Clinic n° 10 du 01/10/2022

 

Revue de presse

Internationale

Philippe FRANÇOIS  

La restauration proximale en composite direct d’une dent postérieure, atteinte par exemple d’une lésion carieuse, représente notre quotidien. Derrière cet acte habituel se cache finalement une réelle technicité sur de nombreux points comme l’étanchéité, le curetage carieux, le choix et la mise en place de l’adhésif et de la résine composite, l’obtention d’une anatomie proximale compatible avec la santé bucco-dentaire du patient et la réalisation des finitions...


La restauration proximale en composite direct d’une dent postérieure, atteinte par exemple d’une lésion carieuse, représente notre quotidien. Derrière cet acte habituel se cache finalement une réelle technicité sur de nombreux points comme l’étanchéité, le curetage carieux, le choix et la mise en place de l’adhésif et de la résine composite, l’obtention d’une anatomie proximale compatible avec la santé bucco-dentaire du patient et la réalisation des finitions (polissage et occlusion).

Qui n’a jamais découvert, après retrait de la matrice, une absence de point de contact proximal ? Qui n’a pas reçu un patient, une semaine après le soin, se plaignant de bourrage alimentaire au niveau du composite réalisé ? Voire pire, qui n’a pas découvert une carie secondaire s’étant développée quelques années après la réalisation de la restauration en raison d’une anatomie proximale suboptimale.

Ces dernières années, nous avons pu noter l’apparition sur le marché de différents systèmes « modernes » de matriçage pour la réhabilitation de ces cavités de classe II, reposant généralement sur une force d’écartement générée majoritairement par l’anneau de McKean et l’utilisation de coins en plastique. Ils ont gagné une réelle popularité grâce à la simplification qu’ils proposent mais ne résolvent pas tous les problèmes.

Cet article vise justement à passer en revue les éléments clés pour obtenir en fin de soin une anatomie proximale « idéale » et maximiser la longévité de ces restaurations pas aussi simples qu’elles en ont l’air.

OBJECTIF DE L’ÉTUDE

Cet article est un avis d’experts regroupant quatre des meilleurs cliniciens mondiaux en dentisterie restauratrice et chercheurs en biomatériaux afin de prodiguer ou rappeler des conseils visant à limiter les échecs lors de la réalisation des restaurations composites directes de classe II.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Du fait de sa construction (avis d’experts qui n’est pas fondé sur une revue systématique de la littérature), cet article pourrait être considéré comme à faible niveau de preuve. Cependant, face à la renommée scientifique et clinique de ses auteurs et l’apport de leur expérience, il fait un excellent rappel de l’état actuel « consensuel » sur ce sujet du quotidien.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

• Le premier point rapporté par les auteurs est la qualité de l’isolation. Les auteurs rappellent à leurs yeux l’importance de la mise en place d’un champ opératoire étanche pour la réalisation d’une restauration durable (isolation des fluides, confort de travail et de matriçage). Il convient cependant de noter que celui-ci amène à de nouveaux défis. En effet, une fois le champ opératoire enlevé, il est à noter une réduction de la force du point de contact dans les rares études disponibles. En lisant les articles princeps cités par les auteurs, sa force de tension pourrait être un facteur rapprochant les dents adjacentes de la dent traitée par élasticité ligamentaire. Il faut donc utiliser des systèmes de matriçage avec une grande force d’écartement.

• Il convient également, dès la pose du champ opératoire, de placer un coin de bois (coin offrant intrinsèquement la plus grande force d’écartement) afin de protéger le champ opératoire lors du curetage mais surtout de réaliser un début d’écartement. Il est à noter que, au fil de la procédure opératoire et du ramollissement du coin de bois causé par l’eau des instruments rotatifs, celui-ci perdra une partie de sa force d’écartement.

• En outre, l’anatomie de la dent adjacente de la restauration réalisée doit être évaluée et anticipée. Si cela est nécessaire, une légère correction de celle-ci peut être envisagée pour réaliser une restauration plus anatomique. Dans le même registre, si la matrice ne peut être insérée sans forcer (ce qui pourrait engendrer une déformation irréversible de la matrice) en position cervicale, un léger stripping interproximal sera réalisé.

• Concernant le choix de la matrice, les auteurs recommandent des matrices pré-galbées de 50 µm d’épaisseur en acier inoxydable dans la majorité des cas. La systématisation d’une matrice pour un type donné de dent apparaît cependant impossible. Ainsi, le praticien doit s’adapter à chaque cas pour sélectionner celle qui sera la plus adaptée pour obtenir un profil proximal le plus anatomique possible. Généralement, cette matrice dépasse de 0,5 mm la crête marginale de la dent adjacente.

• Pour stabiliser la matrice, différents types de coins sont possibles. Lorsque des coins de bois sont sélectionnés, ceux-ci doivent être rigides et préférentiellement sculptés par le praticien. Les coins en plastique (dont la plupart sont évidés pour ne pas déformer la papille ni générer de tension sur le champ opératoire) sont plus simples à utiliser et viennent plaquer la matrice sans la déformer. Leur force d’écartement est cependant quasi nulle et l’écartement reposera sur l’utilisation d’un anneau de McKean performant.

• Les anneaux d’écartement disponibles sont soit en nickel-titane (les plus efficaces), soit en acier inoxydable. Les plus récents permettent de venir englober le coin de plastique placé de part en part de la cavité pour une meilleure adaptation. Cependant, il convient de garder en tête que ces systèmes ne peuvent résoudre tous les problèmes de placage ou d’adaptation de la matrice : l’utilisation de téflon avec parcimonie peut être envisagée pour améliorer le placage à certains points. Après cela, la position de la future surface de contact, située à la jonction entre tiers occlusal et tiers médian de la couronne, sera vérifiée.

• Enfin, lorsque deux cavités se font face, ce qui est souvent le cas, les auteurs conseillent de ne pas matricer les deux cavités en même temps : la première sera réalisée sans pose d’un anneau séparateur avec les mêmes conseils que précédemment alors que la deuxième sera réalisée secondairement après pose d’un anneau séparateur. Ce protocole est rapporté comme plus reproductible.

CONCLUSION ET PERTINENCE CLINIQUE

L’ensemble des conseils prodigués par les auteurs permet d’améliorer la reproductibilité de nos restaurations composites directes proximales postérieures : chacun pourra décider de les appliquer strictement ou de les amender selon ses préférences. Ceci rappelle également qu’il n’y a pas de « petit soin » et que le diable se cache dans les détails pour mener au succès clinique…

Articles de la même rubrique d'un même numéro