LA PROTHÈSE AMOVIBLE COMPLÈTE IMPLANTO-RETENUE
Prothèse
Implantaire
Xavier RAVALEC* Yves GASTARD**
*MCU-PU, UFR Odontologie de Rennes, Pôle Odontologie et Chirurgie buccale, CHU de Rennes-Pontchaillou. Pratique libérale, Saint-Grégoire.
**Prothésiste dentaire, Pôle d’Odontologie du CHU de Rennes. Titulaire du CES en Prothèse amovible complète. Titulaire du DU de Prothèse faciale appliquée. Diplômé de l’Institut de Stomatologie, Chirurgie plastique et maxillo-faciale, Université Paris Cité.
Les fondamentaux de la prothèse amovible complète ostéo-muco portée repose sur trois principes intemporels regroupant la sustentation liée à la surface d’appui, la stabilisation dépendante du montage des dents et la rétention (primaire) assurée par le joint périphérique [1]. Lorsque la situation clinique ne répond pas de façon satisfaisante, la prothèse amovible complète implanto-retenue (PACIR) peut être une alternative...
La prothèse amovible complète implanto-retenue offre à l’édenté complet lourdement handicapé un confort inégalable en termes de qualité de vie. Les dispositifs proposés sont nombreux et doivent être choisis avec soin, au terme d’une analyse clinique, radiologique et technique poussée. Dispositifs axiaux individuels ou, au contraire, solidarisés par des barres de conjonction s’incluront dans le volume de la prothèse amovible complète préalablement conçue dans le respect des règles qui régissent son élaboration.
Les fondamentaux de la prothèse amovible complète ostéo-muco portée repose sur trois principes intemporels regroupant la sustentation liée à la surface d’appui, la stabilisation dépendante du montage des dents et la rétention (primaire) assurée par le joint périphérique [1]. Lorsque la situation clinique ne répond pas de façon satisfaisante, la prothèse amovible complète implanto-retenue (PACIR) peut être une alternative thérapeutique essentielle pour le confort du patient [2].
L’évolution biotechnologique nous oriente désormais vers deux concepts. Le premier, plus ancien, offre un dispositif rétentif supra-implantaire additionnel, dénommé rétention secondaire, favorisant la stabilité de la prothèse sous réserve de la conservation des facteurs physiques énoncés plus haut. Il nécessite au minimum 1 ou 2 implants para-symphysaires (figure 1) et 4 au maxillaire [3]. Pour certaines configurations cliniques, le recours aux mini-implants reste une thérapeutique non négligeable [4]. Barres de conjonction, attachements axiaux et systèmes à propriétés ferromagnétiques sont dédiés à ces PACIR dites de première génération.
L’autre concept, dit de deuxième génération [5], repose sur une sustentation et une rétention exclusivement implantaires, nous affranchissant de toutes notions d’aire de sustentation, joint périphérique, rétention primaire et secondaire. Le nombre minimal d’implants préconisé est de 6 au maxillaire et de 5 à la mandibule (figure 2). Double barre et piliers télescopiques en composent les éléments essentiels.
Le choix entre attachements axiaux et barre de conjonction est dicté par différents critères, principalement :
– le degré de résorption osseuse et le niveau de décalage des bases osseuses ;
– l’espace inter-arcades dans les sens vertical et horizontal, la qualité osseuse, le volume osseux disponible ;
– le parallélisme des implants ;
– la dextérité du patient ;
– ses moyens financiers…
Elles sont stabilisées par 2 implants para-symphysaires et permettent d’offrir à moindre coût un confort inégalable à des patients souvent en détresse. Comme le préconisent les auteurs du consensus de McGill en 2002 [6], confirmé 10 ans plus tard à York en Grande-Bretagne, elles devraient même constituer le traitement minimal de l’édentement complet mandibulaire [7].
Ce type de restauration prothétique présente de nombreux avantages.
• Elle améliore les fonctions essentielles de phonation et de mastication.
• Elle résout les problèmes d’instabilité des prothèses, surtout au niveau mandibulaire.
• Elle améliore la qualité de vie des patients et les rassure psychologiquement.
• Discrète, elle préserve l’esthétique.
• Par la stabilité qu’elle apporte, elle permet de compenser les modifications et anomalies squelettiques.
• Elle permet de retrouver des rapports occlusaux stables et de répondre à la perte de la masse musculaire.
• Elle prévient la résorption de masse osseuse en stimulant fonctionnellement l’os sous-prothétique.
Lui sont toutefois reprochés certains inconvénients.
• Elle génère un surcoût thérapeutique, un allongement de la durée globale du traitement et une maintenance plus exigeante.
• Sur le plan clinique, cette technique présente des limites du fait de la création d’un axe de rotation passant par les deux implants antérieurs (figure 3). En effet, si l’enfoncement de la prothèse sur ses surfaces d’appui ostéo-muqueuses est maîtrisé par celles-ci, le complément de rétention offert par les deux implants ne peut s’opposer au décollement de la prothèse de ces mêmes surfaces lors du cycle masticatoire lorsqu’un aliment collant vient s’interposer en secteur postérieur. En effet, la prothèse pivote autour de l’axe inter-implantaire et « quitte » sa surface d’appui, se soulevant en secteur postérieur.
• De même au maxillaire, l’insertion de 4 implants délimitant un polygone de sustentation et de rétention optimal est parfois délicate du fait de la présence de sinus volumineux. Les 4 implants recommandés sont ainsi placés antérieurement de sorte que, à l’appui, la prothèse risque de pivoter autour de l’axe déterminé par les 2 implants les plus postérieurs et de se désinsérer des 2 implants les plus antérieurs qui sont sollicités en traction (figure 4). De plus, les efforts transmis aux implants lors de la mastication, par exemple, peuvent ne pas être uniformément répartis et sur-solliciter certains d’entre eux, au-delà des limites tolérées par l’ostéo-intégration. Leur solidarisation par des barres de conjonction réduit ce risque en répartissant les efforts biomécaniques auxquels ils sont soumis mais complique la gestion prophylactique.
Le niveau de satisfaction des patients est bon, quel que soit le système de rétention choisi. Il apparaît que les barres confèrent la meilleure rétention, que les dispositifs télescopiques donnent le meilleur taux de satisfaction global alors que les attachements axiaux s’avèrent les plus indiqués en cas d’espace inter-arcades réduit et d’implants parallèles [8]. Les travaux de Bakker et al., portant sur le suivi pendant 20 ans d’overdentures mandibulaires stabilisées sur 2 implants, rapportent un taux de succès implantaire de 92,5 % à ce terme alors que 62,5 % des sujets suivis sont considérés comme affaiblis [9].
Elles reposent sur un nombre plus conséquent d’implants qui assure intégralement leur tenue en bouche. Une fois placées, elles offrent au patient un comportement de prothèses fixées de très haut niveau fonctionnel. Elles restent toutefois déposables, ce qui facilite grandement l’hygiène tant des prothèses que de leurs infrastructures par rapport aux prothèses ostéo-ancrées de type pilotis dont la conception, même soignée, exige une grande rigueur de la part du patient. De plus, la possibilité de préserver un volet maxillaire vestibulaire sur ces PACIR assure un soutien optimal de la lèvre supérieure.
Le nombre d’implants sur lesquels elles reposent est cependant plus conséquent et les dispositifs prothétiques qui les y relient sont plus sophistiqués, souvent réalisés par des techniques de CFAO. Le coût du traitement s’en trouve nettement augmenté.
Par ailleurs, les systèmes supra-implantaires utilisés sont assez volumineux et ne peuvent s’intégrer que dans un volume prothétique conséquent, ce qui limite leurs indications à certaines situations cliniques favorables [10].
Toutefois, la solidarisation des implants via une barre usinée répartit harmonieusement les charges fonctionnelles sur ceux-ci et assure le succès thérapeutique au long cours [11].
Quel que soit le nombre d’implants ou le type de connexion envisagée, la conception de la prothèse amovible complète doit être menée de manière rigoureuse, en suivant les phases cliniques et de laboratoire, analogiques ou numériques selon la procédure en usage.
Ainsi, quel que soit le choix, le recours à la PACIR implique un protocole parfaitement codifié, où les phases cliniques prothétiques/laboratoire s’inscrivent avant et après la chirurgie implantaire.
Elle est ciblée sur le montage directeur qui permet, entre autres, une visualisation précise de l’espace disponible recevant le futur dispositif rétentif. Cette étude de faisabilité peut être réalisée de manière analogique (montage des dents du commerce sur cire avec duplication) (figure 5) ou numérique. Dans ce dernier cas, un gabarit est imprimé ou usiné à des fins de validation clinique et fait office de guide radio-chirurgical à visée implantaire (figure 6). La duplication numérique du montage permet aussi l’impression d’un guide radio-chirurgical de haute précision.
Le montage directeur constitue ainsi le véritable fil conducteur entre le laboratoire, la clinique prothétique et la chirurgie implantaire. Il est le point clé du traitement implantaire.
Soulignons que certaines infrastructures supra-implantaires consomment du volume dans le plan vertical et parfois horizontal, d’où la nécessité évidente du montage directeur pour éviter de fortes déconvenues.
Après l’ostéo-intégration des implants, la seconde phase prothétique est engagée.
Les systèmes axiaux (Locator®, Dalbo®…) (figure 7) et aimants (Redeim®, Dyna®), pour les PACIR de première génération, sont disponibles au catalogue [12].
Les barres de conjonction (Ackermann®, Dolder®, Hader®…) sont réalisées en CFAO [13]. Un scannage du modèle implantaire, scan-bodies et montage directeur, permet une conception virtuelle de barre parfaitement adaptée au couloir prothétique. Le fichier est ensuite exporté vers la FAO. À réception, un contrôle de la passivité, des compressions tissulaires et de l’accessibilité prophylactique est acté (figure 8).
La connexion des parties femelles (axiaux, aimants, cavaliers et gouttières) peut être réalisée au laboratoire (méthode indirecte) ou au fauteuil (méthode directe).
La méthode indirecte passe par la connexion du système implantaire lors de la mise en moufle du dispositif. Les parties femelles sont positionnées et mises de dépouille si nécessaire avant injection de la résine (figure 9).
En cas d’absence de modèle implantaire, un enregistrement clinique de la prothèse avec transferts est impératif. À réception, la fixité des transferts est contrôlée, les analogues sont clipsés puis le plâtre est coulé dans l’intrados de la prothèse. Après la prise de celui-ci, la prothèse est désinsérée, les transferts déposés et la zone d’attachement nettoyée. Les parties femelles sont placées et fixées par l’adjonction de résine chémo-polymérisable. L’ensemble est finalisé à l’aide d’instrumentation rotative.
Le modèle implantaire et le montage directeur sont numérisés. Les piliers coniques sont modélisés suivant un parallélisme parfait doublé d’un degré de conicité défini de 5°. L’ensemble est intégré harmonieusement dans le couloir prothétique. Après usinage et validation des piliers, une armature passive reposant sur les coiffes coniques, engagées sur les piliers, préfigure le renfort de la future prothèse [14-17] (figure 10). Ces coiffes télescopiques, dont l’extrados a été préalablement sablé, sont insérées sur chaque pilier implantaire. L’armature est alors collée à froid directement en bouche, ce qui assure la passivité de la prothèse vis-à-vis de son support implantaire (figures 11 à 13). Cette solidarisation en bouche permet de s’affranchir de la validation de l’empreinte par une clé en plâtre.
Une clé d’indexation occlusale complète la séquence. Une empreinte enregistre la nouvelle situation, offrant au prothésiste un modèle avec chapes et renfort sur lequel les éléments cosmétiques sont remontés. Après contrôle de l’occlusion, de l’esthétique et de la fixité de l’ensemble, la finition est conduite conventionnellement par une mise en moufle injectée polychromique (figures 14 et 15).
Notons que cette configuration d’infrastructures supra-implantaires peut être gérée avec différents matériaux qu’il est possible de « mixer » tels titane, zircone et Peek [18].
Après validation du modèle de travail (figure 16) au moyen d’une clé en plâtre, le montage directeur scanné autorise la modélisation de la barre primaire. Son design s’harmonise parfaitement avec le couloir prothétique intégrant conicité de 4°, largeur, hauteur et accès prophylactiques. Une contre-barre vient s’appuyer sur cette dernière par friction (figure 17). La réduction de l’épaisseur de la suprastructure secondaire amovible côté palatin ou lingual est assurée par la gestion d’un bandeau métallique parfaitement poli, suivi du bandeau résine qui assure la fixation des dents. Cette symbiose méthacrylo-métallique offre un espace et un toucher lingual plus confortables. Encore une fois, la CFAO présente un atout indéniable pour ces systèmes télescopiques [19] (figures 18 et 19).
L’intégration d’attachements axiaux est possible. Certaines configurations proposent des cales d’espacement qui limitent l’enfoncement de l’une sur l’autre. En cas de perte de fixité, la réduction infime en hauteur de ces cales réinitialise la friction perdue, la rétention s’opérant sur les derniers microns « d’emboîtement ».
La fausse gencive et l’arcade dentaire sont replacées sur la contre-barre pour la finition conventionnelle du dispositif prothétique (figures 20 et 21).
Le concept occluso-fonctionnel préconisé nous oriente vers l’occlusion bilatéralement équilibrée non généralisée (3 contacts non consécutifs en excentrée et 1 contact sur chaque dent pluri-cuspidée en centrée), que l’on soit en technique linguale ou conventionnelle [20, 21]. Sa gestion rigoureuse s’inscrit dans les facteurs assurant la pérennité du système.
Ces derniers dispositifs sont assez conséquents et ne peuvent s’inscrire que dans un volume prothétique important contrairement aux piliers télescopiques. Leur coût est également légèrement supérieur. Ils assurent toutefois une parfaite solidarisation des implants et, ainsi, une répartition optimale des efforts sur ceux-ci.
Les forces de friction de ces différents systèmes sont modulables et dépendent du degré de conicité tant des coiffes télescopiques que des barres usinées. La nature des matériaux employés ainsi que la force d’insertion développée jouent également un rôle important. Ainsi, pour un couple pilier titane de grade 5/coiffe en or, le pouvoir de rétention fourni par un angle de 6° est de l’ordre de 9 N alors que celui d’un angle de 4° est de l’ordre de 20 N. Un léger meulage du sommet des piliers ou des butées d’enfoncement aménagées sur la barre primaire permet d’amplifier une friction usée par le temps. À l’inverse, des encoches horizontales réalisées sur les versants vestibulaires de la prothèse constituent des « prises » qui facilitent la désinsertion d’une prothèse très rétentive.
Le recours à l’implantologie a considérablement changé la vie des édentés complets tant maxillaires que mandibulaires en assurant à leurs prothèses amovibles un complément de rétention, de stabilisation et de sustentation remarquable.
Le choix des dispositifs supra-implantaires retenus dépend de nombreux facteurs, tant techniques que biologiques, ainsi que des capacités physiques et financières du patient [22].
Les complications accompagnant ces alternatives thérapeutiques sont inévitables mais peuvent être réduites par le choix mûrement réfléchi du dispositif retenu et prévenues par une maintenance régulière et rigoureuse, recherchant le moindre signe d’altération tant des ancrages implantaires que des structures prothétiques que ceux-ci supportent [23].
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.