LE FLUX NUMÉRIQUE EN ORTHODONTIE PAR ALIGNEURS
Orthodontie
*Spécialiste qualifié en Orthopédie dento-faciale, La Marsa, Tunisie.
**Spécialiste qualifié en Orthopédie dento-faciale, Chantilly.
L’empreinte optique constitue la porte d’entrée du numérique dans nos cabinets grâce aux multiples possibilités de traitement des fichiers STL issus de cette empreinte. Il est possible aujourd’hui d’importer ces fichiers dans un logiciel d’orthodontie numérique afin de réaliser directement un traitement informatique virtuel, ce qui constitue une grande différence avec le process précédent. Nous sommes maîtres d’œuvre du traitement numérique, de A à Z [1,...
La mise en place du flux numérique dans nos cabinets est en train de révolutionner notre mode d’exercice. Grâce à la chaîne numérique, il est possible de réaliser des traitements de CFAO (conception et fabrication assistées par ordinateur) soit de manière indirecte, en collaboration avec un laboratoire ou une société spécialisée, soit de manière directe au sein même de notre cabinet d’orthodontie. Les systèmes d’aligneurs fabriqués en interne, également appelés aligneurs in-office, font référence à des systèmes où tous les aspects de la fabrication, de la planification du traitement numérique jusqu’aux soins orthodontiques, sont gérés dans le cabinet d’orthodontie. L’objectif de cet article est de décrire en détail les composants essentiels d’un système in-office aligneurs et d’élucider un flux de travail systématique pour la fabrication interne d’aligneurs transparents en mettant l’accent sur l’organisation du flux numérique.
L’empreinte optique constitue la porte d’entrée du numérique dans nos cabinets grâce aux multiples possibilités de traitement des fichiers STL issus de cette empreinte. Il est possible aujourd’hui d’importer ces fichiers dans un logiciel d’orthodontie numérique afin de réaliser directement un traitement informatique virtuel, ce qui constitue une grande différence avec le process précédent. Nous sommes maîtres d’œuvre du traitement numérique, de A à Z [1, 2].
De nombreux logiciels sont disponibles sur le marché, du plus simple au plus sophistiqué, du gratuit au plus onéreux. La plupart d’entre eux permettent de concevoir des traitements par aligneurs (avec des différences au niveau des performances) et des gouttières imprimées pour le collage indirect [3].
Certains sont très complets et permettent aussi de faire des simulations pour la chirurgie orthognatique ainsi que des contentions fixes ou, encore, des conceptions d’orthèses telles que Quad Hélix® (RMO Europe) ou disjoncteurs. En dehors du coût d’achat, il faut bien vérifier le coût de la mise à jour annuelle, qui peut être prohibitif pour certains d’entre eux. Ces logiciels fonctionnent avec un ordinateur équipé d’une carte graphique puissante, permettant de travailler avec aisance.
L’imprimante 3D constitue un maillon essentiel du flux numérique, étant l’élément qui va permettre la production des modèles servant à fabriquer les aligneurs.
Le choix d’une imprimante 3D se fait tout d’abord selon la technologie d’impression :
– la première est l’impression filaire ou technologie de dépôt de fil fondu, où une bobine de fil plastique est déroulée dans une chambre d’extrusion chauffée à haute température. Ce fil d’ABS ou en PLA est déposé sur le plateau d’impression à travers une buse d’extrusion, par couches successives, jusqu’à la construction du modèle ;
– la deuxième technologie utilise une résine liquide plongée dans un bac dans lequel le plateau d’impression va monter et descendre et sera soumis à une photopolymérisation.
La photopolymérisation se fait selon trois principes différents (figure 1) : par rayon laser UV, par écran LCD ou encore par le principe du DLP (Digital Light Processing), celui du rétroprojecteur.
Cette technologie présente les avantages d’une impression beaucoup plus rapide que la précédente, mais demande un traitement post-impression qui nécessite le nettoyage des modèles dans un bain d’alcool isopropylique sous ultrasons, puis le passage dans un four à UV pour finir de polymériser les modèles avant thermoformage.
Parmi les trois procédés d’impression résine, il faut noter la baisse notable du prix d’achat des imprimantes utilisant le principe LCD et des résines génériques correspondantes, ce qui permet de baisser considérablement le coût du modèle imprimé.
Ensuite, la thermo-formeuse va servir pour la fabrication des aligneurs, où deux principes de thermoformage sont possibles : par aspiration (Erkoform-3D motion) (figure 2) ou par pression (Biostar, Ministar et Erkopress) (figure 3), la pression étant plus efficace et nécessitant un compresseur.
Avant d’acquérir le matériel décrit ci-dessus, il faut prévoir son emplacement au sein du cabinet. Deux possibilités s’offrent à nous : soit réaménager les espaces du cabinet et créer un espace laboratoire, soit procéder à l’acquisition ou à la location d’un laboratoire au sein de l’immeuble. La première solution est la plus simple à réaliser, surtout qu’il est recommandé de commencer par l’acquisition d’une ou de deux imprimantes, d’une thermo-formeuse et d’un plan de travail. Cet espace devra faire au minimum 5 mètres carrés et être aéré par une fenêtre ou une VMC.
En plus d’être orthodontistes, nous sommes en train de devenir les architectes de nos traitements construits sur un écran d’ordinateur. Pour cela, nous devons acquérir une aisance en informatique mais également être capables de suivre un programme pas à pas, depuis l’importation des fichiers STL jusqu’à la phase de création des étapes du traitement virtuel.
Un apprentissage est donc nécessaire, pour nous, comme pour nos collaborateurs, assistante dentaire ou prothésiste dentaire, et un système de communication efficace entre les membres de l’équipe doit être instauré.
Il est souhaitable de commencer à traiter des cas simples dans le cadre d’une intégration du numérique au cabinet : le tableau 1 montre 4 niveaux de difficultés croissantes, en fonction de critères de malocclusions dans les 3 sens de l’espace.
Dans le in-office Aligneurs, nous sommes par définition en marque propre et devons nous démarquer en mettant en avant les avantages de notre flux. Nous sommes maintenant capables de répondre à des demandes urgentes, comme fabriquer immédiatement une nouvelle gouttière pour remplacer une gouttière perdue ou cassée, ou satisfaire une demande d’un patient qui désire commencer son traitement assez rapidement.
Des formations sur les logiciels d’orthodontie numérique sont maintenant dispensées régulièrement et permettent de suivre une courbe d’apprentissage sur les imprimantes 3D, tant au niveau de leur manipulation que de leur maintenance.
Il est nécessaire de travailler sur un PC de bureau ou un portable ayant les caractéristiques d’un Gamer. Une fois l’installation du logiciel effectuée, la réalisation des traitements numériques peut commencer : lors de l’importation de fichiers STL issus d’une empreinte optique, voyons comment réaliser les étapes conduisant à la production.
Tout d’abord, nous devons installer les paramètres d’incrémentation, qui sont les déplacements limites permettant de créer les étapes du traitement, selon le tableau 2 issu du logiciel OnyxCeph (Image Instruments GmbH).
Par la suite, 3 étapes de préparation sont nécessaires :
– importer les STL, puis les orienter et les réparer (figure 4a) ;
– nettoyer les excès de l’empreinte, puis créer les bases virtuelles (figure 4b) ;
– individualiser chaque couronne dentaire, en vue de faire la segmentation, dans le but de pouvoir déplacer les dents (figure 4c).
Dans le cas du module aligneur, nous allons pouvoir déplacer les dents pour corriger une malocclusion : différents navigateurs de couronne permettent de déplacer les dents dans toutes les directions, afin de réaliser l’alignement et la correction de la malocclusion selon le diagnostic et le plan de traitement réalisés au préalable (figure 5).
Un tableau des valeurs de déplacement dentaire va nous montrer les différentes quantités de déplacement dentaire (figure 6), dans tous les sens de l’espace, ce qui va permettre de vérifier :
– que les valeurs de déplacement dentaire sont en deçà des limites des traitements par aligneurs ;
– quelle dent nécessite un attachement pour lui assurer son déplacement, puis le positionner.
Une fois que l’alignement est réalisé et que les attachements sont importés, il faut créer les étapes de traitement en fonction de l’incrémentation faite au départ ; chaque étape sera équivalente à un aligneur [4].
Par la suite, nous pouvons exporter ces étapes, en vue de les mettre dans le dossier impression des modèles qui seront thermoformés une fois imprimés, puis découpés.
Ces valeurs de déplacement limites par étapes peuvent être modifiées de façon individualisée en les diminuant pour préserver un parodonte affaibli au cours du traitement ou, au contraire, en les augmentant dans le cas où il est nécessaire d’utiliser un auxiliaire lors du dépassement des limites des traitements par aligneurs.
Cela consiste à réaliser un set up en tenant compte de la priorisation des déplacements dentaires lors de la réalisation des étapes d’un traitement (figure 7). Les dents doivent être déplacées de manière séquentielle : face à un encombrement important, nous devons déplacer les dents correctement alignées en premier et ne déplacer les dents en malposition qu’en dernier, au moment où elles auront suffisamment de place pour être déplacées sans risque de créer de collision. Cette méthode est également appliquée pour réaliser une distalisation molaire séquentielle [5].
Ils font partie intégrante de la biomécanique des traitements par aligneurs, doivent avoir une forme géométrique et être positionnés de manière à donner le maximum d’efficacité au déplacement désiré.
Dans le cas clinique ci-dessous, le changement de la position et de la forme de l’attachement a permis de corriger efficacement la rotation des canines supérieures lors d’un set up de finition (figure 8).
Il y a quelques années, la durée de port préconisée par aligneur était de 2 semaines, puis de 10 jours ; elle est actuellement de 7 jours selon un consensus d’une majorité de praticiens. L’augmentation de fréquence du changement des aligneurs a des conséquences sur la vitesse du déplacement dentaire et permet de diminuer la durée du traitement.
Lorsque l’on fait une recherche bibliographique sur les matériaux thermoplastiques utilisés dans les aligneurs, il ressort qu’il existe une perte de force exercée sur les plaques, très tôt après le début du traitement. En effet, dans toutes les études dans lesquelles différents types de plaques sont trempés dans un bain d’eau simulant le milieu buccal, il existe une perte de force et donc d’efficacité pouvant aller jusque 50, voire 60 %, avec des variations en fonction de la marque, probablement due à une recomposition moléculaire de leur composition chimique en milieu buccal [6].
Pour cette raison, il est important de penser à hypercorriger certains déplacements dentaires pour contrecarrer la perte d’efficacité des aligneurs dans le temps (figure 9) [6].
Au niveau composition chimique, il existe deux familles principales de plaques (tableau 3) :
– les plaques en polyester ou en polyéthylène téréphtalate (glycolisé ou non), qui ont pour caractéristique d’être dures et cassantes mais résistantes à la coloration et qui présentent une force initiale plus importante que les plaques en polyuréthane ;
– les plaques multicouches, mélange de PETg et de polyuréthane, qui ont un module d’élasticité plus élevé que les précédentes offrant plus de confort au patient, et qui sont plus efficaces dans les déplacements angulaires.
Il ressort des caractéristiques ci-dessus qu’il est souhaitable de choisir le type de plaque en fonction du déplacement recherché. Pour les déplacements en translation, il faut choisir des plaques en PETg pour leur force initiale plus importante ; pour les déplacements en rotation, il convient de choisir les plaques multi-couches [7].
La recherche avance à grand pas dans le domaine des résines imprimables. À l’heure actuelle, une résine translucide imprimable permet d’imprimer directement des aligneurs (DPA : Direct Printed Aligners) dont les caractéristiques sont une mémoire de forme, qui permet d’éviter le relâchement de stress dynamique des plaques classiques, ainsi que des forces biocompatibles.
Le in-Office Aligneur permet le contrôle du flux numérique, depuis la conception du set up, puis de nos traitements, avec de multiples avantages. En effet, l’évolution des traitements peut être suivie progressivement grâce à l’impression des modèles et à la fabrication des aligneurs par étapes, afin de pouvoir ajuster le traitement en cas de perte d’adaptation des aligneurs. Il est également possible de répondre à des demandes urgentes dans un court laps de temps comme la perte ou la détérioration d’un aligneur.
Akim Benattia déclare des liens d’intérêts avec Image Instruments GmbH en tant que consultant mais déclare que le contenu de cet article ne présente aucun conflit d’intérêts. Yves Trin ne déclare aucun lien d’intérêts.