LE BROSSAGE DE LA LANGUE : UTILE OU NON ? - Clinic n° 09 du 01/09/2022
 

Clinic n° 09 du 01/09/2022

 

Pathologie

Buccale

Charlotte PANTCHENKO*   Léa BONTEMPS**   Maxime IANNOTTA***   Sophie-Myriam DRIDI****  


*Exercice libéral en Parodontie exclusive à Paris.
**AHU, Département de Parodontologie, Université Paris Cité. Hôpital Henri-Mondor, AP-HP.
***Exercice libéral en Parodontie exclusive à Paris.
****Étudiant en Odontologie, 6e année, Université Nice Côte d’Azur.
*****PU-PH, Département de Parodontologie, Université Nice Côte d’Azur.CHU Saint-Roch, Nice.

Le revêtement de la face dorsale de la langue est un écosystème particulier, intimement lié à la présence des nombreuses papilles filiformes. Le rôle de ces dernières est avant tout mécanique mais leur présence crée en parallèle de multiples niches anatomiques, indispensables à la formation d’un microbiote symbiotique aux fonctions défensives essentielles. Dans des conditions physiologiques de santé orale, l’autonettoyage de la langue, facilité par la desquamation, la...


Résumé

Le brossage de la langue est une mesure d’hygiène complémentaire du brossage dentaire. Sa finalité est l’obtention et le maintien d’une surface linguale saine qui représente une condition majeure du confort oral. Les recommandations actuelles reposent non seulement sur des conclusions d’études observationnelles et interventionnelles mais également sur le bon sens clinique. L’objectif de cet article est de faire le point sur la pertinence du brossage lingual afin d’aider les cliniciens à orienter correctement leurs patients sur la question du brossage de la langue et à indiquer cette pratique à bon escient.

Le revêtement de la face dorsale de la langue est un écosystème particulier, intimement lié à la présence des nombreuses papilles filiformes. Le rôle de ces dernières est avant tout mécanique mais leur présence crée en parallèle de multiples niches anatomiques, indispensables à la formation d’un microbiote symbiotique aux fonctions défensives essentielles. Dans des conditions physiologiques de santé orale, l’autonettoyage de la langue, facilité par la desquamation, la salivation et les frottements de la face dorsale de la langue avec les muqueuses avoisinantes et les dents lors de la fonction, participe activement à l’homéostasie de ce microbiote. Mais, lorsque ce processus naturellement régulé est déficient, le revêtement lingual n’est plus optimal et peut être à l’origine de nombreux désagréments et d’un confort oral diminué. Ces notions conduisent alors de nombreux cliniciens à prôner systématiquement le brossage lingual au quotidien, pour des raisons aussi bien préventives que curatives.

Par ailleurs, depuis quelques années, le brossage de la langue n’est pas épargné par l’effet mode de l’hygiène orale excessive qui s’observe dans la presse de vulgarisation et sur les réseaux sociaux. Cette tendance pousse même certains patients à considérer ce brossage comme une mesure d’hygiène incontournable pour leur santé orale.

En conséquence, l’objectif de cet article est de faire le point sur la pertinence clinique du brossage lingual grâce aux données scientifiques actuelles, afin d’aider les cliniciens à orienter correctement leurs patients sur la question du brossage de la langue et à l’indiquer à bon escient.

DANS QUELLES SITUATIONS CLINIQUES INDIQUER LE BROSSAGE LINGUAL ?

L’expérience clinique, confortée par des études observationnelles et interventionnelles, montre que le brossage de la langue est bénéfique dans la prise en charge de 3 pathologies bénignes acquises : la langue chargée, la langue villeuse et la vraie halitose d’origine buccale. Par ailleurs, cette mesure d’hygiène semblerait intéressante pour améliorer le goût et la tonicité linguale.

La langue chargée

La langue chargée, dénommée également saburrale, est la conséquence de deux processus concomitants. Le premier aboutit à une hypertrophie et à un allongement des prolongements kératinisés des papilles filiformes dont la desquamation est perturbée en raison d’un autonettoyage insuffisant (baisse de la salivation et de la mastication) [1]. Cette surface linguale modifiée favorise alors la formation d’un enduit blanchâtre/jaunâtre/grisâtre, plus ou moins épais, composé essentiellement de bactéries (provenant du microbiote oral et dont la croissance est favorisée par ce nouvel environnement) et de cellules desquamées, agglutinées au sein d’une matrice riche en sucres et autres nutriments [2].

Ce type de langue est souvent associé à des états fébriles ou infectieux des voies aérodigestives supérieures, à des langues douloureuses dans le cadre d’une maladie inflammatoire ou infectieuse à expression buccale (maladies bulleuses auto-immunes, scarlatine, herpes…) ou à un état d’hyposialie. En outre, la langue chargée est favorisée par le jeûne, le tabagisme, la mauvaise hygiène bucco-dentaire, le port d’une prothèse amovible mal entretenue et/ou une alimentation pauvre en fibres [3] (figure 1). Lorsque l’étiologie n’est pas liée à une maladie inflammatoire ou infectieuse douloureuse, la symptomatologie est absente ou frustre avec des ressentis de langue pâteuse, de mauvais goût ou d’halitose.

Dans tous les cas, la langue chargée est spontanément réversible, en quelques jours, lorsque le ou les facteurs de risque sont éliminés. Dans le cas contraire, comme cela peut être observé chez le patient fumeur ou la personne âgée aux habitudes d’hygiène orale insuffisantes, un brossage régulier de la langue est bénéfique car il permet d’éliminer la majeure partie de l’enduit lingual et favorise la desquamation des papilles filiformes. En effet, plusieurs essais contrôlés randomisés permettent de statuer positivement sur ce type d’approche [4]. De surcroît, chez la personne souffrant d’hyposialie, l’élimination régulière de l’enduit lingual empêche sa transformation en croûte, condition qui altère considérablement la qualité du confort oral.

La langue villeuse

La langue villeuse, dénommée aussi chevelue, est également due à une hypertrophie et à une élongation des papilles filiformes mais la situation est nettement plus marquée par rapport à la langue saburrale. Le diagnostic clinique est posé lorsque la hauteur des papilles filiformes est de 3 mm ou plus (taille normale < 1 mm) [5]. Le processus pathologique aboutit à une accumulation de kératine, en raison d’une desquamation inadéquate et/ou d’une hyperkératinisation liée à une irritation (tabac, alcool, abus de produits d’hygiène, brossage lingual intempestif…) [6, 7]. L’aspect villeux peut occuper toute la face dorsale ou seulement sa partie postérieure ; sa couleur peut varier du blanc, brun au noir à la suite de la coloration ou de l’oxydation de la kératine par des chromogènes bactériens, des pigments alimentaires ou des substances oxydantes exogènes (figure 1). Dans tous les cas, les signes fonctionnels sont inexistants ou mineurs (sensation de gêne, de corps étranger, diminution du goût, halitose). Lorsque la langue est noire, les patients peuvent toutefois exprimer une anxiété, surtout par crainte de l’existence d’une maladie générale grave, moins par rapport à l’aspect inesthétique.

Généralement, l’étiologie est plurifactorielle, réactionnelle : maladie d’origine immunitaire ; antibiothérapie par voie orale (pénicilline, tétracycline…) ; utilisation abusive de dentifrices ou de bains de bouche contenant des molécules oxydantes, caustiques (peroxyde d’hydrogène, peroxyde de sodium, perborate de sodium) ; hyposialie quelle que soit son origine [3, 5, 7, 8]. De la même manière que pour la langue chargée, la langue villeuse crée un environnement favorable pour la croissance des bactéries, voire des Candida saprophytes, lesquels peuvent générer secondairement une mycose aiguë ou chronique. Quel que soit le contexte, le patient doit être rassuré et les facteurs de risques sont à éliminer ou à maîtriser. En complément de ces mesures, un brossage régulier de la langue est indiqué afin de favoriser la desquamation des papilles filiformes et l’élimination des biofilms bactériens ou candidosiques logés entre ces dernières (figure 2). Un intervalle de temps de plusieurs mois est parfois nécessaire chez certains patients pour que la surface de la langue redevienne rose clair (figure 3). De surcroît, dans les cas extrêmes, le brossage de la langue peut être complété par une application topique, en cure courte, d’une substance kératolytique (vitamine A acide, acide trichloracétique), mais le bénéfice clinique est pondéré étant donné l’effet suspensif de ce type de thérapeutique et ses effets secondaires potentiels (irritation, passage systémique) [9]. L’utilisation du laser diode serait une autre alternative thérapeutique [10] mais les études comparatives font défaut pour confirmer l’intérêt clinique de ce procédé ; de plus, les quelques rapports de cas publiés montrent surtout une dépapillation cicatricielle importante des zones traitées et non un retour à la normale de la surface linguale. De même, l’intérêt thérapeutique des probiotiques est suggéré mais reste à démontrer [7].

L’halitose

L’halitose vraie, à distinguer de la pseudo-halitose ou halitophobie, définit la mauvaise haleine qui est ressentie objectivement par un individu et ses proches. Lorsqu’elle est d’origine buccale non liée à une maladie générale sous-jacente, elle est influencée par de nombreux paramètres individuels (aliments ingérés, niveau d’hygiène bucco-dentaire, baisse de la salivation, stress émotionnel, nervosité) et par des facteurs culturels [10] (tableau 1). Cette pathologie semble très répandue dans les populations puisqu’elle pourrait concerner jusqu’à 40 % des individus [12], quels que soient leur âge et leur genre. Ses répercussions sont avant tout sociales ; les patients expriment volontiers une qualité de vie diminuée en raison de la gêne relationnelle qu’ils perçoivent comme un handicap au quotidien, les poussant parfois jusqu’à l’isolement social [13, 14].

L’halitose est générée par l’émanation de composés sulfurés volatils (CSV) malodorants - sulfure d’hydrogène, méthyl mercaptan, diméthyl sulfide, diamines (putrescine, cadavérine) - qui sont produits par de nombreuses bactéries capables d’hydrolyser des protéines en acides aminés présentant des groupements soufrés. Ces protéines proviennent des débris alimentaires, des cellules épithéliales desquamées, du sang, de la salive et du fluide gingival. Pas moins de 82 espèces bactériennes du microbiote oral sont impliquées dans la pathogenèse de l’halitose, dont de nombreuses bactéries potentiellement cariogènes et parodontopathogènes [15, 16].

Mais la présence de ces micro-organismes sur la face dorsale de la langue ne suffit pas pour provoquer l’halitose, ce facteur étant nécessaire mais non obligatoire. En effet, en dehors de la mauvaise haleine due à certains aliments, plusieurs études révèlent que cet état est surtout lié à la présence d’un enduit lingual et non à la seule existence des bactéries protéolytiques au sein du microbiote lingual. En outre, plus cet enduit est étendu, plus il est épais, plus l’halitose est prononcée [2, 17]. De ce fait, il est aisé de comprendre pourquoi une altération quantitative et/ou qualitative de la salive diminuant l’autonettoyage, une hygiène bucco-dentaire déficiente, la présence de poches gingivales (fausses poches) ou parodontales profondes favorisent l’installation et la maturation des enduits linguaux. En effet, ces conditions orales altèrent le mécanisme de la desquamation, augmentent en parallèle la quantité des nutriments nécessaires au développement des colonies de micro-organismes et favorisent les translocations bactériennes intersites, spontanées et continuelles. Toutefois, même en dehors de ces contextes, l’halitose est possible. Chez les sujets en bonne santé, non fumeurs et présentant une hygiène dentaire satisfaisante, elle serait notamment due à la persistance d’un enduit lingual en postérieur.

Le brossage régulier de la face dorsale de la langue semble donc justifié dans le traitement de l’halitose. Les bénéfices cliniques de cette procédure d’hygiène complémentaire sont démontrés et sont perçus par de nombreux patients après seulement quelques jours de brossage [5, 18] (figure 4). Cependant, ces effets bénéfiques ne sont pas reproductibles ou peuvent être transitoires, sans explication plausible à ce jour. D’ailleurs, une récente étude systématique de la littérature souligne les limites du brossage lingual dans le traitement de l’halitose et l’impossibilité de conclure définitivement sur l’efficacité des autres alternatives proposées par certains auteurs (chewing-gum, bains de bouche et produits topiques antiseptiques, thérapeutique laser…) [19].

La régulation du goût

Le brossage de la face dorsale de la langue améliorerait les sensations gustatives. C’est en tout cas ce que démontre l’étude contrôlée de Timmesfeld et al. [20], après 14 jours de brossage lingual, chez des individus fumeurs et non fumeurs, quels que soient leur genre et leur âge. Deux ans auparavant, Seerangaiyan et al. [21] avaient également constaté, via une étude transversale en simple aveugle incluant 90 sujets, que le goût salé était significativement augmenté après le brossage de la face dorsale de la langue, allant jusqu’à prôner cette mesure d’hygiène au quotidien lorsqu’une réduction du sel alimentaire est recommandée d’un point de vue médical. Cependant, des essais cliniques supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ces résultats.

La tonicité linguale

L’étude menée par Izumi et al. [22] - contrôlée, randomisée, prospective sur 1 an - met en évidence un autre avantage non soupçonné du brossage lingual. Leur essai clinique incluait 24 personnes âgées, femmes et hommes, résidents de deux maisons de retraite, considérées sur le plan médical comme vulnérables, dépendantes et présentant une fonction cognitive altérée. Dans les limites de cette étude, les résultats ont pu montrer que dans le groupe test, qui avait bénéficié de 2 brossages linguaux par jour réalisés par le personnel soignant en complément des mesures d’hygiène orale usuelles, les fonctions linguale et respiratoire étaient restées stables au bout d’un an. A contrario, dans le groupe contrôle qui n’avait pas bénéficié de cette mesure complémentaire, les deux fonctions précédentes avaient diminué. Les résultats étaient significatifs dans les deux groupes. Le maintien de la tonicité linguale dans le groupe test peut s’expliquer de la façon suivante : pour brosser correctement la face dorsale d’une langue, il est nécessaire de tenir sa pointe, ce qui provoque inévitablement un réflexe de contraction. Ainsi, la musculature de la langue serait stimulée indirectement.

Par conséquent, même si ces conclusions méritent d’être confirmées, elles ont au moins le mérite d’ouvrir une voie thérapeutique prometteuse. Elles soulignent l’intérêt de stimuler la langue au quotidien chez les personnes âgées, afin d’améliorer leur déglutition et, par là même, leur fonction respiratoire.

DANS QUELLES SITUATIONS CLINIQUES DÉCONSEILLER LE BROSSAGE LINGUAL ?

Contrairement aux idées reçues, la pertinence clinique du brossage lingual n’est pas démontrée lorsque la langue est saine et dans les cas de maladies parodontales induites par la plaque.

Dans des conditions physiologiques, la face dorsale de la langue est continuellement recouverte par un microbiote symbiotique indispensable au maintien de sa santé, et l’autonettoyage de la langue, facilité par la salivation, limite efficacement la prolifération de cette microflore. Or, cet autonettoyage est quotidiennement assuré lors de la mastication, la déglutition et la phonation, lorsque la face dorsale de la langue frotte la muqueuse palatine et les surfaces dentaires.

De fait, il paraît inutile de brosser une langue saine dans une bouche saine ! Et ce, même si la langue est fissuraire car la morphologie de la surface linguale n’influencerait nullement la composition du microbiote lingual [2]. Cette procédure pourrait même avoir des effets néfastes : irritation mécanique des différentes papilles avec sensation de picotement, hyperkératose réactionnelle ou desquamation soutenue aboutissant à une langue lisse plus sensible [3]. De la même manière, il semble raisonnable de déconseiller le brossage d’une langue lésée ou géographique car, même s’il est possible dans les situations asymptomatiques, il peut aggraver les lésions en perturbant le déroulement naturel des événements cicatriciels.

En cas de maladie parodontale induite par la plaque, qu’il s’agisse d’une gingivite ou d’une parodontite, l’intérêt clinique du brossage lingual en complément du brossage dentaire reste aussi à démontrer, a fortiori lorsque ces maladies parodontales ne sont pas associées aux pathologies précédemment évoquées.

En effet, le brossage de la langue ne permet pas de diminuer la quantité de la plaque dentaire supra-gingivale [23] dont l’élimination dépend exclusivement de l’efficacité du brossage dentaire.

QUEL PROTOCOLE DE BROSSAGE LINGUAL INDIQUER ?

À ce jour, il n’existe pas de recommandation professionnelle consensuelle, aucune méthode de brossage n’étant standardisée et scientifiquement validée par des études comparatives de haut niveau de preuve (contrôlées, randomisées, en double aveugle sur plusieurs mois) et homogènes. Par conséquent, nous proposons le protocole que nous conseillons habituellement dans notre pratique hospitalière et de ville, réserves faites faute de preuve.

En première intention, une éducation thérapeutique doit être instaurée afin que le patient comprenne les enjeux du brossage de la langue qui sont de favoriser la desquamation des papilles filiformes allongées, de réduire l’enduit lingual et la masse bactérienne qui profite de cet environnement nutritif, sans induire d’irritation ou de lésion de la muqueuse linguale. Par ce biais, le patient doit être prévenu des effets indésirables potentiels et doit également être convaincu de la nécessité d’éliminer tous les facteurs de risque modifiables d’hyposialie en plus d’assurer un brossage bucco-dentaire optimal. Dans ce contexte, il est possible de compléter l’information orale grâce à une fiche pédagogique qui reprend toutes les notions essentielles (figure 5) (vidéo 1) (encadré 1).

Les modalités du brossage de la langue sont ensuite expliquées au fauteuil, le patient tenant un miroir de courtoisie, dans le but de favoriser sa compréhension vis-à-vis de l’anatomie linguale et des mouvements à effectuer à l’aide soit d’un racleur à langue conçu pour cet usage, soit d’une brosse à dents douce ou médium (calibre des brins ≤ 15 centièmes de mm). Concernant les racleurs à langue, il est important de différencier les instruments gadgets (des gratte-langues à risque iatrogène en plastique dur) de ceux qui présentent une surface active douce siliconée ou munies de brins courts souples. Les études actuellement disponibles sur le sujet montrent une efficacité quasi comparable du brossage quel que soit le type d’outil utilisé [24]. Dans notre pratique, comme Samson et Lombardi (2015) [1], nous préférons conseiller l’usage d’une brosse à dents (qui doit être différente de celle utilisée pour le brossage des dents afin d’éviter les translocations des micro-organismes propres à la surface linguale) car nous avons observé que les racleurs étaient souvent mal utilisés par les patients.

• Le brossage doit être effectué de préférence le matin car c’est le moment de la journée où le revêtement lingual est le plus chargé compte tenu de la diminution de l’autonettoyage la nuit.

• Il doit être effectué après le brossage des dents.

• La protraction de la langue ne doit pas être forcée et engendrer de sensibilité.

• Les mouvements du brossage doivent se faire de l’arrière vers l’avant, en commençant le plus postérieurement possible, dans la limite du tolérable pour le patient (le brossage ne doit pas engendrer de réflexes nauséeux).

• Deux méthodes peuvent être recommandées, celle des trois traits horizontaux ou la technique du « X » proposée par Gonçalves et al. [13] avec 3 ou 6 passages selon les besoins du patient. Pendant cette manœuvre, la tête de la brosse à dents doit être rincée plusieurs fois à l’eau courante et non dans une solution antiseptique sauf indications médicales. En effet, le brossage mécanique est suffisant pour éliminer l’enduit lingual et ne risque pas de perturber les mécanismes naturels de rétablissement du microbiote lingual symbiotique. Toutefois, le patient peut, à sa convenance, diluer du bicarbonate de soude dans l’eau de rinçage (l’eau salée stimule la salivation).

• À la fin du brossage, la tête de la brosse à dents doit être essorée avant d’être placée dans son capuchon protecteur qui doit être perforé.

• Le brossage de la langue doit être arrêté dès que la surface linguale redevient rose et que les sensations de confort sont retrouvées par le patient. Dans le cas contraire, notamment en cas d’halitose orale rebelle, cette mesure d’hygiène peut être maintenue au long cours, en fonction des améliorations ressenties par le patient, avec une fréquence adaptée aux périodes de récidive (reprise du brossage dès le retour des sensations désagréables ou de l’halitose).

EN CONCLUSION

• Le brossage lingual ne doit pas être systématiquement préconisé.

• Cette procédure d’hygiène, toujours complémentaire du brossage dentaire, est médicalement justifiée en cas de langue chargée, de langue villeuse et d’halitose vraie d’origine buccale. Par ailleurs, elle semblerait bénéfique chez la personne âgée dépendante. Un brossage lingual doux et quotidien aurait deux avantages : il permettrait de diminuer le risque d’apparition d’une langue chargée et villeuse et stimulerait la tonicité linguale.

• En revanche, le brossage lingual s’avère peu ou non utile en cas de maladies parodontales induites par la plaque non associées aux pathologies précédentes. De même, il n’est pas pertinent lorsque la langue est saine et assure parfaitement ses fonctions. L’autonettoyage physiologique régule spontanément la nature du revêtement lingual.

• À ce jour, aucune méthode de brossage n’est consensuelle.

• Nous conseillons 2 méthodes simples d’exécution, celle des 3 traits horizontaux et celle fondée sur la technique du « X », à l’aide d’une brosse à dents souple ou médium dédiée exclusivement à cet usage.

• Pour augmenter l’efficacité de ce brossage, l’enseignement professionnel doit être délivré lors d’une séance d’éducation thérapeutique afin d’expliquer au patient la nécessité d’éliminer tous les facteurs qui altèrent l’autonettoyage de la langue ainsi que les modalités des deux méthodes précédentes.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.

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Encadré 1 Fiche pédagogique à destination des patients.

La langue est un organe complexe formé de 17 muscles ; sa face du dessus comporte une multitude de petites papilles qui lui donnent un aspect légèrement râpeux. Cette face est régulièrement nettoyée tout au long de la journée lorsque l’on parle, mange et déglutit, grâce à son frottement contre les dents et le palais.

BROSSAGE DE LA LANGUE : POURQUOI ?

Le brossage de la langue est préconisé uniquement lorsque ce nettoyage naturel est insuffisant. Votre chirurgien-dentiste est le professionnel qui peut vous conseiller correctement.

BROSSAGE DE LA LANGUE : POURQUOI PAS ?

Le brossage de la langue est inutile si la langue est saine et assure pleinement ses fonctions. Dans ce cas, il peut même provoquer des irritations et des altérations de la face du dessus de la langue.

BROSSAGE DE LA LANGUE : DANS QUELLE CONDITION ?

Le brossage de la langue ne peut pas être efficace si le brossage des dents n’est pas parfaitement réalisé en même temps. L’arrêt ou la diminution du tabac et de la consommation d’alcool doit également être envisagé (e) car ces deux addictions ont un impact négatif sur le nettoyage naturel de la langue.

BROSSAGE DE LA LANGUE : AVEC QUOI ?

1 racleur à langue prévu à cet effet ou 1 brosse à dents douce.

La brosse à dents utilisée pour le brossage de la langue doit être différente de celle que vous utilisez pour le brossage des dents.

BROSSAGE DE LA LANGUE : COMMENT ?

De préférence le matin, après le brossage des dents.

Tirez la langue sans vous faire mal.

Effectuez des mouvements de brossage d’arrière en avant, en commençant le plus en arrière possible, dans la limite du tolérable.

Effectuez soit la méthode des trois traits, soit celle du « X », avec 3 à 6 passages, en fonction de vos besoins.

Rincez la brosse à dents à plusieurs reprises à l’eau claire pendant le brossage, n’utilisez pas de bain de bouche sans l’avis de votre chirurgien-dentiste.

BROSSAGE DE LA LANGUE : QUAND ARRÊTER ?

Dès que les sensations de confort sont retrouvées.

Dans le cas contraire, le brossage de la langue peut être poursuivi selon vos besoins (1, 2, 3 fois par semaine par exemple).

Fiche téléchargeable bit.ly/3ITeQna