Clinic n° 10 du 01/10/2022

 

Dossier

Pascal DE MARCH*   Pascale CORNE**  


*MCU-PH, Responsable du département de Prothèses, Faculté d’Odontologie de Lorraine, Université de Lorraine. Chercheur à l’Institut Jean Lamour de Nancy et au Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST). Exercice libéral à Metz.
**MCU-PH, Département de Prothèses, Faculté d’Odontologie de Lorraine, Université de Lorraine.

Pourquoi employer encore des ancrages canalaires en 2022 ? Si dans les situations de dents particulièrement délabrées leur indication se pose toujours, quel système choisir pour pratiquer une dentisterie moderne intégrant les notions d’économie tissulaire ? Les auteurs vous proposent de comparer les différentes options thérapeutiques envisageables selon les principes de la dentisterie fondée sur les preuves.

Avec l’émancipation des techniques adhésives, les ancrages radiculaires posent toujours plus de questions quant à leur place dans les thérapeutiques contemporaines. Beaucoup d’idées portées par un dogme pseudo-modernisme caricaturent ce sujet dans de nombreuses communications. Le but de cet article est d’y apporter des réponses structurées et argumentées selon les principes de la dentisterie fondée sur les preuves.

INDICATIONS GÉNÉRALES DES ANCRAGES RADICULAIRES

La dentisterie fondée par les preuves consiste à rationaliser et a? sécuriser les prises de décision thérapeutique et les pratiques en s’appuyant principalement sur les résultats des recherches ou d’études scientifiques, mais en y intégrant aussi l’expérience clinique du praticien, les besoins de traitement du patient et ses préférences. Une méta-analyse publiée en 2021 conclut que les ancrages radiculaires peuvent être considérés comme une option thérapeutique appropriée pour la restauration d’une dent dépulpée [1]. Dans l’immense majorité de leurs indications, l’objectif est de trouver à l’intérieur de la racine d’une dent dépulpée un complément de rétention nécessaire et suffisant pour permettre la restauration durable composée d’une préparation (pilier) optimisée et d’une restauration corono-périphérique (couronne prothétique). Le but d’un ancrage canalaire est donc de trouver dans le canal radiculaire un moyen de rétention pour le système prothétique envisagé lorsque les tissus résiduels coronaires de la dent ne proposent plus de surface d’assemblage utile exploitable à dessein. C’est là le principal avantage commun à tous les systèmes d’ancrage radiculaire. Pour ce faire, il est nécessaire d’aménager le système canalaire par une procédure toujours risquée, puisque réalisée sans vision directe, afin d’y loger l’ancrage qui, tout en assurant la rétention de la restauration corono-radiculaire, transmet aussi à l’intérieur de la racine les contraintes occlusales reçues via la restauration corono-périphérique (RCP). Les risques qui accompagnent ces deux moments que sont la préparation canalaire puis le temps de service du dispositif constituent le principal inconvénient des ancrages radiculaires.

CAHIER DES CHARGES DES ANCRAGES

Considérant les principaux avantages et inconvénients évoqués, un tenon radiculaire doit idéalement, dans sa configuration et selon son type, trouver le maximum de rétention et/ou de surface de collage dans la racine tout en limitant l’impact des contraintes transmises en dessous des limites de résistance des structures radiculaires qui le reçoivent. En effet, la principale complication d’un ancrage radiculaire est son décollement ou son descellement et sa principale cause d’échec est la fracture radiculaire irrécupérable. Ainsi, l’équation à résoudre met en jeu deux paramètres qui s’opposent avec, d’une part, la mise en place d’un tenon le plus long et le plus large possible pour générer le maximum de friction mécanique et de surface développée et, d’autre part, la préservation d’une épaisseur maximale de dentine radiculaire périphérique pour résister aux contraintes transmises et maintenir la pérennité de l’organe dentaire [2]. Selon la configuration des racines concernées, la singularité des situations individuelles fait varier la complexité de cette équation. La figure 1 montre le cahier des charges idéal de la mise en place d’un tenon canalaire et la figure 2 montre certaines particularités radiculaires remarquables telles que des courbures, des finesses ou une invagination d’une paroi.

Pour atteindre ce double objectif, la forme du tenon cylindro-conique à extrémité effilée fait l’unanimité dans la littérature scientifique. En effet, elle respecte au mieux la progression dimensionnelle des racines qui s’affinent de plus en plus vers l’apex. Ainsi, la partie cylindrique assure l’essentiel de la rétention axiale par la friction des parois parallèles sur les murs dentinaires tandis que la partie effilée à forte dépouille s’oppose principalement aux forces de déstabilisation à composante oblique par rapport à l’axe d’insertion, tout en préservant la dentine péri-canalaire, là où la racine s’affine le plus [3] (figure 3). Cependant, le choix du diamètre du tenon et la méthode de préparation canalaire doivent s’adapter à la forme de l’espace endodontique désobturé et non pas adapter le système canalaire à la forme d’un ancrage surdimensionné par élimination de dentine radiculaire.

PRINCIPES DE PRÉPARATION

La méthode de préparation canalaire doit éviter toute fragilisation intempestive ou iatrogène de la racine [4]. L’absence de visibilité est un inconvénient majeur et un facteur de risque non négligeable. Une bonne connaissance de l’anatomie radiculaire des dents et l’examen d’une radiographie rétro-alvéolaire d’incidence orthogonale sont des prérequis indispensables au forage canalaire, qu’une méthode systématique et rigoureuse doit sécuriser. Les forets Largo™ constituent pour ce faire les instruments de choix. Ils possèdent une extrémité en pointe mais non perforante, qui permet de les centrer sur le canal obturé, et une partie travaillante (lames latérales) de 8 mm de long (pour les forets de longueur standard), ce qui représente la longueur moyenne idéale pour un ancrage. La méthode recommandée consiste à réaliser une désobturation de la gutta-percha par échauffement grâce au passage d’un foret n° 1 sans spray. Sa finesse ne lui permet pas d’altérer les parois dentinaires et sa trajectoire est ainsi guidée par le matériau d’obturation au centre du canal. Une radiographie rétro-alvéolaire peut être réalisée à l’aide du Largo™ 1 pour valider la profondeur d’ancrage. Un foret n° 2 (voire n° 3) est ensuite employé pour élargir le passage ainsi créé dans l’obturation sans risque de dévier, puis le passage d’un foret calibré à la forme du tenon choisi est effectué avec le plus petit diamètre possible pour trouver un ancrage dans la partie apicale. Le spray air-eau est nécessaire pour le passage de cette suite de forets afin d’éviter tout risque d’échauffement de la dentine périphérique. Le reste du matériau d’obturation dans la partie de l’endodonte plus large que le foret calibré est éliminé à l’aide d’une fraise boule à long fût, sous spray et à faible vitesse (figure 4). Le but de la préparation est donc de stabiliser un tenon calibré au niveau le plus apical du forage puis de mettre « à nu » la dentine péri-canalaire en direction coronaire sans en altérer l’épaisseur, de manière à disposer d’une interface dure pour l’interface de collage ou de friction avec le système de RCR. Les autres avantages et inconvénients, plus spécifiques, dépendent désormais du type de RCR choisi.

CHOIX DU TYPE DE RESTAURATION CORONO-RADICULAIRE (RCR)

La RCR destinée à recevoir une restauration corono-périphérique doit constituer un support rétentif et solide, donc présenter des parois dont la convergence avoisine 8° et dont la surface développée est suffisante, tout en étant elle-même durablement solidaire de la dent résiduelle (figure 5). Les RCR indirectes (inlay-core) s’opposent au RCR directes (RCRD) désormais principalement réalisées à l’aide d’un tenon fibré et de résine composite injectée en phase plastique assurant à la fois l’adhésion au substrat dentaire spécifiquement préparé et la reconstruction du pilier prothétique. Ces deux options possèdent des qualités, des avantages et des inconvénients bien différents à prendre en compte pour en poser la juste indication.

RCRD : tenons fibrés et résine composite insérée en phase plastique

Portées par la vague des progrès ayant considérablement élargi et consacré les restaurations collées comme solutions thérapeutiques biomimétiques et surtout plus conservatrices que leurs alternatives thérapeutiques, les RCRD collées ont le vent en poupe par rapport aux plus classiques inlay-core scellés (RCRI). Les tenons fibrés sont constitués de fibres de verre orientées et liées par une matrice de résine organique de même nature que la résine composite chargée avec laquelle la liaison chimique est donc facilement établie, et dont l’injection en phase plastique pour la construction de la RCR n’impose pas de mise de dépouille de toute la préparation dentaire. De plus, le collage de cette RCRD dans la dent permet aussi un ancrage moins profond grâce au bénéfice des valeurs d’adhésion obtenues. La restauration ainsi constituée présente une couleur proche de celle de la dent naturelle et une surface de nature à permettre le collage d’une RCP en vitrocéramique renforcée pour un résultat plus esthétique (figure 6). On réalise ainsi une restauration complète de la dent dépulpée délabrée par un système rétablissant in fine une seule unité biomécanique dent-restauration grâce à l’adhésion accomplie à tous les niveaux. Par ailleurs, les tenons fibrés sont réputés présenter un module d’élasticité proche de celui de la dentine, ce qui leur confère un avantage biomimétique certain sur les ancrages métalliques. Cependant, c’est l’ensemble de la RCR qu’il faut considérer et le fait est que, dans la majorité des situations, c’est la résine composite injectée qui en constitue l’essentiel du volume total surtout dans sa partie la plus coronaire. Ce sont donc les propriétés biomécaniques de l’ensemble tenon fibré/composite de restauration qu’il conviendrait de considérer mais ce paramètre est beaucoup plus difficile à apprécier. En effet, la résine composite présente une densité et des propriétés mécaniques variables selon les marques et les formulations. De plus, sa mise en œuvre ne peut être parfaitement maîtrisée, en particulier le contrôle des bulles incluses qui affectent la résistance finale de la RCR (figure 7). Enfin, les procédures d’adhésion demandent un protocole fastidieux et ultra-rigoureux réalisé sous champs opératoire étanche et dont le résultat final est très opérateur-dépendant (figure 8). Ajoutons aussi qu’un collage intra-radiculaire efficace est très difficile à obtenir pour de multiples raisons évidentes (difficulté de la préparation des surfaces, nature de la dentine qui varie en direction apicale…) mais aussi parce que la configuration de la cavité favorise la contraction de la résine composite, même en prise auto-polymérisable, et donc la perte de l’adhésion au substrat (figure 9). On sait ainsi que, dans les RCRD, la qualité du collage obtenu diminue en direction apicale, là où le tenon fibré devient pourtant prépondérant dans la RCR.

Ainsi, les RCRD avec tenons fibrés permettent une restauration d’un pilier prothétique esthétique apte à recevoir une couronne collée, ce qui leur confère une indication privilégiée en secteur antérieur. Ils limitent considérablement la perte de substance par la préparation du logement canalaire qui est de surcroît moins profond du fait du bénéfice du collage. Toutefois, la RCR ainsi réalisée présente des valeurs de résistance mécanique intrinsèque relativement faibles, ce qui peut poser des problèmes pour des piliers hauts et fins. Les tenons fibrés constituent en fait le principal axe de résistance à la flexion de la RCR. Ils sont donc mieux adaptés lorsque la partie coronaire de la RCR est largement soutenue par des tissus dentaires résiduels, c’est-à-dire quand le nombre, l’épaisseur et même la hauteur des parois dentinaires résiduelles sont suffisamment importants. C’est en particulier la fameuse notion de cerclage dentinaire continu (ferrule effect) qui représente leur domaine d’indication privilégié [5, 6] (figure 10). Sur le plan biologique, notons que la réalisation d’une RCRD assure l’étanchéité coronairement à l’obturation endodontique immédiatement après le forage canalaire, qui plus est sous digue, ce qui limite tout risque de recontamination endodontique.

RCRI : les inlays-cores

Les inlays-cores constituent un système de restauration rigide scellé dans la racine et c’est cette solidité qui constitue leur principal avantage, en particulier pour la constitution de piliers prothétiques hauts et fins soumis à des forces de flexion non négligeables. Cela peut être le cas pour les dents antérieures fines, pour les piliers de bridge subissant la flexion d’une travée ou encore lorsque le pilier doit corriger un axe par rapport à l’orientation de la racine (figure 11). Par leur densité et leur rigidité, les RCRI métalliques proposent une solution fiable pour ces situations particulières, surtout lorsque les murs dentinaires résiduels sont faibles, voire totalement absents, et que la totalité du pilier prothétique doit être reconstruite. Sans procédure de collage, leur mise en œuvre est moins exigeante mais nécessite une vigilance particulière dans sa conception et sa réalisation, afin d’obtenir une forme la plus anatomique possible pour répartir au mieux les contraintes qui seront dispersées dans la racine. Leur mise en forme peut être soit réalisée au laboratoire à partir d’une empreinte (méthode indirecte), soit directement en bouche à l’aide d’un tenon et de résine calcinable (méthode directe). Mais leur matérialisation en métal est toujours faite au laboratoire, ce qui implique un assemblage différé de la préparation canalaire, impliquant une maîtrise de la temporisation en temps et en étanchéité, ainsi qu’une désinfection préalable au scellement. Cette RCR étant indirecte, la mise de dépouille de la préparation dentaire et radiculaire est un prérequis, mais elle peut être obtenue en limitant le sacrifice tissulaire par l’emploi de substituts dentinaires de manière additive afin de corriger d’éventuelles contre-dépouilles (figure 12).

Leur principal inconvénient concerne la transmission et la dispersion des contraintes au niveau intra-radiculaire qui, sur une dent fragilisée, peuvent conduire à une fracture radiculaire irrécupérable. Il faut en effet considérer que, sur un ancrage métallique, les contraintes reçues se concentrent principalement autour de l’apex du tenon alors qu’elles sont plus coronaires et plus étendues pour les RCRD collées en polymère (figure 13). Du fait d’un assemblage par scellement, la rétention mécanique de l’ancrage implique de surcroît pour les RCRI métalliques un forage plus profond, là où les épaisseurs dentinaires péri-canalaires sont moindres. Afin de limiter ces concentrations de contraintes apicales, il faut d’abord proscrire les clavettes et favoriser une dispersion des contraintes la plus homogène possible. Pour ce faire, la forme anatomique de l’ancrage doit pouvoir ménager aussi un espacement fin mais homogène pour le ciment de scellement qui pourra ainsi absorber une partie des contraintes transmises comme c’est le cas en prothèse scellée sur implant par rapport aux systèmes transvissés. Au niveau coronaire, la RCRI métallique est solide mais peu esthétique. La restauration corono-périphérique doit pouvoir masquer le métal sous-jacent et ne peut être efficacement collée sur ce substrat. Les matériaux tels que les vitrocéramiques renforcées, permettant une unité biomécanique avec la dent grâce au collage et une continuité colorimétrique grâce aux propriétés optiques de leur phase vitreuse, sont moins bien adaptés qu’une couronne sur chape zircone scellée plus à même de masquer l’opacité du métal (figure 14). Notons toutefois que la céramisation de l’inlay-core permet de masquer son aspect métallique par une couche de céramique opaque mais son adhésion reste modeste. De plus, toute retouche de la pièce une fois scellée la détruit. Une autre technique de laboratoire (pressée de céramique sur métal) permet d’associer vitrocéramique et alliage pour la réalisation d’un inlay-core bi-composant mais c’est une technique assez marginale, couteuse et difficile à mettre en œuvre. Du point de vue de la biocompatibilité, la problématique du relargage ionique ou du couplage galvanique ne se pose plus avec les alliages modernes, y compris ceux à base prédominante Ni-Cr ou Co-Cr qui sont tous très résistants à la corrosion. Toutefois, même si les risques pour ces éléments alliés avec du chrome sont infimes, le nickel étant considéré comme allergène et le cobalt classé CMR II (cancérigène, mutagène et dangereux pour la reproduction), les alliages de titane par ailleurs moins rigides offrent une bonne alternative totalement biocompatible et beaucoup moins onéreuse que les alliages nobles à base d’or.

RCRD ou RCRI : choisir ou exclure ?

Si les RCRD collées sont indéniablement plus conservatrices et plus esthétiques que les RCRI plus classiques, leurs faibles propriétés mécaniques, du point de vue de la rigidité notamment, mais aussi la difficulté de maîtriser parfaitement leur protocole de mise en œuvre semblent les exposer plus volontiers à des complications de type décollement. Plus rigides, les inlays-cores métalliques ont la réputation de briser les racines qui les reçoivent. Si ces échecs ou complications existent bien, ils ne peuvent être considérés comme fréquents sans quoi ces systèmes auraient fini par disparaître d’eux-mêmes depuis longtemps. Il convient toutefois de noter que, en cas d’échec d’une RCRD, la pérennité de la dent sur l’arcade est souvent moins compromise car les fractures observées sont généralement plus coronaires qu’avec une RCRI. Si on se réfère aux données objectives de la plus haute valeur scientifique que l’on puisse trouver, 4 méta-analyses parues entre 2015 et 2021 ne sont pas parvenues à démontrer la supériorité des RCRD avec tenons fibrés sur les RCRI métalliques en termes de complication ou d’échec, ni même en ce qui concerne la situation des dents, antérieures ou postérieures [1, 7-9]. Ces quatre études à très haute valeur scientifique concluent donc que les deux systèmes sont fiables pour la restauration de dents dépulpées délabrées. Toutes insistent cependant sur le grand nombre de variables en jeu parmi lesquelles les conditions locales et individuelles influencent le comportement en service des RCR. Il convient donc de prendre en compte les caractéristiques spécifiques, les avantages et les inconvénients de chaque système pour poser la juste indication face à la singularité de chaque situation clinique.

ALTERNATIVES ET PERSPECTIVES

L’avancée des techniques et des matériaux permet sans cesse de repousser les limites de la dentisterie au profit de techniques adhésives plus conservatrices, plus proches des propriétés optiques ou biomécaniques de la dent naturelle dans une démarche que l’on peut qualifier de biomimétique. L’avènement des RCRD par résine composite injectée autour d’un tenon fibré a ainsi pris une part du domaine d’indications jusqu’alors dominé par les RCRI métalliques, proposant d’autres avantages et élargissant les possibilités thérapeutiques en favorisant notamment l’emploi de matériaux adhésifs et bio-intégrés pour les RCP (en vitrocéramique renforcée par exemple). Mais les qualités mécaniques de RCRI leur donnent certains avantages pour les piliers sur dents supports soumises à de fortes contraintes de flexion et fortement délabrées, là où le cerclage dentinaire n’est plus. La société Itena® propose depuis 2018 un matériau destiné à l’usinage des inlay-cores et qui tente de cumuler les avantages de ces deux systèmes. Le Numerys™ GF est un matériau constitué d’une forte densité de fibres orientées et liées par une matrice de résine époxy. Les RCRI ainsi réalisées présentent à la fois les avantages d’une plus grande rigidité et d’une homogénéité de matériau avec une très forte densité de fibres, une couleur blanche, la possibilité d’être retouchées une fois en place, mais aussi et surtout celle de pouvoir être collées et de recevoir une RCP également collée (figure 15). Cependant, la résine époxy employée en liant n’étant pas chimiquement réactive, l’adhésion doit se faire sur la silice des fibres de verre grâce à l’utilisation d’un silane employé en agent de couplage. Au-delà de ces évolutions fondées sur l’adhésion, la notion même d’ancrage radiculaire n’en reste pas moins un moyen de trouver dans la racine la rétention que les tissus coronaires résiduels ne peuvent plus apporter pour pérenniser une restauration des tissus perdus. Le tableau 1 présente les principaux avantages et inconvénients des différents types de RCR. Les figures 16 à 18 présentent des situations cliniques indiquant l’un ou l’autre des différents types d’ancrage possibles. Quel que soit le matériau employé, les systèmes de restauration corono-radiculaire transmettent les contraintes reçues dans la racine et les dissipent de l’intérieur vers l’extérieur avec un risque évident de fracture. On atteint alors les limites du biomimétisme ou de l’odonto-mimétisme, car la dent naturelle présente un espace « mécaniquement vide » en son centre et toutes les contraintes reçues par la dent sont transmises et dissipées sur les murs dentinaires périphériques de l’organe dentaire.

CONCLUSION

L’ancrage radiculaire doit être évité chaque fois que possible au profit des restaurations partielles indirectes collées (inlay-onlay) avec réalisation d’une obturation de la cavité d’accès à l’aide de substitut dentinaire sans ancrage. Les progrès accomplis dans les matériaux de restauration, les techniques de collage mais aussi dans les habitudes de soins des patients permettent des diagnostics plus précoces, facilitant la mise en œuvre d’actes thérapeutiques plus conservateurs avant d’envisager un ancrage radiculaire [10] (figure 19). Ce dernier n’en reste pas moins toujours l’ultime moyen de restaurer durablement une dent fortement délabrée : sa fiabilité et sa capacité à restaurer durablement une dent fortement délabrée est prouvée. Il constitue de facto une solution plus conservatrice qu’une restauration sur implant impliquant l’extraction préalable de l’organe dentaire.

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Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.