Le temps de mordançage sur les dents temporaires influence-t-il l’adhérence obtenue avec les systèmes universels ? Revue systématique et méta-analyse d’études in vitro
Revue de presse
Internationale
L’évolution des systèmes adhésifs propose aujourd’hui un modèle qui permet de les utiliser avec ou sans mordançage. Ce sont les adhésifs universels. Une récente méta-analyse sur la dent permanente a permis de montrer que, sur la dentine, l’adhérence obtenue est variable d’un système à l’autre. Cependant, ce résultat n’est pas reproductible avec la dent temporaire du fait de ses spécificités. La dernière revue de littérature sur l’utilisation des adhésifs,...
L’évolution des systèmes adhésifs propose aujourd’hui un modèle qui permet de les utiliser avec ou sans mordançage. Ce sont les adhésifs universels. Une récente méta-analyse sur la dent permanente a permis de montrer que, sur la dentine, l’adhérence obtenue est variable d’un système à l’autre. Cependant, ce résultat n’est pas reproductible avec la dent temporaire du fait de ses spécificités. La dernière revue de littérature sur l’utilisation des adhésifs, spécifique à la dent temporaire, préconise un système M&R. Toutefois, cette revue datant de 2016, les adhésifs universels n’étaient pas pris en compte. Les dents temporaires étant moins minéralisées, nous pourrions penser que l’utilisation d’un mordançage combiné avec le pH acide de l’adhésif universel pourrait produire, notamment sur la dentine, une déminéralisation plus profonde amenant à une pénétration incomplète de l’adhésif comme cela a été observé sur les adhésifs M&R.
Cette revue a pour objectif d’étudier l’impact du mordançage, amélaire et dentinaire, sur l’adhérence développée lors de l’utilisation des adhésifs universels.
La revue systématique a été réalisée sur PubMed jusqu’à janvier 2021. Les critères d’inclusion étaient l’utilisation des deux techniques de mordançage d’adhésif universel sur des dents temporaires dans des études in vitro. Sept études ont été incluses, toutes publiées entre 2016 et 2019, 6 sur la dentine et 1 sur l’émail.
La méta-analyse a montré que les valeurs d’adhérence ne sont pas différentes sur la dentine de dents temporaires selon la stratégie de mordançage. Une seule étude ayant été faite sur l’émail, aucune méta-analyse n’as pu être réalisée. Les risques de biais étaient considérés à moyens pour la majorité des études.
Cette méta-analyse permet de mettre en évidence qu’il n’y a pas de différence entre les choix de mordançage ou non sur la dentine temporaire, même après un processus de vieillissement. Ces résultats corroborent ceux retrouvés sur la dentine permanente par Cuevas-Suàrez et al. où aucune différence significative n’a été trouvée entre l’utilisation d’un mordançage ou non avant l’utilisation d’un adhésif universel. Toutefois, ces mêmes auteurs ainsi que d’autres publications ont montré que le pH du système adhésif universel choisi avait un impact sur la valeur d’adhérence obtenue : les meilleurs semblent être les doux et les ultra-doux (pH entre 2,5 et 3,5). Dans cette méta-analyse, seuls deux adhésifs ont été étudiés, l’un au pH = 2,7 (Scotchbond Universal®, 3M) et l’autre au pH = 3,2 (All-Bond Universal®, Bisico). Nous pouvons donc nous interroger sur l’utilisation d’adhésifs avec d’autres pH et sur leurs performances sur la dentine temporaire. Concernant les données issues des essais cliniques, il n’existe aujourd’hui qu’une seule étude ayant évalué sur 18 mois les deux stratégies adhésives. Celle-ci a montré un taux de survie comparable dans les deux groupes.
Une fois de plus, les adhésifs universels sont montrés comme performants et peuvent être utilisés sur la dent temporaire.
Il serait intéressant tout de même d’avoir plus d’informations concernant leur efficacité et la durée de survie des restaurations lorsqu’ils sont utilisés en mode auto-mordançant sur l’émail temporaire. En effet, bien que les adhésifs universels soient montrés comme moins performants en mode auto-mordançant sur l’émail des dents permanentes, les valeurs d’adhérence obtenues pourraient être suffisantes pour la durée de vie de la dent temporaire sur l’arcade, d’autant plus que son émail est moins minéralisé et donc plus sensible à l’action déminéralisante des monomères acides.
Il convient cependant de garder à l’esprit que l’utilisation des résines composites nécessite un protocole minutieux avec des conditions d’étanchéité nécessaires à la tenue dans le temps des restaurations. Ces conditions parfois complexes à tenir dans la durée du soin en odontologie pédiatrique sur dents temporaires ne favorisent pas toujours l’utilisation des systèmes en 2 ou 3 temps.
L’utilisation d’un adhésif universel sans phase préalable de mordançage ayant montré des résultats satisfaisants en laboratoire, elle peut nous permettre dans notre exercice de réduire le temps de soins au fauteuil tout en proposant à nos petits patients une restauration plus durable et plus esthétique que les ciments verres ionomères, même si ces derniers ont progressé.
Philippe FRANCOIS
MCU-PH en Biomatériaux, UFR d’Odontologie-Montrouge, Université Paris Cité, Service de Médecine bucco-dentaire, AP-HP, Hôpital Bretonneau.
Ont collaboré à cette revue de presse
Élisa CAUSSIN
Attachée en ORE, UFR d’Odontologie-Montrouge, Université Paris Cité, Service de Médecine bucco-dentaire, AP-HP, Hôpital Bretonneau.
Philippe FRANCOIS
MCU-PH en Biomatériaux, UFR d’Odontologie-Montrouge, Université Paris Cité, Service de Médecine bucco-dentaire, AP-HP, Hôpital Bretonneau.
Martin GAUDINAT
Interne DESCO, UFR d’Odontologie-Garancière, Université Paris Cité, Service de Médecine bucco-dentaire, AP-HP, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Sébastien JUNGO
AHU en Parodontologie, UFR d’Odontologie-Montrouge, Université Paris Cité, Service de Médecine bucco-dentaire, AP-HP, Hôpital Bretonneau.
Marianne LAGARDE
AHU en Odontologie pédiatrique, UFR d’Odontologie-Montrouge, Université Paris Cité, Service de Médecine bucco-dentaire, AP-HP, Hôpital Henri-Mondor.
Matthieu MOULINIER
Exercice libéral limité à la Chirurgie orale, Ermont.