Clinic n° 10 du 01/10/2022

 

Dermatologie

Buccale

David BRASME*   Manon DOMART**   Marion MORCEL***   Élisabeth CASSAGNAU****   Alexandra CLOITRE*****   Anne-Gaëlle CHAUX******   Philippe LESCLOUS*******  


*Unité fonctionnelle de Chirurgie orale, Service d’Odontologie restauratrice et chirurgicale, CHU Hôtel Dieu, Nantes.

Un patient de 64 ans est adressé dans le service de chirurgie orale par son chirurgien-dentiste traitant pour une récession associée à une ulcération de la muqueuse palatine en regard du collet de la face palatine de la 27 découverte fortuitement.

ENTRETIEN MÉDICAL

Ce patient est non fumeur et ne déclare aucune allergie. Il présente une hypertension artérielle stabilisée par un bétabloquant (Bisoprolol 1,25 mg × 1/j), une hypercholestérolémie traitée par une...


Un patient de 64 ans est adressé dans le service de chirurgie orale par son chirurgien-dentiste traitant pour une récession associée à une ulcération de la muqueuse palatine en regard du collet de la face palatine de la 27 découverte fortuitement.

ENTRETIEN MÉDICAL

Ce patient est non fumeur et ne déclare aucune allergie. Il présente une hypertension artérielle stabilisée par un bétabloquant (Bisoprolol 1,25 mg × 1/j), une hypercholestérolémie traitée par une statine (atorvastatine 40 mg × 1/j) ainsi qu’une arthrose des hanches sans traitement associé. Sur le plan général, ce patient est en bonne santé ; aucune particularité n’est à noter sur ses derniers bilans sanguins.

Le patient ne ressent aucune douleur ni de gêne au niveau bucco-dentaire et n’a pris connaissance de la lésion que lors de la visite chez son chirurgien-dentiste. Il n’est donc pas possible de dater son apparition ni son mode d’évolution. La dernière visite chez ce chirurgien-dentiste remonte à un an sans qu’il ait remarqué quoi que ce soit à cette époque.

Ce patient ne rapporte aucun antécédent de lésion buccale et il consulte son chirurgien-dentiste 1 à 2 fois par an, donc très régulièrement.

EXAMEN CLINIQUE

À l’examen exobuccal, aucune adénopathie cervico-faciale n’est palpable. On note l’absence de tuméfaction faciale. Cet examen est sans particularité par ailleurs.

À l’examen endobuccal, on constate une hygiène bucco-dentaire imparfaite avec une présence de tartre et de colorations exogènes probablement d’origine alimentaire sur l’ensemble des surfaces dentaires.

Au niveau palatin, en regard du collet de la 27, on note une récession tissulaire marginale localisée ainsi qu’une ulcération unique non inflammatoire d’aspect verruqueux de 5 mm par 2 mm, bien circonscrite, de coloration rose/jaunâtre (figure 1). Cette lésion est indolore. Le sondage parodontal à ce niveau n’est pas supérieur à 3 mm.

Les examens complémentaires (test percussion, palpation, sensibilité) au niveau de la 27 et des dents voisines sont tous négatifs

DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE ET THÉRAPEUTIQUE

À ce stade, il est important d’avoir au moins une hypothèse diagnostique à privilégier. Nous pouvons éliminer l’ulcération aphteuse car la lésion est indolore. Aucun élément traumatique ne permet d’expliquer la présence de cette lésion. A priori, cette lésion n’est pas d’origine maligne au vu des informations obtenues lors de l’entretien avec le patient et lors de l’examen clinique. Cependant, il est impossible de l’écarter formellement sans examen histologique. Les médicaments pris par le patient ne sont pas connus pour être associés à des lésions muqueuses orales.

Devant l’absence de facteur pouvant expliquer la présence d’une telle récession associée à une ulcération et compte tenu de sa faible taille apparente, une exérèse complète est réalisée. Un examen anatomopathologique est demandé afin d’en préciser la nature histologique.

EXAMEN HISTOLOGIQUE

À l’examen histologique, on retrouve une lésion caractérisée par un épithélium malpighien hyperplasique présentant une maturation cornée (figure 2). Au sein de l’axe des papilles, il est observé la présence d’éléments inflammatoires parmi lesquels de nombreux histiocytes présentant un cytoplasme spumeux (qui a l’aspect de l’écume) (figure 3). Aucun signe de malignité n’est retrouvé.

Le diagnostic de xanthome verruciforme est posé.

DIAGNOSTIC ET SUIVI CLINIQUE

Le patient est revu 2 semaines après l’exérèse. On constate ce jour une bonne cicatrisation au niveau du site opératoire.

Nous pouvons alors confirmer au patient la nature bénigne de la lésion. Aucun suivi spécifique n’est à prévoir. Son praticien est informé et réalisera un suivi de routine.

COMMENTAIRES

Le xanthome verruciforme est une lésion bénigne cutanéo-muqueuse extrêmement rare apparaissant le plus souvent vers 50-60 ans. Il siège principalement sur la muqueuse orale palatine ou gingivale mais il a été aussi rapporté des cas de localisation cutanée.

Il n’y a en général aucun lien avec une pathologie concomitante. Néanmoins, il a été rapporté des facteurs déclenchants ou favorisants comme une immunodépression ou une dermatose inflammatoire associée (lichen plan), ce qui n’est pas le cas chez ce patient. Aucune transformation maligne n’est rapportée dans la littérature. Son étiopathogénie n’est pas encore élucidée. Une irritation chronique d’origine traumatique est parfois avancée, mais ce facteur n’est pas retrouvé chez ce patient.

Ce diagnostic de xanthome verruciforme est tellement rare qu’il n’est jamais évoqué en première intention. Il s’agit principalement d’un diagnostic histologique, ce qu’illustre parfaitement le cas rapporté ici.

Il est donc obligatoire, devant l’absence d’étiologie évidente retrouvée lors de l’entretien avec le patient et de l’examen clinique, de réaliser un examen anatomopathologique afin d’en établir la nature histologique exacte et d’intercepter toute pathologie maligne ou en voie de dégénérescence maligne.

CONCLUSION

Ainsi, face à une lésion dont le diagnostic est incertain après un entretien médical et un examen clinique bien conduits, il est obligatoire de réaliser un examen anatomopathologique et donc un prélèvement tissulaire, ici une exérèse compte tenu de la faible taille de la lésion (la biopsie étant un prélèvement partiel d’une lésion). Cet examen permet d’affirmer ou d’infirmer une hypothèse diagnostique et de déclencher une prise en charge adaptée.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Kuffer R, Lombardi T, Husson-Bui C, Courrier B, Samson J. La muqueuse buccale : de la clinique au traitement. Paris : Éditions Med’Com, 2009.
  • 2. Santos Medeiros CK, de Franca GM, Rodriguez da Silva W, Felipe J, Cavalcanti Galvao H, Teixeira de Olieviera P. Verruciform xanthoma associated with lichen planus. Autops Case Rep 2022;12:e2021360.