Clinic n° 11 du 01/11/2022

 

Implantologie

Thomas FORTIN  

MCU-PH, Faculté d’odontologie de Lyon. Exercice libéral à Bourgoin-Jallieu.

Si l’imagerie 2D reste le principal outil de diagnostic dans le domaine de l’implantologie orale, l’utilisation de l’imagerie 3D permet de visualiser l’anatomie cranio-faciale tridimensionnelle et de la mettre en correspondance avec l’objectif prothétique en créant un patient virtuel. La prothèse étant la finalité de tout traitement implanto-porté, il était important de disposer d’outils permettant d’avoir une vision aussi précise que possible du résultat final....


Résumé

Il est devenu commun de dire que les traitements implanto-portés ont pour objectif une réhabilitation à la fois fonctionnelle, esthétique et stable dans le temps. Leur mise en œuvre rapide et sans douleur est un acquis auquel la planification 3D et les outils associés ont beaucoup participé. Il est, à ce sujet, intéressant de noter que la première publication clinique montrait l’utilisation de la tomographie à faisceau conique (CBCT) avec la chirurgie guidée en implantologie orale. Le CBCT est aujourd’hui couramment employé pour l’évaluation des structures osseuses, volume et densité, avec un rayonnement inférieur à celui des scanner multi-spiralés utilisés en radiologie générale. L’objectif de cet article est de mettre en évidence les apports et les limites du CBCT en implantologie orale.

Si l’imagerie 2D reste le principal outil de diagnostic dans le domaine de l’implantologie orale, l’utilisation de l’imagerie 3D permet de visualiser l’anatomie cranio-faciale tridimensionnelle et de la mettre en correspondance avec l’objectif prothétique en créant un patient virtuel. La prothèse étant la finalité de tout traitement implanto-porté, il était important de disposer d’outils permettant d’avoir une vision aussi précise que possible du résultat final. C’est entre autres pour répondre à cette exigence que le CBCT a été développé dans le courant des années 90. Il est, à ce sujet, intéressant de noter que la première publication clinique montrait l’utilisation de la tomographie à faisceau conique (CBCT) avec la chirurgie guidée en implantologie orale [1]. L’intérêt pour l’endodontie est arrivé plus tard.

Le CBCT est une image de synthèse, reconstruite par ordinateur, à partir d’un grand nombre d’acquisitions du profil du massif facial selon des angles différents. Cette image se compose d’éléments en 2D, coupes reconstruites dans tous les plans de l’espace selon l’indication clinique, et d’une image 3D visible sous tous les angles.

De par leur nature les images CBCT présentent des caractéristiques qu’il est important de connaître pour bien les utiliser en implantologie orale. C’est là tout l’objectif de cet article : décrire les caractéristiques des images pour optimiser leur utilisation.

LES EXAMENS CBCT

D’une manière générale, les examens CBCT peuvent être réalisés par un chirurgien-dentiste, sous réserve qu’il ait validé sa formation CBCT. Cette formation peut être faite en présentiel ou en distanciel. Seuls les examens « grands champs » sont du domaine strict des médecins radiologues.

Ces examens peuvent également être délégués à un confrère avec une prescription contenant :

– le motif de l’examen ;

– la finalité ;

– les circonstances particulières (grossesse…) ;

– les comptes rendus des examens radio antérieurs.

Tous les examens doivent faire l’objet d’un compte rendu contenant :

– l’identification du patient et du médecin réalisateur ;

– la date ;

– les éléments de justification de l’acte et la procédure réalisée, compte tenu des guides de prescription et des guides de procédure ;

– des éléments d’identification du matériel utilisé ;

– les informations utiles à l’estimation de la dose reçue par le patient au cours de la procédure.

Qu’il soit réalisé au sein du cabinet ou délégué, l’examen CBCT pour l’implantologie orale n’est pas un acte opposable. Il ne peut donc pas faire l’objet d’une demande de prise en charge par la sécurité sociale. Le tarif est laissé à l’appréciation du praticien.

LES GRANDES CARACTÉRISTIQUES DES IMAGES CBCT

• La technique de cone beam CT (tomographie informatisée à faisceau conique) consiste en l’acquisition d’une série de projections du sujet suivant différents angles, à la façon d’une série de téléradiographies, suivi de la reconstruction et du stockage d’un volume radiographique. De 4 à 600 projections 2D sont acquises pendant une rotation. Le volume est obtenu via l’analyse de projections 2D acquises pendant la rotation du statif. Une seule rotation suffit pour obtenir l’ensemble du volume.

Contrairement au cliché rétro-alvéolaire et au panoramique dentaire, le positionnement du patient n’est pas un élément primordial à la bonne qualité de l’image. Il est néanmoins essentiel de respecter le positionnement recommandé par le constructeur : positionnement antéro-postérieur et plan sagittal médian pour s’assurer que la tête du patient est bien dans le champ d’acquisition de la machine. Il faut également faire attention à ce que les épaules n’interfèrent pas avec la machine lors de la rotation.

• Comme le Rubik’s Cube™, le volume est constitué de voxels qui sont caractérisés par une taille et un niveau de gris attribués lors de la reconstruction de l’image (figure 1).

• Les coupes axiales, plusieurs centaines, seront ensuite redécoupées dans le volume. La taille des fichiers varie entre 100 et 400 Mo, selon la taille et la résolution. Ces fichiers sont généralement au format DICOM (standard médical) : « fichier_image.dcm ».

Taille du champ

La taille du champ, choisie par l’utilisateur, détermine la définition ou la résolution spatiale. Son choix est donc très important. Il est inutile de sélectionner un champ moyen pour la mise en place d’un seul implant. Les machines modernes permettent de sélectionner 4 types de champs différents (dont un est réservé aux radiologues) :

– le grand champ (17 × 11 mm et plus) (réservé aux radiologues) ;

– le champ moyen (8 × 8 mm, 10 × 10 mm, 12 × 10 mm) permet l’exploration des maxillaires ;

– le champ mono-arcade (8 ×5 mm, 10 × 5 mm) permet l’exploration d’un maxillaire ;

– le petit champ ou champ sectorisé (4 × 4 mm, 5 × 5 mm) permet l’exploration limité à un secteur, 4 à 5 dents au plus.

Résolution spatiale

La résolution spatiale est définie comme la plus petite taille d’un détail que l’on est susceptible de pouvoir discerner. C’est en fait la taille du voxel de l’image. Cette taille varie en fonction de l’image que vous avez sélectionnée : taille du champ (petit, moyen ou grand) et de la résolution. Plus la taille est grande plus la résolution va diminuer :

– pour les petits champs, cette résolution peut descendre jusqu’à 75 microns ;

– pour les champs moyens, la résolution est de 150 à 200 microns ;

– pour les grands champs, la résolution est de 400 microns. Il est intéressant de noter que le scanner « classique » a une résolution de 600 microns.

Les constructeurs définissent un mode d’acquisition par défaut, le mode standard auquel est associée une résolution. Vous pouvez faire varier la résolution selon le mode d’acquisition que vous sélectionnez, haute résolution (HR, possible uniquement avec les petits champs), low dose (LD) ou ultra low dose (ULD). Les 3 modes d’acquisitions diffèrent par le nombre de projections 2D acquises lors de la rotation de l’appareil. En HR, le nombre de projections acquises est maximale alors que, en ULD, elle est minimale. Le corolaire de ceci est que, pour augmenter la résolution, on augmente le temps d’acquisition (jusqu’à 20 s en mode HR) et la dose émise (figure 2).

Alors que les hautes résolutions sont indispensables en endodontie, elles ne présentent pratiquement aucun intérêt en implantologie orale, sauf peut-être pour visualiser les corticales vestibulaires en secteur esthétique.

Dose

L’étalon de dosimétrie en radiologie dentaire est le produit dose-surface (PDS), ou DAP en anglais (Dose Area Product). Son unité est donnée en mGy.cm2.

La dose reçue par le patient varie en fonction du mode d’acquisition et du champ choisi.

Pour la quasi-totalité des indications, le mode LD est suffisant mais il a été montré que le mode ULD peut aussi être utilisé. Ce dernier offre une image dégradée mais qui peut contenir une information suffisante selon les indications et les objectifs cliniques choisis. L’avantage de l’ULD est que la dose reçue est sensiblement équivalente à celle d’un panoramique dentaire [2, 3].

La formation d’une image radiographique dépend aussi de 3 paramètres sensiblement identiques :

– le kilo-voltage (kV) : ce paramètre influe sur le pouvoir de pénétration des photons X dans la matière. Plus l’objet sera épais et/ou dense, plus on aura besoin d’augmenter les kV. On peut comparer ça à la qualité de lumière en photo, différente entre le crépuscule et midi ;

– les milliampères (mA) : ce paramètre influe sur le nombre de photons X générés (comparable à l’ouverture du diaphragme en photo, qui gère la quantité de lumière reçue) ;

– le temps d’exposition : quelques millisecondes pour un cliché intraoral, quelques secondes à une grosse dizaine de secondes en panoramique dentaire ou cone beam.

Ils sont paramétrés par défaut sur les systèmes, en fonction du gabarit de patient sélectionné. Mais le kV et mA sont généralement accessibles en manuel.

Dans le cas d’utilisation des modes LD et ULD, il est recommandé d’augmenter manuellement les milliampères plus avoir une image plus contrastée.

Il est nécessaire de prendre également en compte la dose délivrée au patient (le fameux principe ALARA). Il en résulte donc les indications suivantes :

– implant unique (ou 2 implants côte à côte) : champ sectorisé en mode standard, LD ou ULD. En secteur esthétique le mode HR peut être utile ;

– implants multiples : champ mono-arcade ou bi-maxillaire selon la position des implants. Seuls les modes LD ou ULD sont possibles ;

– flux numérique : champ mono-arcade ou bi-maxillaire selon la position des implants. Seul le mode LD est utile. Éviter le mode ULD.

Résolution en densité

La résolution en densité, ou résolution en contraste, est la capacité à discerner des niveaux de gris différents. Plus la densité en contraste est bonne, plus on est capable de discerner des petites variations de gris dans l’image.

Pour le CBCT, l’image ne contient que 256 niveaux de gris en général. Nous sommes très loin des 4 096 niveaux du scanner conventionnel ! Il n’y a pas non plus de fenêtre de niveau de gris pour la lecture. En conséquence, avec le CBCT, les nuances de gris sont moins discernables qu’avec le scanner. Le CBCT est une image de tissus durs et non de tissus mous.

En conséquence, l’écartement des muqueuses lors de la phase d’acquisition n’a aucun intérêt. Même si, d’une manière générale, il y a une forte corrélation, au moins visuelle, entre la densité observée sur les images CBCT et celle ressentie sur le site chirurgical, la faible résolution en contraste pourra avoir un effet négatif sur la visualisation des zones de faible contraste, c’est-à-dire les zones de faible minéralisation : os spongieux ou os en cours de cicatrisation notamment.

Ceci va avoir un impact sur la localisation du nerf alvéolaire inférieur parfois, sur la qualité ou la densité d’un os, sur le niveau de cicatrisation ou sur la surface d’une crête. Il peut y avoir un écart d’appréciation entre l’analyse radiologique et le site chirurgicale (figure 3).

Sensibilité aux mouvements

Le temps d’acquisition relativement long (de 3 à 20 secondes selon le mode d’acquisition) combiné à la position debout fait que le « bougé » n’est pas un phénomène négligeable. Lorsque vous positionnez le patient, il faut également faire attention à ce que la machine, lors de sa rotation, ne heurte pas les épaules. Si ce « bougé » est difficile à objectiver sur l’image 3D, il se caractérise par un dédoublement des structures ou un effet de vent sur les coupes 2D (figure 4).

Sensibilité aux artéfacts

Les artefacts sont courants dans les images cone beam. Ils résultent des divergences entre les modélisations mathématiques et les process physiques en jeu [4].

Parmi tous ces artéfacts, on considère :

– l’artefact d’extinction, ou « famine photonique ». Les photons ne peuvent traverser certains matériaux (alliages pour les couronnes surtout, inlay-core…). Le capteur ne reçoit pas d’info ;

– le durcissement de faisceau. Au fur et à mesure de la traversée des matériaux, les photons de faible énergie sont absorbés. Seuls les photons de moyenne/haute énergie atteignent le capteur (cela dépend de la structure des matériaux traversés).

C’est l’association de ces 2 phénomènes qui génère les célèbres trainées sombres et claires autour des matériaux denses. Elles gênent la vision des structures voisines pouvant aller jusqu’à rendre ininterprétable une image. La seconde conséquence est que l’utilisation du CBCT pour analyser l’os autour de l’implant est un non-sens. L’information fournie par une rétro-alvéolaire ou un panoramique sera plus fiable.

COMMENT UTILISER UNE IMAGE CBCT

Le travail s’effectue sur les images 2D (en coupe). Tous les logiciels possèdent au minimum les fonctions suivantes.

• Un affichage des 3 plans orthogonaux : axial, coronal et frontal.

• Un tracé de l’arcade dentaire et une orientation de ces plans selon les besoins anatomocliniques. Pour un meilleur diagnostic, la lecture doit pouvoir se faire dans tous les plans de l’espace. Certaines fonctions le permettent. La première étape est de tracer une courbe sur la coupe axiale qui se présente par défaut à l’écran. Cette courbe suit le tracé de l’arcade (figure 5).

• À partir de cette courbe, le logiciel va construire à la demande des coupes perpendiculaires ou obliques selon votre choix.

• Un tracé du canal alvéolaire inférieur. Il n’est pas nécessaire mais certains l’estiment utile. Pour l’obtenir, il faut cliquer quelques points sur divers coupes (axiales, perpendiculaires ou obliques), points qui seront ensuite reliés par une courbe représentant le nerf (figure 6).

• Proposer une bibliothèque d’implants (ou design personnalisé des implants si la marque n’apparaît pas dans la bibliothèque). Cette fonction permet de simuler un implant sur les images (figure 7).

• Les outils de mesures de base : règle, segments, angle… Les images CBCT ont un rapport de 1/1, c’est-à-dire que 1 cm mesuré représente 1 cm dans la réalité. Ceci à condition bien sûr que la calibration soit faite régulièrement comme la réglementation le prévoit [5].

• Des fonctions d’export : impression, DVD, clé USB.

DIFFÉRENTES SITUATIONS CLINIQUES

Secteur antérieur

Pour le secteur antérieur, outre le volume osseux disponible (hauteur, largeur), on va chercher à apprécier, selon s’il reste une dent à extraire ou non :

– la position du canal rétro-incisif ;

– la présence ou non de lésion ;

– la persistance d’une crête alvéolaire vestibulaire ;

– la présence d’os à l’apex de la dent à extraire.

Les 2 derniers critères sont particulièrement importants pour poser l’indication de l’extraction/implantation immédiate versus l’implantation différée (figure 8).

Secteur maxillaire postérieur

Pour le secteur maxillaire postérieur, nous cherchons à évaluer :

– le volume osseux disponible sous le sinus (figure 9) ;

– l’intégrité de la muqueuse sinusienne ou l’absence de pathologie sinusienne (figure 10) ;

– l’existence ou non d’une communication entre la muqueuse gingivale et la muqueuse sinusienne, ce qui traduit une absence osseuse qu’il conviendra de traiter ;

– l’architecture du volume osseux sous-sinusien pour choisir entre le comblement sinusien ou la greffe d’apposition.

Secteur mandibulaire postérieur

Pour le secteur mandibulaire postérieur, nous cherchons à mettre en évidence :

– le trajet du canal alvéolaire inférieur et donc le volume osseux disponible pour mettre un implant. Le canal se traduit, dans le cas idéal où le nerf circule dans une corticale, par un cercle plus ou moins déformé au sein de l’os spongieux. Si cette corticale n’existe pas, il peut être difficile de repérer sa trajectoire. Il peut exister un indice radiologique de sa présence, une encoche dans la paroi de la corticale (figure 11) ;

– le trou mentonnier qui est normalement unique et situé apicalement aux apex des prémolaires mandibulaires (figure 12). Des variations de sa localisation peuvent être observées. Dans de rares cas, il peut être constaté plusieurs émergences : il conviendra alors d’être particulièrement attentif à l’existence potentielle de plusieurs canaux intra-osseux.

Greffe osseuse

Le CBCT est une imagerie indispensable dans l’évaluation des gains osseux obtenus suite à une greffe. Il sera toutefois, compte tenu de la faible résolution en contraste, difficile d’évaluer la qualité de l’os obtenu (figure 13).

CONCLUSION

L’utilisation du CBCT en implantologie orale ne fait plus débat aujourd’hui. Il est un acteur majeur dont il faut savoir utiliser les ressources de simulation, de dessin d’implants, de prise de mesures. Sa parfaite compréhension, la taille des champs, les modes d’acquisition permettent une imagerie de qualité à des niveaux de doses adaptés à l’information requise, ni trop de rayonnements, ni pas assez [6].

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Fortin T, Bianchi S, Champleboux G, Buatois H, Coudert JL. Precision of transfer of preoperative planning for oral implants based on Cone-Beam CT-scan images through a robotic drilling machine: An in vitro study. Clin Oral Implants Res 2002;13:651-656.
  • 2. El Sahili N, Nasseh I, Berberi A, David-Tchouda S, Thoret S, Fortin T. Impact of cone beam computed tomography dose in pre-surgical implant analysis. Open Dent J 2018;12:94-103. [doi:10.2174/1874210601812010094]
  • 3. El Sahili N, David-Tchouda S, Thoret S, Nasseh I, Berberi A, Fortin T. Effect of milliamperage reduction on pre-surgical implant planning using cone beam computed tomography by surgeons of varying experience. J Maxillofac Oral Surg 2018;17:520-530. [doi:10.1007/s12663-017-1075-y]
  • 4. Schulze R, Heil U, Grob D, et al. Artefacts in CBCT: A review. Dentomaxillofac Radiol 2011;40:265-273.
  • 5. Veyre-Goulet S, Fortin T, Thierry A. Accuracy of linear measurement provided by cone beam computed tomography in the posterior maxilla: A human cadaver study. Clin Oral Implant Dent Relat Res 2008;10:226-230.
  • 6. Bellaïche N. Guide pratique du Cone Beam en imagerie dento-maxillaire. Paris : Editions CdP, 2016;400 p.