Clinic n° 03 du 01/03/2023

 

Orthodontie

Leslie MEDINA  

Spécialiste qualifiée en Orthopédie dento-faciale. Exercice libéral, Paris.

La prise en charge des cas complexes par gouttières nécessite une bonne connaissance des principes biomécaniques de la méthode afin de mettre en place les bons scénarios de traitement. La littérature n’est pas favorable et ne conclut pas à l’efficacité des traitements en technique Invisalign®, en particulier dans le sens sagittal [1, 2]. Il est cependant regrettable que les scénarios...


Résumé

La gestion du sens sagittal dans les traitements par aligneurs intervient à toutes les étapes depuis la conception du plan de traitement jusqu’à la phase de contention. Dans les cas complexes, la conception du scénario de traitement nécessite l’utilisation de toutes les ressources biomécaniques spécifiques à la technique pour voir les mouvements prescrits se réaliser ensuite en bouche. La réflexion autour des ancrages nécessaires et comment les renforcer sont les clés de la réussite des traitements dans le sens sagittal.

La prise en charge des cas complexes par gouttières nécessite une bonne connaissance des principes biomécaniques de la méthode afin de mettre en place les bons scénarios de traitement. La littérature n’est pas favorable et ne conclut pas à l’efficacité des traitements en technique Invisalign®, en particulier dans le sens sagittal [1, 2]. Il est cependant regrettable que les scénarios et méthodes utilisés ne soient pas développés car la réussite du traitement repose sur la bonne programmation des mouvements et les aides apportées à ces mouvements (auxiliaires).

Dans les différentes étapes du traitement par aligneurs, de sa conception à sa contention, les différentes options de traitement du sens sagittal seront détaillées. En fonction des autres malocclusions présentes, les différents scénarios possibles seront expliqués de façon à coordonner les corrections des autres dysmorphoses présentes. Trois cas cliniques illustrant le propos et les scénarios initiaux de traitement sont visibles en vidéo.

DIAGNOSTIC ET PLAN DE TRAITEMENT

Tout commence par un diagnostic précis et complet qui permet de dégager les problématiques à résoudre. L’élaboration d’un plan de traitement adapté et personnalisé va simplifier le cas complexe.

Identifier les cas relevant de la compensation dento-alvéolaire

Chez un patient adulte présentant un décalage sagittal dentaire (classe II ou classe III), l’absence de croissance nous amène à choisir entre deux thérapeutiques : la compensation alvéolo-dentaire ou la chirurgie orthognatique. La prise de décision entre ces deux options repose sur plusieurs critères tels que la quantité de décalage squelettique (angle ANB), l’esthétique du profil, l’importance de la classe dentaire, l’origine maxillaire ou mandibulaire du décalage et la motivation du patient pour la solution chirurgicale. En fonction de ces différents critères, il sera possible de choisir entre ces deux options.

La compensation alvéolo-dentaire sera possible dans les situations avec un ANB compris entre 0 et 4°, parfois un peu plus lorsque le profil n’est pas affecté, et le plus souvent lorsque le décalage est d’origine maxillaire. En effet, la correction du sens sagittal, en absence de croissance, utilise principalement le recul maxillaire pour les classes II et une combinaison distalisation mandibulaire/mésialisation maxillaire pour les classes III. Les effets cutanés seront donc seulement visibles au niveau de la position des lèvres.

Dans les situations de décalage squelettique important, lorsque la rétro-mandibulie ou la pro-mandibulie sont trop marquées et lorsque la classe II ou la classe III molaire est complète, le patient relèvera le plus souvent de la prise en charge ortho-chirurgicale.

Choix de la méthode de traitement

Plusieurs options de traitement du sens sagittal sont possibles dans les traitements par gouttières, avec chacune des indications en fonction de la situation clinique et du patient : le jump, la distalisation séquentielle, les extractions de prémolaires uni-arcade (classe II thérapeutique, classe III thérapeutique), la réduction interproximale (RIP). Ces options peuvent aussi être associées entre elles.

Jump ou effet d’élastiques

Chez l’adulte, l’effet des élastiques s’apparente à une bascule du plan d’occlusion en rotation horaire pour les élastiques de classe II et anti-horaire pour les élastiques de classe III [3]. La quantité de correction sagittale possible est très limitée et n’a pas fait ses preuves chez l’adulte en absence de croissance. Cette option est utilisée plutôt chez l’enfant ou comme simulation d’une chirurgie orthognatique.

Le jump est indiqué dans les situations présentant des interférences occlusales en début de traitement : classes II avec rétro-alvéolie antérieure, classes III avec une occlusion inversée antérieure, occlusion inversée latérale. Le repositionnement de la mandibule est aidé par le port des élastiques et lorsque les interférences sont levées. Cette correction sagittale reste, le plus souvent, de faible quantité. Par ailleurs, il est recommandé de rechercher la relation centrée du patient avant la réalisation des empreintes afin d’évaluer la quantité de repositionnement mandibulaire possible et sa direction.

Distalisation séquentielle

La distalisation séquentielle se définit par le recul dent par dent d’une arcade en commençant par les dents postérieures. Cette méthode a été remise au goût du jour par les gouttières grâce à la possibilité d’un ancrage sélectif et progressif. Il est primordial de contrôler l’espace rétro-molaire maxillaire ou mandibulaire disponible à l’aide d’un cliché panoramique et/ou d’un cone beam [4, 5] et d’organiser les extractions des troisièmes molaires si elles gênent le recul.

En classe II, la distalisation séquentielle maxillaire est recommandée dans les cas de classe II modérée (jusqu’à 2,5 mm) et plus précisément pour les classe II, division 2, et les classes II avec DDM antérieure (figures 1 à 3) (vidéo 1), car les aspects biomécaniques y sont particulièrement favorables. On utilisera donc de préférence la distalisation lorsque les incisives sont bien placées dans le sens antéro-postérieur ou nécessitent d’être vestibulées.

La distalisation séquentielle maxillaire fonctionne très bien lorsque les axes molaires, prémolaires et canines sont mésioversés. La distalisation s’apparente alors à un redressement d’axe avec peu de mouvement au niveau de l’apex, plutôt qu’à une translation pure (figure 4).

À l’inverse, la correction d’une classe II, division 1, avec pro-alvéolie supérieure et/ou diastèmes antérieurs nécessite un séquençage encore plus important des mouvements car la biomécanique y est moins favorable. La distalisation séquentielle n’est pas la meilleure option dans ces situations.

Dans les cas de classe III, la distalisation des molaires mandibulaires est moins documentée [6] et se révèle plus complexe en raison de la densité osseuse mandibulaire et du plus faible ancrage du secteur antérieur mandibulaire (par rapport au maxillaire). La quantité de distalisation prescrite doit donc être de faible amplitude (2 mm au maximum) avec un séquençage plus long et obligatoirement assisté par un renfort d’ancrage (TIM ou mini-vis). La distalisation mandibulaire est indiquée dans les faibles classes III molaires ou en association avec une autre méthode (figures 5 et 6) (vidéo 2).

Réductions interproximales

Elles se réalisent en postérieur au niveau des prémolaires et des molaires et permettent l’obtention de la classe I canine et la réduction du surplomb ; elles ont peu d’effet sur la classe molaire. Cette option se rajoute souvent en complément d’une distalisation maxillaire ou mandibulaire pour améliorer l’occlusion canine (figures 5 et 6) (vidéo 2). Il faut les différencier des réductions interproximales réalisées pour compenser une dysharmonie dento-dentaire.

Extractions de premières prémolaires

Dans les classes II, les extractions des premières prémolaires maxillaires (14-24) sont indiquées dans les circonstances suivantes : classe II dentaire importante (souvent complète) d’origine maxillaire, avec la possibilité de reculer la lèvre supérieure dans le profil [6]. La spécificité biomécanique des traitements par gouttières avec le concept de systèmes de forces opposables favorise les traitements avec extraction des premières prémolaires dans les situations de classe II division 1. En effet, la correction de la pro-alvéolie fonctionne très bien avec la mésialisation postérieure obtenue lors de la fermeture des espaces alors que la distalisation est peu recommandée en cas de fort surplomb.

Dans les classes III, les extractions de premières prémolaires mandibulaires (34-44) sont souvent envisagées lorsque la classe III molaire est importante sans indication chirurgicale (figures 7 et 8) (vidéo 3). Le raccourcissement de l’arcade favorise la correction de l’occlusion inversée antérieure ou latérale souvent associée aux malocclusions de classe III.

Système Carriere®

Dans les cas complexes, avec plusieurs problématiques, il est possible de corriger le sens antéro-postérieur en première intention à l’aide d’un dispositif de type Carriere® pour obtenir une classe I dentaire et ainsi simplifier le cas [7].

Analyse des para-fonctions/dysfonctions linguales

L’analyse des para-fonctions constitue un point important du diagnostic. Les relations statiques et dynamiques de la langue sont des facteurs importants de récidive. Il convient de les dépister tôt et de les rééduquer pendant le traitement. L’avantage des traitements par gouttières est l’absence d’interférence de ces para-fonctions pendant le traitement. Les gouttières « protègent » les dents des forces musculaires ; le traitement se déroule souvent plus facilement mais la phase de stabilisation/contention nécessite une surveillance plus importante pour éviter les récidives.

ÉLABORATION DU SCÉNARIO

Après avoir posé le diagnostic et élaboré le plan de traitement, la phase suivante est sa traduction en scénario informatique. Les règles spécifiques au traitement par gouttières, en particulier dans le sens sagittal, sont les suivantes.

Distalisation séquentielle à l’arcade supérieure

Le scénario le plus utilisé et le plus prédictible est la distalisation séquentielle à 50 %. La distalisation commence par la molaire la plus postérieure : lorsque 50 % du mouvement est effectué, la dent adjacente débute son mouvement de distalisation [8]. Les points suivants doivent être vérifiés pendant la première phase :

– seulement deux dents par secteur se déplacent en même temps ;

– la distalisation ne doit pas dépasser 0,2 mm par dent et par gouttière ;

– les dérotations molaires participent à la correction ;

– les incisives et canines ne reculent pas (vidéo 1).

La littérature confirme la possibilité d’obtenir une distalisation molaire jusqu’à 2,6 mm [9] mais c’est la phase de recul du groupe incisivo-canin qui est la clé de la réussite de la correction de la classe II. Le contrôle de l’ancrage lors du recul antérieur est primordial car la distalisation des canines et incisives prend appui sur les secteurs postérieurs tout juste stabilisés, entraînant un risque important de voir les molaires se redéplacer en mésial et de perdre ainsi tous les effets de la distalisation. L’ancrage molaire doit donc être renforcé lors de la deuxième phase du traitement par un port assidu des élastiques de classe II, par l’utilisation de mini-vis d’ancrage intra-maxillaire ou encore par un séquençage plus important des mouvements [10].

La deuxième phase débute avec le recul des canines (figures 2b, 2c, 2d). La distalisation des canines ne doit commencer qu’après la stabilisation des deuxièmes prémolaires. Il y a moins de consensus sur les modalités du recul antérieur ; le plus souvent, tout le groupe antérieur de 13 à 23 se déplace en bloc mais il me semble préférable de commencer le recul canin seul puis de suivre avec le recul des 4 incisives (vidéo 2). Cette dernière option est plus prédictible car elle sollicite moins l’ancrage mais elle augmente le nombre de gouttières et crée un espace inesthétique entre les incisives latérales et les canines.

Afin de réduire la durée du traitement et surtout d’utiliser les forces de réaction lors de la première phase, la zone antérieure doit être alignée, ingressée et redressée pendant la distalisation postérieure : on appelle cela esthetic start. Il s’agit de programmer tous les mouvements de vestibulo-version, ingression et rotation mésio-vestibulaire sur les incisives et les canines. Ces mouvements s’opposent aux mouvements postérieurs de distalisation et de disto-rotation molaires. Ils sont donc à réaliser en même temps car ils utilisent la réaction à la force appliquée pour le recul molaire. Cette méthode est utilisée dans le cas n° 1 (figures 1 à 3) (vidéo 1) : la vestibulo-version incisive permet de lever la supraclusion avant le début du recul incisif (figure 2a). Les cas complexes sont ainsi simplifiés car la supraclusion et l’encombrement antérieur sont corrigés dans cette phase par des mouvements de vestibulo-version.

Distalisation séquentielle à l’arcade inférieure

Les mouvements des molaires mandibulaires sont beaucoup moins décrits que ceux des molaires maxillaires. Leur distalisation est réalisable jusqu’à 1,5 mm [4] et nécessite un ancrage important en antérieur pour éviter la vestibulo-version des incisives inférieures. Le scénario de traitement est plus séquencé avec une distalisation à 75 % par exemple ou des mouvements plus lents (0,1 mm/gouttière au lieu de 0,2 mm au maxillaire). Pour éviter les effets parasites antérieurs, les élastiques intermaxillaires de classe III ou des mini-vis d’ancrage sont à utiliser dès le début de traitement. Il est plus rare de demander un esthetic start à l’arcade inférieure car la vestibulo-version des incisives mandibulaires est rarement un objectif de traitement. Les risques de passer ou d’aggraver une occlusion inversée antérieure nous oblige à fixer le bloc antérieur pendant la distalisation molaire (vidéo 2).

La deuxième phase de recul antérieur se fera aussi séquencée que possible avec le déplacement des canines dans un premier temps puis le recul des 4 incisives, toujours pour solliciter au minimum les molaires (figures 4 et 5) et toujours avec un renfort d’ancrage de type TIM ou mini-vis.

À noter que, lorsque les extractions des troisièmes molaires sont nécessaires pour libérer de la place pour la distalisation, on demandera la réalisation de ces extractions juste avant de débuter le port de la première gouttière afin de bénéficier du remodelage osseux de cicatrisation lors du mouvement de distalisation des deuxièmes molaires.

Extractions de prémolaires

La fermeture des espaces d’extractions (figures 7 et 8) doit aussi se faire de façon séquencée pour éviter le bowing effect de toute l’arcade et la convergence des couronnes des dents bordant l’édentement [5]. La fermeture débute d’abord par les dents bordant l’édentement, soit la canine et la deuxième prémolaire, puis les 4 incisives reculent ensuite ensemble (vidéo 3). Lors de la prescription, le ratio mésialisation postérieure/distalisation antérieure doit être défini en fonction de la classe molaire initiale. Toujours dans le souci d’établir un système de forces antagonistes, il faut programmer des mouvements de mésialisation des dents postérieures pendant la rétraction antérieure pour transformer la perte d’ancrage en mouvement contrôlé. En fonction de la quantité de mésialisation souhaitée pour chaque cas, le mouvement sera ralenti pour être réparti sur toute la durée de la fermeture de l’espace. Si le cas ne se prête pas à ces mouvements de mésialisation postérieure, un renfort d’ancrage de type mini-vis est fortement recommandé.

En technique Invisalign®, des protocoles bien définis comme le G6 pour les cas d’extractions permettent de maîtriser les effets secondaires grâce à des taquets spécifiques et des points d’application des forces adaptés [5].

L’ajout d’auxiliaires, comme des taquets rectangulaires verticaux de 4 mm, ou la mise en place de power arm (figure 9), pour remonter le point d’application des forces, peuvent être utilisés dans le dernier tiers du traitement pour gérer les axes lors de la fermeture et éviter la convergence des couronnes.

Les scénarios de traitement en gouttières permettent de débuter la correction du sens sagittal dès les premières étapes. Cependant, il est primordial de déverrouiller le sens transversal et le sens vertical pour que la correction puisse s’exprimer.

Contrôle du sens transversal

L’expansion de l’arcade maxillaire doit se faire dès le début du traitement, lors des premières phases de distalisation des secondes molaires ou pendant le recul antérieur en cas d’extraction de prémolaires. Il est possible de réaliser l’expansion de toute l’arcade, en particulier au niveau des canines et des premières prémolaires, en même temps que les mouvements sagittaux : la mise en place d’un système de forces transversales symétrique n’interfère pas avec le système de forces antéro-postérieur de correction des classe II ou classe III. Dans les 15 premières étapes, la largeur prémolaire peut être obtenue (figure 10).

Cette action précoce dans le traitement améliore l’action des élastiques de classe II en supprimant le verrou transversal. Cela permet aussi d’obtenir le repositionnement mandibulaire de type jump dans certains cas.

Le positionnement des élastiques intermaxillaires sagittaux doit aussi être décidé pour aider la correction transversale. Que ce soit dans les cas de classe II ou de classe III, les boutons peuvent être posés en palatin à l’arcade maxillaire pour avoir un effet d’expansion en même temps que l’effet antéro-postérieur (figure 2d).

Contrôle du sens vertical

Dans les cas de classe II avec supraclusion, la correction de la supraclusion est obtenue par nivellement progressif de la courbe de Spee inférieure et vestibulo-version des incisives supérieures. Le traitement est long au maxillaire, que ce soit en cas d’extractions ou de distalisation. Il convient donc de répartir les mouvements mandibulaires de nivellement sur toute la durée du traitement et de les surcorriger.

Toujours en cas de supraclusion, le positionnement des élastiques se fera sur les deuxièmes molaires et les premières prémolaires pour favoriser l’égression postérieure, la rotation de l’arcade mandibulaire et diminuer l’effet de rétro-inclinaison antérieur. Au contraire, dans les cas de béances, les élastiques seront placés plus antérieurs pour s’associer à la fermeture de la béance : canines et premières molaires. De plus, dans les béances, l’utilisation de la découpe de crochet sur les canines plutôt que le bouton favorise la linguo-version du bloc antérieur.

Dans les cas de classe III, les occlusions inversées antérieures peuvent verrouiller la correction. Plusieurs options sont envisageables pour lever l’occlusion, le temps de passer l’occlusion inversée : placer des cales occlusales sur les dernières molaires et couper les gouttières, placer des butées composites rétro-canines dans l’emplacement des boutons palatins, poser des taquets sur les faces occlusales des molaires, faire manger le patient avec les gouttières. Ces mesures sont temporaires et ne concernent que les quelques étapes du passage de l’inversé car elles comportent souvent des effets parasites.

SUIVI DU PATIENT

L’implication du patient reste un point capital des traitements par gouttières, en particulier pour les traitements impliquant le sens sagittal, en raison de la durée plus importante du traitement et de l’utilisation fréquente d’auxiliaires (TIM, mini-vis, potence…).

Rendez-vous de contrôle

Le premier point de contrôle est la bonne adaptation des gouttières : les gouttières doivent être parfaitement adaptées sur toutes les dents.

En cas de désinsertion sur une seule dent de façon très localisée, il est conseillé de poursuivre le traitement pour obtenir tous les autres objectifs, en particulier les objectifs structurels (développement d’arcade, nivellement, classe I, correction du recouvrement…). Une phase de finition permettra d’ajuster la dent qui n’a pas suivi le mouvement prévu initialement.

En cas de désinsertion antérieure généralisée, le traitement doit être arrêté et de nouvelles empreintes sont prises pour reprogrammer une nouvelle série. La désinsertion antérieure ne signifie pas un manque de suivi antérieur : la gouttière se désinsère plus facilement dans cette zone en raison de l’anatomie dentaire moins rétentive et de la moindre quantité de contacts occlusaux. L’analyse de l’échec est importante. Il faut déterminer la cause du défaut de suivi : est-ce un défaut d’observance de la part du patient ou un scénario mal programmé ? En cas d’erreur de scénario, il convient de bien comprendre quels mouvements n’ont pas fonctionné avant de reprogrammer une nouvelle série de gouttières.

Le deuxième point est le contrôle des dents sans gouttière. Le patient retire donc ses gouttières et le praticien contrôle la correspondance entre la situation clinique et la simulation de traitement à l’étape prévue. Le contrôle de la classe molaire à chaque rendez-vous est un point indispensable du rendez-vous. Dans les distalisations, la classe I molaire est obtenue en début de traitement puis parfois perdue par la suite ; la modulation de l’ancrage en jouant sur les auxiliaires (TIM, mini-vis) est très importante. De même, dans les fermetures d’espaces d’extractions, les rapports occlusaux nous indiquent les éventuelles pertes d’ancrage par rapport au scénario prévu. Enfin, le praticien doit s’assurer qu’il n’existe pas d’interférence occlusale empêchant la poursuite des mouvements programmés.

Le dernier point est le contrôle de la motivation du patient [10, 11]. Cette coopération est primordiale dans les traitements par aligneurs. Seuls certains paramètres sont modifiables en cours de série :

– augmenter ou diminuer la durée de port de chaque gouttière. Cette durée varie de 7 à 14 jours selon les praticiens. Chez un patient observant, avec un scénario très séquencé, le port sur 7 jours est réalisable. Dès que le patient est moins coopérant ou que le scénario prévoit beaucoup de déplacements simultanés, la durée de port est souvent passée à 10 jours ou 14 jours ;

– augmenter ou diminuer la durée de port des auxiliaires en fonction des rapports molaires observés lors des rendez-vous de suivi ;

– motiver le patient dans la prise en charge de ses para-fonctions. Les modifications occlusales et la perte de repères sont souvent favorables à la mise en place de nouvelles habitudes pour le placement de la langue et la déglutition.

Deuxième phase

À l’issue de la première série de gouttières, tous les objectifs principaux doivent être obtenus : la classe I, la forme d’arcade, la correction de la supraclusion/béance, l’alignement global des arcades. La deuxième phase de gouttière permet de consolider l’occlusion obtenue et de parfaire l’alignement dentaire. Dans l’idéal, les taquets sont retirés, de nouvelles photos et de nouvelles empreintes sont réalisées.

Dans cette deuxième série de gouttières, les considérations biomécaniques sont moindres. Il s’agit de déplacer chaque dent dans les trois sens de l’espace pour assurer un calage occlusal optimal et un alignement parfait. L’obtention de contacts postérieurs est une priorité lors de cette phase car l’importance des déplacements molaires et l’usage prolongé des gouttières ont tendance à perdre les contacts occlusaux postérieurs. En fonction de la quantité de « béance » postérieure présente, on utilisera des taquets horizontaux sur les prémolaires et les molaires ou des élastiques intermaxillaires en triangle ou carré.

Un port moins sérieux (12-16 h/24 h) des dernières gouttières de cette deuxième phase est aussi décrit pour améliorer l’engrènement postérieur.

À l’issue de cette deuxième phase, la contention est mise en place.

CONCLUSION

Comme souvent en orthodontie, la correction du sens sagittal ne peut se faire seule, elle est étroitement liée à la correction des autres malocclusions. Les traitements par gouttières ont permis de réhabiliter la distalisation en maîtrisant les ancrages dans les différentes phases de traitement, le plus souvent par des auxiliaires. Une connaissance plus approfondie de la biomécanique des aligneurs et une bonne maîtrise du logiciel de programmation sont nécessaires pour parvenir à la correction de ce type de malocclusion.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec CLEV’ALIGN mais déclare que le contenu de cet article ne présente aucun conflit d’intérêts.

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