Clinic n° 07 du 01/07/2023

 

Parodontologie

Alexandre COURTET*   Laurent DETZEN**  


*Chef de clinique des Universités, Assistant des Hôpitaux de Paris. Exercice limité à l’Implantologie orale et la Parodontologie à Paris.
**Chef de clinique des Universités, Assistant des Hôpitaux de Paris. Exercice limité à l’Implantologie orale et la Parodontologie à Paris.

Le maxillaire postérieur édenté représente un défi thérapeutique pour le traitement implantaire. Après avulsion, la résorption osseuse et la pneumatisation du sinus maxillaire peuvent aboutir à une hauteur osseuse résiduelle réduite, souvent associée à une diminution de la densité osseuse. La combinaison de ces trois éléments explique le taux d’échecs implantaires élevé dans cette région anatomique. La mise en place d’implants s’accompagne alors fréquemment d’une...


Le maxillaire postérieur édenté représente un défi thérapeutique pour le traitement implantaire. Après avulsion, la résorption osseuse et la pneumatisation du sinus maxillaire peuvent aboutir à une hauteur osseuse résiduelle réduite, souvent associée à une diminution de la densité osseuse. La combinaison de ces trois éléments explique le taux d’échecs implantaires élevé dans cette région anatomique. La mise en place d’implants s’accompagne alors fréquemment d’une augmentation du volume osseux dans le sens vertical par une technique de greffe osseuse sinusienne préalablement ou simultanément à l’implantation.

TECHNIQUES

La greffe osseuse sinusienne par voie latérale a été la première technique publiée par Boyne et al. [1]. L’abord sinusien crestal a ensuite été introduit par Summers [2] avec, pour objectif principal, une densification osseuse par condensation latérale grâce à l’utilisation d’ostéotomes cylindro-coniques de diamètre croissant. L’auteur décrira par la suite un soulèvement du plancher sinusien et donc de la membrane avec les ostéotomes seuls (Osteotome Sinus Floor Elevation) puis avec le concours d’un matériau (Bone Added Osteotome Sinus Floor Elevation).

ÉVALUATION ET CHOIX DE LA TECHNIQUE

La réussite de l’intégration des implants et du matériau de substitution osseuse dépend de la précision de chaque étape du traitement, allant de la planification au protocole opératoire. L’élévation du plancher sinusien présente des difficultés techniques et des risques de complications per et post-opératoires. Une analyse clinique et radiographique pré-opératoire est primordiale. L’examen radiographique recommandé pour évaluer l’anatomie sinusienne est le Cone Beam Computed Tomography (CBCT). Cet examen doit inclure dans l’acquisition le complexe ostio-méatal afin d’objectiver la perméabilité de l’ostium maxillaire.

Différents éléments doivent être relevés.

• Accessibilité chirurgicale. L’abord latéral peut être complexe à réaliser au niveau des deuxièmes molaires. Une ouverture buccale réduite complique quant à elle l’utilisation des ostéotomes.

• Hauteur osseuse résiduelle. La frontière entre l’abord latéral et l’abord crestal est estimée à 5 mm. Certaines études cliniques présentent des résultats favorables avec des hauteurs osseuses résiduelles de 2 mm traitées par abord crestal. La mise en place éventuelle de l’implant dans le même temps chirurgical dépendra de la possibilité d’obtenir la stabilité primaire. Les évaluations mésio-distale et vestibulo-palatine de la hauteur osseuse résiduelle sont à effectuer sur tout le site implantaire. Si le plancher sinusien est incliné, la fracture de ce dernier par l’ostéotome sera complexifiée.

• Épaisseur de la paroi osseuse antéro-latérale. Une paroi épaisse augmente le temps d’intervention pour l’abord latéral.

• Épaisseur de la membrane sinusienne. Une membrane épaisse présente une capacité d’étirement plus importante. Une membrane fine augmente le risque de perforations. Une consultation chez un ORL est recommandée si l’épaisseur radiologique de la membrane sinusienne est supérieure à 4 mm.

• Localisation et diamètre de l’artère alvéolo-antrale. Une localisation intra-osseuse augmente la difficulté de l’intervention si l’abord latéral est sélectionné. La localisation et les dimensions de la fenêtre osseuse devront être adaptées.

• Angle et distance entre la paroi antéro-latérale et la paroi médiale. Un angle ouvert et une distance élevée facilitent l’élévation de la membrane. Il est éventuellement possible dans ces situations de conserver le volet osseux au sein de la membrane. Un angle fermé et une distance réduite peuvent contre-indiquer une approche latérale.

• Angle de la paroi médiale. Il correspond à l’angle entre la portion palatine du procès alvéolaire du maxillaire et la portion nasale de la paroi médiale. Un angle fermé complique le décollement de la membrane.

• Perméabilité de l’ostium maxillaire. Il doit être perméable. En cas de complications chirurgicales (perforation de la membrane et fuite de matériaux), l’ostium maxillaire peut se retrouver obstrué et bloquer le complexe ostio-méatal.

• Distance mésio-distale à greffer. Elle dicte les dimensions de la fenêtre osseuse. Cette distance est plus difficile à évaluer en cas d’abord crestal.

• Septa osseux. La présence de septum(a) influence le choix de la technique chirurgicale, la position et la forme de la fenêtre osseuse ainsi que la position éventuelle des implants.

• Continuité entre la muqueuse sinusienne et la muqueuse alvéolaire. La présence d’une déhiscence osseuse au niveau crestal ou vestibulaire peut complexifier le décollement de la membrane sinusienne et implique une dissection minutieuse entre les deux muqueuses.

• Contre-indications. Une anomalie naso-sinusienne (polypose naso-sinusienne, kystes rétentionnels, kystes odontogènes, mucocèles, présence d’un corps étranger) ou une sinusite aiguë ou chronique doit être identifiée et, le cas échéant, traitée avant toute intervention chirurgicale. Une collaboration entre le chirurgien-dentiste et l’ORL est indispensable [3].

INTERVENTION

L’abord latéral est parfaitement codifié. Le tracé d’incision et l’élévation du lambeau de pleine épaisseur doivent permettre une visibilité chirurgicale optimale de la zone opératoire. Une décharge mésiale est souvent réalisée afin d’améliorer l’accès. La fenêtre d’ostéotomie est centrée sur la zone à régénérer. Elle peut être réalisée à l’aide d’une fraise boule diamantée sur pièce à main ou par piézotomie. L’utilisation de la pièce à main donne l’avantage d’un temps chirurgical réduit mais s’accompagne de saignements plus importants sur le site et d’un risque plus important de perforation membranaire. Une distance de 2 mm par rapport au mur antérieur et au bas fond sinusien est recommandée afin de faciliter le décollement de la membrane sinusienne. La réduction de la dimension des fenêtres est de plus en plus décrite, s’incluant dans une approche la moins invasive possible. Le décollement de la membrane est réalisé à l’aide de curettes à sinus ou d’inserts piézoélectriques spécifiques. Un décollement de proche en proche doit être réalisé afin de gagner en laxité et d’éviter les déchirures par excès de tension. La zone antérieure est souvent la plus délicate à décoller à cause du rétrécissement de l’espace médio-latéral. L’insertion du biomatériau est réalisée progressivement jusqu’à obtenir une densité suffisante. Le volet osseux et/ou une membrane résorbable peuvent être repositionnés. Les sutures sont réalisées.

L’abord crestal débute également par un lambeau de pleine épaisseur, limité cette fois au site implantaire. Un premier foret implantaire est utilisé à une profondeur correspondant à la hauteur osseuse résiduelle (1 mm). La séquence de forage implantaire s’arrêtera à l’avant-dernier foret. Un ostéotome correspondant au diamètre du dernier foret utilisé est introduit dans le puit jusqu’au contact osseux apical. Des percussions, à l’aide d’un maillet, sont réalisées pour fracturer la corticale osseuse résiduelle du plancher sinusien. Il est primordial que les ostéotomes ne pénètrent pas dans le sinus au risque de déchirer la membrane sinusienne. Le matériau de comblement est ajouté à l’entrée du puit et est condensé par l’ostéotome jusqu’à la hauteur crestale déterminée. L’implant est ensuite positionné. À noter qu’il est également possible de réaliser un abord crestal sans mise en place d’implant (figures 1 à 8).

COMPLICATIONS

La greffe osseuse sinusienne peut faire l’objet de complications per ou post-opératoires. La perforation de la membrane sinusienne est la complication per-opératoire la plus fréquente, quelle que soit la technique sélectionnée. Des classifications existent en fonction de la localisation de la perforation. Il est possible de poursuivre l’intervention dans la plupart des situations. La gestion de la perforation est plus difficile lors de l’abord crestal. La présence de septum osseux peut compliquer l’intervention. Si la position et la morphologie du septum sont incompatibles avec la procédure d’élévation sinusienne, une première intervention chirurgicale peut être indiquée pour supprimer le septum. Un saignement per-opératoire est possible lors de l’élévation du lambeau ou de la préparation de la fenêtre osseuse. L’arrêt du saignement s’effectue par pression, application de cire osseuse, sutures ou cautérisation des vaisseaux à l’aide d’électrodes d’électrocoagulation. L’écrasement des vaisseaux est à éviter car le risque de fracture de la paroi osseuse latérale du maxillaire est élevé. Les infections post-opératoires sont rares et apparaissent généralement dans les deux semaines après l’intervention ; elles peuvent se manifester par des douleurs, un œdème, une déhiscence du lambeau, une suppuration ou une fistulisation. Les causes sont multiples (contamination bactérienne du site chirurgical, temps opératoire élevé, pathologies péri-apicales). Si l’infection persiste après traitement, une consultation ORL sera nécessaire. Lors de la mise en place du matériau, si une pression excessive est appliquée et/ou une quantité importante de matériau est insérée, les particules de matériau peuvent perforer la membrane sinusienne et se déplacer dans la cavité sinusienne, pouvant conduire à une obstruction de l’ostium maxillaire. Une fuite de matériau peut également avoir lieu au travers de la fenêtre osseuse si celle-ci n’a pas été replacée convenablement ou si la membrane collagénique n’est pas correctement stabilisée.

CONCLUSION

Une analyse clinique et radiographique est un préalable indispensable à l’élévation sinusienne par voie latérale ou par voie crestale. Des complications sont possibles et doivent être anticipées.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Boyne PJ, James RA. Grafting of the maxillary sinus floor with autogenous marrow and bone. J Oral Surg 1980; 38(8):613-616.
  • 2. Summers RB. A new concept in maxillary implant surgery: The osteotome technique. Compendium 1994;15(2):152-158[quiz:162]. SFORL.
  • 3. Consensus Formalisé d’Experts concernant Recommandations de bonnes pratiques de la SFORL lors des chirurgies implantaires en rapport avec le sinus maxillaire, 2019.

ENTRETIENS DE GARANCIÈRE

Démonstration clinique réalisée à l’hôpital Rothschild

PARODONTOLOGIE :

Greffe osseuse sinusienne par voie latérale

Séance JM6 21 septembre 2023 - 9 h-12 h 30

Alexandre Courtet, Laurent Detzen

Avec Laure Bessou, Nathalie Mansour, Pamela Reyes Garita, Cécile Wasilewski

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