FORMES DE PRÉPARATIONS CONTEMPORAINES POUR RESTAURATIONS POSTÉRIEURES INDIRECTES
Dossier
Ancienne attachée de Consultation à l’Université Paris VMembre active de la Bioteam ParisMembre du groupe international Bioémulation. Exercice libéral, Paris.
La préservation des tissus dentaires et le respect de la biomécanique de la dent sont les éléments centraux des traitements restaurateurs et prothétiques. L’évolution des techniques adhésives, des biomatériaux et des moyens d’assemblage permet de repousser les limites et de s’affranchir des concepts mécaniques de la prothèse conventionnelle. Les restaurations indirectes collées ont supplanté la couronne périphérique pour la restauration des dents dépulpées dans les secteurs postérieurs. La réalisation de ce type de restauration nécessite néanmoins de respecter certaines directives et d’adapter les formes de préparation.
La préservation des tissus dentaires, le respect de la biomécanique de la dent et la limitation des agressions pulpaires sont devenus les éléments centraux des traitements restaurateurs et prothétiques.
La dent naturelle est un organe complexe constituée de substrats différents et complémentaires qui sont l’émail et la dentine. La symbiose biologique et fonctionnelle de ces substrats a conduit au développement de techniques adhésives modernes permettant de restaurer la dent pulpée ou non en « copiant la nature ». Ceci est le principe même du concept « Biomimétique » élaboré par Bazos et Magne [1].
L’évolution des techniques adhésives, des biomatériaux et des moyens d’assemblage permet de repousser les limites et de s’affranchir des concepts mécaniques de la prothèse conventionnelle à l’origine d’une perte tissulaire parfois excessive qui n’est plus acceptable d’un point de vue biologique et biomécanique de nos jours.
Les restaurations indirectes collées ont supplanté la couronne périphérique pour la restauration des dents dépulpées dans les secteurs postérieurs. Elles peuvent être en céramique ou en composite.
Après un rappel sur les principes de la dentisterie biomimétique, l’analyse des pertes de substances et les directives à respecter, nous aborderons les différentes formes de préparations en fonction du type de restauration.
Les thérapeutiques prothétiques telles que la couronne périphérique et l’endocrown ne seront pas abordées.
Les pertes de substances auxquelles le praticien est confronté au quotidien dans les secteurs postérieurs sur dents dépulpées sont plus ou moins importantes. Elles peuvent parfois être restaurées de manière directe, en utilisant des composites, et de manière indirecte, avec des pièces en céramique ou en composite réalisées au laboratoire ou au fauteuil par CFAO. Un des matériaux fréquemment utilisé pour ce type de reconstitution est la céramique et plus particulièrement le disilicate de lithium dont le module d’élasticité se rapproche le plus de celui de l’émail qu’il remplace et qui s’inscrit dans la lignée de cette démarche biomimétique.
Les restaurations indirectes sont indiquées pour des pertes de substance importantes et le remplacement d’une ou de plusieurs cuspides. Elles s’inscrivent dans la volonté de préservation maximale des tissus dentaires [2-5].
La dentisterie biomimétique consiste à copier les tissus dentaires naturels (à savoir la dentine et l’émail), leur synergie, leur structure et leur fonction en réalisant des préparations minimales. Ce n’est pas un phénomène de mode, c’est une dentisterie pour laquelle il existe des arguments scientifiques et cliniques. Elle repose sur la compréhension des impératifs biologiques, biomécaniques, fonctionnels et sur une meilleure compréhension de la dent [6]. Cette dentisterie repose sur l’adhésion des biomatériaux, céramique et composite, aux tissus dentaires qui permet de réaliser des préparations les moins invasives possible. Le but des restaurations indirectes postérieures collées est de former une unité biomécanique et de créer une synergie restauration/dent résiduelle/matériau d’assemblage [2]. Nous avons à notre disposition des matériaux qui permettent d’émuler les tissus dentaires et ce qui les lie, à savoir la jonction amélo-dentinaire.
C’est la quantité de perte de substance et son analyse qui vont permettre de choisir le type de restauration indirecte le plus adapté : onlay, overlay, veneerlay (figure 1).
• La localisation de la perte de substance : molaire, prémolaire (certaines dents comme les premières prémolaires mandibulaires ont un porte-à-faux anatomique naturel ; les particularités liées à la forme cintrée et en 8 des prémolaires maxillaires augmentant le risque de fracture avec une perte de substance même moyenne…).
• L’architecture de la cavité : présence ou absence de cuspides, de crêtes marginales (l’absence des crêtes marginales, véritables poutres de résistance de la dent, diminue la résistance mécanique de la dent de 59 à 76 % [2]), mais aussi la largeur et profondeur de la cavité.
• La localisation des limites : il faut pouvoir procéder à la pose du champ opératoire au moment de la préparation et de l’assemblage afin d’accéder à ces limites, on doit être en mesure d’effectuer un matriçage si cela est nécessaire au moment de la réalisation du build-up.
• L’environnement occlusal : il est important de bien analyser les contraintes biomécaniques auxquelles vont être soumises les restaurations. Ceci doit être fait avant la réalisation de la préparation et va permettre de décider ou non d’un éventuel recouvrement cuspidien.
Le recouvrement cuspidien doit orienter le choix vers une restauration indirecte et être envisagé dans les cas suivants (figure 2) :
– lorsque la largeur de la cavité est supérieure à la moitié de la distance inter-cuspidienne ;
– présence de fêlures ;
– larges cavités MOD (mésio-occluso-distale) ;
– dent dépulpée ;
– forces latérales importantes.
Lors de la réalisation des préparations pour restaurations adhésives, le praticien peut être confronté à des problèmes d’ordre clinique : obtenir une forme de préparation adéquate en étant le plus conservateur possible, prise d’empreinte, moment de l’assemblage.
Un protocole clinique reproductible permettant de répondre à ces situations clinques qui peuvent être problématiques a été proposé par Dietschi et Spreafico dès 1998 [7], réactualisé depuis [6, 8] et repris par plusieurs auteurs [2, 4, 7].
Il consiste en :
– la réalisation du SDI (scellement dentinaire immédiat) qui permettrait d’augmenter les valeurs d’adhérence au moment de l’assemblage ;
– le Cavity Design Optimization qui consiste à combler les contre-dépouilles à l’aide d’un composite et ainsi à optimiser la forme de la cavité. C’est ce que l’on appelle également le build-up pour la dent dépulpée ;
– la relocalisation coronaire des limites de la préparation afin de les rendre plus lisibles au moment de l’empreinte et accessibles pour l’assemblage ;
– l’assemblage de la pièce prothétique avec un composite de restauration photopolymérisable ou un composite de collage éventuellement Dual.
Dans la littérature, il n’existe pas de différence significative entre la longévité des techniques directes et indirectes. Une lecture plus détaillée permet de remarquer que les restaurations indirectes montrent des performances mécaniques supérieures ou égales à celles des restaurations directes pour les pertes de substances importantes [9, 10], par exemple pour le remplacement de deux cuspides ou plus [2].
La longévité de ce type de restauration dépend du type de préparation, du matériau utilisé et de la procédure d’assemblage. La fracture de la restauration est l’échec le plus fréquemment décrit dans la littérature. Il pouvait être en relation avec le type plus ancien de céramique utilisé (ceci est moins vrai avec le disilicate de lithium) et pouvait être également dû à une morphologie de préparation inadaptée au matériau utilisé [2, 7, 8].
Afin de pouvoir réaliser ce type de restauration, il convient de respecter quelques directives.
• Avoir une épaisseur de céramique la plus constante possible, de 1,5 à 2 mm selon les auteurs [3, 9, 10]. Avec l’évolution des techniques de céramique pressée on peut réduire cette épaisseur, notamment pour les veneerlays. Réaliser des préparations à angles et contours ronds afin d’éviter les zones de stress sur la céramique pouvant provoquer des micro-fêlures au sein du matériau et aboutir à sa fracture.
• Faire des transitions douces entre les différentes parties des préparations.
• Combler les contre-dépouilles à l’aide d’un composite fluide et réaliser le build-up avant la préparation.
• Avoir des contraintes travaillant en compression et les orienter de façon centripète au moyen des formes des préparation afin de mieux répartir les contraintes mécaniques sur la dent et dans l’axe des racines.
• Éviter les anatomies avec des cuspides plongeantes.
• Avoir un pourtour d’émail périphérique.
• Effectuer un traitement de surface de la pièce en céramique avant l’assemblage.
• Assembler avec un composite réchauffé qui permettrait d’obtenir un joint de faible épaisseur (idéalement entre 50 et 100 µm) et de limiter la contraction à la polymérisation [2, 9-12]. Un composite de collage photopolymérisable ou une colle Dual peuvent également être utilisés comme moyen d’assemblage.
L’élément biomécanique le plus important est la préservation du ferrule qui permet de réduire le risque de fracture de la dent. Il doit être de 1,5 à 2 mm en hauteur et de 1 mm d’épaisseur [10-12].
La dent dépulpée présente une fragilité mécanique due à la réalisation de la cavité d’accès ainsi qu’à la perte de substance initiale responsables du délabrement coronaire.
La réalisation d’une cavité d’accès a pour conséquence une perte de dentine péri-cervicale et augmente également le risque de fracture de la dent.
Il est donc essentiel de restaurer ce « cœur dentinaire » avec un matériau ayant les mêmes propriétés mécaniques que la dentine. Les résines composites sont à l’heure actuelle les matériaux à privilégier dans cette situation. Plus spécifiquement, un composite renforcé avec des fibres de verre courtes (EverX® GC) permet ainsi de restaurer ce cœur dentinaire et de réaliser le build-up. Les fibres de verre donnent à ce composite des propriétés mécaniques similaires à celles de la dentine et permettent de limiter la propagation des fêlures au sein du matériau mais aussi au sein des tissus dentaires [13].
D’un point de vue clinique, ce composite doit être inséré en un seul apport bulk de 2,5 à 4 mm afin de pouvoir bénéficier de l’effet dissipateur des fibres de verres ; sinon, elles se comportent comme des charges au sein du matériau. Ce composite ne doit jamais être exposé : il est donc recouvert d’une fine couche de composite fluide (figures 3 à 7).
Il existe d’autres types de substituts dentinaires pouvant être utilisés pour la réalisation du build-up tels le CVI ou le CVIMAR qui sont également insérés en un seul apport bulk puis recouverts d’une fine couche de composite fluide ou de composite de restauration [14].
Les restaurations indirectes en céramique sont réalisées afin de préserver et stabiliser des dents affaiblies pulpées ou dépulpées en conservant le ferrule au maximum.
Selon la perte de substance à traiter, ces restaurations présentent des formes et des volumes différents qui ont été répertoriés dans la littérature :
– les inlays : restaurations sans aucun recouvrement cuspidien ;
– les onlays : restaurations avec le recouvrement d’au moins une cuspide ;
– les overlays : restaurations recouvrant toutes les cuspides ;
– les veneerlays : intéressant la face occlusale et la face vestibulaire.
Grâce à l’évolution des biomatériaux, ce type de restauration de petit à moyen volume est le plus souvent réalisé en méthode directe (figure 7).
Ce type de restauration est réalisé quand il est nécessaire de recouvrir au moins une cuspide. Il n’existe pas de consensus sur les formes de préparation. Les auteurs s’accordent sur le principe d’avoir des transitions douces, l’absence d’angles vifs, une épaisseur la plus uniforme possible, d’où la nécessité d’effectuer la réalisation du build-up avant la préparation et d’avoir une limite périphérique amélaire [2, 4, 5] (figures 8 à 11).
Ils sont le successeur de la couronne périphérique. Il n’existe pas de consensus dans la littérature sur la forme de préparation des overlays mais les différents auteurs s’accordent sur les mêmes points qu’énoncés pour les onlays.
Une classification des overlays (reconstruction, renforcement et restitution) associée à une proposition de forme de préparation correspondant à la dent naturelle a été proposée par Tirlet [11]. Cette forme de préparation est fondée sur le concept du dôme de compression amélaire de Milicich [12] et une meilleure compréhension de distribution des forces. Il faut conserver les limites de la restauration dans la moitié coronaire de la dent afin de l’exposer le moins possible aux contraintes de tension qui se produisent dans la moitié inférieure de cette même zone.
Une séquence opératoire simple peut être proposée (après réalisation du build-up).
• Utilisation d’une fraise pour calibrer les épaisseurs et réaliser des préparations moins invasives et respectant le cahier des charges des matériaux utilisés.
• Préparation de la table occlusale réalisée à l’aide d’une fraise avec une forme qui épouse le relief permettant de relier les marquages de profondeur et d’obtenir une surface uniforme.
• Réalisation d’un biseau périphérique continu permettant d’orienter les vecteurs de force vers le centre de la dent, et ainsi de faire travailler la restauration en compression. Ce biseau permet d’augmenter l’épaisseur de céramique dans la zone du joint, de limiter ainsi les contraintes au sein du matériau dans cette zone (limite le risque de chipping) et d’exploiter les propriétés optiques de la céramique pour permettre l’intégration esthétique de la restauration. Le build-up est réalisé avant la préparation et permet ainsi d’effectuer une préparation plus conservatrice.
Les bords de la préparation doivent être polis, sans angles vifs (figures 12 à 18).
Ils restaurent les faces occlusales et vestibulaires et sont réalisés le plus souvent sur les prémolaires. La forme de préparation de la partie occlusale est la même que pour les overlays. La préparation de la face vestibulaire est identique à celle des facettes dans le secteur antérieur avec une double orientation et en respectant au maximum l’émail. L’insertion de la pièce se fait en rotation. Il est principalement réalisé dans le cas des traitements des érosions/usures afin de pouvoir corriger la déportation en lingual de la table occlusale et ainsi reconstituer le volume vestibulaire nécessaire. Le build-up est réalisé avant la préparation (figures 19 à 21).
Il faut toujours penser à la réintervention qui est inévitable et donc réaliser le geste thérapeutique le moins invasif possible. Cette restauration va être soumise au cours du temps à des sollicitations mécaniques importantes et à des agressions chimiques qui vont engendrer son vieillissement, il faudra alors intervenir à nouveau. La réintervention peut aller de la simple réparation à la réalisation d’une nouvelle restauration. Moins la primo-intervention est invasive, plus on a de chances d’augmenter la durée de vie de la dent sur l’arcade.
Les restaurations indirectes en céramique constituent une alternative thérapeutique de choix pour les pertes de substances importantes nécessitant le remplacement d’une ou de plusieurs cuspides. Elles permettent de restaurer la dent de manière durable en favorisant la préservation tissulaire et le respect de la biomécanique de la dent, et de limiter l’agression sur la pulpe. Elles sont une alternative à la couronne périphérique dans de nombreuses situations cliniques afin que l’échéance de celle-ci soit repoussée le plus possible.
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.