ADHÉSION AUX EMBASES TITANE : QUELS PROTOCOLES ?
Protocoles laboratoire
Implantologie
Chakib TALEB* Jean-Yves CIERS **
*Responsable scientifique Clinical-Ivoclar France.
**Responsable scientifique Technical-Ivoclar France.
Coller à une embase en titane… tout en collant à sa suprastructure… pouvant être en vitrocéramique, en zircone, en résine… Autant de paramètres qui peuvent rapidement transformer nos procédures de collage en un véritable casse-tête !
Faisons le point sur le protocole adapté à chaque situation.
De manière générale, le collage en prothèse dentaire fixée consiste à traiter de façon spécifique la ou les surfaces des restaurations (extrados ou intrados),...
Les restaurations unitaires implanto-portées collées sur embase en titane (embase-Ti) sont de plus en plus répandues dans notre pratique quotidienne. Elles offrent des avantages indéniables en termes d’intégration biologique et esthétique. Toutefois, les protocoles de collage de ces embases-Ti restent souvent méconnus ou mal mis en œuvre. Cet article décrit de façon simplifiée les points essentiels à connaître sur ces protocoles de collage ainsi que quelques pièges à éviter.
Cet article propose également un exemple de protocole illustré détaillant étape par étape les principaux temps opératoires pour coller un pilier anatomique en vitrocéramique sur son embase en titane.
Coller à une embase en titane… tout en collant à sa suprastructure… pouvant être en vitrocéramique, en zircone, en résine… Autant de paramètres qui peuvent rapidement transformer nos procédures de collage en un véritable casse-tête !
Faisons le point sur le protocole adapté à chaque situation.
De manière générale, le collage en prothèse dentaire fixée consiste à traiter de façon spécifique la ou les surfaces des restaurations (extrados ou intrados), avant de les assembler à l’aide d’un composite de collage. Ces pré-traitements confèrent au matériau son aptitude au collage.
Dans un assemblage de restauration prothétique anatomique sur embase-Ti, il est donc également nécessaire de considérer l’adhésion au titane, d’une part, et l’adhésion à la suprastructure prothétique, d’autre part (figure 1).
L’adhésion au titane a été étudiée et documentée depuis plus de 30 ans. Nous savons aujourd’hui que des monomères adhésifs sont efficaces pour le collage sur le titane [1]. Parmi ces promoteurs d’adhésion au titane, nous pouvons citer :
– le MDP : méthacrylate de 10-(phosphonooxy) décyle ;
– le MEPS : dérivé de thiophosphate de méthacryloyloxyalkyle ;
– le 6-MHPA : phosphonoacétate de 6-méthacryloxyhexyle ;
– le 4-META : anhydride de trimellitate de 4-méthacryloyloxyéthyle.
Le monomère le plus largement répandu est le MDP. Il se retrouve dans les conditionneurs de la zircone et des métaux, par exemple Z-Prime (Bisico), Alloy Primer (Kuraray) ou Monobond Plus (Ivoclar).
Le monomère MDP est également présent dans la formulation de certains composites de collage auto-adhésifs, par exemple Panavia SA Cement (Kuraray), RelyX UniCem (3M) ou SpeedCEM Plus (Ivoclar).
Par ailleurs, il a été démontré qu’un mordançage mécanique de la surface en titane permet d’optimiser les valeurs d’adhérence. Il est ainsi recommandé de sabler le titane à l’alumine (Ø de 50 µm, 2 à 2,5 bars) pour augmenter son aptitude au collage [2]. À noter que cette recommandation n’est indiquée que si l’embase-Ti n’est pas déjà pré-sablée par le fabricant. En effet, certains fabricants proposent des embases-Ti déjà sablées, simplifiant ainsi la procédure de collage.
Selon la nature du projet biologique et esthétique, la suprastructure prothétique collée sur embase-Ti peut être faite de différents matériaux [3-4]. Qu’elle soit sous forme de pilier ou de couronne anatomique, les matériaux généralement indiqués sont :
– la vitrocéramique, par exemple IPS e.max CAD (Ivoclar) ou n!ce (Straumann) ;
– la céramique hybride, par exemple VITA Enamic IS (Vita) ;
– la zircone, par exemple inCoris ZI Meso (Dentsply Sirona) ;
– la résine polyméthacrylate de méthyle (PMMA) pour les restaurations provisoires, par exemple Telio CAD (Ivoclar) ou VITA CAD-Temp IS (Vita).
Il n’existe pas de protocole de collage universel pour tous ces matériaux. Le conditionnement de ces différentes surfaces sera ainsi adapté à la nature du matériau. Il peut même parfois y avoir des nuances de protocole pour un même type de matériau selon les recommandations spécifiques de son fabricant.
Un pré-traitement adéquat et soigneux des surfaces de la suprastructure recevant le fût de l’embase-Ti (puit du pilier ou de la couronne) est une condition préalable à la réussite du collage. Selon la nature du matériau constituant la suprastructure, le protocole de pré-traitement sera différent.
Dans un premier temps, il est recommandé de mordancer chimiquement la vitrocéramique par dissolution de la phase vitreuse à l’aide d’un gel d’acide fluorhydrique (5 à 9 %), par exemple IPS Ceramic Etching Gel (Ivoclar), Porecelain Etch (Ultradent) ou Adiva Cera-Etch (Vita).
La durée du mordançage doit être adaptée aux différents types de vitrocéramique selon leur teneur en verre. Par exemple, les vitrocéramiques renforcées au disilicate de lithium sont généralement mordancées pendant 20 secondes. Un temps de réaction prolongé entraîne un sur-mordançage pouvant diminuer les valeurs d’adhérence.
Dans un deuxième temps, la surface vitrocéramique mordancée doit être traitée avec un primer contenant du silane, par exemple Monobond Plus (Ivoclar), Porcelain Primer (Bisco) ou G-Multi Primer (GC). Ce promoteur d’adhésion agit comme un agent de couplage entre la surface céramique et le composite de collage. Le temps de réaction du silane est généralement de 1 minute mais peut varier selon le primer utilisé. Il est important de sécher rigoureusement la surface après silanisation.
Ce même protocole en deux temps, combinant acide fluorhydrique et silane, est également recommandé pour le pré-traitement des céramiques hybrides telles que VITA Enamic IS (Vita).
Pour les vitrocéramiques, il existe une variante à ce protocole en deux temps, consistant à utiliser un primer auto-mordançant. Il s’agit du Monobond Etch & Prime (Ivoclar) contenant à la fois un acide de mordançage (poly-fluorure d’ammonium) et un silane. Le protocole d’application de ce produit est détaillé et illustré dans le paragraphe « Protocole illustré ».
Depuis plus de 20 ans, une multitude de stratégies de collage à la zircone ont été étudiées, avec plus ou moins de succès. Il est aujourd’hui admis qu’un collage efficace à la zircone est obtenu par sablage à l’alumine (Ø de 50 µm, 1 à 2,5 bars) associé à l’application d’un promoteur d’adhésion MDP [5].
L’intrados du fût en zircone sera donc traité dans un premier temps par sablage à l’alumine en prenant la précaution de protéger l’extrados (partie transgingivale) en le recouvrant d’une épaisseur de cire ou de silicone fluide. L’objectif de ce sablage n’est pas de mordancer la surface de zircone ; il s’agit surtout d’activer son énergie de surface pour la rendre apte au collage.
Dans un deuxième temps, la surface de zircone ainsi activée peut recevoir un primer contenant du MDP, par exemple Z-Prime (Bisco), Alloy Primer (Kuraray) ou Monobond Plus (Ivoclar).
Le pré-traitement des fûts en PMMA consiste à les traiter avec un primer spécifique pour résine contenant le monomère méthacrylate de méthyle (MMA), par exemple SR Connect (Ivoclar) ou Visio.Link (Bredent). Les valeurs d’adhérence peuvent être significativement augmentées grâce à un sablage préalable à l’alumine (Ø de 50 µm) [6].
Outre le pré-traitement des surfaces, le choix du composite de collage constitue un élément clé du succès et de la pérennité de l’assemblage.
Parmi les produits indiqués pour ce type de collage, nous retrouvons des composites de collage sans potentiel adhésif nécessitant un pré-traitement préalable des surfaces, par exemple Panavia V5 (Kuraray), Bifix Hybrid Abutment (Voco) ou Multilink Hybrid Abutment (Ivoclar). Ce dernier est spécifiquement indiqué pour le collage sur embase-Ti, notamment grâce à ses charges oxydes augmentant son affinité pour le titane et les céramiques.
Certaines colles auto-adhésives (contenant du MDP) peuvent également être indiquées pour le collage d’embase-Ti, par exemple RelyX Unicem 2 Automix (3M), G-CEM Link Ace (GC) ou TheraCem (Bisco). Elles sont généralement recommandées pour les suprastructures en zircone [7].
Le composite de collage utilisé doit être chémo-polymérisable (ou dual) afin de garantir un durcissement optimal même sous des matériaux opaques telle que la zircone.
Afin d’optimiser le rendu esthétique, il est recommandé d’utiliser une colle présentant un degré d’opacité élevé [8]. En effet, une forte opacité aide à masquer l’effet grisâtre du titane, par transparence à travers la céramique au niveau cervical (figure 2).
En comparaison avec un pilier monobloc, le joint de colle de l’embase-Ti n’augmente pas le risque d’inflammation des muqueuses péri-implantaires [9]. Cependant, il est recommandé d’utiliser les colles présentant la plus faible cytotoxicité possible pour optimiser la biocompatibilité [10].
Enfin, les restaurations anatomiques collées sur embase-Ti doivent être stérilisées à l’autoclave avant assemblage en bouche sur implant. Il est donc important de s’assurer auprès du fabricant de la possibilité de stériliser le composite de collage choisi [11].
À titre d’exemple, le protocole décrit ci-dessous correspond au procédé Abutment Solutions (Ivoclar).
Les étapes illustrées décrivent le protocole de collage d’un pilier anatomique en vitrocéramique renforcée au disilicate de lithium IPS e.max CAD (Ivoclar) sur embase-Ti (Tableaux 1234 à 5).
La procédure est identique pour les couronnes anatomiques.
Même si les conditions exo-buccales nous affranchissent de la gestion de l’humidité, le collage sur embase-Ti reste une procédure multi-étapes exigeant une bonne connaissance des différents protocoles et une grande rigueur opératoire.
Les auteurs déclarent un lien d’intérêt direct avec la société Ivoclar (fabricant de dispositifs médicaux cités dans cet article). Les auteurs sont employés salariés de la société Ivoclar.