IMPLANTS ZYGOMATIQUES, CHIRURGIE GUIDÉE ET MISE EN CHARGE INSTANTANÉE - Clinic n° 02 du 01/02/2023
 

Clinic n° 02 du 01/02/2023

 

Chirurgie

Implantaire

Dimitri PASCUAL  

Chirurgien maxillo-facial, Exercice libéral à Rodez et à Montpellier.

Nous avons expérimenté un nouveau concept de guide chirurgical en titane à appui osseux à doubles douilles pour implant zygomatique (IZ) permettant la mise en charge instantanée d’un bridge en zircone totalement anticipé avant la chirurgie. Le risque de mauvais positionnement du guide est limité grâce aux appuis osseux multiples. Les déviations d’axe sont principalement retrouvées au niveau des apex et sont de l’ordre de 0 à 1,5 mm par rapport à la planification. Le protocole chirurgical a été adapté aux particularités des implants zygomatiques et le design du bridge en zircone a été entièrement revu. Le guide chirurgical apporte plus de précision dans le placement des implants, sécurise et rend reproductible le geste chirurgical. Toutefois, cette technique n’est pas forcément accessible à tous et doit être réservée à des praticiens expérimentés.

Le digital a complètement modifié l’approche chirurgicale en implantologie. Il est maintenant commun de planifier sur logiciel et d’utiliser un guide chirurgical pour poser les implants alvéolaires. Les implants zygomatiques (IZ) sont encore majoritairement posés à main levée car, jusqu’à aujourd’hui, les concepts de guides chirurgicaux ne permettaient pas d’avoir suffisamment de précision. Les IZ restent la solution de derniers recours pour réhabiliter les patients présentant une atrophie extrême du maxillaire. La technique chirurgicale est invasive et complexe en raison des obstacles anatomiques nobles à respecter et de la difficulté d’accès chirurgical. Les particularités de ces implants sont leur grande longueur, le passage à travers deux structures osseuses (l’os alvéolaire puis zygomatique) et un trajet extra ou intra-sinusien ou mixte.

Les écueils sur la perte de précision de forage, malgré l’aide des guides chirurgicaux, sont une difficulté de positionnement, une souplesse rendant possible leur déformation et un guidage du foret seulement à travers l’os alvéolaire. Les déviations des apex implantaires peuvent être importantes [1, 2].

Pour répondre à ces problématiques, nous avons expérimenté un nouveau concept de guide chirurgical en titane à appui osseux à doubles douilles pour IZ permettant la mise en charge instantanée d’un bridge en zircone totalement anticipé avant la chirurgie [3, 4].

CAS CLINIQUE

Notre patiente de 79 ans, handicapée par l’instabilité et le volume palatin de sa prothèse maxillaire, souhaite retrouver un confort fonctionnel masticatoire avec une prothèse fixe, peu encombrante et sans faux palais (figures 1 à 3).

Deux prises en charges sont possibles chez cette patiente au maxillaire atrophié [5] :

– greffes : problème de qualité et de vascularisation osseuses lié à son âge, nécessité de plusieurs interventions, incertitude sur le gain de volume osseux final, durée du traitement d’environ 1 an, surcoût lié aux greffes ;

– IZ : une seule intervention (3 heures avec mise en charge instantanée), pas de greffe, réveil avec une prothèse définitive en place, « seulement » 3 mois avec une alimentation molle, coût diminué, pronostic favorable.

En accord avec la patiente, en l’absence de tabac et de pathologies sinusiennes, nous avons opté pour 4 IZ en chirurgie guidée avec mise en charge instantanée d’un bridge zircone dans la même séance chirurgicale.

Le bilan initial préopératoire comprend un bilan photographique oro-facial 2D et 3D pour l’évaluation esthétique initiale, une empreinte optique pour enregistrer l’occlusion, une téléradiographie de face et de profil pour contrôler le plan d’occlusion et l’architecture squelettique, un cone beam en occlusion pour déterminer le volume osseux et la dimension verticale (figures 4 et 5).

Un enregistrement de la cinématique mandibulaire via le système ModJaw nous renseigne sur les valeurs des pentes condyliennes et la sphère de Manson. De plus, il offre la possibilité d’augmenter la dimension verticale si besoin avec le vrai trajet d’ouverture du patient (figure 6 et vidéo 1). Enfin, le choix de la forme et de la teinte des dents se fait avec le prothésiste.

L’analyse du bilan structurel, fonctionnel et esthétique permet de proposer un projet prothétique avec normalisation du plan d’occlusion. Correction antagoniste à l’aide de pistes occlusales secteur 3 pour respecter les courbes occlusales idéales (Spee et Wilson) et en respectant une fonction de groupe (figures 7 à 10 et vidéo 2). La continuité du couloir prothétique avec le couloir osseux est optimisée (figure 11). Le design du bridge en zircone est suffisamment dimensionné pour contrebalancer les contraintes mécaniques supportées par les 4 implants zygomatiques dont la grande longueur permet plus de souplesse que classiquement [6, 7].

Quatre IZ Straumann® ZAGA Flat sont planifiés ZAGA 4 sur le logiciel coDiagnostiX® au vu de l’atrophie maxillaire (figure 12). Leur placement influence directement l’émergence au niveau de la prothèse.

Le rattrapage d’axe est fixe à 55°. Les piliers sont de hauteurs différentes mais il n’y a pas de pilier pour corriger l’axe. Les émergences sont volontairement plus palatines que classiquement.

Le guide chirurgical implantaire est dessiné à appuis osseux multiples, monobloc avec ostéosynthèse alvéolaire et zygomatique. Il est conçu à doubles douilles, l’une pour guider le passage du foret dans l’os alvéolaire et l’autre pour l’os zygomatique (figure 13).

Un guide de fenêtrage sinusien est nécessaire pour préparer le passage trans-sinusien des douilles zygomatiques (figures 14 et 15).

Le guide chirurgical est imprimé en titane (figure 16).

Le bridge en zircone est totalement anticipé et usiné avant l’intervention (figure 17).

La fenêtre sinusienne se fait à la fraise fissure en suivant le gabarit (figure 18).

Le guide chirurgical est ostéosynthésé (figure 19).

Le foret est guidé à travers les 2 douilles. Après forage, les douilles zygomatiques sont retirées en sectionnant l’extension zygomatique du guide avant de placer l’implant. Le guidage de l’implant se fait seulement sur la douille alvéolaire. L’indexation et l’enfouissement sont contrôlés en alignant l’émergence de la vis de prothèse (via le tournevis) à travers un repère sur le guide chirurgical (figure 20).

La mise en charge instantanée du bridge zircone en peropératoire se fait par simple vissage (figure 21).

La suture se fait par-dessus la prothèse (figure 22).

En fin d’intervention, on retrouve l’inocclusion postérieure droite comme planifiée au design pour corriger le plan d’occlusion.

La radiographie panoramique de contrôle post-opératoire confirme le bon ajustage prothétique (figure 23).

Le cone beam de contrôle permet d’évaluer les déviations d’axe implantaire par rapport à la planification (figures 24 et 25).

Pendant la phase de cicatrisation tissulaire, la gencive va progressivement se rétracter pour trouver sa position définitive guidée par la prothèse (figures 26 et 27).

La radiographie de contrôle est faite à 3 mois (figure 28).

L’équilibration occlusale de l’appareil amovible mandibulaire est reprise secondairement (figure 29).

DISCUSSION

L’expérimentation de ce nouveau concept de guides chirurgicaux en titane, à appui osseux et avec un guidage du foret via 2 douilles, répond aux attentes chirurgicales pour améliorer la précision opératoire et permettre la mise en charge instantanée.

Nous souhaitons bien mettre en garde nos confrères sur la chirurgie guidée pour IZ. Cela reste une chirurgie complexe avec un fort risque de complication, elle n’est pas « devenue » simple et n’est pas accessible à tous. Une grande expérience chirurgicale à main levée est nécessaire avant d’envisager une chirurgie guidée pour IZ car le chirurgien doit être capable de se passer du guide à tout moment en cas de problème. La chirurgie guidée pour IZ a les mêmes risques d’erreurs de planification que celle des implants alvéolaires mais avec des conséquences chirurgicales plus grandes.

La planification d’un IZ est complètement différente de celle d’un implant alvéolaire. L’utilisation des logiciels de planification doit être parfaitement maîtrisée. Un patient qui a bougé lors de l’acquisition de l’imagerie, une déformation de l’empreinte intra-orale, une imprécision de matching STL/DICOM ou une erreur de design du guide induisent de l’erreur chirurgicale.

Actuellement, le temps de planification est considérable car les logiciels ne sont pas encore prévus pour la chirurgie guidée et les IZ.

Les variations de positionnement implantaire par rapport à la planification sont plurifactorielles. Une erreur de positionnement initial du guide modifie la position de l’ensemble des implants. Le bridge va être en place mais avec un défaut occlusal final. C’est la principale source d’erreur. Il faut bien vérifier le calage du guide avant de commencer, grâce aux multiples repères osseux qui doivent tous être en contact avec l’os, et s’assurer qu’ils sont toujours en contact au cours de l’intervention.

Les déviations d’axes sont principalement retrouvées au niveau des apex. Elles sont de l’ordre de 0 à 1,5 mm par rapport à la planification. Le col implantaire est guidé à travers la douille alors que l’apex ne l’est pas. La deuxième douille doit être coupée avant l’insertion de l’implant pour qu’elle ne soit pas bloquée. L’apex de l’implant suit le forage qui a été volontairement sous-dimensionné. Il peut légèrement dévier mais seulement à proximité du forage. Le risque de déviation est d’autant plus faible que le plan du point d’entrée dans l’os zygomatique est perpendiculaire à l’axe du forage. Plus le point d’entrée est tangentiel à l’os, plus l’apex risque de glisser [1, 2, 8-13].

Dans les atrophies maxillaires avancées, le volume osseux alvéolaire n’étant pas suffisamment important, seule la partie palatine du col implantaire est au contact osseux. Le col étant plus large que l’apex, la préparation du site doit être suffisante pour que le contact osseux au niveau du col soit passif, non compressif, au risque de dévier en vestibulaire [10, 14].

À ce jour, il n’existe pas de trousse de chirurgie guidée Straumann® pour IZ. Il faut utiliser les forêts zygomatiques en 2,8 mm de la trousse de chirurgie Straumann® avec les douilles et les cuillères de la trousse de chirurgie guidée Néodent. L’ajustage est bon mais le gain en précision pourrait être considérable avec des cuillères et douilles parfaitement adaptées ainsi qu’un porte-implant guidé.

L’impression titane résout le problème de déformation des guides en résine. Les bras reliant les douilles doivent être déportés en palatin pour permettre de visualiser les zones de contrôle de contact osseux et de section suffisamment larges pour ne pas fléchir [8, 9, 12, 13].

Lors de la section des extensions zygomatiques du guide, de la limaille peut se retrouver sur le site opératoire malgré un rinçage abondant. Le titane est donc préféré au chrome-cobalt grâce à sa biocompatibilité et sa consistance à la découpe. De plus, le chrome-cobalt ne sera bientôt plus autorisé. Cela entraîne un surcoût à prévoir pour l’impression métallique par rapport à l’impression en résine.

Les émergences prothétiques des IZ sont volontairement plus palatines que classiquement pour assurer une bonne étanchéité grâce aux tissus kératinisés autour des cols, surtout dans les cas de maxillaires atrophiés. L’implant Straumann ® ZAGA Flat est conçu avec une partie sous-muqueuse plane à proximité du col pour épouser les contours osseux et limiter le risque d’exposition des spires [15].

Il est intéressant de noter la différence de cicatrisation tissulaire entre les zones parfaitement suturées, immobilisées et plaquées contre la prothèse qui ont permis d’obtenir un beau volume de gencive kératinisée, et la zone non suturée, non immobilisée de 12-13 (oubliée ? ou points qui ont lâché ?), qui n’a pas donné la même qualité tissulaire autour du pilier. Ce défaut est à reprendre secondairement. Cela souligne l’importance de l’immobilité tissulaire dans le processus de cicatrisation.

La dimension verticale peut être modifiée en utilisant les vrais mouvements d’ouverture du patient grâce aux enregistrements obtenus par le système Modjaw. Toutefois, il faut bien vérifier le choix de la position sagittale à retenir lors de l’augmentation de la DV car, sur un trajet de fermeture, la mandibule est en propulsion. Il est préférable de dire au prothésiste de choisir une nouvelle relation intermaxillaire sur un trajet d’ouverture plutôt que de fermeture (figure 30).

La mise en charge immédiate par simple vissage d’un bridge en zircone qui a été totalement anticipé et usiné avant la chirurgie n’est pas conventionnelle. Ceci est rendu possible grâce au protocole chirurgical guidé qui permet de reproduire avec suffisamment de précision la position virtuelle des IZ qui ont été planifiés. Les guides chirurgicaux sont conçus avec un repère d’indexation et d’enfouissement pour contrôler l’émergence des piliers planifiés et s’assurer de la bonne correspondance entre piliers et prothèse. Le repère est un disque perforé dans lequel vient passer le tournevis de prothèse. L’axe du tournevis doit être centré dans ce repère, à la fois dans l’axe col-apex de l’implant pour gérer l’enfouissement et dans l’axe de rotation pour valider l’indexation (figures 13 et 20). Le centrage du tournevis dans les 2 axes est obligatoire. Il peut difficilement être obtenu au premier vissage. Plusieurs mouvements de vissage/dévissage peuvent être nécessaires pour obtenir un bon centrage. Lors du revissage, le filetage pris est différent de celui du premier vissage. Il est indispensable de commencer à coordonner les 2 axes avant d’arriver au seuil d’enfouissement au risque de perdre en stabilité primaire si trop de mouvements de va-et-vient sont réalisés.

Malgré cela, de petites imprécisions sont possibles. Dans les MCI, les implants n’étant pas ostéo-intégrés, mettre en charge une prothèse non passive qui va contraindre légèrement les implants n’est pas problématique pour rattraper les petites erreurs d’axe implantaire guidé. La zircone apporte cette rigidité nécessaire et une biocompatibilité incomparable à celle du PMMA pour la cicatrisation tissulaire [3, 4, 6, 7]. Les prothèses sont surdimensionnées pour supporter les contraintes mécaniques. Le choix d’une zircone suffisamment solide, prévue pour les réhabilitations d’arcades complètes, est impératif.

Les IZ restent une excellente alternative pour la prise en charge des patients présentant une atrophie maxillaire en évitant les greffes. L’expérimentation de la chirurgie guidée zygomatique avec ce nouveau concept de guide en titane à doubles douilles apporte plus de précision dans le placement des implants, sécurise et rend reproductible le geste chirurgical mais cette technique est à réserver aux praticiens expérimentés. La chirurgie guidée pour IZ apporte de nombreux avantages mais il faut bien garder en tête les complications chirurgicales que le chirurgien doit être capable d’éviter et/ou de gérer.

BIBLIOGRAPHIE

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Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.

Remerciements

Aux laboratoires Broccos/LIO, TeethProject et au Dr Delemotte MARTIN.