LES MICROBIOTES DES PATIENTS ÉDENTÉS COMPLETS
Biologie
Orale
Marie DESCLOS-THEVENIAU* Jérémie PERRIN** Patrick LIMBOUR*** Martine BONNAURE-MALLET**** Vincent MEURIC*****
*AHU Prothèse, UFR d’Odontologie, INSERM, INRAE, Institut NUMECAN (Nutrition Metabolisms and Cancer), Université de Rennes, U1241, CHU Rennes.
**Ancien AHU Prothèse. Exercice libéral, Planguenoual.
***MCU-PH Chirurgie buccale, UFR d’Odontologie, Université de Rennes 1, CHU de Rennes.
****PU-PH Biologie orale, UFR d’Odontologie, INSERM, INRAE, Institut NUMECAN (Nutrition Metabolisms and Cancer), Université de Rennes, U1241, CHU Rennes.
*****PU-PH Biologie orale, UFR d’Odontologie, INSERM, INRAE, Institut NUMECAN (Nutrition Metabolisms and Cancer), Université de Rennes, U1241, CHU Rennes.
L’amélioration des soins dentaires au cours du siècle dernier permet aujourd’hui aux patients de conserver leurs dents tout au long de leur vie. Malgré tout, le vieillissement de la population suppose un nombre croissant de personnes édentées. Pas moins de 2 milliards de personnes de plus de 60 ans sont attendues d’ici 2050 [1]. La plupart des recherches en odontologie se concentrent chez les individus dentés sur les maladies telles...
Chez le patient édenté, les surfaces muqueuses sont colonisées par des micro-organismes qui ont un tropisme pour les cellules épithéliales. Ces micro-organismes sont des lactobacilles, des staphylocoques, des streptocoques et des levures, notamment les Candida. La disparition de nombreuses niches écologiques, constituées par les surfaces dentaires et sillons mais également le sillon gingivo-dentaire/pseudo-poche ou les poches parodontales, modifie considérablement le microbiote du patient édenté par rapport au sujet denté. Dans cette revue, nous décrivons la composante bactérienne du microbiote chez les patients édentés complets, son évolution comparée aux microbiotes de la bouche dentée et son implication clinique pour la réhabilitation prothétique conventionnelle et implanto-portée. Le but de ce travail est de montrer l’importance de l’écosystème buccal et la nécessité de préserver son équilibre.
L’amélioration des soins dentaires au cours du siècle dernier permet aujourd’hui aux patients de conserver leurs dents tout au long de leur vie. Malgré tout, le vieillissement de la population suppose un nombre croissant de personnes édentées. Pas moins de 2 milliards de personnes de plus de 60 ans sont attendues d’ici 2050 [1]. La plupart des recherches en odontologie se concentrent chez les individus dentés sur les maladies telles que la gingivite, la parodontite et les lésions carieuses. Alors que la prévalence est élevée avec un cinquième de la population portant une prothèse amovible, les recherches sur les pathologies associées aux prothèses amovibles partielles et/ou complètes sont très limitées (données États-Unis [2]). Cette prévalence devrait convaincre les chercheurs et dentistes de la nécessité de mieux comprendre l’implication des prothèses dentaires sur la santé bucco-dentaire et la santé systémique [3].
L’édentement complet a pour conséquence la disparition de nombreuses niches écologiques que constituent les surfaces dentaires, les fosses et sillons, mais également le sillon gingivo-dentaire/pseudo-poche ou les poches parodontales. Ainsi, seules les muqueuses restent accessibles et seules les bactéries ayant un tropisme pour ces surfaces épithéliales peuvent s’y développer. Parmi celles-ci se trouvent en grande majorité des lactobacilles, des staphylocoques et des streptocoques [4].
La principale infection dont souffrent les porteurs de prothèses dentaires est la stomatite [5]. Malgré une étiologie multiple, la composante microbienne (ie. bactéries, champignons/levures, virus, protozoaires) est majoritairement impliquée dans cette pathologie. La levure Candida albicans est généralement considérée comme le principal agent étiologique [6, 7] même si c’est l’ensemble de la communauté microbienne, appelé microbiote, au sein du biofilm (interactions fongiques et bactériennes) qui a un pouvoir pathogène [8]. Plusieurs travaux ont isolé des bactéries directement de la surface des prothèses dentaires en utilisant des techniques de cultures. Les genres Streptococcus et Staphylococcus ont été principalement isolés [9, 10]. Ces méthodes de culture sont largement inadaptées et inefficaces pour isoler l’ensemble du microbiote. L’avènement du séquençage à haut débit a révolutionné notre compréhension des écosystèmes microbiens et celui-ci commence à être utilisé chez des patients édentés. Bien souvent, c’est lors d’études du microbiote de patients dentés ou présentant une pathologie carieuse ou parodontale que le sujet édenté est étudié comme témoin, sans vraiment s’attarder sur ces résultats. De nouvelles données devraient apparaître dans les prochaines années grâce aux études menées dans le cadre de réhabilitation implanto-portée.
Dans cette revue de la littérature, nous allons nous intéresser à la composante bactérienne du microbiote chez les patients édentés complets, à son évolution comparée aux microbiotes de bouches dentées et à son implication clinique pour la réhabilitation prothétique conventionnelle et implanto-portée.
Le microbiote buccal se compose de micro-organismes qui vivent sur les surfaces des dents, des prothèses et sur l’ensemble des muqueuses buccales [11]. La salive peut contenir de manière transitoire l’ensemble des bactéries issues de ces différentes surfaces et être un indicateur de la santé du patient. Ainsi, la salive contient entre 107 et 109 bactéries par mL (valeur moyenne de 1,4 × 108 bactéries par mL) avec une abondance plus élevée d’anaérobies que d’aérobies. Des études ont montré que les porteurs de prothèses présentaient une salive plus riche en Lactobacillus, Staphylococcus, Streptococcus et levures que les sujets dentés [4].
L’équipe de Gazdeck et al. [12] a collecté la salive de 49 sujets édentés et 52 sujets dentés. La diversité des microbiotes buccaux des patients dentés et édentés complets a été comparée par le séquençage du gène de l’ARN ribosomique 16S bactérien identifiant différents niveaux de taxonomie (figure 1).
L’analyse a révélé que les sujets édentés présentaient un plus petit nombre de taxons (alpha diversité diminuée) que les sujets dentés. La variation en composition d’espèces (bêta diversité) entre édenté et denté montrait également une différence significative (figure 2a). Les genres Streptococcus et le phylum correspondant, Firmicutes et ordre Lactobacillales, étaient plus élevés dans la salive des patients édentés.
À l’opposé, les salives issues de cavités buccales dentées seraient plus abondantes en genres Actinomyces et Prevotella, en famille des Veillonellaceae, et en ordres Fusobacteriales et Clostridiales [10] (figure 2b). Ces bactéries sont majoritairement présentes sur la surface de la dent. De même, Streptococcus mutans, associé à la plaque dentaire et aux caries, est plus abondant chez les patients dentés. D’autres analyses montrent également que les genres Fusobacterium, Corynebacterium, Selenomonas, Campylobacter, Prevotella [3] et Rothia [13] sont plus abondants chez les patients dentés que chez les patients édentés.
En résumé, une perte globale de la diversité est observée avec la perte des dents. La sous-représentation de nombreuses espèces est uniforme. Vraisemblablement, ces espèces colonisent majoritairement la surface des dents et/ou du parodonte entourant celles-ci. Cependant, il a été montré que la proportion de Streptococcus augmenterait avec la perte des dents et serait plus élevée chez les patients édentés que chez les dentés. Cette augmentation d’abondance relative est sans doute liée à la perte ou à la diminution des autres taxons sans pour autant qu’il y ait une réelle augmentation du nombre de Streptococcus.
Enfin, la perte des sillons gingivo-dentaires et des poches parodontales qui survient dans l’état édenté explique la diminution de plusieurs bactéries associées à la parodontite chez ces sujets.
Dans une étude exploratoire, Pozhitkov et al. ont caractérisé le biofilm de 4 patients édentés depuis plus de 1 an. Ils les ont comparés à des sujets sains, atteints de parodontite et polycariés. L’alpha diversité (nombre d’espèces dans les échantillons) était la plus faible chez les patients édentés. Cet indicateur n’est significatif que lorsqu’il est comparé à la diversité chez les sujets atteints de parodontite [14]. L’analyse exploratoire en composante principale des 16 microbiotes issus de ces patients montre bien la séparation des microbiotes issus de patients édentés de ceux présentant une parodontite (figure 3a). Noter la disposition des 4 microbiotes issus de chaque patient édenté qui sont plus proches des microbiotes de patients sains et/ou présentant des caries. Le positionnement de ces microbiotes est fonction des principales bactéries (figure 3b). Les bactéries classiquement impliquées dans les parodontites (Porphyromonas gingivalis, Treponema denticola, Prevotella intermedia et Tannerella forsythia) sont bien présentes au niveau des parodontites.
La comparaison entre patients dentés et patients édentés est souvent réalisée mais le suivi de l’évolution suite à la mise en place d’une prothèse chez les patients édentés est beaucoup plus rare. Les pathogènes parodontaux étant de plus en plus souvent potentiellement incriminés dans des maladies systémiques, Andjelkovic et al. ont suivi l’évolution de ces pathogènes chez les porteurs de prothèse complète. Ainsi, chez 30 patients n’ayant jamais eu de prothèse partielle ou totale et édentés depuis plus de 3 mois, la salive a été prélevée avant et 6 mois après la mise en place d’une prothèse complète [15]. La prévalence initiale et la variation significative à 6 mois ont été respectivement les suivantes dans les échantillons : 30 % et 73,3 % pour P. intermedia, 6,7 % et 30 % pour T. forsythia et 6,7 % et 40 % pour Aggregatibacter actinomycetemcomitans. Des augmentations pour Fusobacterium nucleatum, T. denticola et P. gingivalis ont également été observées mais elles ne sont pas significatives (par exemple : P. gingivalis 20 % – 43,3 %, p = 0,065) [13]. Cette étude révèle que des pathogènes parodontaux peuvent être détectés en l’absence de dents, même si leur quantité peut diminuer d’un facteur 1 000 par rapport aux patients dentés [16]. La prévalence de détection augmente également lors du port de prothèses complètes. De plus, plusieurs études ont montré que le dos de la langue agit comme réservoir potentiel pour les agents pathogènes [16]. Ainsi, on peut se demander si les prothèses complètes peuvent également être des supports de niches écologiques pour les micro-organismes, et tout particulièrement pour des pathogènes parodontaux potentiellement impliqués dans des péri-implantites.
Aujourd’hui, l’hypothèse de l’origine des mucosites et péri-implantites est la présence de biofilms qui, à leur tour, altèrent l’écologie et favorisent la croissance des communautés dysbiotiques, conduisant à un cercle vicieux semblable à la parodontite [17, 18]. Les micro-organismes colonisent le sillon péri-implantaire dans les 30 minutes suivant la pose de l’implant. Un microbiote sous-muqueux complexe, similaire au microbiote autour de dents naturelles, s’établit en 2 semaines [19, 20]. Ce microbiote sain est principalement composé de cocci à Gram positif et d’une faible quantité de bactéries anaérobies. Cette flore reste stable pendant 2 ans [21]. Cependant, si le biofilm n’est pas éliminé autour des implants, une inflammation commence à apparaître, démontrant une relation de cause à effet entre biofilm et mucosite péri-implantaire, similaire à la gingivite sur les dents naturelles. Les mucosites non traitées peuvent parfois progresser vers la péri-implantite (PI). Les interactions entre les bactéries et le système immunitaire de l’hôte peuvent déclencher une perte osseuse péri-implantaire et affecter la stabilité à long terme de l’implant [22]. Alors que la perte osseuse progresse, une poche profonde se forme et ce nouveau milieu anaérobie favorise les bactéries à Gram négatif et bactéries anaérobies [23].
L’hypothèse que des dents avec des atteintes parodontales soient des sources de colonisation bactérienne des sites d’implantation a conduit à la conclusion que la composition du microbiote péri-implantaire ressemble beaucoup à la flore sous-gingivale de la parodontite [24]. Les surfaces muqueuses agiraient également comme des réservoirs microbiens pour la colonisation des implants chez les patients totalement édentés [25].
Cependant, l’ensemble des preuves à l’appui de telles similitudes entre parodontite et péri-implantite est fondé sur des données anciennes à partir d’approches ciblées (a priori), telles que culture microbienne ou puces à ADN (figure 1). Des données plus récentes reposant sur des méthodes sans a priori de séquençage du gène de l’ARNr 16S et de séquençage du transcriptome ont montré que les microbiotes parodontaux et péri-implantaires avaient des caractéristiques qui sont déterminées par leur substrat et les facteurs environnementaux [26].
Les données les plus récentes indiquent une prévalence de mucosite péri-implantaire de l’ordre de 57 % et une prévalence de péri-implantite entre 1,5 à 29,7 % des implants chez des patients édentés complets implanto-appareillés [27]. Des résultats similaires sont également observés lors de réhabilitations complètes uni-maxillaires ou dans le cas de mise en charge immédiate des prothèses [28]. L’apparition de péri-implantite est plus fréquente chez les patients porteurs de prothèses implanto-portées fixes par rapport à ceux ayant des prothèses implanto-portées amovibles [25]. Ces données s’expliquent par une accumulation importante de plaque difficile à nettoyer autour des prothèses fixes. Cette étiologie microbienne soulève un point crucial en prothèse amovible complète implanto-portée : l’importance de l’hygiène bucco-prothétique. Ces complications biologiques peuvent être limitées par la mise en place d’un suivi clinique régulier.
Les tissus mous buccaux (épithélium de la muqueuse buccale, papilles du dos de la langue, cryptes amygdaliennes) et la salive peuvent agir comme réservoirs bactériens. Des bactéries parodontales telles que A. actinomycetemcomitans, F. nucleatum, P. gingivalis, P. intermedia, T. forsythia et Eikenella corrodens ont été identifiées sur les tissus péri-implantaires ainsi que sur les prothèses complètes muco ou implanto-portées [29, 30]. Ce modèle de colonisation précoce pourrait contribuer au développement de lésions péri-implantaires. Un nombre plus important de P. gingivalis, T. denticola et T. forsythia a été identifié dans les tissus malades de patients édentés complets implanto-appareillés [31]. À ces bactéries parodontales peuvent s’ajouter des staphylocoques, des espèces entériques et des levures, suggérant la présence d’un microbiote complexe. Encore peu nombreuses dans la littérature, les comparaisons des microbiotes des sites dentaires, implantaires, sains ou malades suggèrent que chaque entité clinique a sa propre signature microbiologique et que chaque signature est unique [32].
En 2021, une comparaison des microbiotes entre implants posés chez les patients édentés complets et partiellement édentés a été réalisée par l’équipe de Polymeri et al. [33]. Cette étude est la première à utiliser des techniques de séquençage sans a priori. Les poches péri-implantaires profondes ont révélé une abondance relativement plus élevée de bactéries anaérobies à Gram négatif que les poches peu profondes. Les genres les plus souvent retrouvés sont Fusobacterium, Prevotella et Anaeroglobus et sont considérés comme parodontopathogènes et/ou associés aux parodontites et à l’augmentation de la profondeur des poches. En revanche, les poches inférieures à 5 mm étaient principalement habitées par des bactéries aérobies et anaérobies facultatives appartenant aux genres Rothia, Neisseria, Haemophilus et Streptococcus souvent associés à la santé [23]. Les patients édentés partiels ont montré significativement plus de Fusobacterium, Prevotella et Rothia que les patients édentés complets (figure 4). Les genres Veillonella et Streptococcus, souvent associés à la santé [34], sont détectés dans des proportions plus élevées chez les patients édentés complets (figure 4). La colonisation microbienne des implants dentaires chez les patients complètement édentés serait caractérisée par des proportions plus faibles de bactéries considérées comme pathogènes par rapport aux patients dentés. Cette étude ne précise pas les antécédents parodontaux des patients.
Du point de vue des matériaux, les implants et prothèses offrent des surfaces de colonisation qui sont différentes de la dent (rugosité et énergie de surface). Tous ces paramètres influencent le comportement bactérien (figure 5). L’adhésion bactérienne a été étudiée sur les matériaux utilisés en prothèses complètes implanto-portées. Comparé à la résine acrylique, le titane présente moins d’adhésion bactérienne et d’inflammation de la muqueuse [35]. Cependant, sans hygiène, le biofilm se développera sur les deux surfaces (figure 6). Plus récemment, l’émergence de la CFAO a grandement contribué au développement de suprastructures en zircone ou en titane. Plusieurs études prospectives révèlent que la muqueuse péri-implantaire au voisinage de ces deux matériaux présente des indices de plaque et des profondeurs de poches similaires [36]. Aucune différence de biofilm n’est visualisée les 6 premiers mois qui suivent la pose d’attaches sur implant de type boule en titane ou en zircone [21]. Toutefois, de tels résultats ne sont pas obtenus dans le cas de suprastructures de prothèses complètes implanto-portées fixes où le titane présente une accumulation de plaque plus importante que la zircone [37]. Des études in vitro et in vivo montrent une plus faible adhérence des bactéries sur la céramique comparée au titane, et cela malgré une flore bactérienne identique autour de ces deux matériaux [38]. Toutefois, les données sont insuffisantes pour conclure en faveur d’un matériau plutôt qu’un autre.
L’état et l’énergie libre de surface sont des facteurs qui peuvent influencer la composition des microbiotes organisés en biofilms [39]. La plupart des études publiées ont montré que la rugosité des surfaces prothétiques joue un rôle prépondérant dans les capacités des bactéries à adhérer au support : les surfaces lisses diminuent fortement l’accumulation et la maturation de la plaque bactérienne. Néanmoins, peu d’études se sont intéressées à l’identification et à la quantification des bactéries en fonction de l’espèce. Pourtant, certaines d’entre elles montrent qu’il existerait effectivement une différence d’adhérence entre espèces bactériennes pour un même support [40]. Il faut prendre en compte le fait que ces matériaux implantaires et prothétiques, dits inertes vis-à-vis des tissus biologiques le jour de leur pose, sont amenés à évoluer au cours du temps. Dans les milieux biologiques, les matériaux métalliques peuvent subir une certaine dégradation (corrosion) et les différents produits de dégradation interagissent avec le système biologique de diverses façons. Il a été identifié que les cellules inflammatoires des sites implantaires malades présentent un nombre plus élevé de particules métalliques par rapport aux cellules des tissus péri-implantaires sains. La présence de ces ions augmenterait significativement l’épaisseur du biofilm ainsi que l’adhésion bactérienne (figure 7).
Les contraintes occlusales peuvent créer des mouvements de flexion à l’interface entre le pilier et le col implantaire, créant des micro-gaps (ou micro-hiatus) facilement accessibles aux bactéries et aux fluides. Le développement de cette flore péri-implantaire peut avoir des effets néfastes sur l’état de surface des matériaux. Des études réalisées dans le domaine industriel, très touché par ce phénomène de corrosion bactérienne, montrent que les micro-organismes ne s’attaquent pas directement aux métaux mais modifient, par leur métabolisme, la physico-chimie à l’interface matériau/environnement (pH, concentration en oxygène…) créant des conditions pouvant initier ou accélérer la corrosion et donc le relargage ionique [41]. En effet, la corrosion des alliages métalliques, et notamment du titane après rupture du film de passivation, augmenterait l’adhérence de bactéries telles que Streptococcus mutans avec un impact sur l’expression des gènes de virulence. L’acidification de l’environnement péri-implantaire via la production d’acides organiques lors de la glycolyse des sucres déclencherait un processus inflammatoire responsable de la corrosion endobuccale. Ce phénomène serait amplifié par l’oxydation du manganèse, du fer et d’autres produits tels que MnO2, FeCl2, MnCl2, Fe2O3 et FeO par le microbiote péri-implantaire (figure 7). De la surface métallique à la couche externe du biofilm, un gradient d’oxygène serait ainsi créé où les zones métalliques pourvues en oxygène joueraient le rôle d’anode et, ainsi, libèreraient des ions métalliques dans la salive et les tissus péri-implantaires. Ces éléments relargués seraient ensuite captés par les bactéries et le chlorure salivaire pour former d’autres produits corrosifs, tels que MnCl2 et FeCl2. Des études cliniques sur plusieurs années seraient nécessaires pour analyser précisément le comportement de ces matériaux. Il semblerait que la diffusion des ions titane soit impliquée dans l’inflammation, l’hypersensibilité et la cytotoxicité [42] et que la corrosion soit également un risque de fracture (figure 8).
Les données de la littérature montrent qu’un certain nombre de micro-organismes a été identifié grâce à des techniques innovantes de séquençage chez les patients édentés complets, appareillés ou non. L’édentement complet semble réduire la diversité des espèces bactériennes. Il faut retenir que les agents pathogènes parodontaux ne disparaissent pas complètement après l’avulsion de la totalité des dents. La colonisation des muqueuses par de nombreuses espèces bactériennes peut contribuer au développement de mucosite ou de péri-implantite chez les patients porteurs de prothèses complètes implanto-portées. La complexité des interactions inter-espèces et/ou hôtes-espèces présentes dans l’écosystème buccal reste à définir. Une recherche approfondie dans le domaine pourrait permettre de développer des indicateurs de la santé parodontale à utiliser après la pose d’implants, pour ainsi prévenir l’apparition de péri-implantite.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.