QUI SOIGNONS-NOUS ?
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Clinique
Franck DECUP* Charlène CHEVALIER** Karen VALLAEYS*** Céline GAUCHER****
*MCU-PH, Université
de Paris Cité et AP-HP,
UR 2496, Montrouge.
**Technicienne.
Laboratoire des
Multimatériaux
et des Interfaces
UMR CNRS 5615,
Faculté d’odontologie,
Université Lyon 1.
***MCU-PH,
Laboratoire de Traitement
de l’Information médicale,
UMR INSERM 1101,
UFR d’Odontologie,
Université de Bretagne
Occidentale,
Service d’Odontologie,
CHRU Brest.
****PU-PH, Université de
Paris Cité et AP-HP,
UR 2496, Montrouge.
Les 422 patients venus dans les services hospitaliers, inclus dans cette étude, étaient des adultes qui consultaient pour la première fois (80 %) ou pour un contrôle (20 %) (figure 1).
La tranche d’âge des jeunes de 18 à 29 ans représentait 30 %, celle des personnes de 30 à 59 ans 45 % et celle des patients de plus de 60 ans 25 %. Ce sont donc les plus jeunes qui sont majoritairement...
Les 422 patients venus dans les services hospitaliers, inclus dans cette étude, étaient des adultes qui consultaient pour la première fois (80 %) ou pour un contrôle (20 %) (figure 1).
La tranche d’âge des jeunes de 18 à 29 ans représentait 30 %, celle des personnes de 30 à 59 ans 45 % et celle des patients de plus de 60 ans 25 %. Ce sont donc les plus jeunes qui sont majoritairement présents dans les consultations hospitalières (alors que les 30-59 ans fréquentent plus les cabinets libéraux). À noter que les plus âgés sont sous-représentés aussi bien en hospitalier qu’en libéral [1, 2]. Il est intéressant de pouvoir se préparer à répondre aux demandes spécifiques de ces catégories dans les services hospitaliers (tableau 1).
La répartition des catégories socio-professionnelles a mis en avant une prépondérance des activités intermédiaires (40 %) puis des retraités (20 %). Les personnes sans activité représentaient 12 % et les cadres ou indépendants 14 %. L’indice CAOD (dents cariées, absentes ou obturées) est un indicateur des effets de la maladie carieuse sur l’individu. Il existe depuis 1997 et reste un indice de référence pour évaluer et comparer l’état de santé dentaire des patients. Pour la population étudiée, l’indice CAOD est de 11. Ce chiffre est supérieur à l’indice enregistré pour la population des patients consultant en cabinet libéral (CAOD = 9). Les catégories socio-économiques généralement moins élevées dont sont issus les patients des services hospitaliers ainsi que les éventuelles comorbidités peuvent expliquer cette différence. Dans tous les cas, la bonne nouvelle est que cet indice est globalement en baisse (il était évalué entre 13 et 15 il y a 10 ans) [3]. Une analyse fine montre que l’indice varie logiquement par tranche d’âge. Il est de 6 pour les 18-29 ans, de 11 pour les 30-59 ans et de 15 pour les plus de 60 ans.
Les édentements sont en moyenne de 5 dents absentes chez les 30-59 ans et de 8 dents absentes chez les plus de 60 ans.
Nous pouvons constater que les besoins de soins restent réels et que la mission des services hospitaliers demeure en grande partie les traitements restaurateurs et les réhabilitations fonctionnelles.
Une investigation des facteurs de risque rapportés dans la littérature a été réalisée dans cette étude : facteurs liés au patient, à ses habitudes d’hygiène et alimentaires, aux caractéristiques locales concernant les dents et aux perturbateurs salivaires [4].
Il ressort des analyses statistiques des données recueillies par cette étude que les facteurs qui semblent liés de façon importante avec la maladie carieuse sont principalement :
– l’exercice d’une profession à risque ;
– la fréquence du brossage ;
– les déséquilibres alimentaires ;
– l’absence de fluor ;
– la consommation excessive de sodas ;
– la quantité de biofilm ;
– les facteurs d’encombrement locaux ;
– la régularité du suivi.
La fréquence de consultation de ces patients est, globalement, moins bonne que celle du libéral : 50 % d’entre eux sont des patients irréguliers ou qui ne viennent que tous les 2 ans (versus 33 % en libéral).
Ce point est important car c’est un marqueur de risque exprimant une limite du dépistage pour une population qui en a plus besoin. Rappelons que 30 % des patients ont moins de 30 ans et qu’ils sont les cibles privilégiées de cette prise en charge précoce. Une organisation et une communication des services adaptées pour ces patients pourraient les aider à être plus assidus. Les métiers à risque carieux (profession de bouche, industrie chimique, sportif de haut niveau…) sont assez peu représentés (13 %) mais l’analyse de leur corrélation avec la maladie carieuse semble montrer que c’est un facteur important.
L’hygiène dentaire est équivalente pour tous. Il n’y a pas de différence dans les fréquences de brossage ni dans l’utilisation de dentifrice fluoré par rapport à la population globale de l’étude. Une majorité conséquente (presque 90 %) déclare se brosser les dents 2 à 3 fois par jour et 65 % disent utiliser un dentifrice fluoré. Les plus jeunes sont les mieux éduqués à l’hygiène dentaire alors que les plus de 60 ans doivent s’améliorer dans ce domaine (20 % d’entre eux) (figure 2).
Cependant, lors de l’observation clinique, un indice de plaque important (≥ 2 selon Loe et Silness) concerne 40 % des patients à l’hôpital (10 points de plus qu’en libéral). Restons donc vigilant sur l’éducation thérapeutique, surtout chez les plus âgés.
Dans cette population de patients du milieu hospitalier, la présence de déséquilibres alimentaires (grignotage, etc.) concerne presque la moitié des patients (46 %). Ces déséquilibres concernent surtout les plus jeunes (53 % pour cette tranche d’âge) qui sont aussi les plus gros consommateurs (43 %) de boissons sucrées et/ou acides. L’industrie du sucre est omniprésente dans nos assiettes et dans nos verres. Il est toujours essentiel d’informer sur ce sujet qui pèse sur la santé dentaire [5] (figure 3).
On relève une consommation importante d’alcool (> 1 verre par jour) chez 16 % des plus de 60 ans. Le taux des patients fumeurs (20 %) est équivalent à celui des patients consultant en libéral. Les plus jeunes sont les plus concernés… Parlons-en !
À retenir, les principaux facteurs corrélés à la maladie carieuse dans cette étude, quel que soit l’âge, sont liés au brossage inadapté, à la consommation excessive de boissons sucrées, au déséquilibre alimentaire, à la quantité de plaque dentaire visible et au manque de suivi régulier.
L’investigation des facteurs de risque de l’usure érosive a été réalisée en rapport avec les causes potentielles connues : boissons ou aliments acides en excès, reflux gastro-œsophagien, anorexie, boulimie, perturbateurs salivaires et métiers à risque [6, 7] (encadré 1).
L’analyse statistique des données de l’étude n’a pas permis de montrer de corrélation significative bien que les passages d’acide intrinséques ou extrinséques aient été largement décrits [6].
Les patients consultant en milieu hospitalier ont des caractéristiques différentes de ceux consultant en libéral. Le niveau socio-professionnel est plus faible. L’état de santé dentaire est moins bon et la susceptibilité aux facteurs de risque est plus forte.
Globalement, qu’ils soient liés à des caractéristiques générales ou orales, des facteurs de risque de maladies dentaires sont relevés pour 2/3 de la population étudiée.
L’éducation à la santé orale, les incitations au suivi régulier, le développement des traitements restaurateurs et de réhabilitation, une organisation plus adaptée pour les soins des jeunes adultes pourraient être des axes de prise en charge à privilégier pour les services hospitaliers.
Sarah ABID, Thibault BÉCAVIN, Mathilde, BECQUART, Fanny BERBEL, Marie-France BERTRAND, Cécile BLANC, Lydia BOUYAHMED, Mathilde BOUDEAU, Thibault CANCEILL, Romain CEINOS, Anne Margaux COLLIGNON, Alexandra DAVID, Pierre Hadrien DECAUP, Nicolas DECERLE, Sophie DOMEJEAN, Laura DOUCHY, Thibault DROUHET, Marion FLORIMOND, Kevin John FOUILLEN, Marie Agnès GASQUI, Richard GASTINEAU, Olivia KÉROURÉDAN, Claudine KHOURY, Justine LE CLERC, Etienne LEFRANÇOIS, Charlène LESIEUR, Christina MAILLET, Catherine MESGOUEZ, Matthieu PÉRARD, Nelly PRADELLE, Estelle PRÉAUBERT, Lieven ROBBERECHT, Nawel ZIOUANI-TAÏR.
Tous ont été investigués dans l’étude Resto Data sauf les facteurs notés en italiques.
Facteurs de risque liés aux patients
• Visites de contrôle irrégulières
• Brossage irrégulier
• Métier spécifique (profession de bouche, industrie chimique, sportif)
• Handicap et dépendance
Facteurs de perturbation salivaire et orale
• Usage de drogue
• Médicaments provoquant de l’hyposialie
• Maladie systémique
• Irradiations tête et cou
• Reflux gastro-œsophagien
Facteurs de risque liés aux habitudes alimentaires
• Grignotage (≥ 3 fois par jour)
• Consommation excessive de sodas (≥ 3 fois par jour)
• Déséquilibre alimentaire (anorexie, boulimie)
Facteurs de risque locaux
• Indice de plaque ≥ 2
• Encombrement (DDM, prothèses inadaptées, bagues orthodontiques)
• Exposition radiculaire
Facteurs d’activité de la maladie carieuse
• Carie dentinaire active
• Carie amélaire active
• Restaurations récentes (< 3 ans)
Facteurs d’activité de l’usure par érosion
• Lésions d’usure amélaire ou dentinaire actives
Facteurs protecteurs
• Toutes les sources de fluor
• Qualité de l’élimination du biofilm
• Dépistage régulier