèrement atteint par rapport aux facteurs de risque existants.
Une mesure du débit salivaire non stimulé est réalisée et montre un résultat inférieur à 0,1 mL/min.
La patiente est alors adressée au centre de référence de la filière des maladies auto-immunes rares, au sein du service de Rhumatologie (Pr Mariette, Hôpital Bicêtre, AP-HP), qui diagnostique un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif.
La patiente est prise en charge de manière spécifique par l’équipe médicale et bénéficiera d’un suivi rapproché et adapté au niveau dentaire au cabinet.
Mme D., 63 ans, consulte pour un bilan global et une amélioration de son sourire (figure 10a). Elle ne comprend pas la dégradation de son état dentaire. Elle ne donne pas d’autres informations sur sa santé générale. Aucun antécédent familial n’est relevé. Nous l’interrogeons sur ses habitudes de vie et elle nous dit qu’elle a pris l’habitude de boire régulièrement car elle à la bouche sèche. Elle met cela sur le compte d’un déséquilibre hormonal.
L’examen oral révèle des restaurations défectueuses de toutes les dents, réalisées au cours du temps (figure 10b). Il y a une maladie carieuse active avec des lésions primaires et secondaires. On observe de nombreuses usures des faces vestibulaires obturées ou non (figure 10c). Les muqueuses sont rouges et lisses. Le biofilm est présent et adhérent malgré le passage de brossettes interdentaires (figure 10d). Ces signes d’alertes (sensation de sécheresse et santé dentaire dégradée) nous amènent à considérer sa santé générale sous l’angle des pathologies ou médications connues pour provoquer une hyposialie.
La patiente est alors adressée au centre de référence de la filière des maladies auto-immunes rares, au sein du service de Rhumatologie (Pr Mariette, Hôpital Bicêtre, AP-HP), qui diagnostique un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif.
La patiente est prise en charge de manière spécifique par l’équipe médicale et bénéficiera d’un suivi rapproché et adapté au niveau dentaire au cabinet.
Mme L., 70 ans, consulte pour une prise en charge globale. Elle a des antécédents de traitements très nombreux et des caries récurrentes sous les prothèses fixes déjà en place (figure 11a). Il existe une perte de confiance dans les propositions de traitements.
La patiente ne signale aucune pathologie générale. Elle est traitée pour un reflux gastro-œsophagien.
L’examen oral montre la présence d’une maladie carieuse active, des usures sévères, de très nombreuses restaurations défectueuses (figures 11b à 11d) et un parodonte inflammatoire. On note un indice de plaque élevé.
Devant ce tableau clinique sévère chez une patiente observante, un complément d’information est recueilli : fatigue et sécheresse buccale sont mises en évidence de même qu’une sécheresse oculaire.
Une mesure du débit salivaire non stimulé est réalisée et montre un résultat inférieur à 0,1 mL/min.
La patiente est alors adressée à un service de Médecine interne (Hôpital Ambroise-Paré) qui diagnostique une sclérodermie systémique. Une hyposialie et un gonflement des articulations des mains sont associés.
La patiente est prise en charge de manière spécifique par l’équipe médicale et bénéficiera d’un suivi rapproché et adapté au niveau dentaire au cabinet.
La recherche de l’étiologie des variations de débit salivaire concerne avant tout le chirurgien-dentiste pour investiguer l’étiologie de la sécheresse buccale. Deux cas de figure se distinguent :
- le patient peut présenter d’emblée un contexte médical connu (diabète non équilibré, médicaments sialoprives, maladies neurodégénératives…) compatible avec une altération de la quantité salivaire ;
- le patient se plaint de sa bouche sèche ou d’un excès de salive ou, encore, présente un tableau clinique évoquant une hyposialie.
Le chirurgien-dentiste à un rôle à la fois dans le diagnostic et dans la prise en charge des variations du débit de salive. Elle est très importante pour le patient qui doit être suivi de manière spécifique.
La prise en charge en association avec l’équipe médicale garantit un traitement efficace et rassurant pour le patient.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
• Prenez-vous des gorgées de liquide pour avaler les aliments secs ?
• Êtes-vous réveillé la nuit par la sécheresse ?
• Avez-vous la sensation de bouche sèche quotidiennement depuis plus de 3 mois ?
Le praticien évalue la vitesse de fonte dans la bouche d’un morceau de sucre calibré (un morceau de sucre n° 4, sucre rectangulaire du commerce, placé sous la langue fond normalement en 3 minutes).
• Préalables à la réalisation du test :
- ne pas boire, ni manger, ni fumer 1 heure avant l’examen ;
- le patient est installé confortablement dans un fauteuil au moins 5 minutes avant la réalisation du test, afin qu’il soit le plus détendu possible.
• Temps par temps :
- faire cracher le patient toutes les minutes pendant 10 minutes dans un tube ;
- les échantillons recueillis sont pesés à l’aide d’une balance analytique ;
- l’élément d’analyse s’exprime en mL/min ;
- le débit salivaire non stimulé est anormal s’il est inférieur à 0,3 mL/min. Pour le diagnostic de la maladie de Gougerot-Sjögren, un seuil inférieur à 0,1 mL est un critère diagnostique du syndrome de Gougerot-Sjögren.
• Compréhension du processus pathologique.
• Éducation face à l’alimentation.
• Implication du patient.
• Hydratation fréquente et substitut salivaire.
• Acquisition des techniques de brossage dentaire et des compléments d’hygiène bucco-dentaire (brossettes interdentaires, fil…).
• Amélioration du contrôle de plaque.
• Fluoration.
• Stopper les processus actifs (maladie carieuse, maladie d’usure, maladie parodontale).
• Protéger les structures et restaurer selon une préservation « raisonnée » tenant compte de la nécessité de protection des surfaces dentaires.
• Conserver et restaurer les dents et n’avulser ces dernières qu’en dernier recours (infection, non fonctionnelle…).
• Le recours aux implants dentaires est une solution à proposer.