PRISE EN CHARGE GLOBALE D’USURE DENTAIRE ÉROSIVE
Cas
Clinique
MCU-PH, Université de Paris Cité et AP-HP, UR 2496, Montrouge. Membre du réseau ReCOL
La prise en charge des patients présentant une pathologie d’usure érosive est aujourd’hui bien définie par les propositions des auteurs cités dans cet article. Les principes reposent sur la reconnaissance des risques liés aux patients, le dépistage des lésions et leur classification, l’éducation thérapeutique visant à contrôler les facteurs étiologiques, la prescription de produit protecteur, les traitements d’interception des lésions initiales et le traitement...
La prise en charge des patients présentant une pathologie d’usure érosive est aujourd’hui bien définie par les propositions des auteurs cités dans cet article. Les principes reposent sur la reconnaissance des risques liés aux patients, le dépistage des lésions et leur classification, l’éducation thérapeutique visant à contrôler les facteurs étiologiques, la prescription de produit protecteur, les traitements d’interception des lésions initiales et le traitement restaurateur fondé sur la préservation tissulaire et l’adhésion. Nous pouvons illustrer cette démarche par le cas clinique suivant.
Alexandre M., 26 ans, est reçu en consultation. Il présente un handicap mental modéré et est par ailleurs en bonne santé générale. Il est venu consulter avec sa mère car il constate que ses dents « diminuent » et deviennent sensibles.
Il n’a pas consulté de dentiste depuis 3 ans mais n’a pas eu de besoin de traitement récent. Son brossage est effectué quotidiennement (sous surveillance à chaque fois que cela est possible).
Au niveau alimentaire, il prend des repas équilibrés mais ne boit quasiment que du soda.
Cet entretien préalable alerte sur l’existence de facteurs de risque comme indiqués dans le tableau 1. L’irrégularité des visites et celle de l’hygiène orale constituent des facteurs de risque carieux et la consommation excessive de soda est un facteur de risque d’usure par érosion. L’origine semble être extrinsèque et théoriquement modifiable [1].
À l’examen clinique on observe des usures érosives sur toutes les dents. Leur évolution est variable selon les secteurs. En postérieur, ce sont les faces occlusales qui sont atteintes. En antérieures, les faces vestibulaires, occlusales et linguales sont touchées. Les lésions « émoussées », « irrégulières » et en « cupules » sont caractéristiques d’une usure érosive (agression chimique acide). Tous les sextants sont touchés pour un score de 2 à 3. L’indice BEWE est de 16 [2] (figures 1 à 6 et encadré 1).
Les besoins de traitement incluent le contrôle des facteurs de risque, des mesures prophylactiques et le rétablissement d’un schéma occlusal fonctionnel et équilibré [3].
L’étiologie et le processus de destruction dû à l’agression acide sont bien expliqués au patient pour l’inviter à modifier ses habitudes en comprenant leurs effets. Le patient n’avait pas conscience du lien entre ses prises de boisson et l’altération de ses dents. Aidé par son entourage, il est prêt à modifier ses habitudes pour garder un beau sourire. Nous fixons ensemble un objectif atteignable : pour commencer, de l’eau la semaine et du soda le week-end ! Une brosse à dent électrique est recommandée pour pallier l’insuffisance d’un brossage aléatoire. En parallèle, du dentifrice fluoré à 5 000 ppm est prescrit pour favoriser la protection des surfaces, pas ou non atteintes, par reminéralisation. Des gouttières de fluoration seront réalisées en fin de traitement une fois les restaurations occlusales réalisées.
Le traitement de réhabilitation esthétique et fonctionnelle est ensuite mis en œuvre. Compte tenu de l’âge du patient, du contexte général et des objectifs demandés, un traitement avec des résines composites, en technique indirecte (facettes sextant antérieur maxillaire) et directe (dans les autres sextants), est proposé.
Afin de restaurer tout en en préservant les structures et de rétablir la fonction, une augmentation de la dimension verticale est programmée [4]. Cette surélévation de 4 mm permet de réhabiliter l’anatomie fonctionnelle des dents par des procédures adhésives additives sans préparation.
L’organisation du traitement se fait selon 3 étapes principales décrites par Vailati [5].
1 : Évaluation de l’intégration esthétique du projet des restaurations antérieures (cela fixe le plan d’occlusion).
2 : Restauration des dents postérieures suivant l’augmentation de dimension verticale.
3 : Rétablissement du guide antérieur et, quand cela est nécessaire, de l’aspect esthétique des dents.
Un projet virtuel est envisagé et transmis au laboratoire [6]. Des wax-up sont réalisés permettant d’obtenir des clés en silicone pour faciliter les restaurations anatomiques. Cette Stamp Technique décrite par Tepper est validée pour ces situations [7, 8].
Les clés sont sectionnées dans le sens mésio-distal pour restaurer les faces occlusales en deux parties, linguale puis vestibulaire, chacune successivement accessible à la polymérisation. Cette procédure permet un bon contrôle des manques ou des excès de matériaux. La réalisation de clés en silicone transparent a également été décrite pour un apport global et une polymérisation au travers mais elle nécessite une solide expérience pour une mise en œuvre précise (figures 7 à 13).
En antérieur, ce sont des facettes « sandwich » en résine composite qui sont réalisées et collées pour obtenir à la fois la restitution du guide antérieur (face linguale) et un rendu esthétique simple et durable (face vestibulaire) (figures 14 à 23).
L’étiologie des agressions acides est souvent multiple et leur contrôle n’est jamais certain. Les facteurs intrinsèques comme les reflux gastro-œsophagiens ont un caractère chronique qui les rend difficilement évaluables. Les facteurs extrinsèques sont sous la dépendance du patient dont la motivation à les contrôler peut baisser, voire disparaître. Le suivi de ces patients est particulièrement essentiel et le plus important est de soutenir leur changement d’habitudes et de s’assurer que l’équilibre de la santé orale est maintenu (figures 24 à 26).
Le comportement des résines composite est efficace et résiste aux attaques acides. Il a été montré que ces matériaux sont bien adaptés pour protéger les lésions érosives et résister à l’environnement acide.
Des suivis de maintenance sont mis en place tous les 6 mois pendant 3 ans puis tous les ans. Moins bien documentée que pour la maladie carieuse, la fluoration est toutefois recommandée [9].
Une gouttière de fluoration est réalisée en fin de traitement. Elle doit être portée 5 minutes par jour au long cours (figure 27).
Les dentifrices contenant du fluorure d’amines, du chlorure d’étain et du chitosan ont aussi prouvé leur efficacité [10]. Ces dentifrices favorisent la formation d’une couche protectrice riche en étain sur la surface dentaire, les ions stanneux réagissant avec l’hydroxyapatite et lui conférant une solubilité réduite. Il est possible d’associer ces dentifrices avec un bain de bouche à base de chlorure d’étain et fluorure d’amines [11].
Au cours du temps, des réparations de composites sont à prévoir. Ce besoin de suivi et de réintervention doit être expliqué au patient dès le départ du traitement (figures 28 et 29).
La prise en charge des patients atteints d’usure dentaire à dominante érosive repose sur le contrôle des facteurs de risque, la protection des structures dentaires persistantes et la restauration esthétique et fonctionnelle si la situation est sévère.
Plus le diagnostic se fait précocement, plus les résultats seront pérennes. Lorsque les restaurations deviennent indispensables, les traitements sont généralement globaux et mettent en œuvre toutes les procédures adhésives impliquant le minimum de préparation.
0 : aucune atteinte
1 : atteinte amélaire uniquement
2 : perte de tissus jusqu’à la dentine ≤ 50 % de la surface de la dent
3 : perte de tissus jusqu’à la dentine ≥ 50 % de la surface de la dent
SCORE BEWE CAS CLINIQUE : ALEXANDRE M.
Chaque sextant le degré le plus élevé est noté