Clinic n° 06 du 01/06/2022

 

Prothèse

Implantaire

Gaëtan RIOU du COSQUER  

Exercice libéral, Caen.

Sur le territoire national, il existe encore trop d’édentés complets. La France comptera 23,6 millions d’habitants de plus de 60 ans en 2060 [1]. La vie devient en outre plus longue. Une étude récente de la Drees publiée en 2021 montre que l’espérance de vie sans incapacité sévère en France, pour une personne de 65 ans, est de 18,1 ans pour une femme et de 15,7 ans pour un homme. Nos patients sont de plus en plus en recherche...


Résumé

Face à la demande esthétique et fonctionnelle de plus en plus forte pour les réhabilitations de l’édenté complet ou du futur édenté complet, les protocoles évoluent. Les pilotis en résine montrent leurs limites en termes de solidité dans le temps. La réhabilitation d’une arcade édentée par restauration prothétique complète fixe en zircone transvissée sur implants est aujourd’hui possible de façon simple et reproductible grâce aux importants progrès de la CFAO. Un protocole éprouvé et répété de façon rigoureuse étape par étape permet à tous les omnipraticiens d’obtenir d’excellents taux de succès prothétique. L’utilisation de la chirurgie guidée statique, la communication avec le laboratoire et les bases de la prothèse adjointe complète sont des éléments essentiels au succès de nos traitements. Ce sont également les piliers d’un protocole éprouvé sur 50 cas.

Sur le territoire national, il existe encore trop d’édentés complets. La France comptera 23,6 millions d’habitants de plus de 60 ans en 2060 [1]. La vie devient en outre plus longue. Une étude récente de la Drees publiée en 2021 montre que l’espérance de vie sans incapacité sévère en France, pour une personne de 65 ans, est de 18,1 ans pour une femme et de 15,7 ans pour un homme. Nos patients sont de plus en plus en recherche d’un confort optimal, de traitements biocompatibles avec des attentes esthétiques extrêmement importantes. La prise en charge de l’édenté complet repose sur un bilan minutieux conduisant à un projet prothétique précis.

Une étude de notre activité concernant les reconstitutions complètes implanto-portées, sur 120 patients avec 7 ans de recul, a montré un taux de succès implantaire de 97,5 % avec un taux extrêmement élevé (27,5 %) de fractures prothétiques des prothèses d’usage de type pilotis avec des dents en résine composite. Face aux contraintes lourdes qui en découlent pour le patient, le praticien et le laboratoire, afin d’en assurer la réparation, il a fallu faire évoluer la prothèse d’usage.

Les reconstitutions complètes transvissées en zircone semblent être la solution aujourd’hui. Un protocole mis en place depuis 3 ans sur 50 patients permet d’avoir des résultats fiables, reproductibles et prévisibles, tant au niveau implantaire que prothétique, et d’en assurer la maintenance dans le temps.

PROJET PROTHÉTIQUE

Il constitue le fil directeur dans ce type de traitement. La chirurgie guidée statique permet d’obtenir un transfert précis à chaque étape du concept occluso-prothétique défini dès la phase initiale du traitement. La restauration prothétique originelle ne doit pas présenter la moindre défaillance.

Ces types de traitements implantaires requièrent un haut niveau de coordination entre le chirurgien, le praticien en charge de la prothèse d’usage, le laboratoire de prothèse ainsi que toute l’équipe soignante (assistantes, parodontiste et « hygiéniste »). À ce titre, le logiciel DTX Implant Studio (Nobel Biocare) constitue un formidable outil de communication.

Le Pr Bränemark a toujours mis en avant la règle des 5P : persistent precision provides predictible prognosis (une précision constante conduit à un résultat prévisible).

Analyse esthétique

Lors de l’entretien il faut évaluer la personnalité, le physique et la demande du patient en termes d’esthétique, de fonction ainsi que son degré d’exigence quant au résultat espéré.

Les patients recherchent majoritairement un rajeunissement de leur sourire pour répondre à des critères esthétiques en grande partie véhiculés par les médias. Une approche plus systématique de l’esthétique dento-faciale permet donc de mieux répondre aux attentes légitimes de nos patients. Une attention toute particulière sera apportée à la ligne du sourire qui détermine la surface du plan esthétique dévoilé lors du sourire.

C’est à ce stade que sont réalisés le premier bilan photographique (figures 1 et 2) en position de repos et en sourire forcé ainsi que des photos intrabuccales (figure 3). Ces éléments viendront compléter les examens radiologiques (figure 4).

Ce bilan sera partagé avec le laboratoire de prothèse. Il sert également de base de discussion avec le patient et permet d’évaluer le degré d’exigence esthétique ainsi que les différents obstacles à prévoir.

D’anciennes photos sont systématiquement demandées au patient et ajoutées au dossier. Il faut rechercher des informations sur la forme des dents, la dimension verticale, les rapports antéro postérieurs… Autant d’éléments qui ont très souvent été altérés par les soins prothétiques et/ou la maladie parodontale. Tous ces documents pré-extractionnels contribuent au succès esthétique de la reconstruction.

Passage à l’édentement complet

Être édenté complet est un handicap difficile à supporter pour grand nombre de patients d’un point de vue physique mais aussi psychologique. C’est pourquoi, dans une très grande majorité des cas où le patient a encore des dents, une stratégie d’extraction/implantation/mise en charge immédiate est retenue. Canullo et al. en ont montré l’intérêt biologique en 2007 [2]. Galluci et al. font part, en 2009, de taux de survie implantaire de 95,4 % à 100 % lors de mises en charge immédiates [3].

Idéalement, il faut essayer de ne garder que les 6 ou 8 dents antérieures afin d’avoir, comme en prothèse complète immédiate d’usage, un édentement bilatéral postérieur (molaires et deuxièmes prémolaires minimum) avec des surfaces d’appuis stabilisées. Les dents sont extraites 3 mois avant la chirurgie implantaire afin de fournir un appui stable à notre guide chirurgical qui va conditionner la réussite de la chirurgie et, donc, de la phase prothétique finale.

Les premières étapes de cette phase préparatoire, empreintes primaire et secondaire, suivent en tout point celles d’un traitement par une prothèse immédiate complète amovible. De même, les rapports intermaxillaires doivent être validés par l’essai d’un prémontage fonctionnel réalisé en cire avec des dents du commerce.

Ce prémontage va alors être dupliqué en résine transparente et servir à l’élaboration du premier guide d’imagerie sur lequel nous incorporerons 6 repères radio-opaques (Gutta). Un CBCT sera alors réalisé avec ce guide phase 1 placé précisément dans la bouche de notre patient.

Ce guide est alors modifié pour porter toutes les caractéristiques du concept occluso-prothétique de la future prothèse implanto-portée. Cette modification se fait sur un modèle secondaire préparé en fonction des données cliniques. Une seconde acquisition CBCT de ce guide phase 2, modifié par l’adjonction des dents à extraire mais avec les repères radio-opaques inchangés, est réalisée sans le patient cette fois-ci.

Les fichiers DICOM des deux acquisitions sont alors récupérés et traités par le logiciel DTX Implant Studio qui crée un modèle en haute résolution associant les données du patient à celles du second montage directeur.

Cas du patient déjà édenté complet

Il faudra s’assurer que la prothèse existante est parfaitement adaptée au patient et satisfaisante du point de vue esthétique, occlusal et fonctionnel. Si ce n’est pas le cas, cette prothèse sera refaite avec la même rigueur que pour une prothèse complète amovible. C’est alors sur cette nouvelle prothèse que nous incorporerons les 6 repères radio-opaques en vue de réaliser la double acquisition CBCT (patient + guide, puis guide seul).

Intérêt de la chirurgie guidée

Nous allons ainsi pouvoir utiliser ce projet prothétique pour une planification implantaire garante d’une parfaite répartition des implants en fonction du volume osseux disponible et de la position des futures dents (figure 5).

Le guide chirurgical issu de la planification est directement réalisé par le logiciel DTX Implant Studio et peut alors être imprimé par le laboratoire de prothèse. La précision de ces guides a été largement démontrée dans la littérature [4].

Un bridge provisoire en résine est élaboré en amont de l’intervention. Il sera solidarisé aux implants le jour de la chirurgie et permet ainsi une mise en charge immédiate. Cette prothèse permettra ultérieurement d’évaluer les différents paramètres esthétiques et fonctionnels.

Ce « bridge » permet également d’obtenir une maturation optimale des tissus mous. C’est à ce stade que l’on pense déjà à la création des futures papilles par adjonction de résine au niveau des éléments intermédiaires en réalisant une légère compression des tissus mous. Il est déterminant pour la bonne ostéo-intégration des implants mais aussi pour la réalisation de la future armature en zircone. Il faut donc lui consacrer toute notre attention.

Concept de muco-intégration

Historiquement, l’intérêt d’un pilier intermédiaire était peu évoqué. Son rôle se résumait à l’assemblage de la prothèse et de l’implant. Au fil du temps il a beaucoup évolué et son rôle est essentiel, aussi bien pour les prothèses unitaires que plurales. Il se trouve placé dans un environnement de tissus fragiles et il lui est attribué actuellement une place prépondérante dans la prévention de la perte osseuse crestale et du vieillissement tissulaire [5]. Dans les années 80, une perte osseuse péri-implantaire de 1 à 2 mm durant la première année était considérée comme physiologique et inévitable à la mise en place des implants. Depuis, on a compris qu’une lyse osseuse de cette ampleur pouvait être largement réduite.

Dans le protocole décrit ci-après, l’utilisation d’implants bone level Parallel CC (Nobel Biocare) a toujours été associée à des piliers multi-units (MUA), ce qui permet de transformer ces implants bone level en tissue level. Ainsi, les cinq dévissages nécessaires avant la mise en place de la prothèse d’usage n’altèrent en rien la zone péri-implantaire et tout spécialement le sceau muco-épithélial qui s’est formé au terme de la cicatrisation initiale des tissus.

La forme légèrement concave des piliers MUA permet également de ménager un volume gingival plus important autour du col implantaire, ce qui constitue un facteur de stabilité tissulaire. Le caillot sanguin dispose ainsi d’un volume plus conséquent permettant le développement d’une épaisseur de gencive plus large. Histologiquement, un anneau plus dense de fibres de collagène occupe cet espace avec une organisation plus perpendiculaire des fibres, orientées en direction de la concavité.

Le fait de procéder en extraction/implantation/mise en charge immédiate nous permet également d’obtenir une bien meilleure mise en condition tissulaire puisque la prothèse agit comme un guide pour la cicatrisation des tissus mous. Le temps de traitement se trouve très largement raccourci d’autant que le patient n’est jamais porteur d’une prothèse complète amovible [6].

Ce protocole exige d’assainir au préalable l’ensemble de la bouche.

Assainissement parodontal

Les thérapeutiques parodontales d’assainissement représentent, avec le projet prothétique, la base de tout traitement implantaire [7]. Il conviendra donc, indépendamment de l’indication d’avulsion dentaire, d’assurer en amont cette étape thérapeutique afin de diminuer le niveau d’inflammation et de saignement. L’enseignement d’une technique de brossage adaptée permet d’obtenir un parfait contrôle de plaque et de confirmer l’adhésion du patient au plan de traitement.

Dans les pathologies parodontales, les réactions au sein des tissus sont multiples. En prenant en charge la maladie parodontale avant la mise en place d’implants, nous limitons les réactions inflammatoires responsables de destruction et, par conséquent, réduisons le risque d’apparition des péri-implantites.

Les métalloprotéinases produites par les polynucléaires neutrophiles, les fibroblastes, les kératinocytes et les ostéoclastes interviennent dans la destruction du collagène et de l’os alvéolaire. Un site non désinfecté présentera a fortiori ces molécules au sein des tissus.

Tout ceci est essentiel, puisque l’intégration esthétique des reconstructions full zircone dépendra très fortement de la stabilité et du volume de cet environnement péri-implantaire.

PROTOCOLE PROTHÉTIQUE

Il s’agit d’une succession d’étapes simples permettant à tous les praticiens qui le souhaitent de réaliser, avec un résultat totalement prédictible, ce genre de reconstitutions complètes implanto-portées. Ici encore, la communication avec le laboratoire de prothèse, l’utilisation de la photographie, la technique d’empreinte et la collaboration avec un centre d’usinage performant sont les éléments essentiels au succès du traitement.

1 – Lors du contrôle d’ostéo-intégration et de la vérification du serrage des piliers MUA par l’implantologiste (figure 6), ce dernier effectue une empreinte alginate de la situation en vue de faire réaliser un PEI spécifique qui sera livré quelques jours plus tard chez le praticien en charge de la prothèse. Bien entendu, le bridge provisoire est remis en place. Un bilan radio long cône est également réalisé.

2 – Le praticien en charge de la prothèse réalise alors le second dévissage du bridge provisoire et met en place 6 transferts (figure 7), en vue d’effectuer une empreinte au plâtre (figure 8). La relation inter-arcade est enregistrée à l’aide de LuxaBite (DMG) avec le bridge provisoire repositionné. Un deuxième bilan photo (figure 9) est réalisé afin d’avoir une discussion ouverte entre le laboratoire de prothèse, le patient et le praticien sur les éventuelles modifications à apporter.

3 – Après le traitement de l’empreinte au plâtre, le montage sur articulateur est réalisé à l’aide du bridge provisoire et de la cale d’occlusion.

4 – Un second projet prothétique est ensuite usiné par le laboratoire, en tenant compte des doléances du patient et de l’analyse des photos. Il s’agit d’un essayage esthétique de précision en PMMA (figure 10). Cette maquette sera alors vissée sur la totalité des MUA et un troisième bilan photo sera réalisé en vue d’effectuer si besoin les derniers correctifs. L’occlusion sera réglée avec le maximum de précision de même que les profils d’émergence [7]. Nous cherchons à obtenir, là encore, une compression des tissus mous de façon à obtenir, par un phénomène d’attache rampante, la création de papilles. Ce phénomène, dit également creeping attachment, permet une nette amélioration des résultats esthétiques dans le temps. Les quelques données de la littérature concernant ce processus montrent que le niveau maximum est obtenu aux alentours du 12e mois. Le laboratoire va ensuite scanner cette maquette et réaliser avec le logiciel Exocad une soustraction d’environ 1 mm sur les faces vestibulaires (figure 11). La stratification des faces vestibulaires se déroulera ensuite de façon classique par le céramiste.

5 – Le praticien va maintenant pouvoir mettre en place la prothèse d’usage (figures 12 à 14) qui est la copie conforme de l’essayage esthétique de précision (figure 15).

RECONSTITUTIONS EN ZIRCONE AVEC CUT-BACK VESTIBULAIRE [8]

La zircone est une céramique utilisée dans le domaine dentaire depuis plus de 25 ans. Elle possède une biocompatibilité équivalente, voire supérieure à celle du titane et donne un bien meilleur résultat esthétique [9] (figure 16). Il s’agit d’un matériau bio-inerte, c’est-à-dire qu’il a la capacité de résister aux influences extérieures (chimique, électrique et thermique) et d’être résistant aux dépôts de composants biologiques et environnementaux. Cette définition nous permet de comprendre son excellente tolérance biologique et parodontale avec une très faible adhésion de la plaque bactérienne et donc une bonne santé des tissus péri-implantaires.

La sintérisation est accompagnée d’une contraction de 20 % qui est particulièrement propice à l’obtention d’un état de surface très sophistiqué, puisque ce dernier peut être travaillé finement à grande échelle avant de se réduire.

Ce matériau, travaillé en CFAO, permet de répondre aux demandes de restaurations de grandes étendues avec une grande précision et des caractéristiques optiques améliorées.

Dans le protocole utilisé, en accord avec le laboratoire, il n’y pas eu de clef en plâtre de validation ni d’essayage d’armature. La précision de l’empreinte au plâtre est optimisée par son traitement dans les 4 heures et vérifiée lors du positionnement du bridge provisoire au moment du montage sur articulateur. Sur les 50 cas réalisés, il n’y a jamais eu de problème d’ajustage de l’armature en zircone. Même si la tendance actuelle est très fortement orientée vers les empreintes numériques, nous sommes restés à des techniques d’empreinte au plâtre extrêmement classiques, avec l’utilisation exclusive du plâtre Snow White (Kerr). Il est utile de rappeler que le flux numérique a encore aujourd’hui des limites et que seule une utilisation raisonnée saura en faire un outil incontournable en prothèse implantaire.

Il est probable que le fait d’avoir utilisé systématiquement la chirurgie guidée engendre des axes de transferts d’empreinte à peu près parallèles avec une disposition homogène et évite ainsi des tensions importantes dans l’empreinte.

La question de l’usinage est un facteur de précision et de solidité essentiel. Sans doute faut-il réfléchir aux performances des techniques d’un usinage au laboratoire en comparaison avec un centre d’usinage pour des reconstructions de si grandes étendues.

Design de l’infrastructure

La conception de l’armature dépend de différents paramètres esthétiques et occlusaux avec des exigences mécaniques et des épaisseurs à respecter, au niveau à la fois des intermédiaires et des extensions distales qui doivent se limiter à deux prémolaires ou une molaire.

Néanmoins, quel que soit le design de cette armature, cette dernière est toujours issue de l’essayage esthétique de précision validé sur le plan esthétique et fonctionnel et réalisé sur le modèle de travail issu de l’empreinte au plâtre. Il est très important de privilégier la prothèse transvissée pour toutes ces restaurations de grandes étendues afin de faciliter la maintenance et la réintervention si besoin. Du fait de l’utilisation d’implants bone-level à connexion interne conique (NobelParallel CC, Nobel Biocare), il faut éviter d’engager directement la connexion implantaire, d’où la nécessité d’utiliser des piliers MUA de façon systématique.

Il sera maintenant encore possible de procéder à un rattrapage d’axe de 25° (figure 17) supplémentaires en utilisant des tournevis sphériques, afin d’optimiser les puits de vissage et la fonction occlusale.

Un des principaux problèmes rencontrés avec les restaurations à armature zircone est le chipping qui provient de la différence du coefficient de dilatation lié au refroidissement post-cuisson. Le céramiste doit être très rigoureux lors du programme de cuisson qui doit avoir une montée et une descente en température très lentes et très progressives.

Il existe également des fractures cohésives qui peuvent s’expliquer par un manque de soutien du matériau cosmétique. Les logiciels actuels permettent de réaliser une réduction homothétique parfaite. Blasi et al. [9] ont proposé en 2017 une classification de 3 types d’armatures en fonction du risque occlusal avec une prise en charge plus ou moins importante des contacts occlusaux et du guidage antérieur par l’armature en zircone. Daas et Dada proposent la classification suivante [10] :

– risque occlusal fort sans exigence esthétique : restauration en zircone monolithique ;

– risque occlusal fort avec exigence esthétique : réalisation d’un cut-back de 1 mm sur toutes les faces vestibulaires ;

– risque occlusal moyen avec exigence esthétique : réduction en plus du bord libre du groupe incisivo-canin ;

– risque occlusal faible : réduction homothétique conventionnelle de 1 à 1,2 mm au niveau des faces vestibulaires, occlusales et palatines de la maquette.

Dans ce concept de prothèse céramique sur zircone, dans la très grande majorité des 50 cas réalisés au sein de notre cabinet, les faces occlusales des prémolaires et molaires sont entièrement en zircone de même que les faces palatines des incisives et canines.

C’est pour une question de solidité qu’il est intéressant de garder le contact zircone sur toutes les dents, afin d’assurer l’occlusion d’intercuspidie maximale ainsi que les guidages dentaires en propulsion et en diduction. Pour une raison de translucidité, dans les cas les plus esthétiques et avec un risque occlusal moyen, les bords libres des incisives sont réalisés en céramique (figure 18).

Le choix d’un matériau en zircone Multilayer (Simeda) permet un meilleur rendu esthétique grâce à un usinage d’une galette de zircone intégrant un dégradé de translucidité. Les propriétés mécaniques de ce matériau restent excellentes puisque le coefficient de résistance à la flexion est de 1 200 Mpa.

Le réglage de cette armature a été réalisé en amont par l’essayage et le réglage en bouche de l’essayage esthétique de précision. Ce dernier est alors scanné et un cut-back vestibulaire d’environ 1 mm est alors réalisé numériquement par un logiciel de CAO (Exocad) sur toutes les faces vestibulaires afin de ménager l’espace du futur matériau de stratification.

Le céramiste va ensuite pouvoir réaliser sa stratification sur cette armature en zircone usinée. Une première cuisson de connexion est réalisée avec un liner fluorescent (Zirliner, Ivoclar), puis une dentine désaturée estompera l’influence de l’armature. De manière classique, différents effets opalescents, transparents ou plus intenses seront déposés sur des zones stratégiques. Le tout sera ensuite recouvert de masses incisales de différentes luminosités. Une deuxième cuisson est alors réalisée avant le travail des états de surface.

Zircone et occlusion

La prise en charge de l’intégralité du schéma occlusal par l’armature en zircone nécessite d’étudier les conséquences induites sur l’arcade antagoniste.

Park et al. [11] ont étudié la rugosité de surface propre à la céramique ainsi que l’usure sur l’antagoniste de différentes céramiques (feldspathique et zircone) et sur différents états de surface d’une zircone (zircone polie, zircone polie maquillée et zircone polie maquillée glacée). C’est la zircone simplement polie qui présente la surface la moins rugueuse et la moins abrasive.

Januyavula et al. [12] ont constaté que la zircone polie engendre une usure moins importante que l’usure physiologique émail-émail.

Venezia et al. [13], dans une étude rétrospective, pour évaluer les performances cliniques de la zircone monolithique, n’ont pas noté de différences neuromusculaires ressenties par les patients ayant reçu ce type de reconstructions sur les 2 arcades.

Nous travaillons actuellement sur la modélisation des faces occlusales par le logiciel Exocad grâce aux données individuelles du patient. En comparant l’utilisation des articulateurs classiques avec les articulateurs virtuels de type ModJaw, Il apparaît très clairement que ce concept du 4D est en train de devenir un outil incontournable pour la modélisation des armatures en zircone.

MAINTENANCE

La zircone utilisée comme matériau pour une restauration complète sur implant semble être un des meilleurs en termes de biocompatibilité. Les tissus mous présentent un aspect clinique plus sain qu’autour des restaurations résine-titane. La zircone est moins sujette à la colonisation bactérienne que le titane, critère important pour limiter la prévalence de mucosites et de péri-implantites (figures 19 et 20) [14].

La vascularisation autour des piliers en zircone présente un débit important qui semble proche de celui des dents et donc un meilleur apport des défenses immunitaires contre les agents agresseurs du site [15].

Selon Monjoe et al. [16], la maintenance implantaire (2 séances par an) associée à la maintenance parodontale est essentielle à la survie des implants. Le démontage de la prothèse supra-implantaire est réalisé une fois par an. Afin de faciliter ces démontages réguliers, les puits de vissage sont obturés avec du téflon et recouverts de Clip Flow (Voco).

Alani et Bishop ont mis en place 10 points principaux à vérifier à chaque maintenance implantaire [17] :

– contrôle de plaque avec renforcement de l’hygiène bucco-dentaire ;

– sondage péri-implantaire ;

– présence ou absence de saignement ou de suppuration ;

– récession ;

– mobilité ;

– occlusion ;

– point de contact ;

– test de percussion ;

– radiographie ;

– nettoyage des surfaces.

Baas-Becking et Beijerinck, botanistes et microbiologistes, sont devenus célèbres pour cette phrase : « Tout est partout, mais l’environnement choisit ».

C’est pourquoi il est essentiel de faire une remise à jour régulière des données du patient sur sa santé, sa consommation de tabac, son stress, ce qui permettra d’ajuster les intervalles de maintenance. Plus le patient présente un terrain fragile, plus il faut le soutenir en réduisant ses intervalles de maintenance.

Chaque patient bénéficie de l’enseignement d’une technique de brossage adaptée, avec une prescription écrite personnalisée des brossettes et brosses les plus adaptées à sa dextérité et à son environnement muco-gingival.

Les séances de maintenance professionnelles sont prévues à des intervalles réguliers qui peuvent varier en fonction de l’état physique et psychologique de notre patient (tous les 6 mois, tous les ans ou tous les 2 ans). Il existe des inserts spécifiques en titane pur commercialisés par Acteon (Kit Implant Protect) utilisables efficacement pour nettoyer les piliers.

CONCLUSION

Ce protocole mis en place de façon extrêmement rigoureuse et toujours avec les mêmes étapes permet d’obtenir des résultats fiables et reproductibles. Toutes les étapes sont essentielles mais la validation du projet prothétique, en amont de la chirurgie implantaire, est particulièrement importante.

L’utilisation de la chirurgie guidée paraît également très intéressante pour optimiser au maximum l’intégration biologique et esthétique de telles reconstructions.

La communication très étroite avec un laboratoire de prothèse qui maîtrise toutes les étapes du traitement est une des clefs du succès.

Nous utilisons, encore aujourd’hui dans ce type de traitement, le numérique de façon raisonnée afin d’optimiser l’efficience de nos traitements.

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Liens d’intérêts

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.