Clinic n° 10 du 01/10/2022

 

RENCONTRE AVEC STEPHEN CHU

Interview

Michel METZ  

CLINIC a pu échanger avec Stephen CHU à l’occasion de sa venue en France pour les 30 ans de l’Association française d’implantologie (AFI). Professeur associé à l’Université de New York et clinicien privé associé à Denis Tarnow, Stephen CHU est spécialisé en prothèse implantaire esthétique. Il œuvre sans relâche dans le cadre de la formation continue et a signé près de 100 publications scientifiques et 6 livres sur l’esthétique, la réhabilitation prothétique et l’implantologie dentaire. Il est considéré comme un des grands spécialistes mondiaux de la prothèse sur implants et c’est avec plaisir que nous vous proposons de partager sa vision de l’implantologie.

CLINIC : Vous souvenez-vous de vos premiers pas en implantologie ?

Stephen CHU : J’ai été diplômé du programme de 3e cycle en parodontologie-prothèse de l’Université de Washington en 1986. Mon premier contact avec l’implantologie a eu lieu dans le cadre de ce programme puisque l’introduction de l’ostéo-intégration en Amérique du Nord par Bränemark remonte au début des années 1980. Mais les chirurgiens buccaux et les prothésistes étaient les seuls spécialistes autorisés à utiliser ce système. Comme mon directeur de programme, le Pr Ralph Yuodelis, était parodontiste, nous n’avions que le système Corevent ou IMZ à notre disposition. J’ai eu un patient qui avait besoin d’implants pour restaurer un secteur 20 édenté. Deux implants IMZ ont été posés avec le protocole traditionnel en deux temps. Comme ils ont tous deux échoué, je n’ai jamais restauré d’implants au cours de mon programme d’études supérieures… J’ai donc appris l’implantologie après avoir obtenu mon diplôme !

Quel était l’esprit du programme de maîtrise en sciences de prothèse parodontale du Pr Ralph Yuodelis à Seattle ?

Perspicacité, rigueur, travail et compétition !

Enseignement, clinique, conférences, publications, comment gérez-vous cette hyperactivitéw ?

C’est une passion… Ce n’est pas facile mais je me lève tôt ! Pour moi, les conférences et les publications sont un autre travail dont je suis également responsable.

Quelle est l’organisation du cabinet au sein duquel vous travaillez à New York ?

Nous avons tous un rôle précis à tenir dans le cabinet (SDNY). Le mien est axé sur la prothèse esthétique. Je ne pratique aucune intervention chirurgicale, je m’appuie sur l’expertise de mes partenaires chirurgicaux qui ont chacun des compétences particulières.

Une question plus personnelle… Comment gérez-vous la relation de travail avec votre fille ?

C’est un plaisir absolu de travailler avec Stéphanie dans notre cabinet. Elle a été récemment diplômée en parodontologie d’un programme conjoint NYU/VA à New York. Elle répond à un besoin spécifique car certains patients nécessitent des procédures parodontales telles que l’allongement esthétique des couronnes, les chirurgies plastiques parodontales et le traitement des péri-implantites. J’essaie de minimiser le fait qu’elle soit ma fille, ce qui facilite l’acceptation par les patients. Notre objectif est de fournir à nos patients le meilleur traitement multidisciplinaire, la relation père/fille ne jouant pas dans cette équation.

Vous souvenez-vous d’un cas clinique antérieur que vous auriez traité différemment avec vos connaissances actuelles ?

Oui… un cas d’éruption forcée. En général, les défauts esthétiques représentent un problème dans le secteur antérieur et pour les tissus interproximaux : l’os et les tissus mous sont relativement fins dans ces zones, en particulier vestibulairement. Les tissus palatins sont généralement plus épais et sont moins susceptibles à la récession. Par conséquent, lorsque nous forçons l’éruption d’une dent pour rendre les tissus faciaux et interproximaux plus coronaires, nous sommes limités par la hauteur des tissus palatins… En fait, nous manquons de structure dentaire pendant l’ajustement occlusal. La leçon apprise est que la hauteur du tissu palatin est le facteur limitant de la quantité d’éruption qui peut être obtenue.

Selon vous, quelle est la conception idéale d’un implant pour éviter le risque d’infection ?

C’est une question multifactorielle. Je pense que la conception d’implant que mon partenaire Dennis Tarnow a décrite en 1993 est pertinente pour les patients parodontaux à haut risque : une partie coronaire à état de surface usiné avec une partie apicale rugueuse (implant micro-hybride). Certains implants récents ont une micro-surface sélectionnée ou une partie coronaire usinée avec une valeur SA/RA* inférieure à 0,4-0,8 (< 1,0).

Vous considérez que c’est une bonne évolution ?

Oui, je pense que c’est le cas, en particulier pour les patients présentant une susceptibilité parodontale.

Vous avez conçu un implant spécifique pour le maxillaire antérieur. Pouvez-vous le décrire et expliquer sa géométrie ?

Il s’agit d’un implant macro-hybride, l’implant Inverta, spécifiquement redessiné pour répondre aux besoins des alvéoles d’extraction avec une partie coronaire plus étroite. La plupart des implants coniques classiques ont une partie coronaire large, là où l’os est le plus mince dans une alvéole d’extraction. Ces implants ont été conçus pour les sites édentés où la stabilité crestale était a priori obtenue à une époque où la technique d’extraction/implantation immédiate n’existait pas. Cependant, cela est contre-intuitif dans une alvéole d’extraction. Par conséquent, la partie coronaire de l’implant Inverta est plus étroite, de forme cylindrique, avec des filets moins profonds. Cet implant dit macro-hybride a un diamètre, une forme et un motif des filets variables dans un corps unique. Nous avons jusqu’à présent 12 publications récentes sur ce type d’implant dont voici une coupe CBCT qui montre bien l’épaisseur importante d’os au niveau de la partie coronaire, laquelle permet d’envisager une stabilité tissulaire à long terme.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune praticien qui veut restaurer une incisive supérieure ?

Utilisez un guide chirurgical pour le foret de départ. Suivez une formation adéquate. Envisagez d’une manière générale un implant coaxial pour les alvéoles réossifiées et le Co-Axis Inverta pour une technique d’extraction/implantation immédiate. L’implant coaxial dont la connexion est angulée de 12 à 36 degrés selon l’hexagone permet en effet un forage sécurisé dans le couloir du profil osseux, évitant un risque de perforation vestibulaire à la partie apicale de l’alvéole, tout en offrant un axe de vis approprié à une restauration transvissée grâce à l’angulation de la connexion.

Quel type de connexion utilisez-vous pour ces implants ?

Je privilégie une connexion interne pour une restauration unitaire et des connexions externes pour des restaurations multiples transvissées.

Avez-vous des suggestions vis-à-vis de l’implantologie actuelle ?

Nous avons un réel besoin clinique de meilleures conceptions pour les implants adjacents multiples dans la zone esthétique afin de maintenir les papilles interproximales, ce qui n’est pas le cas de la majorité des implants actuels.

Vous parlez de votre implant macro-hybride Inverta ?

Oui, puisque son col étroit permet de d’obtenir la bonne distance implant-implant de 3,0 mm au niveau crestal, garante de la stabilité osseuse et tissulaire.

L’implantologie du futur ?

Conception d’implants micro et macro-hybrides !

Docteur CHU, un grand merci pour ce bel échange.

* SA/RA exprime la différence de hauteur de chaque point par rapport à la moyenne arithmétique de la surface. Ce paramètre est utilisé pour évaluer la rugosité de surface : plus il est bas, moins la surface est rugueuse.