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Justine LE CLERC* Solène LEFÈVRE** Christina MAILLET*** Matthieu PÉRARD**** Brigitte GROSGOGEAT*****
*MCU-PH. Laboratoire
ISCR (Institut des Sciences
Chimiques de Rennes),
UMR CNRS 6226,
UFR Odontologie
Université de Rennes 1,
Pôle Odontologie,
CHU Rennes.
**Interne,
Université de Paris Cité
et AP-HP, Montrouge.
***MCU Associé-PA.
Laboratoire BIOS
(Biomatériaux et
Inflammation en Site
Osseux), EA4691,
UFR Odontologie Reims,
Pôle Médecine bucco-dentaire, CHU Reims.
****MCU-PH. Laboratoire
ISCR (Institut des Sciences
Chimiques de Rennes),
UMR CNRS 6226,
UFR Odontologie
Université de Rennes 1,
Pôle Odontologie,
CHU Rennes.
*****PU-PH, Laboratoire
des Multimatériaux
et des Interfaces,
UMR CNRS 5615,
Faculté d’Odontologie,
Université Lyon 1, Service
d’Odontologie, Hospices
Civils de Lyon. Présidente
de l’association ReCOL.
Peu de données récentes sont disponibles sur l’état de santé bucco-dentaire des adultes français. Alors que l’indice CAOD était jusqu’alors en constante diminution, d’autres pathologies comme les érosions dentaires ou encore les hypominéralisations molaires-incisives ont vu leur prévalence décoller et sont de plus en plus diagnostiquées. Toutes ces pathologies dentaires indiquent souvent la réalisation de restaurations directes ou indirectes, qu’elles soient partielles...
Peu de données récentes sont disponibles sur l’état de santé bucco-dentaire des adultes français. Alors que l’indice CAOD était jusqu’alors en constante diminution, d’autres pathologies comme les érosions dentaires ou encore les hypominéralisations molaires-incisives ont vu leur prévalence décoller et sont de plus en plus diagnostiquées. Toutes ces pathologies dentaires indiquent souvent la réalisation de restaurations directes ou indirectes, qu’elles soient partielles ou totales. Les matériaux employés en dentisterie restauratrice ont une durée de vie limitée, ce qui implique d’assurer une maintenance régulière, d’opter pour une réparation ou pour une réfection complète lorsque ceux-ci ne répondent plus aux critères biologiques, fonctionnels ou esthétiques.
Qu’en est-il, exactement, au début des années 2020, pour les patients consultant dans les services hospitaliers français et existe-t-il des différences selon les lieux de consultation ?
La maladie carieuse reste très prégnante, et ce d’autant plus que la population est jeune. Pour cette population, nombre de lésions observées le sont à un stade amélaire (ICDAS 1, 2, 3), ce qui permettrait l’indication d’un traitement non chirurgical par reminéralisation. La maladie carieuse se retrouve également plus fréquemment chez les patients consultant en milieu hospitalier que chez ceux consultant en cabinet libéral (54 % versus 42 %) [1, 2] (figure 1).
En moyenne, les patients consultant en milieu hospitalier ont plus de lésions carieuses (amélaire et dentinaire) que ceux consultant en cabinet libéral, qu’il s’agisse de la proportion de patients avec au moins une lésion carieuse dentinaire nécessitant une intervention avec restauration, de la fréquence du nombre de caries ou de leur sévérité. Les besoins de traitement interventionnel sont donc toujours nombreux dans les services et concernent presque un patient sur deux. La prévalence de ces caries dentinaires est de 42 % en milieu hospitalier dans cette étude. Ce chiffre est supérieur à la moyenne mondiale qui est de 35 % chez les adultes (chiffre inchangé depuis les trente dernières années…) [3] (tableau 1).
Les lésions d’usure à dominante érosive sont les pathologies dentaires les plus fréquemment rencontrées juste derrière les lésions carieuses. Elles concernent 20 % de la population sans différence notable chez les patients consultant en libéral ou en milieu hospitalier (lésions atteignant l’émail 21 % et 20 % et lésions atteignant la dentine 12 % et 13 % respectivement). La fréquence de ces lésions est globalement plus faible comparée aux données disponibles dans la littérature [4, 5]. Leur nombre augmente avec l’âge des patients (respectivement 3 % chez les 18-29 ans, 13 % chez les 39-59 ans, 22 % chez les 60 ans et plus pour les lésions atteignant la dentine) (figures 2 et 3).
Dans tous les cas, le diagnostic et l’interception de ces lésions érosives ainsi que le contrôle de leurs facteurs de risque font maintenant partie, au même titre que le dépistage des lésions carieuses, de l’activité clinique régulière en odontologie.
Les lésions d’usure à dominante abrasive atteignant la dentine, quant à elles, concernent environ 16 % de la population étudiée. Elles sont plus fréquentes chez les patients consultant en milieu hospitalier (19 % versus 12 %) avec une tendance à l’augmentation du nombre avec l’âge (respectivement 3 % chez les 18-29 ans, 15 % chez les 39-59 ans, 31 % chez les 60 ans et plus) [6].
Il existe très peu de données dans la littérature sur les traumatismes dentaires observés chez les adultes contrairement aux données rapportées chez les enfants et adolescents. Il est donc difficile de positionner les résultats obtenus qui restent, néanmoins, tout à fait en cohérence avec ce qui était attendu. La prévalence de patients présentant une ou plusieurs dents ayant subi un traumatisme était presque 2 fois plus importante parmi les patients consultant en milieu hospitalier (9 % en libéral versus 16 % en milieu hospitalier) [7].
Concernant les patients présentant des dents souffrant d’anomalies de l’émail, peu de données sont disponibles chez les adultes. Il a été relevé ici que 9 % des patients ont au moins une dent souffrant d’anomalies de l’émail avec des valeurs similaires entre les patients consultant en libéral et en milieu hospitalier. Parmi eux, 3 % ont des séquelles encore visibles de lésions d’hypominéralisation molaire-incisive (MIH) avec une fréquence plus importante dans le groupe des 18-29 ans. Le pourcentage de MIH retrouvé semble assez faible comparé aux données de la littérature disponibles dans d’autres régions du monde. En effet, les études sur le sujet montrent une tendance à l’accroissement du nombre de patients atteints de MIH avec une prévalence moyenne aux alentours de 13 % [8] (figure 4).
Parmi les restaurations périphériques analysées, 1 495 restaurations périphériques, 128 couronnes sur implants et 225 intermédiaires de bridges ont été recensés dont respectivement 49 %, 45 % et 43 % chez les patients consultant en milieu hospitalier (tableau 2).
Les restaurations partielles directes prédominent largement et sont essentiellement en résine composite (61 %), même si celles en amalgame sont encore bien présentes (37 %).
Les restaurations partielles indirectes sont, en revanche, très peu nombreuses : elles ne représentent que 3 % des restaurations dentaires chez les patients consultant en milieu hospitalier. Parmi elles, les onlays en composite étaient majoritairement représentés, suivis par les onlays en céramique.
La répartition des restaurations a été également réalisée selon le nombre de faces avec 43 % de restaurations 1 face, 33 % de restaurations 2 faces, 21 % de restaurations 3 faces et plus et 3 % de restaurations cervicales. Globalement, les taux d’échecs les plus fréquemment rencontrés parmi les restaurations partielles concernent les restaurations 3 faces et plus (61 %) avec un nombre plus important parmi les patients consultant en milieu hospitalier (82 %). La réintervention représente donc un des besoins de traitement les plus fréquents dans les services hospitaliers [9].
La maladie carieuse a toujours la plus forte prévalence. Celle-ci est plus marquée dans les services hospitaliers, en particulier chez les jeunes pour lesquels une prise en charge ciblée pourrait être mise en place. Les données présentées ici confirment que les lésions d’usure à dominante érosive constituent une problématique importante aujourd’hui. Les restaurations adhésives en technique directe se taillent toujours une large place parmi les thérapeutiques proposées en milieu hospitalier et en cabinet libéral. En revanche, les restaurations partielles indirectes pourraient être davantage envisagées chez les patients consultant en milieu hospitalier.
Sarah ABID, Thibault BÉCAVIN, Mathilde BECQUART, Fanny BERBEL, Marie-France BERTRAND, Cécile BLANC, Lydia BOUYAHMED, Mathilde BOUDEAU, Thibault CANCEILL, Romain CEINOS, Anne-Margaux COLLIGNON, Alexandra DAVID, Pierre Hadrien DECAUP, Nicolas DECERLE, Franck DECUP, Sophie DOMEJEAN, Laura DOUCHY, Thibault DROUHET, Marion FLORIMOND, Kevin John FOUILLEN, Céline GAUCHER, Marie Agnès GASQUI, Richard GASTINEAU, Olivia KÉROURÉDAN, Claudine KHOURY, Etienne LEFRANÇOIS, Charlène LESIEUR, Catherine MESGOUEZ, Nelly PRADELLE, Estelle PRÉAUBERT, Lieven ROBBERECHT, Karen VALLEYS, Nawel ZIOUANI-TAÏR.